| Les maisons anciennes étaient désignées par des enseignes sur lesquelles retrouvaient des images de saints ou des indications empruntées à la topographie de la ville et à la profession des habitants. Le plus souvent, ces enseignes étaient supportées par des potences en fer forgé, dont quelques-unes, décorées d'enroulements et d'ornements en tôle repoussée, ont mérité d'être conservées dans les musées publics et dans les collections particulières. Les dessinateurs Bérain, Hastié, Fordrin et d'autres serruriers du XVIIe siècle ont publié des modèles de potences qui sont d'une très gracieuse invention. Il existait aussi des enseignes de maisons sculptées dans la pierre, qui ont été recueillies par suite de l'intérêt qu'elles offraient pour l'étude des moeurs et des costumes du Moyen âge et de la Renaissance. Ce sont, en réalité, des enseignes parlantes, sur lesquelles sont représentés des intérieurs de boutiques, des scènes historiques, des ouvriers à leur travail et des animaux fantastiques. Plusieurs peintres ont parfois employé leurs pinceaux à tracer des enseignes. Avant Chardin et Géricault, on peut citer Antoine Watteau, dont le tableau qu'il avait exécuté pour la boutique de son ami, Gersaint, marchand de tableaux au pont Notre-Dame, est aujourd'hui conservé à Berlin. Histoire militaire. Au XVIe siècle, on désignait sous ce terme le drapeau de l'infanterie et les étendards de la gendarmerie, l'officier qui le portait, l'unité militaire qui se groupait autour de ce drapeau. « L'enseigne, dit le général Susane, était l'officier chargé de porter le drapeau de la compagnie dans les actions de guerre. Dons tout autre moment, il remplissait les fonctions de deuxième lieutenant, et le drapeau était porté par un sergent. Le sous-lieutenant, quand il y en avait qu'un, ne marchait qu'après l'enseigne. » Dans une masse profonde d'infanterie rangée en ordre de bataille, c.-à-d. en carré plein, les rangs dn centre étaient dits rangs des enseignes, car c'était là que se plaçaient les officiers porte-drapeaux, tenant leurs enseignes. Les enseignes, en tant que drapeaux, étaient faites de soie ou de taffetas, carrées, très grandes, ayant deux fois la dimension des drapeaux actuels. Montées sur des piques, elles étaient munies d'écharpes ou de cravates, mais n'étaient point frangées comme les étendards de la cavalerie. Leurs couleurs étaient très diverses suivant les corps : ainsi les grandes bandes de Picardie portaient l'enseigne rouge à croix blanche, etc. On entendait par enseigne-colonelle une enseigne toute blanche, qui apparaît sous François Ier et qui était l'en seigne du colonel général des gens de pied. Lors des essais d'organisation régimentaire, l'usage s'établit de donner à un régiment une enseigne blanche dans une compagnie désignée sous le nom d'enseigne-colonelle. Parfois cependant il y en eut deux ; ainsi sous le colonel général de Tays; mais l'une était en France avec ce qui restait du régiment, l'autre étant en Piémont avec la seconde partie des effectifs. Coligny, durant l'exercice de sa charge, permit au capitaine Valleront, quand il partit pour Sienne avec douze enseignes des vieilles bandes, d'arborer l'enseigne blanche, mais seulement quand il sortit de France (Brantôme, Couronnels, Coligny, VI, pp. 24 et 1615). En 1563, le colonel général d'Andelot, abusant des difficultés du moment, obtint d'avoir autant d'enseignes-colonelles qu'il y avait de régiments en pied dans l'étendue de son commandement, ce qui lui donnait, dans chaque régiment, une compagnie dévouée à ses intérêts. De là est venu l'usage de donner le drapeau blanc à tout régiment d'infanterie qui, de bande provisoire, devenait permanent. Pendant les guerres de religion, la confusion des enseignes devint excessive; tout homme qui en eut les moyens fit des levées et se déclara capitaine, mestre de camp, voire colonel, et arbora une enseigne, très souvent blanche, même dans le parti catholique. Ce droit que s'arrogeaient certains d'arborer l'enseigne blanche donna lieu parmi les catholiques aux glus graves conflits, et beaucoup de chefs, qui se joignaient aux armées royales, préférèrent remmener leurs hommes plutôt que de renoncer à ces enseignes blanches qu'on leur défendait de faire flotter. Quant aux huguenots, ils avaient arboré les enseignes blanches dès les premiers troubles, comme ils portaient casaques blanches et écharpes blanches. Mais ces enseignes différaient des enseignes-colonelles en ce qu'elles étaient pleines, c.