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Mésopotamie > Religion assyro-babylonienne
 
La religion assyro-babylonienne
La mort et l'au-delà en Mésopotamie
« Les Babyloniens, dit Hérodote, embaument leurs morts dans du miel; leurs lamentations funèbres sont à peu près les mêmes que celles des Égyptiens. » Malgré ce que ce témoignage a de vague et d'invraisemblable, c'est à peu près tout ce que nous savons des usages funéraires des Assyriens et des Babyloniens. Les sculpteurs de Ninive et de Babylone ont évité de reproduire des cérémonies funèbres sur les bas-reliefs des palais, de même que jamais, dans leurs batailles, ils n'ont fait figurer un Assyrien tombant sous les coups de l'ennemi; ne dirait-on pas qu'ils aient voulu faire croire aux générations futures que la mort était impuissante à moissonner les rangs des fils d'Assur et que la protection de leurs dieux, les avait, comme Achille, rendus invulnérables. Aussi, tandis que la vallée du Nil est pleine de tombeaux, que nous retrouvons les cadavres embaumés des anciens Égyptiens, leurs hypogées richement décorés de peintures et de bas-reliefs, les ruines de la Mésopotamie  n'offrent-elles rien d'analogue? Il y a bien ici aussi de grandes nécropoles, souvent placées à la périphéries des villes, mais les sépultures n'ont pas le caractère spectaculaire de celles que l'on rencontre en Egypte. Parfois il s'agissait de simples fosses, d'autres fois on a affaire à de vrais tombeaux maçonnés, dotés même à l'occasion de plusieurs chambres funéraires. Le statut social des défunts expliquait ces différences, que l'on note aussi dans le mobilier funéraire qui les accompagnait. Les rois se faisaient inhumer dans leur palais. 

On a la preuve que l'embaumement était pratiqué en Mésopotamie comme en Égypte; le corps était étendu sur une natte, la tête reposant sur un coussin, les membres et le buste enveloppés de bandelettes enduites de bitume. On déposait à côté du défunt les objets qui lui avaient été chers pendant la vie : le cylindre qui lui avait servi de cachet, ses armes si c'était un guerrier; des bijoux, des boîtes à fard et à parfums quand c'étaient des femmes. De grandes jarres d'argile remplies de liqueurs fermentées, des écuelles dans lesquelles on a recueilli des noyaux de dattes, des os de sangliers et de poulet, des arêtes de poisson, étaient l'image symbolique de la nourriture de la substance invisible et surnaturelle qui survivait à la tombe; on déposait enfin, dès l'antiquité la plus reculée, des statuetles funéraires, comme en Égypte, à côté du cadavre : c'était des images d'Allat en terre cuite, généralement de fabrique fort grossière.
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Ur: tombeaux.
Anciennes fouilles de la nécropole d'Ur.

Quant à la forme de la tombe, si elle n'a rien de monumental comme on l'a dit, c'est sans doute que les doctrines sur la mort sont ici très différentes de celles que l'on a en Egypte, et aussi, simplement, parce que la pierre faisait défaut à l'architecte; elle varie entre deux ou trois types qui paraissent correspondre à la fortune plus ou moins grande des familles : tantôt c'est un petit caveau bâti en briques et bien voûté, tantôt ce sont de grandes jarres de terre cuite ou de simples couvercles posés sur les cadavres. Les caveaux ont, en général 2 mètres à 2 mètres 20 de longueur sur 1 mètre 80 de hauteur; une fois murés, ils étaient inaccessibles; on a trouvé parfois jusqu'à une douzaine de cadavres entassés dans un seul de ces étroits réduits. A une époque qui se rapproche de la conquête perse, ainsi que dans la suite, on plaçait généralement les morts dans des cercueils en terre cuite émaillée dont la forme ne peut mieux se comparer qu'à une pantoufle.

