| Éaque est l'un des trois juges des enfers, dans la mythologie grecque. Il était considéré, dans la mythologie vulgaire, comme un ancien roi de l'île d'Egine, fils de Zeus et d'une nymphe éponyme de cette île. On le faisait, père de Pélée et grand-père d’Achille. On racontait qu'aussitôt qu'il fut monté sur le trône il se fit une telle réputation de sagesse et de justice que les dieux le choisirent pour juger un différend qui s'était élevé entre eux, et qu'il apaisa à leur satisfaction générale. La Grèce ayant été affligée d'une sécheresse, l'oracle déclara qu'elle ne cesserait que si Eaque adressait des voeux au ciel. Il offrit alors des sacrifices à Zeus Panhellénien, qui exauça sa prière et fit tomber une grande quantité de pluie. Plus tard, la famine et la peste ayant dépeuplé ses Etats, il obtint encore de Zeus que ce dieu changeât en hommes toutes les fourmis qui se trouvaient sur un chêne sacré. Nous donnerons plus loin une autre version de ce mythe. Après sa mort, Eaque fut associé à Minos et à Rhadamante dans leurs fonctions aux Enfers; mais son rôle eut là un caractère spécial que nous indiquerons. Quant à l'histoire de ses fils Pélée et Télamon et de leurs descendants, voyez ces noms. Nous nous contenterons ici de chercher dans la légende du héros ce qui peut avoir trait aux origines historiques de cette famille célèbre. Eaque, fils de Zeus était né d'Egine, fille d'Asope, que le dieu avait enlevée et transportée dans l'île à laquelle elle donna son nom; par la suite, elle épousa Actor, dont elle eut Ménétius, père de Patrocle. Comme il y avait deux fleuves du nom d'Asope, l'un entre Phlionte et Sicyone, et l'autre entre Thèbes et Platées, la généalogie héroïque des Eginètes se rattachait et à celle de Thèbes et à celle de Phlionte, et cette croyance eut bientôt des conséquences pratiques. En effet, lorsque les Thébains, dans la LXVIIIe olympiade, furent vivement pressés par Athènes, pendant une guerre, l'oracle de Delphes leur conseilla de demander assistance à leurs plus proches parents. Se souvenant que Thèbes et Egine étaient soeurs, toutes deux filles d'Asope, ils furent amenés à s'adresser aux Eginètes comme à leurs plus proches parents, et ceux-ci leur préfèrent aide, d'abord en leur envoyant leurs héros communs, les Eacides, ensuite en les soutenant d'une façon effective au moyen de soldats. Pindare insiste avec force sur la fraternité héroïque qui existe entre Thèbes, sa ville natale, et Egine. Eaque était seul à Egine : afin de le délivrer de cette vie solitaire, Zeus, d'après une tradition très ancienne, changea toutes les fourmis de l'île en hommes, et ainsi lui fournit une nombreuse population, qui, d'après son origine, reçut le nom de Myrmidons. Pausanias rejette et l'étymologie et les détails du miracle; il dit que Zeus fit naître les hommes de la Terre à la prière d'Eaque. D'autres auteurs conservaient l'étymologie de Myrmidons, tirée de myrmékès, mais sans admettre l'explication traditionnelle. Selon la légende thessalienne, Myrmidon était fils de Zeus et d'Euryméduse, fille de Clétor : Zeus, dans son union avec Euryméduse, s'était transformé en fourmi. De son épouse Eudéis, fille de Chiron, Eaque eut deux fils, Pélée et Télamon; de la néréide Psamathé, il eut Phocas. L'influence bienfaisante de la piété d'Eaque se manifesta dans la circonstance suivante. Un crime monstrueux avait été récemment commis par Pélops: c'était le meurtre du prince arcadien Stymphales, sous un faux semblant d'amitié et d'hospitalité; en punition de ce forfait, les dieux avaient frappé toute la Grèce de stérilité et de famine. Les oracles déclaraient que la pays ne pourrait être délivré de cette intolérable, misère que par les prières d'Eaque, le plus pieux de tous les hommes. En conséquence, des envoyés de toutes les contrées affluèrent à Egine, pour décider Eaque à faire des prières en leur faveur. Sur ses supplications, les dieux s'apaisèrent et la souffrance cessa immédiatement. Les Grecs reconnaissants établirent à Egine le temple et le culte de Zeus Panhellénien, l'un des monuments et l'une des institutions durables de l'île, à l'endroit où Eaque avait