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L'Eglise Gallicane, c.-à-d. l'Eglise des Gaules et de France, tout en étant attachée à la foi catholique et au Saint-Siège, a revendiqué au cours de l'histoire certaines franchises, connues sous le nom de libertés gallicanes, qu'elle fait remonter aux premiers temps : elle insiste particulièrement sur la distinction des 2 puissances, spirituelle et temporelle, ainsi que sur leur indépendance; elle met l'infaillibilité, non dans le pape seul, mais dans le corps épiscopal tout entier uni à son chef; elle proclame l'autorité suprême des conciles généraux et celle des saints canons dans le gouvernement de l'Église. Ces doctrines ont été longtemps enseignées dans les écoles théologiques et en particulier à la Sorbonne; elles ont été résumées dans la déclaration du clergé de France en 1682, rédigée par Bossuet. Cette déclaration porte en substance : "Que l'Église doit être régie par les canons, que saint Pierre et ses successeurs n'ont reçu de puissance que sur les choses spirituelles; que les règles et les constitutions admises dans le royaume doivent être maintenues, et les bornes posées par nos pères demeurer inébranlables; que les décrets et jugements du pape ne surit irréformables qu'autant que le consentement de l'Église est intervenu, etc. "Les libertés gallicanes ont eu pour principaux défenseurs Hincmar, Gerson, Bossuet, l'abbé Fleury, le cardinal de La Luzerne, Bausset, Frayssinous, Guillon, Boyer, Affre, etc. Le gallicanismeAu mot Eglise catholique romaine, nous avons exposé la longue série des entreprises, au moyen desquelles les papes convertirent, en Occident, la primauté du siège de Rome en la plénitude de puissance, assujettissant les conciles, abolissant les coutumes anciennes des Eglises, amoindrissant l'autorité et la juridiction des métropolitains, puis des évêques, et se proclamant eux-mêmes évêques universels de la chrétienté. Après s'être emparés de tout le spirituel de l'Eglise, ils s'efforcèrent de s'approprier le temporel des Eglises, levèrent des taxes sur elles et s'arrogèrent la faculté de disposer de tous les bénéfices qet de tous les domaines ecclésiastiques.Ces entreprises avaient suscité successivement en Afrique, en Irlande, dans la Grande-Bretagne, en Lombardie et en Allemagne, une opposition qui fut plus ou moins facilement abattue. Ce fut en France qu'elles rencontrèrent la plus longue résistance; et ce fut à l'époque où il semblait que les papes n'avaient plus d'adversaires sérieux à redouter que cette résistance prit une forme précise et commença à émettre les maximes dont le développement et la systématisation produisirent la doctrine ecclésiastique qui a reçu le nom de gallicanisme. Le texte et la date de la pragmatique sanction, attribuée à saint Louis (mars 1268, c.-à-d. 1269), peuvent être contestés, mais il est incontestable que les dispositions contenues dans ce document sont conformes aux protestations que ce roi adressa formellement au pape et aux mesures qu'il sut prendre lui-même, toutes les fois que l'occasion s'en présenta. Au mot Bonuface VIII, nous avons relaté, avec les développements nécessaires, les principaux incidents de la lutte engagée entre ce pape et Philippe le Bel. Boniface s'était proposé de couronner l'oeuvre de Grégoire VII et d'Innocent III, en soumettant tous les princes chrétiens à la juridiction absolue de la papauté, dans l'ordre temporel comme dans l'ordre spirituel. Sa défaite précipita la papauté dans une décadence dont elle ne s'est jamais complètement relevée; nous en avons indiqué les conséquences prochaines au mot Eglise. On y trouvera aussi l'analyse des décrets rendus par le concile de Constance en ses IVe et sessions, consacrant la supériorité des conciles généraux sur les papes; décrets que la célèbre déclaration du clergé de France (1682) affirme avoir été religieusement observés, dans tous les temps, par l'Eglise gallicane, et être demeurés dans toute leur force et vertu. Dans le même article, nous avons résumé les canons du concile de Bâle qui furent reproduits avec quelques modifications par la pragmatique de Bourges (1438-1439). Continuant l'oeuvre commencée par le concile de Constance, ces décisions renversaient l'édifice élevé par la papauté avec tant de hardiesse, d'habileté et de persévérance; elles ruinaient tout son système gouvernemental et financier, et ne lui laissaient guère qu'une primauté subordonnée et une juridiction lointaine et gratuite. Lorsque Louis XI voulut (1461) abolir la pragmatique et certaines ordonnances par lui faites en conséquence de cette constitution ecclésiastique, le