Le caveau funéraire était inviolable et sacré; c'était un crime de laisser un cadavre sans sépulture et de profaner un cercueil. La plus grande calamité qui pût accabler un mortel, c'était que son corps demeurât abandonné et exposé à devenir la pâture des chiens et des chacals. Aussi avait-on pris des précautions inouïes pour empêcher qu'une cause, même toute naturelle, vint troubler dans son éternel sommeil la dépouille sans vie déposée dans la tombe : les ingénieux artifices auxquels se livrèrent dans ce but les architectes chaldéens contrastent avec la pauvreté monumentale du tombeau, et méritent, à cause de cela, de fixer un instant notre attention. Le voyageur anglais Taylor a décrit minutieusement la grande nécropole d'Ur, et voici comment Perrot et Chipiez ont résumé les observations de cet auteur :

« Le sommet de ces buttes qui ont servi de cimetière aux plus vieilles cités, est pavé en briques cuites; la masse de la colline artificielle est faite de cercueils empilés, que séparent des cloisons et des lits de cette même matière. Pour assurer la conservation des corps et des objets ensevelis avec eux, il fallait rejeter promptement au dehors tous les liquides qui naîtraient de la corruption des cadavres, et, que verseraient les chutes de pluie; on avait donc ménagé des suites nombreuses de drains disposés dans le sens vertical; c'était une vraie canalisation. De longs conduits de terre cuite partent du dallage supérieur, sur lequel ils s'ouvrent par une étroite embouchure ; ils sont composés d'une série de tubes ou de manchons qui ont chacun environ 0,60 m de haut, et 0,45 m de diamètre; il y en a quelquefois jusqu'à quarante de superposés. Les tubes sont lutés par une mince couche de bitume. Pour les rendre plus résistants, on leur a donné une légère courbure concave et on les a remplis de tessons; cette garniture intérieure n'empêche pas le passage des eaux, mais elle appuie et soutient la paroi. Celle-ci n'est d'ailleurs pas, extérieurement, en contact avec la brique; dans toute sa hauteur, le conduit n'est entouré que de ces mêmes tessons. Ces débris de poterie ont du jeu; ils ne pèsent pas lourd; avec le cylindre qu'ils protègent, ils forment ainsi, de place en place, au milieu de la construction compacte, comme des cages carrées, comme des cheminées, larges d'environ 1,20 m. Toutes les précautions avaient été prises pour capter les eaux que les orages jetteraient sur les terrasses. On ne s'est pas contenté de l'orifice qui s'ouvre, au sommet de chaque colonne de tubes, entre les briques du pavage; tout le chapeau conique dont il fait partie est percé de petits trous qui en font une sorte de passoire. L'humidité qui aurait réussi à filtrer entre les joints des dalles serait ainsi recueillie; s'il était encore quelques gouttes qui ne parvenaient pas à pénétrer dans l'intérieur des drains, elles glisseraient entre tous ces morceaux de vases. Tant par les tubes mêmes que par les interstices de cette enveloppe, tous les liquides qu'il s'agissait d'éliminer arriveraient sans difficulté jusqu'au niveau du sol; là, sans doute, ils devaient être recueillis dans des canaux en pente qui les emportaient au loin, canaux que dissimule aujourd'hui l'amas de décombres où se cache et disparaît le pied de toutes ces buttes. Ce qui prouve que les dispositions avaient été bien calculées, c'est que le résultat voulu s'est trouvé atteint; grâce à ce drainage, ces tertres funéraires, quoique abandonnés à eux-mêmes, sont restés, jusqu'à nos jours, parfaitement secs. Ce ne sont pas seulement les cercueils qui s'y sont conservés intacts, avec les objets de terre cuite ou de métal qu'ils contenaient, ce sont aussi les squelettes. Ceux-ci se réduisent en poussière quand on y touche; mais an moment où l'on ouvrait la caisse de terre cuite qui les renferme, ils semblaient n'avoir pas souffert de l'action du temps ». (P. et Ch, Histoire de l'art, t. II).
Tels étaient les soins qu'on donnait à la sépulture. Les Assyro-Babyloniens croyaient que le monument funéraire était hanté par l'âme immatérielle (ekimu) qui s'était dégagée du corps au moment de la mort. Si la tombe était respectée, l'ekim devenait pour les parents, amis ou voisins du défunt, un démon protecteur qui veillait sur eux et les protégeait, en reconnaissance de leur piété; si la tombe était violée par la faute des parents ou des amis, ceux-ci étaient accablés de maux par l'ekim errant et malheureux. Le plus grand malheur qui pût arriver à l'homme, c'était d'être privé de sépulture; son âme repoussée par les autres âmes, privée de libations et de sacrifices, se trouvait accablée de maux et en proie à l'action pernicieuse des mauvais esprits.

