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Enki (sumérien)
/ Êa (nom employé par les akkadophones) est le dieu
mésopotamien de l’eau, il règne sur l’Océan primordial.
Inventeur et défenseur des humains, maître de toutes les opérations
d’exorcisme, père de Marduk, et qui résidait
au temple de l’Apsû, dans la ville d’Eridu. Il est aussi le dieu
de la sagesse, l’inventeur de l’écriture, de l’artisanat et des
sciences.
Dans les textes religieux, Êa joue
le rôle de créateur, de démiurge et de gouverneur de
l'humanité. Êa est l'Oannès
des fragments de Bérose, l'Euahanès
d'Hyginus, et l'Oes d'Helladius;
on a vu en lui le pendant du dieu Thot de l'Égypte,
et du Taout de la Phénicie,
et, comme eux, auteur de toute science et de toute civilisation. Il reçoit,
dans les inscriptions, les qualifications d' « antique », de
« père des dieux » ; de « seigneur du monde inférieur,
seigneur des ténèbres, maître des trésors cachés,
celui qui fait parcourir au soleil les quatre régions du ciel ».
Il est le révélateur de l'astronomie,
l'inventeur de l'écriture et de tous les arts; c'est lui qui apprit
aux humains comment le monde avait été formé; il est
l'auteur de la genèse mésopotamienne. La forme grécisée
de son nom Oannês, est une légère déformation
du nom assyrien Êa-nunu « Ea poisson », de même
que la forme transcrite par Hyginus, Euahanès, en a conservé
la dénomination suméro-akkadienne Êa-Han, qui signifie
aussi « Êa-poisson ». Celle étymologie est en
harmonie parfaite avec la description que Bérose nous a transmise
de cette divinité :
«
Ce monstre, dit-il, avait tout le corps d'un poisson, mais au-dessous de
sa tête de poisson, une seconde tête qui était celle
d'un homme, des pieds d'homme sortant de sa queue, et une parole humaine;
son image se conserve jusqu'à ce jour. »
Nous la trouvons, en effet, conforme au dire
de l'historien de la Chaldée, dans les sculptures des palais assyriens,
sur les cylindres en pierre dure et dans certaines figurines de terre cuite
qui proviennent de la Babylonie. Il a la
figure étrange d'un être muni d'une queue d'aigle et couvert
d'une énorme peau de poisson dont, la gueule béante se dresse
au-dessus de sa tête et dont le corps sur ses épaules. D'autres
fois, sous la forme d'un buste humain coiffé de la tiare et terminé
en queue de poisson, ce dieu ichthyomorphe est figuré nageant à
la tête de la flotte des Assyriens. Sous cet aspect, il se confond
avec une de ses émanations secondaires, le dieu Bel-Dagan (Dagon).
Êa est la lumière divine, l'intelligence qui dirige l'univers,
et, envisagé à ce point de vue, ses qualifications les plus
hautes sont :
«
le guide intelligent, le dieu de la vie pure, le seigneur du monde visible,
le seigneur des connaissances, de la gloire, de la vie, de l'espèce
humaine. »
C'est lui qui est devenu le Iaô des
sectes gnostiques, et c'est son nom qu'on
retrouve dans le nom du dieu des Juifs, Yahveh;
il est représenté comme « ayant formé de ses
mains la race des hommes ».
Bérose ajoute à la description
que nous venons de rapporter, que le monstre Oannès s'élança
tout à coup de la mer Erythrée (le golfe Persique) sur la
plage de la Mésopotamie, afin de venir civiliser les humains qui
vivaient-à la manière des brutes, sans moeurs et sans lois.
«
Il passait le jour au milieu des hommes, sans jamais prendre de nourriture,
enseignant aux humains, les lettres, les sciences et tous les arts utiles,
la manière de bâtir des villes, d'élever des temples,
les lois, la géométrie, le secret de semer et de récolter,
enfin tout ce qui constitue la civilisation, à tel point que depuis
lors on n'a rien inventé de plus. Au coucher du soleil, cet Oannès
rentrait dans la mer et y passait la nuit, car il était amphibie.
Oannès écrivit un livre sur la genèse du monde et
sur les règles de la civilisation, qu'il laissa aux hommes. »
Il n'est peut-être pas téméraire
de rapprocher de la représentation de ce dieu, moitié homme
moitié poisson, qui flotte à la surface des eaux du chaos,
le texte de
Sanchoniaton où il est rapporté,
d'après les traditions phéniciennes, que le « Souffle
du vent ténébreux » régnait sur le chaos à
l'origine des choses, de même que le verset de la Genèse
hébraïque qui raconte qu'avant la création « le
Souffle de Dieu nageait sur les eaux. »
Le dieu-poisson a donné son nom
à Ninus, le héros éponyme de la légende de
Sémiranis, et à la ville de Ninive
elle-même, en assyrien Ninua; aussi, le nom de Ninive est-il exprimé
idéographiquement, dans l'écriture cunéiforme, par
le signe du poisson renfermé dans un étang sacré.
On s'explique par là le jeu de mots consigné dans un passage
de Nahum, quand le prophète juif dit de Ninive qu'elle est un étang
rempli d'eau. On a aussi voulu rapprocher le nom Êa de celui de Nouah
(Noé) le patriarche biblique : assimilation
corroborée par un hymne magique en l'honneur du vaisseau mystique
de Êa que garnissent « sept fois sept lions du désert
», et où naviguent, « Êa qui fixe les destinées,
Damkina dont la parole vivifie, Silik-mulu-hi, qui prophétise le
renom favorable, Mun-abge (bienfaisant sur les vagues), qui conduit le
seigneur de la terre, et Nin-Gar (maître du gouvernail?) le grand
pilote du ciel. »
Cet hymne énumère toutes
les parties du vaisseau, en indique la signification conjuratoire et se
termine par ce voeu :
«
Que le vaisseau devant toi vogue sur les canaux! Que le vaisseau derrière
toi navigue sur la surface des eaux! En toi que la joie du coeur se développe
dans sa plénitude! »
Le vaisseau de Êa navigue sur le grand
océan (zu-ale) qui environne la terre, comme le vaisseau construit
par Noé est jeté pendant quarante jours sur l'Océan
sans limites. (F. Lenormant). |
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