parlement lui adressa d'énergiques remontrances, et lui rappela qu'en 1406, 1407 et 1418, les rois de France avaient défendu contre les entreprises des papes les libertés anciennes et les franchises de l'Eglise de France, qu'ils appelaient aussi libertés canoniques, droit commun, lois imprescriptibles. Le concordat de 1516 abolit les élections, le roi et le pape s'étant entendus pour partager entre eux les bénéfices de cette abolition; mais sur la plupart des autres points, le roi, l'Eglise de France, les parlements et les universités continuèrent à résister aux prétentions de Rome. La tradition pontificale, les dispositions du Décret et surtout des Décrétales, les exactions de la Chambre apostolique, les Règles de Chancellerie, la doctrine des théologiens et des canonistes ultramontains constituaient des causes permanentes de contentions. Le conflit fut entretenu et surexcité par les jésuites, qui se firent les champions de l'omnipotence du Saint-Siège, et par la forme outrecuidante qu'ils donnaient à leurs thèses; il le fut aussi par l'intervention des papes dans les affaires du royaume, à l'époque des Guerres de religion. Le 2 décembre 1561, un arrêt du Parlement condamna à la rétractation un bachelier qui avait soutenu que « l'Eglise, dont le pape, vicaire de Jésus-Christ, est le monarque, possédant la puissance spirituelle et séculière, peut priver de leur règne et de leurs dignités les princes rebelles à ses préceptes ». La Sorbonne fut solennellement réprimandée pour avoir toléré cette disputation. Un monitoire donné, le 28 septembre 1563, en la Congrégation de l'office de l'Inquisition et affiché à Rome, avait cité la reine de Navarre à comparaître, dans le délai de six mois, pour cause d'hérésie notoire, et en cas de défaut, la déclarait privée de son royaume, biens, meubles et immeubles quelconques, qui se trouveraient ainsi abandonnés au premier occupant et à ceux à qui il les voudrait donner. Charles IX, à raison de sa parenté avec cette reine et de sa triple qualité de voisine, d'alliée et de vassale pour la plupart de ses biens, terres et seigneuries, requit du pape, en termes sévères, la révocation de ce monitoire et de tous autres semblables, exigeant que cette révocation fût faite de manière si notoire, que chacun en eût connaissance; annonçant, en outre, qu'il punirait ceux qui avaient provoqué ce monitoire, et qu'il emploierait toutes les force et puissance que Dieu lui avait données, pour réprimer toute entreprise contre les droits de son royaume. Le mémoire qui accompagnait cette requête rappelait que « les roys de France, pour eux et leur Eglise, ont toujours retenu et conservé, par-dessus tous autres monarques, la franchise et liberté ancienne, telle qu'elle est portée par la loy de Dieu et les conciles généraux et universels de l'Eglise; et si aucuns papes de Rome les ont voulu plus avant asservir, ils y ont réclamé et résisté ». Le principal considérant de cette décision invoquait « l'authorité de l'Escriture Saincte, des saincts décrets, conciles généraux, constitutions canoniques, exemples des saincts Pères, dont l'antiquité est pleine, droicts et libertez de l'Eglise gallicane, desquelles les évesques se sont toujours prévalus et défendus contre de pareilles entreprises ». Un an environ après la conversion de Henri IV, Pierre Pithou, avocat au parlement de Paris, lui offrit un petit traité, qui devait prendre une très grande place dans l'histoire de l'Eglise et du royaume de France : « Voyant, écrivait-il au roi, qu'entre les désordres et confusions survenues en ce royaume, aucuns par malice et ambition, autres par ignorance ou lâcheté, méprisent indiscrètement ces beaux droicts et ce précieux palladium, que nos plus sages et plus dévotieux ancestres nous ont, avec tant de soin et de vertu, religieusement conservés jusques à présent, sous le titre de Libertez de l'Eglise gallicane, j'ai pensé estre de mon devoir, pour en refreschir aucunement la mémoire à notre âge, et en tout événement, la transmettre à la postérité, de comprendre en bref, et le plus nuement et simplement que le sujet peut-porter, ce qu'à l'instante prière de plusieurs gens de bien et d'honneur de tous estats j'en avais rassemblé et recueilli. »Le 3 septembre 1594, le parlement, à la requête et sur les conclusions du procureur général, en permit l'impression; elle fut faite par l'imprimeur du roi. Cet ouvrage n'a jamais reçu formellement de sanction législative, mais en réalité il a fait loi pendant longtemps : « Quoique ces maximes, disait Daguesseau, ne soient que l'ouvrage d'un simple particulier, cet ouvrage est si estimé, et en