Aussi, quand les monarques assyriens veulent se venger de leurs ennemis, ils vont violer les tombeaux de leurs familles et jeter au vent les cendres de leurs pères. Dans sa campagne contre Suse, Assurbanipal raconte ainsi qu'il saccagea la nécropole royale :

« Les tombeaux de leurs rois anciens et récents, de ces rois qui n'avaient, pas redouté Assur et Ishtar, mes seigneurs, et qui avaient fait la guerre aux rois, mes pères, je les renversai, je les démolis et je les exposai à la lumière du soleil;puis, j'emportai leurs cadavres en Assyrie. Je laissai leurs ombres sans sépulture, je les privai des offrandes de ceux qui leur devaient des libations. »
Ce que nous venons de raconter, d'après les documents originaux, est suffisamment éloquent pour que nous ne puissions tenir aucun compte ni de ce qu'Hérodote rapporte au sujet du tombeau gigantesque que la reine Nitocris se serait fait élever à grands frais à l'une des portes de Babylone, ni de ce que raconte Diodore d'après Ctésias, du tombeau de Ninus, ni enfin des traditions populaires recueillies par Strabon au sujet du monument de Tarse en Cilicie, connu sous la fausse dénomination de « Tombeau de Sardanapale ». Mais nous sommes naturellement conduits à nous demander sous l'empire de quelles idées de piété et de religion les Mésopotamiens honoraient les mânes de leurs ancêtres, quelle était la nature de cet ekim qui se dégage du corps après la mort, quelles étaient, en un mot, la doctrine des Assyro-Babyloniens sur l'autre vie. 

Problème philosophique important qui a une connexion immédiate avec une question passionnément agitée autrefois par divers auteurs : celle de la croyance des Sémites et en particulier des Hébreux à l'immortalité de l'âme. Les inscriptions cunéiformes sont venues  apporter un argument irréfutable en faveur de cette thèse. Le document mythologique qui raconte la descente de la déesse Ishtar aux enfers pour y chercher son amant. Tammuz a été, sous ce point de vue spécial, interprété par J. Halévy, et ce sont les conclusions mêmes de ce auteurs que nous allons analyser ici.

D'après ce fragment de poème épique et quelques passages des textes magiques, on voit que les Mésopotamiens se représentaient les Enfers comme une sorte d'immense forteresse, placée sous l'écorce terrestre et limitée de toutes parts par les eaux fangeuses de l'Océan qui recèlent les fondements de la terre. Ce lieu de retraite des morts porte le nom d'aral (arallu) ou de « pays où l'on ne voit rien » (mat la namari), ce qui coïncide avec le sens du terme grec d'hadès; on l'appelle aussi « le pays sans retour, d'où l'on ne revient jamais, » (mat la tayarti). Le gouvernement de ce monde des ténèbres éternelles est entre les mains d'un couple divin composé de Nergal, le dieu de la force et de la guerre, et son épouse Allat, qui n'est que la manifestation infernale d'Ishtar ou Astarté, mais qui est parfois donnée comme la soeur de cette déesse. Comme l'enfer de Dante, la forteresse est environnée de sept puissantes murailles, sur le modèle des sept sphères planétaires : c'est le résultat de l'influence des doctrines astrologiques sur cet aspect de la religion. Dans chacune de ces murailles est pratiquée une porte unique qu'un portier incorruptible ferme au verrou dès qu'une nouvelle ombre en a franchi le seuil. L'entrée principale de l'aral, celle à laquelle est préposé le dieu Negab, « le grand portier du monde », est située à l'Occident, au pied de la grande montagne qui, de ce côté, fait pendant à la « montagne de l'Orient » où la mythologie babylonienne place le lieu de l'assemblée des dieux, ou l'Olympe
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Shamash luttant contre une divinité des ténèbres.
Le dieu Shamash luttant contre une divinité des ténèbres.
(Cylindre, art sumérien archaïque; Louvre).

