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Sur Saint Denis,
dont la légende a fait un évêque de Paris,
martyr des persécutions sur le mont des Martyrs (Montmartre),
avec deux compagnons, Rustique et Eleuthère, l'histoire est réduite Ã
quelques mots de Grégoire de Tours. Il
raconte que, sous l'empereur Dèce (249-251), saint
Denis, envoyé en Gaule
et évêque de Paris «-ayant subi divers
tourments pour le nom du Christ, termina sous
le glaive sa vie terrestre » (Historia Francorum, 1. XXX). Rien
de plus; ni la date de son épiscopat, ni le lieu de son supplice, ni ses
circonstances ne sont indiqués d'une façon plus précise. Et cependant
c'est de ces quelques mots qu'est sorti tout le développement légendaire
qui constitue la vie hagiographique :
Selon sa légende, dont on n'a nulle trace
avant l'époque carolingienne, Saint-Denis,
premier évêque de Paris, et martyr, que l'on a longtemps confondu avec
saint Denis l'Aréopagiste, converti
par saint Paul, fut l'un des missionnaires envoyés
dans les Gaules par le saint-siège au milieu du IIIe
siècle. Il pénétra plus avant dans le pays que ses compagnons, et il
s'avança jusqu'à Paris, où il établit son
siège épiscopal.
Nous lisons dans ses Actes qu'il
y fit un grand nombre de conversions, qu'il y bâtit une église et qu'il
y établit un clergé pour partager avec lui les fonctions du saint ministère.
Son zèle irrita au point qu'on se saisit de sa personne et le fit périr
par le glaive, avec saint Eleuthère, qui était prêtre, et saint Rustique,
qui était diacre.
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La
décapitation de saint Denis et de ses compagnons. (basilique de Saint-Denis).
Les corps de saint Denis et de ses compagnons
ayant été jetés à la Seine ,
en furent retirés par une femme chrétienne, nommée Catulla, qui les
enterra honorablement près du lieu où ils avaient été décapités.
On bâtit ensuite sur leur tombeau une chapelle, sur les ruines de laquelle
on construisit, en 469, une église due aux exhortations de sainte
Geneviève.
Dagobert Ier,
roi de France, fonda à cet endroit
la célèbre abbaye de Saint-Denis,
où l'on garde les reliques du saint apôtre,
et qui a servi, depuis lors, de sépulture aux rois de France.
Selon une autre version, il s'était acheminé
lui-même jusqu'au lieu de sa sépulture, avec sa tête entre les mains
. L'idée qu'il porta ainsi sa tête entre ses mains, après sa décapitation,
a sans doute pris sa source dans d'anciens tableaux ou statues qui exprimaient
de la sorte le genre de son martyre. (A. G.).
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Saint
Denis porte sa tête entre les mains.
Statue
de la façade de l'église de Poix-de-Picardie.
©
Photos : Serge Jodra, 2010 - 2011.
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Jean-Marie
Le Gall, Le mythe de Saint Denis : Entre Renaissance et Révolution,
Editions Champ Vallon, 2007. - Au temps des guerres
d'Italie (1494-1559), lorsque les rois de France passaient les monts ou
que l'ennemi menaçait, le royaume était placé sous la protection de
saint Denis. Qui est donc ce saint tutélaire, paré d'un si grand prestige
et investi de tant de pouvoir? Auteur d'une oeuvre philosophique qui séduisit
les humanistes, on le disait Athénien, disciple
de saint Paul. Il passait aussi pour l'évangélisateur des Gaules, le
premier évêque de Paris, où il périt martyrisé à Montmartre, le mont
des martyrs. Pourtant, après 1571, la monarchie ne rend plus hommage au
"patron du royaume de France" (Guichardin) et, le 25 juillet 1593, la conversion
d'Henri IV dans l'abbatiale de Saint-Denis, "lieu de mémoire" de la monarchie,
là où reposent trois lignées de rois de France (Mérovingiens, Capétiens,
Valois), ne renoue pas le lien multiséculaire entre les rois et Denis.
Pourquoi une telle déshérence? Ce livre examine les raisons de ce détachement
entre la monarchie et le saint. Sans doute, la critique historique a-t-elle
lézardé, pour la plus grande gloire de la France moderne, l'édifice
de la légende médiévale en distinguant trois Denis jusqu'ici confondus
en un seul. Mais surtout, la légende dionysienne embarrasse désormais
la monarchie absolue qui s'affirme. D'autant que les reliques du saint
ont été mobilisées par les ligueurs contre Henri III, le "vilain Herodes",
et Henri IV, "le Béarnais" : la figure de saint Denis nourrit un autre
absolu, un catholicisme intégral, hostile au protestantisme, comme Ã
toute solution politique des Guerres
de religion. Saint Denis fonde aussi une Eglise
hiérarchique, monopolisant le sacré, et porte ombrage à la légende
de Clovis, qui fonde la foi et la légitimité millénaire des rois. Ce
livre analyse comment la couronne a occulté le culte du saint dans la
nécropole de Saint-Denis, par la captation systématique de l'inépuisable
sang de France, la célébration de grandes pompes funèbres et l'inhumation
de quelques grands capitaines au service du roi de guerre, comme Turenne.
Mais ce panthéon dynastique ne peut être panthéon national. L'imaginaire
catholique de la Nation a dû élire un autre lieu de mémoire : Montmartre,
où fut réédifiée une abbaye au XVIIe siècle et érigé le Sacré-Coeur
au XIXe siècle... |
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