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On connaît
sous le nom de Carmathes, Karmathes, Qarmathiens
(Karamitha, Karmathia, Karamithaou, etc.), des sectaires
musulmans,
eurent pour chef Al-Faradj ou Kersah, surnommé Hamdan Karmath.
Karmath, né dans les environs de
Koufa
au IXe siècle de notre ère.
Il était primitivement un disciple d'Abdallah Ibn Maïmoun.
Celui-ci, établi d'abord à Ascar Mokran (Irak), puis à
Bassorah, enfin à Salamia (Syrie) avait fondé vers 865 une
vaste société secrète qui avait pour but religieux
de détruire l'islam officiel, et pour but
politique de renverser la dynastie des Abbassides. Karmath représente
surtout la partie religieuse et sociale de la secte; lorsque les visées
ambitieuses des successeurs d'Abdallah lui apparurent, il se sépara
d'eux vers 900.
Les auteurs
musulmans, assez suspects de partialité contre ces hérétiques,
ont prêté à Karmath les doctrines du communisme le
plus audacieux. Ils nous le montrent exigeant de ses fidèles, d'abord
de légères aumônes, puis le cinquième de leurs
revenus et enfin leurs fortunes entières pour les réunir
en commun. Ainsi maître d'eux, il établit la communauté
des femmes et leur permet toute licence, érige en principe le meurtre,
le pillage, etc.
Ce ne sont probablement que des légendes
calomnieuses. Toutefois, il semble bien qu'il y avait là une espèce
de socialisme mystique; le fond de ces doctrines, qui ont une grande analogie
avec celle des Druzes, semble se résumer
dans la croyance en des émanations ou incarnations successives de
la divinité et en la venue d'un Imam suprême, ou Mahdi, qui
doit apporter sur la terre le bonheur universel.
Dans la pratique, peu ou pas de rites;
quelques croyances astrologiques seulement et un dévouement mystique
et aveugle aux ordres des chefs. Les disciples de Karmath se rendirent
redoutables sous son commandement en Irak. Aidé de son beau-frère
Abdân et de son dâi ou missionnaire Zikrawi, il fomenta
diverses insurrections, qui furent d'ailleurs énergiquement réprimées
par le calife Motadhed. Mais leur action fut
surtout efficace en Arabie, à Bahreïn, Oman et au Yémen.
Avec Abou-Saïd et Abou-Tahir, ils furent la terreur des califes dont
ils battirent les généraux en bataille rangée (900
et 928). Ils allèrent jusqu'à prendre et piller la Mecque,
profaner le temple sacré et enlever la fameuse pierre noire (930).
Longtemps ils furent la terreur des musulmans qui n'osaient plus faire
le pèlerinage de La Mecque.
Il est établi aujourd'hui qu'ils
restèrent en relations secrètes avec les Fatimides
du Maghreb qu'ils reconnaissaient comme leurs chefs supérieurs,
leurs imams, et auxquels ils payaient un impôt. Ces Fatimides qui
se prétendaient issus de Fatima, fille du prophète, descendaient
en réalité d'Abdallah Ibn Maïmoun, et ils avaient réalisé
en partie ses visées politiques, grâce à l'appui des
Karmathes. Plus tard, cependant, quand ils se furent emparés de
l'Egypte et de la Syrie, quand Mo'izz se fut fait proclamer calife à
Médine et à La Mecque (969) l'entente entre les deux partis
cessa; et ce fut un chef karmathe, Hasan, qui leur enleva la Syrie
(970).
Il semblait donc que les Karmathes fussent
appelés à jouer un grand rôle dans l'histoire politique
de l'Orient. Mais l'assassinat était une pratique régulière
chez ces fanatiques; il ne tarda pas à s'ensuivre des haines mortelles
et des dissensions désorganisatrices. Le meurtre d'un de leurs chefs
principaux, Sabour (980), fut une cause décisive de leur dissolution.
Ils disparurent dès lors insensiblement, du moins comme parti politique,
en Arabie. En Perse et en Syrie, ils se fondirent dans la secte des Assassins
qui, elle aussi, dérivait de la société secrète
fondée par Abdallah Ibn Maïmoun.
Avec la destruction des Assassins
au XIIIe siècle, les doctrines des
Karmathes ont à peu près disparu. Il en reste cependant quelques
vestiges en Perse, en Inde, à Zanzibar et peut-être chez les
Wahabbites d'Arabie. (Casanova). |
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