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Croyances et rituels |
Les
éclipses
de Soleil
et de Lune
sont des phénomènes qui ont excité autrefois beaucoup
de curiosité et même d'épouvante. Aujourd'hui, la cause
de ces phénomènes est tellement connue et facile à
préciser, que les astronomes peuvent longtemps à l'avance
prédire à une seconde près l'heure exacte du commencement
et de la fin d'une éclipse. Aussi pourrait-on imaginer qu'elles
ont perdu de leur intérêt fantastique auprès du public,
et que les grandes frayeurs ont cessé parce que les calculateurs
électroniques et Internet règnent sur le monde. Mais les
fantasmes suscités par exemple par l'éclipse du 11 août
1999, complaisamment relayés par les médias, montrent assez
s'il en était besoin qu'il n'y a pas de croyance plus absurde que
celle qui voudrait qu'il n'y plus aujourd'hui place pour les croyances
absurdes (Scientisme).
C'est en gardant cette remarque à l'esprit qu'il convient donc de
considérer ce que l'on a cru à propos des éclipses
en d'autres temps, ou ce que l'on croit encore parfois en d'autres lieux.
Les éclipses
en Europe.
Les Anciens Grecs regardaient déjà ces phénomènes comme les présages des plus grands malheurs. L'histoire nous raconte que Périclès rassura ses marins et ses soldats terrifiés par une éclipse de Soleil. Alexandre, près d'Arbelles, usa de toute son adresse pour calmer la frayeur de ses troupes au moment d'une éclipse de Lune. Sulpicius Gallus, lieutenant de Paul-Emile, prédit une éclipse de Lune qui arrivait le lendemain, et changea en confiance la terreur qu'auraient eue ses soldats. En
Scandinavie.
Chez
les lapons.
Les
éclipses chez les Juifs et les Chrétiens.
L'auteur de l'Apocalypse nous représente une femme drapée dans le Soleil, qui a la Lune sous ses pieds et qui porte un diadème surmonté de douze étoiles. Un dragon à sept têtes, capable d'entraîner avec sa queue un tiers des étoiles du ciel, attend le fruit que cette femme va mettre au monde pendant l'éclipse pour le dévorer. L'éclipse supposée être survenue au moment de la crucifixion de Jésus (Math. XXVII, 5) est également présentée comme un miracle, puisque la Lune, étant alors dans son plein (et donc à l'opposé du Soleil), ne pouvait naturellement causer d'éclipse. De plus les éclipses ne durent d'ordinaire qu'environ une heure (et quelques minutes seulement pour la phase de totalité). Celle-ci en dura trois : A sexta hora, tenebrae factae sunt super universam terram, usque ad horam nonam. Origène (in Matth. XXVII), suivi de plusieurs autres, a cru que cette obscurité ne fut que pour la Judée, qui est assez souvent désignée sous le nom de toute la Terre. D'autres auteurs chrétiens croient que tout un hémisphère fut alors couvert de ténèbres. Jules Africain (apud Syncell.), Eusèbe et saint Jérôme (in Chronic) ont cité Phlégon, affranchi de l'empereur Hadrien, qui dit qu'en la quatrième année de la deux cent deuxième olympiade, qui est celle où l'on place la la mort de Jésus, il y eut une éclipse du Soleil, la plus grande que l'on eût encore vue, puisqu'en plein midi on découvrait les étoiles dans le ciel. Tertullien (Apologet. C. XXI) renvoie les païens aux archives publiques pour y trouver la nuit arrivée en plein midi. Rufin (l. IX, c. VI Hist. Eccl.) fait dire à saint Lucien, prêtre d'Antioche, martyrisé en 312, parlant aux païens : Consultez vos annales, et vous trouverez que lorsque Jésus mourut le Soleil cessa de paraître, et le jour fut interrompu par des ténèbres extraordinaires.Thallus, auteur ancien, est aussi nommé par Jules Africain comme ayant marqué les ténèbres de la passion de Jésus. Le faux Denys l'Aréopagite (Ep. 7 ad Polycarp.) dit qu'étant à Héliopolis en Egypte, il remarqua l'éclipse arrivée dans cette occasion; et comme il savait que, selon les règles de l'astronomie, elle ne pouvait arriver en ce temps-là, Allophanes, qui étudiait alors dans cette ville avec lui , s'écria : Ce sont là, mon cher Denys, des changements surnaturels et divins; (ou, ce sont là des changements des choses divines).Suidas fait dire à saint Denys même : Ou la divinité souffre, ou elle compatit à celui qui souffre.Les premiers Chrétiens sonnaient les cloches, non seulement pendant les orages (ce qui se faisait encore au XVIIIe siècle), mais encore pendant les éclipses, pour combattre l'action des esprits malfaisants, pour repousser seulement l'obscurité causée par les fantômes, souvenir des génies obscurs qui dévorent la Lune. En 1654, pendant l'éclipse de soleil qui arriva cette année, une terreur panique bouleversa toutes les têtes. Les uns achetaient d'une certaine drogue qu'ils regardaient comme un préservatif contre le mauvais effet de l'éclipse; les autres se tenaient renfermés dans leurs chambres, les portes et les fenêtres bien closes. Quelques-uns, plus timides, allaient se cacher dans les caves. La plupart couraient en foule vers l'église, persuadés que le monde allait être enseveli dans une nuit éternelle. Les éclipses
chez les Musulmans.