Dans un curieux fragment de texte, il est parlé de cette montagne infernale qu'on représente même comme la mère de Mul-ge, le dieu de l'abîme. Sept dieux président aux sept enceintes concentriques de l'enfer et sont appelés « fils du seigneur infernal »; il y a en outre « douze dieux de bronze placés à l'intérieur de la clôture de bronze, » et de chaque côté des portés de ce rempart de métal, le dernier de tous, veillent des taureaux de bronze à face humaine, comme ceux des portes des palais. » Le taureau de droite est invoqué comme il suit : 

« Ô grand taureau, taureau très grand, qui piétines aux portes élevées, qui ouvres l'accès à l'intérieur, qui ouvres largement les canaux, qui sers de base ait dieu Serah, le moissonneur des champs, mes mains élevées ont sacrifié devant toi. » 
Le taureau de gauche de la même porte est invoqué à son tour : 
« Tu es le taureau engendré par le dieu Zî; c'est toi qui portes les zones de la demeure souterraine où résident les morts; pour l'éternité le dieu Nin-izzida t'a placé.

Les grandes portes, les clôtures, les barrières, las portes ... qui établissent les divisions du ciel et de la ferre... qu'il les garde! »

Quand la porte est définitivement franchie, c'est à Mul-ge que s'adresse la prière de celui qui a été forcé de pénétrer dans son empire :