prié les dieux. Les statues des envoyés qui étaient venus le solliciter pouvaient encore se voir dans l'Eakéon, ou édifice sacré d'Eaque, au temps de Pausanias, et l'Athénien Isocrate, dans son éloge d'Evagoras, tyran de Salamine qui faisait remonter son origine à Eaque par Teucros, insiste sur ce miracle signalé, raconté et cru par les autres Grecs aussi bien que par les Eginètes. Eaque fut aussi appelé à aider Poséidon et Apollon dans la construction des murailles de Troie, ainsi que le rapporte Pindare dans sa ville olympique, consacrée à la gloire d'un enfant d'Egine : Egine, où tu naquis, est illustre par toi; Egine, qui, plongeant sa rame au sein de l'onde, Avoue aux yeux du monde Thémis pour souveraine et Zeus pour roi. Oh! qu'il est malaisé, même à des mains habiles, De régir à propos des intérêts hostiles!... Mais les dieux font d'Egine, au sein des flots amers, Un temple que les lois et l'équité soutiennent; C'est l'heureux port où viennent Mourir tous les discorde qui troublent l'univers. Puisse durer longtemps cette auguste tutelle Dans cette île où jadis, roi d'un peuple fidèle, Eaque précéda les guerriers doriens; Lui qui sut assister Apollon et Poséidon, Contraints par la fortune A ceindre de remparts la cité des Troyens. Les destins l'avaient dit : "Des torrents de fumée Surgiront de ces murs quand la guerre allumée Aura livré Pergame aux plus sanglants revers." Aussi trois fiera dragons aux verdâtres écailles Rampent sous ses murailles, Avant que de leurs fronts elles fendent les airs. Deux d'entre eux tombent morts d'une Invincible atteinte; Le troisième, en sifflant, s'est glissé dans l'enceinte; Phebus voit le prodige et l'explique en ces mots : "Noble Eaque, tes yeux dans les murs de la ville Ont suivi ce reptile, Qui, pour y parvenir, a franchi tes travaux. Sache donc, si j'en crois Zeus qui m'inspire, Sache que d'Ilion succombera l'empire, Mais non pas sous tes fils ni leurs petits-enfants; Ta lignée à son premier, A son quatrième Age, Signalant son courage, Etouffera Pergame en ses bras triomphants." Ce passage de Pindare rappelle celui de la Théogonie d'Hésiode où les Eginètes sont autorisés, par suite de l'union de Zeus et de Thémis, à partager entre ces deux divinités la domination de leur île. La destinée de l'île d'Egine est ainsi associée à l'idée même de justice, et ce rapprochement, sur lequel Pindare insiste au point de donner l'île d'Egine comme ayant de son temps un caractère en quelque sorte sacré, comme étant la terre de la concorde et de la justice explique le rôle qui fut prêté à Eaque, père des Eginètes, dans les mythes eschatologiques de la Grèce. Ajoutons cette remarque, que Pindare donne clairement les Eginètes créés par Eaque comme un peuple différent des Doriens qui leur succédèrent. Pélée et Télamon fils d'Eaque, devenus jaloux de leur frère bâtard Phocas, à cause de son habileté supérieure dans les luttes gymnastiques, se concertèrent pour le mettre à mort. Télamon lui lança son disque pendant qu'ils jouaient ensemble, et Pelée l'acheva en le frappant dans le dos avec sa hachette; puis ils cachèrent le cadavre dans un bois; mais Eaque, ayant découvert et le forfait et les coupables, bannit de l'île ses deux fils. Tel est, du moins, le récit qu'on lisait dans le vieux poème épique intitulé : Alcmeonis. Apollonius de Rhodes représente le fratricide comme involontaire et commis par inadvertance. Pindare refuse de raconter, bien qu'obligé d'y faire une allusion vague, la cause qui força le vieux Eaque à bannir ses fils d'Egine; Callimaque, à en juger par un court fragment de ses oeuvres, manifestait la même répugnance à en faire mention. Telle était, chez les poètes, la tendance à adoucir les anciens récits et à substituer une couleur morale au caractère naïf des légendes héroïques ou des mythes. Malgré le crime de Pélée et de Télamon, la renommée des descendants d'Eaque demeura intacte dans toute la Grèce, grâce à la supériorité militaire de cette famille et l'Eakéon d'Egine, dans lequel on offrait à Eaque des prières et des sacrifices, fut l'objet du respect des peuples jusqu'au temps de Pausanias l'historien. (PL). | |