« Certes, dit Mahomet, le Soleil et la Lune sont deux signes de Dieu très-haut; mais ils ne s'éclipsent, ni pour la mort, ni pour la naissance de personne. A l'apparition de ces signes, abandonnez tout pour recourir à la prière. »Pendant l'éclipse de Soleil, la prière doit être faite en commun et présidée par un imam; à défaut de ce ministre il faut la faire chacun à son particulier. Elle consiste à faire un namaz de deux rikats, et à réciter les second et troisième chapitres du Coran, qui sont les plus longs du livre. L'imam doit les prononcer à voix basse et lentement, jusqu'à ce que l'astre ait recouvré sa lumière. La prière pour les éclipses
de Lune ne doit jamais être faite en commun; chacun la fait chez
soi ou ailleurs par un namaz de quatre rikats.
Quant aux éclipses de Lune, on s'imagineait que la Lune était alors aux prises avec un énorme dragon; c'est pourquoi on faisait grand bruit, pour épouvanter le monstre et le mettre en fuite. En Afrique.
Dans
l'Egypte ancienne.
En Asie.
« Le 2 juillet 1666, dit le voyageur Tavernier, à une heure après midi, il y eut une éclipse de soleil. Il y eut alors une multitude prodigieuse de gens qui accouraient de tous côtés pour venir se laver dans le Gange. Ce lavement doit commencer trois jours avant qu'on voie l'éclipse. Pendant ces trois jours, les Hindous apprêtent toute sorte de riz, de laitage et de confitures pour les poissons et les crocodiles qui sont dans le fleuve. Tout cela s'y jette aussitôt que les brahmines l'ordonnent, et qu'ils connaissent que c'est la bonne heure. Quelque éclipse que ce soit, ou de Soleil ou de Lune, dès qu'elle commence, les idolâtres ont accoutumé de casser toute la vaisselle de terre qui leur sert pour le ménage, et de n'en pas laisser une pièce en son entier. Les brahmines cherchent dans leurs livres l'heure favorable à cette cérémonie. Quand elle est venue, ils crient au peuple de jeter ses offrandes dans le Gange, Alors il se fait un bruit horrible de clochettes, de tambours et de plaques de métal, qu'ils frappent l'une contre l'autre. Dès que les offrandes sont dans le fleuve, le peuple y entre, s'y frotte, s'y lave le corps jusqu'à ce que l'éclipse soit finie [...]. Les brahmines qui sont à terre, au bord du rivage, essuient le corps de ceux qui sortent de l'eau, et leur donnent du linge sec dont ils se couvrent le ventre : ensuite ils les font asseoir dans un endroit où les plus riches de ces gentils ont fait apporter du riz et plusieurs autres provisions. Ces mêmes brahmines consacrent avec de la bouse de vache un petit espace carré du terrain où ils sont assis, et surtout observent avec grand soin qu'il ne s'y trouve aucun insecte. Ils tracent dans ce petit espace de terre plusieurs sortes de figures, sur chacune desquelles ils mettent un peu de bouse de vache avec deux ou trois petites branches de bois que l'un frotte bien, de peur qu'il ne s'y rencontre quelque insecte; sur ces petites branches ils mettent du riz, des légumes et autres choses de cette nature, à quoi ils ajoutent du beurre, et y mettent le feu; ensuite ils observent la flamme, et forment, sur ses différentes agitations, des prédictions touchant la récolte de ces grains. »Bernier nous fournit d'antres détails sur les pratiques superstitieuses auxquelles se livrèrent les Hindous, pendant cette fameuse éclipse de 1666. Il en fut lui-même témoin oculaire, car il habitait alors dans une maisuit située sur le bord de la rivière Yamouna. Du haut de sa terrasse il vit des deux côtés de la rivière les Indiens plongés dans l'eau jusqu'à la ceinture, les yeux fixés vers le ciel, afin de se cacher entièrement sous l'eau, dès que l'éclipse commencerait. Les enfants des deux sexes étaient entièrement nus, les hommes avaient les cuisses couvertes d'une espèce d'écharpe, et les femmes d'un simple drap. De l'autre côté de la rivière il vit les radjas, les banquiers et les marchands, qui étaient sous des tentes avec leurs familles. Ils avaient planté dans la rivière des espèces de paravents qu'ils nomment kanates, afin que personne ne les vit se laver. Dès que l'éclipse commença, tous les Indiens se plongèrent dans l'eau plusieurs fois de suite, poussant de grands cris : puis, levant les yeux et les mains vers l'astre éclipsé, ils le saluèrent par plusieurs inclinations profondes, marmonnant certaines prières, et faisant plusieurs contorsions. Ils prirent aussi de l'eau dans le creux de leur main, et la jetèrent vers le soleil. Lorsque cet astre eut repris sa clarté, ils sortirent de l'eau. Mais, avant de se retirer, ils jetèrent par dévotion plusieurs pièces d'argent dans la rivière, et se revêtirent d'habits nouveaux qui avaient été apportés exprès sur le rivage. Les plus dévots firent présent aux brahmanes de leurs anciens habits. Les femmes enceintes, en Inde, se tiennent également soigneusement renfermées dans leurs maisons, sans oser en sortir pendant la durée de l'éclipse, dans la crainte que Rahou, le génie malfaisant qui cause l'éclipse, ne dévore le fruit de leur sein. Au reste, il semble que les cérémonies qu'on vient de décrire ont lieu principalement pour les éclipses de soleil; car les Hindous ont l'air de s'inquiéter peu de celles de Lune. Les
éclipses dans la chine impériale.