effet si estimable, qu'on l'a regardé comme le palladium de la France, et qu'il, y a obtenu une sorte d'autorité plus flatteuse pour son auteur que celle des lois mêmes, puisqu'elle n'est fondée que sur les mérites et la perfection de. son ouvrage. » (Oeuvres, t. 1, p. 427).Nous croyons devoir en présenter les dispositions principales, en conservant autant que possible la forme originale. « Ce que nos pères ont appelé Libertez de l'Eglise gallicane, et dont ils ont été si fort jaloux, ne sont point passe droits ou privilèges exorbitants, mais plustost franchises naturelles et ingénuités ou droits communs [...] esquels nos ancestres se sont très constamment maintenus et desquels partant n'est besoin de montrer autre titre, que la retenue, et jouissance naturelle. Les particularitez de ces libertez pourront sembler infinies, et néantmoins estons bien considérées se trouveront dépendre de deux maximes fort connexes, que la France a toujours tenues pour certaines. La première est que les papes ne peuvent rien commander ny ordonner, soit on général ou en particulier, de ce qui concerne les choses temporelles, ès pays et terres du roy très chrestien : et s'ils y commandent ou statuent quelque chose. les sujets du roy, encore qu'ils fussent clercs, ne sont tenus leur obéir pour ce regard. La seconde, qu'encores que le pape soit recogneu pour souverain ès choses spirituelles, toutefois en France la puissance absolue et infinie n'a point de lieu, mais est retenue et bornée par les canons et règles des anciens conciles de l'Eglise receus en ce royaume. De ces deux maximes dépendent, ou conjointement on séparément, plusieurs autres particulières qui ont été plustost pratiquées et exécutées, qu'escrites par nos ancestres, selon les occurrences et sujets qui se sont présentez. »
Voici les applications les plus intéressantes de la première maxime : 10, Les rois très chrestiens ont de tout temps, selon les occurrences et nécessités de leur païs, assemblé ou fait assembler synodes ou conciles provinciaux et nationaux, esquels se sont traitez les affaires concernans l'ordre et discipline ecclésiastiques, dont ils ont fait reigles, chapitres, loix, ordonnances et pragmatiques sanctions, sous leur nom et authorité. 11, Le pape n 'envoyé point en France légats a latere, sinon à la postulation du roy ou de son consentement. Le légat n'use de ses facultez, qu'après avoir baillé par escrit la promesse et juré de n'user des dites facultez, sinon tant et si longuement qu'il plaira au roy, [...] sans entreprendre ny faire chose préjudiciable aux saincts décrets, conciles généraux, franchises, libertez et privilèges de l'Eglise gallicane et des universités et estudes publiques du royaume. Les facultez de tels légats sont présentées à la cour de parlement, où elles sont examinées et registrées, sous telles modifications que la cour voit estre à faire pour le bien du royaume. 12, [Disposition analogue pour le légat d'Avignon]. 13; Les prélats de l'Eglise gallicane, encores qu'ils soient mandez par le pape, pour quelque cause que ce soit, ne peuvent sortir hors le royaume, sans commandement ou licence et congé du roy. 14, Le pape ne peut lever aucune chose sur le revenu du temporel des bénéfices [...] sans l'authorité du roy et consentement du clergé; mesmes ne peut, par des bulles de pardons et indulgences, charger les subjets du roi de donner deniers ou autres aumosnes pour iceux gagner. 15, Le pape ne peut exposer en proye ou donner le royaume de France et ce qui en dépend, ni en priver le roy ou en disposer en quelque façon que ce soit. Et quelques monitions, excommunications ou interdictions qu'il puisse faire, les subjets ne doivent laisser de rendre au roy l'obéissance deue pour le temporel, et n'en peuvent être dispensez ny absous par le pape. 16, Ne peut aussi excommunier les officiers du roy, pour ce qui concerne l'exercice de leurs charges et offices; et s'il le faict, celui qui l'a poursuivy est contrainct par peines et amendes, et par saisie de son temporel, ores qu'il fust ecclésiastique, de faire révoquer telles censures. Aussi ne sont les dits officiers censez comprins ès termes des monitions générales pour ce qui concerne leurs dites charges. 17, Les clauses insérées dans la bulle De caena Domini et notamment celles du temps du pape Jules II, n'ont lieu en France, pour ce qui concerne les libertez et privilèges de l'Eglise gallicane, et droicts du 18, Ne peut le pape juger ny déléguer pour cognoistre de ce qui concerne les droicts et privilèges de la couronne de France et ses appartenances : ne plaide jamais le roy de France de ses droicts et prétentions qu'en sa cour propre. 