-à-d. unies, tandis que celles du roi étaient chargées d'une croix également blanche. Mais bien des chefs avaient fait broder des devises et des emblèmes sur ces enseignes blanches : ainsi le prince de Condé, Crussol-d'Acier, Montbrun, d'autres encore. Les enseignes-colonelles étaient très grandes, grandes comme quatre de nos drapeaux actuels; la croix blanche y était dessinée par un liséré également blanc. Au reste, la croix blanche se trouvait sur tontes les enseignes de l'armée du roi, comme sur la plupart des écharpes et des casaques. En 1610, l'enseigne blanche du colonel général de l'infanterie était représentée dans douze régiments sur treize, et en 1635 dans dix-neuf régiments sur quatre-vingt-dix; en 1636 dans vingt-deux sur trente-sept; en 1643, les cent trente-trois régiments composant l'infanterie française avaient chacun une compagnie colonelle. Cette mesure ne s'était pas appliquée sans quelque résistance, car sous Louis XIII le colonel général ne voulait avoir de compagnie colonelle que dans les régiments anciens. « De cette manière, la possession d'un drapeau blanc devint le privilège et la marque des corps permanents, mais on laissait entrevoir aux formations temporaires la possibilité d'obtenir ce drapeau blanc, si elles s'en montraient dignes. C'est ainsi que le mot drapeau blanc est devenu et est resté, pendant quelque temps, le synonyme de régiment entretenu et payé par l'ordinaire des guerres. » (Général Susane). Les enseignes des autres compagnies étaient aux couleurs de leurs propriétaires, à celles des vieilles bandes, à celles même des princes étrangers. Quand ces chefs mouraient, parfois on mettait des cravates de deuil aux enseignes; notamment quand les Guises furent mis à mort par Henri lll, les ligueurs mirent des cravates noires à leurs enseignes; certaines même furent entièrement noires avec la croix de Lorraine jaune on blanche. Auparavant elles étaient vertes, à la couleur de la maison de Lorraine; et cette couleur se retrouve dans les cravates vertes des enseignes des ligueurs dont certaines étaient noires avec un crucifix au centre et la devise Auspice Christo. Enseignes de la gendarmerie. Les étendards des compagnies de gendarmerie ne portaient guère le nom de guidons, encore moins celui de cornettes; on les nommait plutôt enseignes, et l'unité se groupant autour se nommait rarement enseigne, mais plutôt compagnie. L'enseigne était montée sur un fût de lance assez long et se portait attachée avec une chaîne de fer en bandoulière, devant l'estomac de l'officier qui se nommait aussi enseigne. Une confusion continuelle est faite, dans la gendarmerie, entre les mots enseigne et guidon, dans les auteurs contemporains. L'enseigne des gens d'armes écossais était, en 1445, blanche avec lévrier courant, brodé en or, et la devise : In omni modo fidelis. Celle des gens d'armes de La Trémoille (1534), jaune avec une roue et bordure noire à deux lisérés blancs, devise : Sans sortir de l'ornière, etc. La grande enseigne blanche, dite aussi cornette de France, était celle du connétable. Enseignes de la garde du roi. C'est le nom originaire des gardes françaises qui ne reçurent ce dernier nom que sous Henri III. En août 1563, Catherine de Médicis choisit une garde pour le roi Charles IX dans les compagnies des régiments de Charry et Richelieu. Cette garde composa un corps de dix enseignes sous le commandement du mestre de camp Charry qui refusa au colonel général, Andelot, le droit d'y créer une compagnie colonelle. Après la mort de Charry, Strozzi lui succéda dans la charge. En 1566, Charles IX, après l'assemblée des notables de Melun, cassa sa garde pour faire droit aux réclamations sans nombre qu'avait soulevées cette formation, et en envoya les compagnies en diverses garnisons de Picardie. Ces enseignes de la garde du roi furent remplacées par les Suisses de Pfyffer qui portèrent l'étendard bleu de France. Mais, avant son licenciement, la garde de Charles IX avait obtenu une compagnie colonelle dont elle garda l'écharpe blanche; une autre compagnie garda l'étendard royal bleu d'azur, semé de fleurs de lis d'or, traversé d'une croix blanche divisant le tableau en quatre cantons, avec une couronne d'or à l'extrémité de chaque branche. Cet étendard devint dans la suite le drapeau des gardes françaises. Les enseignes aux couleurs particulières de Charles IX étaient rouges, blanches et bleues; ces couleurs demeurèrent par la suite celles du roi, et toujours on les retrouva dans les livrées et harnais de sa maison. (Maurice Maindron). Marine. On donne aussi le nom d'enseigne au grand pavillon que les bâtiments de guerre arborent à l'arrière les jours de fête et pendant le combat. Il ne diffère du reste des pavillons ordinaires que par ses dimensions. | |