" J'ai toujours entendu dire que le Ciel donne aux peuples qu'il produit des supérieurs pour les nourrir et les gouverner. Quand ces supérieurs, maîtres des autres hommes, sont sans vertus et gouvernent mal, le Ciel, pour les faire rentrer dans leur devoir, leur envoie des calamités ou les en menace.Les Chinois, comme d'autres peuples de l'Orient, se sont imaginé que dans le ciel , il y avait un dragon d'une prodigieuse grandeur, ennemi déclaré du Soleil et de la Lune qu'il veut dévorer. Ainsi, à l'époque impériale, dès qu'on s'aperçoit du commencement de l'éclipse, ils font tous un bruit épouvantable de tambours et de bassins de cuivre, sur lesquels ils frappent de toutes leurs forces, et jusqu'à ce que le monstre, effrayé du bruit, ait lâché prise. D'autres croient que les éclipses sont occasionnées par un mauvais génie qui, de sa main droite, cache le Soleil, et la Lune de sa main gauche. C'est un crime capital, pour un astronome, que de ne pas prédire une éclipse; l'ignorant qui se trompe sur cet article est puni de mort. On raconte souvent à ce sujet l'histoire (il est vrai purement légendaire) de des deux astronomes Ho et Hi furent condamnés à mort pour n'avoir pas prévu, comme la loi le leur prescrivait, l'éclipse du Soleil arrivée sous le règne de l'empereur Tchong-Kong vers l'an 2153 avant notre ère. Lorsqu'il doit y avoir une éclipse,
le tribunal des rites a soin de faire mettre, quelques jours auparavant,
dans une place publique, une affiche où sont marqués en gros
caractères le jour, l'heure, et même la minute où l'éclipse
doit paraître. Il ne manque pas aussi d'en faire donner avis aux
mandarins de tous les ordres, qui, revêtus de leurs habits de cérémonie,
se rendent dans la cour du tribunal d'astronomie; et tandis que les observateurs
sont à la tour occupés à examiner les tables sur lesquelles
est trace cours des astres, à déterminer le commencement,
la durée et la fin de l'éclipse, les autres mandarins sont
à genoux dans une salle ou une cour du palais, toujours attentifs
à ce qui se passe dans le ciel. Dès que le phénomène
commence , ils se prosternent tous, et se frappant le front contre terre,
soit devant le Soleil, comme pour lui porter compassion, ou devant le dragon,
pour le prier de laisser le monde en repos, et de ne pas dévorer
un astre qui lui est si nécessaire. En même temps, le son
des tambours et des timbales retentit dans toute la ville.
En
Thaïlande.
Au
Vietnam.
En
Indonésie.
Les éclipses en Amérique. A
la Jamaïque.
En
Floride.
Au
Mexique.
Au
Pérou.
Au Pérou, encore, pendant les éclipses de Lune, les hommes, les femmes et les enfants criaient avec un ensemble assourdissant : mama quilla! mama quilla! c.-à-d. maman Lune, suppliant les puissances célestes de ne pas la laisser mourir. Quand elle reprenait sa lumière, on louait le grand dieu Pachacamac, soutien de l'univers, qui l'avait guérie, et cette guérison l'avait empêchée de mettre fin à l'existence des hommes. Ailleurs
en Amérique.
Les Hurons et les Caraïbes avaient à peu près les mêmes idées : le terrible démon Mahoya, qui est l'auteur des apparitions effrayantes, des maladies, du tonnerre et des tempêtes, essayait de dévorer l'astre des nuits. Pour mettre le monstre en fuite, on faisait un grand bruit en frappant sur des écorces, sur des timbales, des chaudrons, et surtout en agitant les maracas (calebasses renfermant des cailloux, comme nos clochettes ont des grelots). Les Caraïbes dansent alors toute la nuit, aussi bien les jeunes que les vieux, les femmes que les hommes, sautant les deux pieds joints, une main sur la tête et l'autre sur la fesse, sans chanter, mais poussant des cris lugubres et épouvantables. Ceux qui ont commencé à danser sont obligés de continuer jusqu'au point du jour, sans oser quitter pour n'importe quelle nécessité. Dans
l'Arctique.
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