« Pasteur véritable, pasteur sublime! Mul-ge, pasteur véritable, seigneur de la totalité des pays, pasteur véritable, seigneur de l'armée des anges, pasteur véritable! » 
Le malheureux solliciteur adresse tour à tour ses supplications aux grands archanges, les ministres du roi des ombres et aux autres dieux tels que Ea, roi de l'Océan, Silik-mulu-hi, nom sacro-saint de Marduk, Im, l'inondateur, Oud, le vaillant, et cent autres.
Laissons maintenant pénétrer dans ce lieu d'horreur, Ishtar, la fille de Sin, la soeur d'Allat :
Vers la maison qu'habite Irkalla,
[Et] dont le soir n'a point de matin,
[Vers le pays] d'où il n'y a pas de retour,
[Dont les habitants], privés de lumière,
[Ont la poussière] pour nourriture, la boue pour aliment,
Une tunique à ailes [pour vête]ment,
[Ne voient point le jour], sont assis dans les ténèbres. [Dans la maison] où je veux entrer,
[Demeurent] les (anciens) possesseurs de couronnes,
[Les por]teurs de couronnes qui dominaient la terre aux temps antiques.
Dont Anu et Bel ont perpétué les noms et la mémoire.
Là aussi ont été consolidés les fondements da la terre, là confluent les eaux puissantes. Dans la maison de poussière où je veux entrer,
Demeurent le seigneur et le noble,
Demeurent le roi et l'homme puissant;
Demeurent les gardiens de l'abîme des grands dieux;
Demeure Etana, demeure Ner.
...
« Que vers la terre d'où l'on ne revient pas, la terre des ténèbres! Ishtar, fille de Sin, dirige son esprit! »
Et Ishtar, fille de Sin, dirigea son  esprit (selon cette demande du fils), vers la maison de l'obscurité, la demeure du dieu Irkalla, vers la maison où l'on entre, mais dont on ne sort pas; vers la route où l'on s'achemine sans retour,
vers la maison, où, pour celui qui entre, la cécité remplace la lumière.
C'est l'endroit de ceux qui sont affamés de poussière et, qui mangent de la boue; la lumière n'y est pas vue, ou reste dans l'obscurité. Comme des oiseaux, ils sont vêtus d'ailes.
Sur la porte et le verrou, s'étend la poussière. Ishtar en s'approchant du pays sans retour
fit connaître son désir au gardien de la porte :
« Gardien de céans, ouvre ta porte!
ouvre ta porte pour que j'entre.
Si tu n'ouvres pas ta porte et que je n'entre pas, j'enfoncerai la porte, je briserai les verrous
je démolirai le seuil, je franchirai les portes;
je ferai échapper les morts sous forme de loups-garous vivants; et au nombre des vivants s'associeront les morts (aussi ranimés). »
Le gardien ouvrit la bouche et parla
et exposa ceci à Ishtar, la grande déesse :
« Tiens-toi tranquille, déesse, ne te fâche pas.
Je veux t'obéir et t'annoncer à la reine des grands dieu. » 
Et le gardien entra et dit à Allat :
« Maîtresse de céans, ta soeur Ishtar [veut entrer]; elle méprise la grande défense [de l'Enfer]. » Allat, la maîtresse, ouvrit sa bouche :
« Nous sommes comme l'herbe coupée, [eux sont] du bronze
nous sommes comme la plante fanée, [eux sont] comme l'arbre fleurissant. Que m'apporte son courroux? que m'apporte la colère de son foie? (Ishtar) -  «  Maîtresse de céans, je [ne veux pas me quereller] avec toi,
je voudrais me manger moi-même comme du pain, je voudrais boire [mon sang] comme
du vin.
Laisse-moi pleurer sur les époux qui ont quitté leurs épouses;
laisse-moi pleurer sur les épouses que leurs époux ont abandonnées; laisse-moi pleurer sur le petit enfant qui a été moissonné avant le temps. » (Allat) - « Va, gardien, ouvre-lui ta porte,
et mets-la nue, comme le veulent les antiques usages. Le gardien alla, et lui ouvrit la porte
« Entre, Déesse, que ta volonté se fasse,
que le palais de la terre sans retour s'étale devant toi. »
Il la fit entrer dans la première porte, la toucha et lui enleva la grande tiare de sa tête.
« - Pourquoi, gardien, m'enlèves-lu la brande tiare de ma tête?
- Entre, Déesse, car ainsi le veulent les lois de la Souveraine infernale. »
il la fit entrer dans la seconde porte, la toucha et lui enleva ses boucles d'oreilles.
« - Pourquoi, gardien, m'enlèves-tu mes boucles d'oreilles?
- Entre, Déesse, car ainsi le veulent les lois de la Souveraine infernale. »
Il la fit entrer dans la troisième porte, la Loucha, lui enleva les opales de son cou.
« - Pourquoi, gardien, m'enlèves-tu les opales de mon cou?
 - Entre, Déesse, car ainsi le veulent les lois de la Souveraine infernale. »
Il la lit entrer dans la quatrième porte, la toucha, lui enleva les tuniques de son corps. «  - Pourquoi gardien, m'enlèves-tu les tuniques de mon corps?
- Entre, Déesse, car ainsi le veulent les lois de la Souveraine infernale. »
