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L'Église méthodiste

En 1729, deux jeunes théologiens protestants d'Oxford, deux frères, John et Charles Wesley, fondèrent, avec une trentaine d'étudiants, une société dont le but était d'appliquer à la vie quotidienne les préceptes de l'Évangile. Leurs moeurs ascétiques et la régularité qu'ils apportaient à l'accomplissement de nombreux exercices de piété valurent à ces nouveaux réformateurs l'appellation dédaigneuse de méthodistes. Cette société fut le point de départ du réveil de la conscience religieuse en Angleterre au XVIIIe siècle. Elle recruta bientôt de fervents adhérents, parmi lesquels George Whitefield (1732) se signala par son zèle et un grand talent d'orateur. Avec John Wesley, le véritable organisateur de l'oeuvre, il entreprit de faire pénétrer la lumière de l'Evangile dans toutes les classes de la société, même les plus déshéritées. La parole ardente de ces deux apôtres trouva un écho dans toute l'Angleterre et au delà des mers, dans les colonies de l'Amérique. En 1735, Wesley partit pour la Géorgie et Whitefield l'y rejoignit bientôt. Après quelques années, ils quittent cette colonie, en y laissant les promesses d'une abondante récolte spirituelle, et reviennent en Europe, Wesley en 1738 et Whitefield en 1739. 

Ce voyage fut pour le développement de Wesley d'une importance capitale. Membre de l'Eglise anglicane, il en avait jusque-là accepté sans discussion les dogmes et la discipline. Mais les expériences de l'apostolat, et sans doute aussi l'influence qu'eut sur lui la notion mystique de la foi de quelques émigrants moraves dont il fit la rencontre dans ses voyages, l'amenèrent à attacher toujours plus de valeur à l'idée de la régénération intérieure, à la conscience de Dieu dans le coeur de l'homme. Dès son retour, il se mit en rapport avec Bühler, le pasteur de la communauté morave de Londres. Celui-ci le confirma dans sa nouvelle manière de voir. Les circonstances semblaient d'ailleurs favoriser un rapprochement entre les méthodistes et les moraves. Au début de leur oeuvre, Wesley et Whitefield avaient, il est vrai, trouvé dans les membres du clergé anglican des auxiliaires pleins de bonne volonté. Mais, devant les succès toujours croissants de leur prédication, ces sentiments s'étaient peu à peu transformés en une hostilité plus ou moins déguisée. Les ministres refusaient quelquefois de leur prêter leurs églises. De là, la nécessité pour Wesley et pour Whitefield de se contenter d'abord des salles de réunion des moraves et bientôt après (1739) d'inaugurer à Kingsvvood, près de Bristol, et à Moorfield, près de Londres, des prédications on plein air devant des foules comprenant, d'après des témoins dignes de foi, jusqu'à trente mille personnes. Malgré l'opposition de plus en plus ouverte de l'Eglise anglicane, Wesley ne rompit point avec elle. L'alliance qu'il avait contractée avanies Frères moraves n'eut, au contraire, qu'une durée éphémère. Il se sépara d'eux au bout d'une année. Homme d'action avant tout, le quiétisme mystique des disciples de Zinzendorff pouvait former un élément de sa foi, mais ne pouvait être toute sa foi. La doctrine exagérée du repos en Dieu fut son principal grief contre les frères moraves, auxquels il reprochait aussi leur antinomisme. C'est à ce moment critique (1739) que Wesley entreprit de donner une organisation indépendante aux sociétés locales d'où sortirent plus tard les églises méthodistes. Mais à peine son plan recevait-il un commencement d'exécution que l'union spirituelle qui avait jusque-là existé entre lui et Whitefield cessait subitement. En 1741, la question du péché et de la grâce divisa les méthodistes en deux camps. Wesley adopta la solution large d'Arminius, condamnée par le synode de Dordrecht en 1618; Whitefield se fit le défenseur des doctrines calvinistes. Ce schisme fit de Wesley le chef incontesté des méthodistes. Mais ce titre, il le mérite surtout par le travail d'organisation dont nous venons de parler. 

