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Saint Jean-Baptiste
est un personnage juif qui joue un rôle
considérable aux débuts du christianisme,
mais dont la personne et l'action restent entourées d'une grande
obscurité. Du témoignage réuni de l'historien Josèphe
et des Evangiles,
il résulte que, au temps d'Hérode
Antipas, un ascète de ce nom s'était établi dans
la région du bas Jourdain aux environs de Jéricho; ce Jean,
couvert d'un vêtement étrange qui rappelait celui des anciens
prophètes, affectant de se nourrir des produits spontanés
du sol, annonçait la venue du Dieu tout-puissant
et faisait retentir de terribles imprécations à l'adresse
des riches, des puissants, des gens en place. A ceux qui écoutaient
ses instructions, il administrait le baptême, - d'où son surnom,
- c. -à-d. qu'il les plongeait dans les eaux du Jourdain après
qu'ils eussent fait pleine et entière confession de leurs péchés.
Cette immersion signifiait que le pénitent se débarrassait
des souillures du passé et inaugurait une vie de vertu et de piété
qui lui vaudrait l'indulgence et le pardon du juge suprême. Josèphe
déclare que, cette prédication semblant de nature à
ébranler le prestige des autorités constituées, Hérode
Antipas fit enfermer Jean-Baptiste dans la forteresse de Machérus
et, bientôt après, lui ôta la vie. La mort du baptiseur
pourrait tomber aux environs de l'an 30 de l'ère chrétienne.
Les Evangiles
prétendent que Jean s'attira le ressentiment d'Antipas par les observations
qu'il ne craignit pas de lui adresser sur sa vie privée, mais que
ce prince ne se décida à le sacrifier entièrement
que sur les sollicitations de sa femme Hérodiade
et d'une fille que celle-ci avait de son précédent mariage.
Jean-Baptiste nous apparaît donc comme un de ces agitateurs au rôle
à la fois religieux et politique, dont les circonstances troublées
que traversait le judaïsme expliquent
le succès. Son action fut, en effet, assez profonde pour survivre
à sa personne, et un groupe de disciples entretint pendant quelques
générations le souvenir de ses menaces et de sa rude prédication.
Ce groupe était destiné à se fondre dans les rangs
de l'Eglise chrétienne. En suite de cette
fusion, les Evangiles nous présentent le rôle de Jean-Baptiste
sous un jour qui n'est certainement pas celui de la réalité.
Au lieu de constater que le christianisme
a accaparé à son profit le mouvement considérable
provoqué par le Baptiste, ils prétendent que Jean s'est donné
dès le premier jour comme le précurseur et le héraut
de Jésus de Nazareth, d'abord qu'il a annoncé
sa venue, puis qu'il lui a administré le baptême, ce qui a
été l'occasion d'une manifestation céleste proclamant
la dignité messianique de Jésus; ils ne vont pourtant pas
jusqu'à prétendre que Jean ait volontairement disparu de
la scène après avoir désigné Jésus comme
le Messie attendu.
On peut, en revanche, se demander si Jésus
n'a pas commencé par être un disciple de Jean, dont il se
serait séparé par la suite; la pauvreté des documents
ne nous permet pas de trancher la question et nous hésiterions à
nous engager dans cette voie. Nous penserions plutôt que les mouvements
provoqués successivement par Jean et par Jésus ont été
entièrement indépendants l'un de l'autre et que l'absorption
du premier par le second n'a été que le produit des circonstances.
La théologie chrétiennene pouvait
se résoudre à expliquer cette fusion par des raisons tirées
de la nature des choses. Aussi les Evangiles
nous mettent-ils en présence d'un système, soigneusement
élaboré : d'un côté, Jean annonce la venue imminente
du Messie et déclare le reconnaître dans Jésus; de
l'autre, Jésus, appliquant au Baptiste plusieurs textes de la Bible,
le désigne comme étant le prophète Elie,
dont l'apparition devait précéder immédiatement la
venue du Messie. Des critiques même qui s'efforcent de sauvegarder
l'historicité de l'histoire évangélique, sont contraints
toutefois par l'évidence à aboutir à des conclusions
singulièrement voisines des nôtres. Ainsi A.
Sabatier s'exprime ainsi :
«
On est habitué à faire aboutir toute l'oeuvre de Jean-Baptiste
à celle de Jésus comme à son but et à son terme
et à l'y absorber entièrement. L'histoire nous présente
autrement les choses. Elle nous a montré Jean-Baptiste gardant son
indépendance et poursuivant sa mission parallèlement à
celle de Jésus. Elle nous montre ses disciples
gardant la même attitude vis-à-vis des disciples du Christ,
assez longtemps encore après sa mort. Le livre des Actes
mentionne un groupe de douze disciples de Jean à Ephèse,
qui ne savaient pas encore qu'il y eût un baptême d'esprit,
et que Paul fait entrer définitivement dans l'Eglise.
Le quatrième évangile, sans pouvoir être expliqué
tout entier par une intention polémique contre les disciples de
Jean, vise pourtant bien dans plusieurs passages, des groupes où
l'on était tenté de voir dans Jean le Messie lui-même.
Epiphane mentionne parmi les sept hérésies juives et après
celle des pharisiens, celle des héméro-baptistes qui parait
s'être rattachée à Jean. »
En gros, les Evangiles
accaparent Jean-Baptiste, mais en le maintenant volontairement à
un rang inférieur; il représente l'eau par opposition à
l'esprit, le règne de la loi en contraste avec l'Evangile.
Le troisième Evangile (celui
de Luc) rapporte avec quel accompagnement de circonstances
merveilleuses se serait produite la naissance de Jean; c'est un pastiche
agréable de plusieurs passages de l'Ancien Testament,
en aucune façon l'écho de souvenirs authentiques. (M.
Vernes). |
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