II la fit entrer dans la, cinquième porte, la toucha, lui enleva la ceinture en pierres précieuses de sa taille.
« - Pourquoi, gardien, m'enlèves-tu la ceinture en pierres précieuses de ma taille? - Entre, Déesse, car ainsi le veulent les lois de la Souveraine infernale. »
Il la fit entrer dans la sixième porte, la toucha et lui enleva les anneaux de ses pieds et de
ses mains.
« - Pourquoi, gardien, m'enlèves-tu les anneaux de mes pieds et de mes mains?
 - Entre, Déesse, car ainsi le veulent les lois de la Souveraine infernale. »
Il la fit entrer dans la septième porte, la toucha et lui enleva le voile qui couvrait sa pudeur.
«  - Pourquoi, gardien, m'enlèves-tu le voile qui couvre ma pudeur?
 - Entre, Déesse, car ainsi le veulent les lois de la Souveraine infernale. » Après qu'Ishtar fut descendue dans le pays sans retour,
Allat la regarda et se moqua d'elle à sa face.
lshtar ne se possédant plus se rua sur elle.
Allat ouvrit sa bouche et parla;
Au dieu qui fixe les destinées (Namtar) elle fit connaître ses volontés : « Va, dieu des destinées, (écoute mes ordres).
Emmène-la, de soixante (maladies accable) Ishtar.
La maladie des yeux (sur ses yeux),
La maladie des côtés (sur ses côtés),
La maladie des pieds (sur ses pieds), La maladie du coeur (sur son coeur), La maladie de la tète (sur sa tête),
Et sur tous ses membres (répands la torpeur).
Après qu'Ishtar, la déesse, eut été enfermée dans le sanctuaire éternel,
Le taureau n'allait plus vers la vache, et l'âne ne voulait plus l'ânesse, L'épouse ne voulait plus de l'époux,
Le guerrier résistait aux ordres de son maître, Et l'épouse repoussait les bras de son mari.
Le dieu Papsukal (Nabu), le serviteur des grands dieux, se déchira le visage en présence de
Shamash (le soleil) :
« Redoute, Shamash, l'accomplissement du destin. »
Shamash s'en alla devant Sin (la lune), son père, qui envoya,
Vers le dieu Êa, un messager de malheur :
« Ishtar est descendue sous la terre et n'en est point remontée.
Depuis qu'Ishtar est descendue aux Enfers,
Le taureau ne va plus à la vache, et l'âne ne veut plus de l'ânesse, L'épouse ne veut plus de l'époux, Le guerrier résiste aux ordres de son maître.
Et l'épouse repousse les bras de son mari. »
Le dieu Êa, dans la profondeur de son coeur, fit un projet,
Et créa Uddusnamir (renouvellement de la lumière), le cerbère « Va, Uddusnamir, dirige ton esprit vers la porte de l'Enfer, Et les sept portes de l'Aral s'ouvriront devant toi;
Qu'Allat te voie et qu'elle se montre à ta face,
Après que son coeur se sera calmé et qu'elle aura apaisé son foie, Notifie-lui la volonté des grands dieux,
Élève tes têtes vers l'outre de la résurrection, et lais attention (à lui dire)
Eh! déesse, que l'on me donne l'outre de la résurrection, et que j'y puisse boire! »
Lorsqu'Allat entendit. cela,
Elle se frappa la hanche et se mordit le pouce
« Tu m'as demandé une chose qu'on ne demande pas;
Va, Uddusnamir, je te lierai avec un lieu solide.
Que le ciment des fondations de la ville soit ta nourriture Que la mare des cloaques de la ville soit ta boisson ; Que l'ombre du rempart soit ta couverture, Que les créneaux soient ta demeure : Que le seuil soit ton unique siège! Que la faim, la soif oppressent ta gorge! Allat ouvrit la bouche et parla; A Namtar, son ministre, elle exprima sa volonté :
« Va, Namtar, pénètre dans le palais de l'Éternité (la demeure d'Êa), Ornes-en les colonnes avec des pierres précieuses; Fais sortir le dieu des Anunnaks, et assieds-le sur le trône d'or.
Fais boire à Ishtar les eaux de résurrection et ramène-la en ma présence. » Namtar alla, ouvrit le palais de l'Éternité; il en orna les colonnes avec des pierres précieuses ; il fit sortir le dieu des Anunnaks et le fit asseoir sur un trône d'or. Il fit boire à Ishtar les eaux de résurrection et il l'emmena. Il la fit sortir par la première porte et lui restitua le voile de sa pudeur;
il la fit sortir par la seconde porte et il lui restitua les anneaux de ses mains et de ses pieds;
il la fit sortir par la troisième porte et lui restitua la ceinture en pierres précieuses de sa taille;
il la fit sortir par la quatrième porte et lui restitua les tuniques de son corps, il la fit sortir par la cinquième porte et lui restitua les opales de son cou, il la fit sortir par la sixième porte et lui restitua les boucles de ses oreilles, il la lit sortir par la septième porte et lui restitua la grande tiare de sa tête. Puis Ishtar ne refusa pas sa libération, et retourna sur la terre supérieure ...