Ce fut en 1743 que parurent, au nom des deux frères John et Charles Wesley, les règles des sociétés unies. Les fidèles sont considérés à la fois collectivement et individuellement. Leur ensemble forme la société. Celle-ci est elle-même composée de classes comprenant des subdivisions désignées sous le nom de circuits. A la tête des classes sont des présidents laïcs, leaders ou assistants, qui entretiennent le zèle des fidèles et dirigent le culte, sauf l'administration des sacrements, la communion notamment. Ces présidents ont des subordonnés ou helpers. Dans ce cadre, on trouve encore des bands où entrent les hommes et les femmes, séparés en mariés et célibataires. Les membres de ces diverses catégories sont individuellement l'objet de visites à domicile et, quand les circonstances l'exigent, de secours matériels. Chaque société a un conseil de discipline formé par l'assemblée des leaders. En même temps, Wesley institue un ordre de prédicateurs chargés de visiter les sociétés et d'en fonder de nouvelles, sans qu'ils aient le droit de rester plus de trois ans dans le même poste. Ces prédicateurs remplissent les fonctions pastorales, à l'exclusion de l'administration des sacrements que les frères Wesley se réservèrent dès le début dans toutes les sociétés. Les fidèles pouvaient toutefois prendre la communion des mains des pasteurs anglicans quand, pour des raisons de distance on toute autre cause, les frères Wesley n'avaient pu se rendre à leur réunion. Mais, devant le refus assez fréquent de l'autorité ecclésiastique d'admettre les méthodistes à la table sainte de l'Eglise paroissiale, Wesley se vit forcé d'investir ses pasteurs de tous les pouvoirs sacerdotaux. A partir de ce moment, on peut parler d'Eglises méthodistes, puisque les réunions primitives ont rompu les derniers liens qui les rattachaient à l'Eglise anglicane. Enfin, l'organisation du méthodisme se complète par l'institution de conférences annuelles (1744). Ces conférences sont composées de cent prédicateurs nommés directement par Wesley (the legal hundred) pour discuter les questions d'intérêt général. Tant que vécut Wesley, les décisions de l'assemblée furent subordonnées à son approbation personnelle. Mais à sa mort (1791), la conférence, qui nomme elle-même ses membres quand des vides se produisent dans son sein, se trouva investie de l'autorité suprême sur toutes les sociétés. Elle délègue, dans certains cas, ses pouvoirs à des comités locaux.

L'Amérique était trop loin pour que l'action spirituelle et sacerdotale de Wesley s'y exerçât directement. Les fidèles des colonies étaient par conséquent souvent exposés à ne pouvoir prendre la communion, d'autant plus que l'Eglise anglicane, en ces années où on luttait pour conquérir l'indépendance politique, n'avait pas leurs sympathies. Wesley, dans ces circonstances, ordonna un évêque, le docteur Coke, auquel il confia l'autorité spirituelle sur les sociétés wesléyennes du nouveau monde. C'est ce Coke, assisté d'Asbury, qui fonda l'Eglise méthodiste épiscopale d'Amérique (1784). Elle est devenue très florissante. Les détails de l'organisation intérieure de cette Eglise sont conformes à ceux que nous avons donnés plus haut. C'est en Amérique que les Réveils religieux (Revivals), chers au méthodisme, ont pris tout leur développement. La célébration des Love Feasts ou agapes fraternelles, renouvelée des pratiques de l'Eglise primitive, aboutit à l'institution des camp-meetings. Les fidèles, campés en grandes masses dans un endroit retiré, forêt ou lande déserte, poursuivent quelquefois pendant plusieurs jours leurs exercices religieux, sans aucune interruption. Le chant des cantiques et les prières succèdent aux exhortations et aux appels à la repentance. La confession publique des péchés, au milieu des larmes des assistants, et les cris enthousiastes quand le pécheur rentre en grâce sont des phénomènes fréquents dans ces immenses assemblées. Quoique les méthodistes en Amérique soient restés, pour la plupart, fidèles aux institutions épiscopales, on rencontre dans ce pays des méthodistes congrégationalistes repoussant la centralisation ecclésiastique.

En Ecosse, l'Eglise méthodiste fut organisée, en 1785, par Wesley. Pour les mêmes raisons que nous avons exposées plus haut en parlant de l'Amérique, il fut obligé de confier à ses prédicateurs l'administration des sacrements. La même nécessité d'étendre les pouvoirs des prédicateurs s'imposa ailleurs encore. Peu à peu, ce qui était l'exception, du moins en Angleterre, est devenue la règle partout. Les prédicateurs sont aujourd'hui de véritables ministres remplissant toutes les fonctions sacerdotales. 

Au point de vue doctrinal, il convient d'ajouter que la théologie wesléyenne est essentiellement évangélique. Si elle insiste sur le péché originel, elle repousse les doctrines extrêmes de Calvin sur la prédestination et la grâce. La justification par la foi, la rédemption générale par l'expiation de Jésus-Christ, mort pour tous les humains, le témoignage du Saint-Esprit dans la conscience, constituent le fond de l'enseignement de Wesley. Il aimait à le résumer en cette formule : A present, free and full salvation (un salut immédiat, libre et complet). (G. de La Quesnerie).

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Dictionnaire Religions, mythes, symboles
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