| L'Église éthiopienne ou Église d'Abyssinie dépend entièrement de l'Eglise copte. Son chef, l'abouna ( = notre père), qui réside à Gondar, est non seulement nommé et investi par le patriarche d'Alexandrie, mais depuis le XIVe siècle aucun Abyssin n'a revêtu cette dignité; on ne la confère qu'à un Copte. Les pouvoirs de l'abouna sont très étendus : seul il ordonne les prêtres et les diacres; seul aussi il peut sacrer le roi; parfois l'insuccès de ce dernier a pour cause le mauvais vouloir du chef de l'Eglise éthiopienne. Pour être ordonné diacre, il suffit de savoir lire le gheez, l'ancien éthiopien, qui est resté la langue liturgique. Le prêtre doit en outre savoir réciter la confession de foi du concile de Nicée et connaître les rites; il paye pour son ordination deux morceaux de sel, ancienne monnaie courante du pays. Les diacres, s'ils ne sont déjà mariés, se marient généralement avant de demander la prêtrise; ordonnés prêtres, ils ne peuvent ni se marier, ni se remarier, le cas échéant. Jusque vers le XVe siècle, il y avait eu des évêques; il n'y en a plus aujourd'hui. Les gômôs sont des sortes d'archiprêtres, chefs du clergé paroissial. L'alaka, attaché d'office à presque toutes les églises abyssiniennes, est un laïque incarnant en quelque sorte le conseil de fabrique. Les debtera sont des scribes. Le clergé régulier, fort nombreux, est gouverné par l'etch'égê qui doit obéissance à l'abouna, mais dont l'autorité est considérable. Il est d'office prieur du couvent de Debra-Libanos, dans le Choa, fondé par Tekla-Haïmânot au XIIIe siècle. Les couvents les plus importants sont, outre ce dernier, ceux de Debra-Dammo, où plus de trois cents moines vivent en cénobites dans des cases séparées, puis ceux d'Axoum, d'Abba-Garima, de Waddoubba et de Saint-Etienne. Les moines et les nonnes s'occupent quelquefois de l'instruction de la jeunesse. Les églises extrêmement nombreuses et généralement situées sur une hauteur et ombragées d'arbres, sont le plus souvent de forme circulaire, couvertes d'un toit de chaume conique et construites sans aucun art. Elles ont des portes sur les quatre points cardinaux. Elles sont entourées d'un parvis, où se tiennent les laïques. L'intérieur, décoré de vives images sans goût, représentant la Vierge, les saints et parfois le diable, est divisé en deux parties : le saint et le très saint où même les diacres ne pénètrent pas c'est là que se trouve une sorte d'arche (tabot). Le culte consiste en lectures, liturgiques et en litanies psalmodiées; le tout en gheez, que le peuple ne comprend pas, que la plupart des prêtres lisent seulement sans l'entendre. La circoncision, pratiquée le huitième jour, précède le baptême, qui est administré aux garçons le quarantième jour, aux filles le quatre-vingtième; en souvenir du baptême, tout Abyssin chrétien est supposé porter autour du cou un cordon de soie bleue (mateb) qui le distingue des non-chrétiens. L'onction du saint chrême et la communion sous les deux espèces suit immédiatement le baptême; le prêtre célèbre la communion tous les jours; les fidèles l'obtiennent sur leur demande; le pain est ordinairement levé sauf durant la semaine sainte. La transsubstantiation n'est pas formulée. La bénédiction nuptiale n'est pas indispensable pour que le mariage soit légalement contracté. Le baptême et la communion sont donc apparemment les deux seuls sacrements de l'Eglise éthiopienne, bien que le mot mistêr par lequel on les désigne, signifie aussi les dogmes fondamentaux, surtout la doctrine monophysite sur la personne du Christ. Le clergé et les scribes, dépourvus de toute culture scientifique ou théologique, discutent passionnément sur la double ou triple naissance de Jésus-Christ. Les partisans de la double naissance se contentent d'affirmer la génération éternelle du Fils et l'incarnation; c'est la doctrine officielle, strictement monophysite. Les adversaires y ajoutent ce qu'ils nomment une troisième naissance, la communication du Saint-Esprit au Christ lors du baptême. Ces disputes ont été très vives sous le règne de Théodoros et furent un élément des guerres du négus Jean contre le Choa. Une autre controverse sur le titre de «mère de Dieu » accordé à la Vierge a été la conséquence de la précédente. Le canon des saintes Ecritures s'appelle semanya ahâdon,- c.