Dans la conception de l'enfer assyrien, telle qu'elle ressort de ce morceau poétique, on ne rencontre aucune idée morale de rémunération, aucune distribution de récompenses ni de peines; les tristesses de l'aral paraissent être les mêmes pour tous les humains, quelle qu'ait été leur conduite pendant leur vie. D'autres passages des textes religieux paraissent pourtant nous autoriser à croire que les justes ne menaient pas éternellement cette vie de privations et de souffrances qui caractérise l'aral. On parle de bienheureux qui reposent sur des lits, buvant, un breuvage sacré, probablement ce qu'on appelle, dans d'autres textes et dans les livres des Mendaïtes : « les eaux de la vie ; » ils sont, eux, installés dans « la demeure de la félicité et de la vie. »

Il semble aussi que la vie des bienheureux qui habitent sur la montagne d'argent, opposée à la montagne de l'aral, soit la continuation de celle qu'ils ont menée sur la terre; le guerrier, par exemple, environné des trophées et du butin qu'il a pris au combat, donne de grands festins à ses amis; le sang qu'il a versé sur le champ de bataille équivaut à la vie la plus sainte et rachète toutes les fautes qu'il a pu commettre. Ainsi, il se rafraîchit à la source des eaux de la vie, eaux vivifiantes, si souvent célébrées encore dans les livres sacrés des Mendaïtes; il est l'objet de la sollicitude de tous les siens qui lui prodiguent les marques de tendresse. Dans le poème d'lsdubar, on voit ce héros qui prend, comme Ishtar, la résolution de descendre au pays des ombres pour revoir son ami Eabani, mis à mort par Ishtar; il s'encourage lui-même à faire cette tentative imprudente et cherche à se rendre compte par avance des choses étranges qui vont s'offrir à sa vue.

« Couché sur le lit funèbre
Et buvant l'eau pure,
le guerrier tué dans la bataille, je le verrai.
Son père et sa mère soutenant sa tête,
Et sa femme se penchant au-dessus de lui,
Le guerrier dont le corps repose sur le champ de bataille, je le verrai.
L'homme dont l'âme (ekimmu) n'est pas couchée dans la terre, 
L'homme dont l'âme est privée de demeure, Je le verrai. »
La félicité du juste, réclamée par la conscience humaine, est encore plus nettement exprimée dans ces deux fragments d'un hymne religieux :
Lave tes mains, purifie tes mains ;
Les dieux, tes aînés, se laveront les mains, se purifieront les mains; 
Mange la nourriture pure dans des bassins purs,
Bois l'eau pure dans des vases purs; 
Prépare-toi à jouir de la paix du juste!
...
On a apporté l'eau pure.
Anat, la grande épouse d'Anu, 
Êa t'a tenu dans ses bras sacrés;
Ea t'a transféré dans un lieu de sainteté;
Il t'a transféré de ses mains sacrées;
Il t'a transféré au milieu de miel et de graisse, 
Il a versé dans ta bouche l'eau magique, 
Et la vertu de l'eau t'a ouvert la bouche ...
Il y a, dans tous ces textes, comme une idée vague de Paradis ou de Champs-Élysées opposés au Tartare, car la récompense du juste entraîne logiquement le châtiment du méchant. Il est aussi question de résurrection, et Marduk, avec son épouse Zarpanit, sont souvent appelés « celui » ou  « celle qui fait revivre les morts. » Dans le poème même de la descente d'lshtar aux enfers, bien que l'aral soit le lieu d'où l'on ne revient pas, la mort n'est pas absolument irrévocable, et le mythe admet le cas exceptionnel d'une résurrection. Les grands dieux du ciel peuvent agir directement sur les puissances infernales et les forcer à délivrer une ombre, quand le retour de celle-ci sur la terre est jugé nécessaire. Le monde dépérissait par suite de l'absence d'Ishtar partie pour rejoindre son fils et son amant Tammuz ; les dieux enjoignent à Allat de la délivrer; on l'asperge avec les eaux de la vie, on lui en fait boire et elle renaît. Cette renaissance était-elle admise quand il s'agissait de simples mortels, et en quoi consistait-elle pour ces ombres encore à demi-matérielles, qu'on nous représente voltigeant comme des oiseaux et se nourrissant de poussière? 
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Religion mésopotamienne : la plaque des enfers.
Plaque dite des Enfers. - La scène est divisée en quatre registres : en haut. des emblèmes de divinités; au-dessous, suite de génies à tête de lion, qui s'efforcent de chasser les maladies; au centre, le malade couché sur son lit, entre deux divinités à corps de poisson (figures d'Ea?); à la partie inférieure, un démon agenouillé sur un cheval, lui-même porté sur une barque, s'avance sur le fleuve infernal, figuré par des poissons. (Plaque en bronze d'époque assyrienne).

