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Miracle (terme
de théologie chrétienne). - Suivant Thomas
d'Aquin (1 part., q. cx, art. 4, in corp.), le caractère essentiel
du miracle proprement dit est de surpasser l'ordre
et les forces de toute la nature
créée, tant visible qu'invisible, et de ne pouvoir être
opéré que par Dieu seul :
Ex hoc aliquid
dicitur esse miraculum, quod fit praeter ordinem totius naturae creatae.
Hoc autem non potest facere nisi Deus, quia quidquid facit angelus vel
quaecumque alia creatura, propria virtute, hoc fit secundum ordinem naturae
creatae, et sic non est miraculum. Unde relinquitur quod solus Deus miracula
facere possit.
Néanmoins, ce docteur admet qu'en un
sens moins strict et par rapport aux humains, on peut aussi appeler miracles
les merveilles opérées par les anges,
bons on mauvais, en vertu de leur puissance propre, lorsqu'elles dépassent
les forces de la nature, telles qu'elles sont connues des humains. Quoi
qu'il en soit de la définition que l'on donnera des miracles, ce
terme relève de la théologie et suppose d'une part la croyance
en une puissance surnaturelle et d'autre par à celle de son
intervention dans un contexte particulier. L'usage du mot miracle
que font complaisamment les médias chaque fois que l'on trouve un
survivant lors d'une catastrophe (voyez comment avec quelle désinvolture
dans les termes a été traité le séisme de Haïti
en janvier 2010, par exemple) relève d'un regrettable abus de langage,
si ce n'est d'une imposture intellectuelle.
Les théologiens scolastiques
distinguent, d'après Thomas d'Aquin, trois
sortes de miracles : contra naturam, - supra naturam, - praeter nalurarn.
Le miracle est contre la nature, lorsque l'a nature conserve une disposition
contraire à l'effet que Dieu a momentanément produit dans
ce miracle, comme la mer partagée et suspendue pour laisser passer
les Hébreux, le Soleil arrêté
par le commandement de Josué ou rétrogradant à la
prière d'Esaïe (II, Rois, XX, II). Le miracle est au-dessus
de la nature, lorsque la nature ne peut le produire d'aucune manière
: résurrection d'un mort. Il est outre la nature, lorsque la nature
pourrait produire un effet pareil, mais seulement dans des circonstances
et d'une manière différentes : guérison sans usage
de remèdes et instantanée d'une personne dangereusement malade.
Quoique les lois
ordinaires de la nature résultent de décrets
permanents de Dieu, les dérogations que
les miracles apportent à ces lois n'impliquent aucune contradiction
dans la volonté de Dieu, ni aucune rétractation
de ses desseins; car Dieu, être infiniment libre et puissant, s'est
réservé de suspendre dans certains cas l'effet des lois communes,
pour y substituer l'application de lois exceptionnelles éternellement
prévues pour ces cas :
Opera mutat
consilia non mutat (Saint Augustin, Confessions,
1. I; Thomas d'Aquin, Quaest. disput.,
q. vi, de Mirac., art. 1).
Comme lui seul peut décider et exécuter
cette substitution, il est l'unique auteur de tous les miracles. Les anges
et les saints, soit pendant leur vie, soit après
leur mort, n'y prennent part que par leur intercession. Mais il paraît
résulter de l'histoire officielle des miracles, que plusieurs saints
affectent à certaines spécialités leur office de solliciteurs;
par exemple, saint Hubert à la guérison
de la rage, saint Antoine de Padoue
au recouvrement des objets perdus, sainte Radegonde à la destruction
des rats et des souris, sainte Marguerite aux accouchements, sainte
Barbe à la préservation contre la foudre. Selon les Chrétiens,
des miracles innombrables ont été aussi effectués
médiatement par la vertu des objets inanimés : vêtements
de vivants, reliques, eau bénite, images,
médailles, scapulaires et cordons.
Le canon Seiendum (26, qu. 4),
tiré de saint Augustin, affirme que les
magiciens
et les démons peuvent faire des choses
merveilleuses; mais, comme elles sont dans l'ordre de la nature créée,
quoique extraordinaires et surprenantes pour les humains, ces choses ne
sont jamais de vrais miracles, ceux-ci n'étant opérés
que par une force ou une vertu surnaturelles :
Magi, sive
daemones non faciunt miracula, sed mira, quia non supra naturam; sed secundum
naturam, sunt tamen hominibus insolita.
Lorsque les effets produits par les magiciens
et les démons semblent dépasser le pouvoir des créatures,
ils ne sont que des illusions. De même, les miracles attribués
à des humains qui annoncent une doctrine étrangère
à celle de l'Eglise, car il n'y a pas
de miracle qui puisse nuire à l'Eglise.
La fin première et générale
de tous les miracles est la gloire de Dieu. Les
fins secondaires sont : la vengeance divine qui châtie exemplairement
certains péchés, mais aussi la grâce qui accorde surnaturellement
délivrances, guérisons et bienfaits; la confirmation de la
vérité et la confusion de l'erreur; enfin, l'attestation
de la sainteté. En effet, pour la béatification
comme pour la canonisation, deux conditions sont indispensables : les miracles
et les vertus. Dans le canon Cum dicat, Grégoire
IX déclare que les vertus sans les miracles ne suffisent pas.
On exige deux miracles an moins pour la béatification, et deux de
plus, opérés postérieurement, pour la canonisation.
L'authenticité des miracles attribués à l'intercession
de personnages qui n'ont pas encore été béatifiés
ou canonisés ne peut être déclarée que par la
cour de Rome, investie aujourd'hui de l'unique autorité qui puisse
admettre de nouveaux saints et les proposer à la vénération
des fidèles. Quant aux autres miracles, procédant d'une origine
déjà vénérée, le concile
de Trente (Session XXV, de Invocat. vener. et reliq. sant.
et sacr. imag.) défend d'en admettre aucun nouveau, à
moins qu'il ne soit reconnu et approuvé par l'évêque,
sur l'avis et conseil de quelques théologiens et autres personnes
de vertu.
Ceux qui prêchent de faux miracles
sont punis d'excommunication. Tous ceux qui publient des relations imprimées
de miracles doivent placer au commencement et à la fin de leurs
livres les formules prescrites par Urbain VIII, le 13 mars 1625, contenant
protestation que tous les faits rapportés par eux n'ont qu'une valeur
privée, et qu'ils ne peuvent acquérir une véritable
authenticité qu'après avoir été approuvés
par le jugement du souverain pontife (La
religion populaire au Moyen Âge). (E.-H.
Vollet). |
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