37, Un inquisiteur de la fey n'a capture ou arrest en ce royaume, sinon par l'ayde et auctorité du bras séculier. 38; Le roy petit justicier ses officiers clercs, pour quelque faute que ce soit, commise en l'exercice de leurs charges, nonobstant le privilège de clérieature. 39, Nul, de quelque qualité qu'il soit, ne peut tenir aucun bénéfice, soit en tiltre ou à ferme, en ce royaume, s'il n'est natif, on s'il n'a lettres de naturalité ou dispense expresse du roy à cette fin, et que ces lettres ayent été vérifiées où il appartient. [Pour bien déterminer la seconde maxime, l'article 40 constate], d'une part; que l'Église gallicane a toujours tenu que les conciles généraux ne se doivent assembler ni tenir sans le pape, recogneu pour chef et premier de toute l'Église militante, et père commun de tous chrestiens, et qu'il ne s'y doit rien conclure ny arrester, sans luy et sans son auctorité; d'autre part, que le pape n'est point estimé estre pardessus le concile universel, mais tenu aux décrets et arrests d'iceluy, comme aux commandements de l'Eglise, épouse de notre Seigneur Jésus-Christ, laquelle est principalement représentée par telle assemblée. 41, Aussi l'Église gallicane n'a point receu indifféremment tous canons et epistres décrétales, se tenant principalement à ce qui est contenu en l'ancienne collection appellée Corpus canonum. 42, Le pape ne peut dispenser, pour quelque cause que ce soit, de ce qui est de droict divin et naturel, ny de ce dont les sainte conciles ne lui permettent de faire grace. 43, Les reigles de Chancellerie apostolique, durant mesmes le pontificat du pape qui les a faictes ou auctorisées, ne lient I'Eglise gallicane, sinon en tant que volontairement elle en reçoit la pratique. 44. Bulles on lettres apostoliques de citation exécutoriales, fulminatoires ou autres, ne s'exécutent en France sans pareatis du roy ou de ses officiers [...] 47, Quand un François demande au pape un bénéfice assis en France, vacant par quelque cause de vacation que ce soit, le pape est tenu de lui en faire expédier la signature, du jour que la réquisition et supplication luy en est faite, sauf à disputer par après de la valadité ou invalidité par devant les juges du roy, ausquels la cognoissance en appartient : et en cas de refus fait en cour de Rome, peut celuy qui y prend intérest pré senter sa requests à la cour, laquelle ordonne que l'évesque diocésain ou autre en donnera sa provision, pour estre de mesme effet qu'eust été la date prise en cour de Rome, si elle n'eust été lors refusée. 48, Le pape ne peut augmenter les taxes de provisions qui se font en cour de Rome des bénéfices de France, sans le consentement du roy et de l'Église gallicane. [...] 54, Mandats de providendo, graces expectatives, générales ou spéciales, reservations, regrez, translations, mesme de prélatures, dignitez, et autres bénéfices estans à la nomination du roy, ou présentation des patrons laïcs, et telles autres usances de la cour de Rome déclarées abusives par les édicte du roy et arrests de son parlement, ne sont roceus et n'ont lieu en France. 55, Et quant à là prévention, le pape n'en use que par souffrance, au moyen du Concordat publié de très exprès commandement du roy, contre plusieurs remonstrances de sa cour de parlement, oppositions formées et appellations interjetées. 58, Le légat a latere ne peut députer vicaires ou subdéléguer pour l'exercice de sa légation, sans le consentement exprès du roy; mais il est tenu exercer luy-mesme son pouvoir, tant qu'il dure. [...] 71, Nul monastère, église, collège, ou autre corps ecclésiastique ne peut être exempté de son ordinaire, ourse dire dépendre immédiatement du Saint-Siège, sans licence et permission du roy. [...] Les articles 75-82 indiquent « plusieurs et divers moyens sagement pratiquez par nos ancestres, pour la conservation de ces libertez et privilèges, que nos Rois très chres tiens, qui portent la couronne de franchise sur tous autres, jurent solennellement à leur sacre et couronnement de garder et faire garder inviolables". Ces moyens sont : 1° des conférences amiables avec le Saint-Père, on en personne ou par ambassadeurs;