Une plaque de bronze (image ci-dessus) retrace en un tableau d'ensemble la vie des enfers, et il est nécessaire que nous en donnions ici une description sommaire. L'une des faces est occupée tout entière par un quadrupède à quatre ailes et à griffes d'aigle qui, dressé sur ses pattes de derrière, semble vouloir s'élancer par-dessus la plaque contre laquelle il s'appuie, Sa tête passe par-dessus le bord comme par-dessus la crête d'un mur. La face de ce monstre rugissant et féroce, aux yeux flamboyants, domine la scène suivante qui se déroule en quatre bandes horizontales sur la seconde face. Ces quatre registres superposés ne sont autre chose que les cieux, la terre et les enfers. En haut, on voit les représentations symboliques des astres. Plus bas, une file de sept personnages vêtus de longues robes, et ayant des têtes d'animaux parmi lesquelles on peut distinguer un lion, un dogue, un ours, un bélier, un cheval, un aigle, un serpent : ce sont les génies célestes appelés igighs. Au-dessous, une scène funéraire qui se passe sans doute sur la terre. Deux personnages à tête humaine, coiffés d'une peau de poisson, comme le dieu Anu, sont debout au chevet du lit d'un mort étendu et comme emmailloté dans une gaine à momie. Plus loin, deux génies à tête de lion et de chacal paraissent se menacer de leurs poignards, tandis qu'un homme semble s'éloigner de cette scène d'horreur. Le tableau représenté au quatrième registre, baigne dans les flots de l'Océan qui, d'après la donnée mythologique des Babyloniens, recèle les fondements de la terre. Un monstre hideux, à figure bestiale et humaine à la fois, avec des ailes et des griffes d'aigle, une queue en tête de serpent, est debout sur la rive de l'Océan sur lequel vogue une barque : c'est la barque d'une divinité (elippu), expression souvent employée dans les textes religieux, qui rappelle la barque du nautonier Charon, dans la mythologie grecque. Dans la barque, est un cheval qui porte sur son dos une divinité gigantesque, à tête de lion, rugissante et tenant dans ses mains deux serpents, tandis que des lionceaux bondissent coutre sa poitrine pour sucer le lait de ses mamelles. Enfin, devant cet horrible monstre, sont des débris de toutes sortes, des membres coupés, des vases, et comme les restes d'un festin.

Voilà bien, sur cette petite plaque de bronze, la figure du monde tel que se le représentait l'imagination mésopotamienne : les dieux et les puissances sidérales, les anges et les démons, Ighigs et Annunaks; la terre et les humains avec les êtres surnaturels qui ont une action directe sur eux : les morts, protégés par certains démons, attaqués par d'autres, d'après la conception philosophique du bien et du mal et cet antagonisme des deux principes qui fait le fond de la religion assyro-babylonienne. Anui protège les morts comme l'Osiris égyptien; le fleuve sou terrain, qui fait penser au Styx et à l'Achéron, nous reporte aussi vers le Nil souterrain de l'Ament. (F. Lenormant, E. Babelon).

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Dictionnaire Religions, mythes, symboles
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