-à-d. quatre-vingt-un; il se compose, en effet, de quatre-vingt-un livres comprenant ceux de l'Ancien Testament, ceux du Nouveau ainsi que les Apocryphes, sauf les Macchabées. On accorde presque la même autorité à la didaskalia, un recueil de constitutions apostoliques et au haïmânota-abou (foi des pères), autre recueil formé d'extraits des canons antichalcédoniens et des pères grecs, ainsi qu'au fetha-nagoust ou code des rois. Outre le dimanche, on célèbre le sabbat et environ cent quatre-vingts jours de fête, dont plusieurs sont des jours de jeûne. Comme dans l'Eglise copte, le jeûne est, d'ailleurs, le grand moyen pour s'assurer la rémission des péchés; on y doit joindre souvent les aumônes et parfois les retraites spirituelles. Les prêtres se chargent contre remboursement d'accomplir ces expiations. L'introduction du christianisme en Abyssinie remonte au commencement du IVe siècle. Les traditions qui font remonter plus haut le christianisme éthiopien ou qui font régner le judaïsme en Abyssinie avant l'adoption du christianisme, sont légendaires. Frumence et Edesius, deux chrétiens de la côte phénicienne, firent naufrage sur la côte africaine de la mer Rouge, furent conduits à la cour d'Axoum, vers 330, et devinrent les instruments de la conversion du roi et d'une partie du peuple. Frumence se fit ensuite ordonner prêtre et sacrer évêque par Athanase, patriarche d'Alexandrie, d'où provient la dépendance de l'Eglise éthiopienne à l'égard de l'Eglise copte. Avec cette dernière, les Abyssins embrassèrent le monophysisme qui paraît avoir été propagé dans les montagnes de l'Ethiopie surtout par neuf moines vénérés depuis comme des saints. Ce sont Aragawi, Pantaléon, Garima, Alef, Çahma, Aftsê, mata, Lykanos et Goubha, qui tiennent une grande place dans les légendes abyssiniennes. Le premier est considéré comme celui qui introduisit le monachisme en Ethiopie. Un de ses successeurs qui fut en même temps abouna, c.-à-d. métropolitain de l'Eglise éthiopienne, et qui joue un rôle considérable dans l'histoire politique de l'Abyssinie, devint au XIVe siècle le réformateur des couvents abyssiniens; c'est Tekla Haïmânot. Il y avait encore de son temps des districts païens qu'il convertit au christianisme. Il n'avait d'ailleurs qu'une faible confiance dans le clergé éthiopien, et, désespérant de le voir jamais capable de se diriger lui-même, il fixa la règle, encore en vigueur, que l'abouna doit être un Copte. Au commencement du XVIe siècle, des relations s'établirent, par l'intermédiaire d'un Arménien du nom de Mathieu, entre le Portugal et l'Abyssinie, affaiblie alors par les musulmans et menacée par les Galla. De cette façon, des jésuites portugais partirent, en 1555, de Rome pour l'Abyssinie. Leurs efforts et ceux de leurs successeurs, surtout de Pedro Paez (mort en 1623), pour soumettre l'Eglise éthiopienne à Rome, sont intimement mêlés à l'histoire politique de cette époque : en 1626, avec, l'arrivée du jésuite Alphonse Mendez, sacré patriarche d'Abyssinie à Lisbonne en 1624, l'entreprise sembla un instant devoir être couronnée de succès; mais dès 1632, sous Fasilidas (Basilidès), l'ancienne Eglise nationale fut rétablie, et les jésuites durent quitter le pays en 1633. Le premier abonna qui monta, après ces événements, d'Alexandrie en Abyssinie, fut accompagné par un Allemand, Pierre Heyling, qui séjourna quelque temps dans le pays. Puis les relations furent de nouveau interrompues assez longtemps. De 1808 à 1818, un moine éthiopien, Abi-Roukh, arrivé à Alexandrie avec le voyageur J. Bruce, traduisit à la requête du consul de France, Asselin, toute la Bible en langue amharique. Ce fut pour la Société anglicane de mission l'occasion d'envoyer vers 1830 le missionnaire Gobat en Abyssinie. En 1856, d'autres missionnaires protestants, envoyés par la Chrischona (près Bâle), se fixèrent dans le pays. Vers 1864, Théodoros les mit en prison, où ils furent bientôt rejoints par l'ambassadeur anglais, ce qui devint la cause de la campagne contre Théodoros en 1868. Dès 1839, les lazaristes avaient également pénétré en Abyssinie, parmi eux Jacobis, nommé patriarche en 1849. (F.-H. K.). | |