« Au surplus, tous ceux qui jugent droictemont des choses peuvent recognoistre de quelle importance a esté, et est encores autant et plus que jamais, la bonne et entière intelligence d'entre nostre saint père le pape, et le Roy de France, lequel pour très justes causes et très grands mérites, a emporté sur tous autres le titre de très Chrestien, et premier fils et protecteur de l'Eglise. Et pour ce, doivent-ils en général et en particulier estre d'autant plus soigneux d'entretenir les liens de ceste concorde, et par les mesmes moyens qui l'ont faicte durer jusqu'à-cy, supportans plutôt les imperfections qui y pourrotent estre, que s'efforçant de roidir outre mesure les cordes d'un noeud si franc et volontaire; de peur que par trop serrer et estreindre, elles ne se relaschent, ou (qui pis serait, ce que Dieu ne veuille permettre) rompent tout à fait, au danger et dommage certain de toute la chrestienté, et particulièrement du Sainct-Siège, duquel un de ses plus sages prélats a prudemment recogneu et tesmoigné par escrit, que la conservation des droicts et prérogatives de la couronne de France était l'affermissement. »Les articles de Pithou omettent plusieurs maximes considérées comme essentielles dans l'Eglise gallicane : 1° Les évêques ont reçu leur autorité directement de Jésus-Christ, nullement de saint Pierre et des papes;Peu de temps après la publication du traité de P. Pithou, Florentin Jacob, religieux de l'ordre de Saint-Augustin; bachelier en théologie, avait dressé, pour être soutenues, le 10 mai 1595, en la dispute du grand ordinaire de la Sorbonne, sous Thomas Blanzy, principal du collège de Calvy, diverses thèses, dont la cinquième contenait que le pape; omnium pontificum maximus et supremus, tenant la place de bien sur la terre (cum in terris vices Dei gerat), on ne saurait contester que toutes choses, spirituelles et temporelles, dépendent de lui; car il a sur tous puissance et spirituelle et temporelle. Les cardinaux, les évêques et les hommes de tout genre doivent lui obéir et lui rester attachés comme les membres à la tête. La neuvième portait que la maison de l'Eglise, possédant la puissance des deux glaives, concède aux rois et aux magistrats l'usage du glaive temporel; pour la protection des bons et l'extermination des méchants. Jacob et Blanzy furent emprisonnés à la conciergerie du palais, Un arrêt du parlement (19 juillet 1595) déclara ces thèses fausses, schismatiques, contraires à la parole de Dieu, saints décrets, constitutions canoniques et lois du royaume, tendantes à rébellion et perturbation du repos publie; il condamna Jacob à être conduit des prisons de la conciergerie en la grand-salle de la Sorbonne, en laquelle les doyen, syndic, docteurs, licenciés et bacheliers seraient assemblés au son de la cloche : là, tête nue et à genoux, Jacob, assisté de Blanzy, tête nue et debout, déclarerait se repentir d'avoir composé et publié lesdites positions, et en demanderait pardon à Dieu, au roi et à justice. Cet arrêt, qui devait être transcrit sur les registres de la faculté et lu chaque année à la première assemblée de la Sorbonne, faisait défense à tous bacheliers de composer et présenter des thèses semblables ou autres contre la puissance du roi et obéissance à lui due par tous ses sujets, établissement de l'état royal et droits de l'Eglise gallicane; et aux doyen, syndicat docteurs, de les recevoir et permettre qu'elles fussent imprimées et disputées, sous peine d'être déclarés criminels de lèse-majesté et indignes de jouir des privilèges octroyés à la faculté de théologie. Tout ce qui se trouve chez Pithou avait été dit avant lui et en même temps que lui, avec beaucoup de force et d'ampleur. Ce qui lui a valu son succès, c'est d'avoir rassemblé les faits, et de les avoir présentés brièvement dans une sorte de codification claire et méthodique. En son épître au roi, il avait annoncé qu'il exposerait les preuves dans « un autre plus ample ouvrage ». Il mourut deux ou trois ans après, vraisemblablement sans avoir accompli l'ouvrage promis; car on le chercha vainement pendant longtemps. Pierre Dupuy reprit le projet, et publia en 1639 (Paris) un recueil des Preuves des libertés de l'Eglise gallicane. Cette première édition fut supprimée par le roi, sur les plaintes de quelques prélats, qui se trouvaient alors à Paris. Elle fut en outre attaquée dans un livre intitulé Gallus optatus, que P. de Marca réfuta vigoureusement en son traité De Concordia sacerdotii et imperii (Paris, 1641, in-4). Dans la suite, le roi, le clergé même, mieux instruits de la valeur des documents contenus dans la collection de Dupuy, en approuvèrent la publication. Augmentée considérablement, elle fut réimprimée en 1651 (Paris, in-fol.) décorée d'un privilège singulièrement élogieux, dans lequel le roi déclara qu'il veut favoriser un ouvrage d'une si grande importance pour les droits de sa couronne, servant à l'éclaircissement de ces droits et à la preuve entière des libertés de l'Eglise gallicane. (E. H. Vollet). |
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