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Mésopotamie > Architecture / Religion assyro-babylonienne |
Les temples et le culte |
Tous les temples
babyloniens et assyriens pouvaient à peu près se ramener
à un type uniforme, pareil à celui qui est décrit
chez Hérodote :
« Le temple-de Jupiter Bélus, dit Hérodote décrivant Babylone, existe encore de mon temps; il est percé de portes d'airain; il est carré et a deux stades de côté (370 mètres). Au centre s'élève une tour massive longue et large d'un stade (185 mètres); elle en supporte une autre, et celle-ci une autre encore, ainsi de suite jusqu'à huit. Un escalier en spirale conduit extérieurement .de tour en tour. Vers le milieu de la montée, il y a une chambre et des sièges où se reposent les visiteurs; la dernière tour est surmontée d'une chapelle spacieuse, renfermant un grand lit richement couvert, et auprès une table d'or. »Suivant G. Perrot et Ch. Chipiez, les temples étaient des prismes quadrangulaires placés les uns au-dessus des autres, ceux offrant la plus grande surface, à la base, de telle sorte que l'édifice présentait l'aspect de terrasses en retrait les unes sur les autres. Les Assyriens appelaient ces pyramides à degrés, du nom de ziggurat. A Babylone, deux surtout de ces temples à étages étaient célèbres et sont constamment cités dans les textes cunéiformes : le E-Sagil, dont le nom a persisté jusque dans le Traité d'Agriculture nabatéenne, et le E-Zida, qu'on s'accorde à faire correspondre aux ruines actuelles de Babylone ou de Birs-Nimrud. La ziggurat de Khorsabad a encore actuellement trois degrés complets et le commencement d'un quatrième; le premier dessine sur le sol un carré de 43 mètres 10 de coté; chaque étage avait 6 mètres 10 de hauteur, et ce qui reste de l'édifice est recouvert d'un stuc colorié où les tons varient, conformément à la description d'Hérodote. Sept couleurs différentes ont permis d'affirmer que l'édifice avait sept étages : celui du rez-de-chaussée, au-dessus de la grande terrasse fondamentale, était peint en blanc, le second en noir. le troisième en rouge pourpre, le quatrième en bleu, le cinquième en vermillon, le sixième en gris d'argent, le septième enfin était doré. Ce sont ces mêmes couleurs qu'Hérodote donne aux différents degrés de la forteresse d'Ecbatane. Chacun d'eux était consacré à l'une des grandes divinités du panthéon, et avait une signification religieuse et symbolique qui nous échappe en partie aujourd'hui. Quelquefois, comme à Mughéir
(Ur), et dans la plupart des temples de la basse Mésopotamie, les
degrés supérieurs ne s'élevaient pas directement au
milieu de la plate-forme carrée qui formait la base; ils étaient
beaucoup plus rapprochés de l'un des côtés, de manière
à présenter, sur une face, des gradins de vastes proportions,
tandis que sur la face opposée ces gradins étaient très
étroits. On a calculé que le temple d'Ur dont les débris
ne s'élèvent qu'à 15 mètres au-dessus du sol,
pouvait avoir, à l'origine, une quarantaine de mètres de
hauteur. Mais les temples les plus célèbres étaient
beaucoup plus élevés; les auteurs anciens sont unanimes à
vanter leur prodigieuse hauteur qu'ils comparent à celle des pyramides
égyptiennes. Qu'on en juge par les ruines actuelles du Birs-Nimrud
qui dominent encore aujourd'hui de 71 mètres le niveau de la plaine
qui les entoure; c'est à ce temple sans doute que Strabon
donne un stade de hauteur en même temps qu'un stade de côté
(185 mètres). La masse de la ruine de Babylone a aujourd'hui encore
40 mètres de hauteur.
Quelquefois, comme pour la ziggurat Khorsabad, on accède au sommet de l'édifice par une rampe quadrangulaire qui monte lentement en tournant en spirale, comme une vis, autour du monument, si bien que les étages ne sont pas séparés les uns des autres. Suivant Diodore de Sicile, le sommet était occupé par des statues ou par un édicule : « Au sommet de la montée, dit cet auteur. Sémiramis plaça trois statues d'or travaillées au marteau. »Tout porte à croire que des chapelles étaient ménagées, à chaque étage, dans l'épaisseur de la masse, et que chacune d'elles était consacrée à la divinité stellaire dont l'emblème était la couleur de l'étage. La chapelle du sommet était recouverte d'une coupole dorée dont les feux étincelants devaient produire de loin un effet d'autant plus saisissant qu'il dominait une ville toute noircie par le bitume. Nabuchodonosor dit qu'il « fit revêtir de lames d'or ciselé, de sorte qu'elle resplen dissait comme le jour », la coupole du sanctuaire de Bel Marduk. On a recueilli à Abu-Sharcin, au
sommet d'un monticule d'éboulis, une énorme quantité
de plaques d'or très minces avec les clous dorés qui les
fixaient à la paroi des
« Les palais des rois de Babylone sont couverts en bronze, ce qui lesAujourd'hui, toutes ces merveilles sont ensevelies sous un linceul de sable, et des tertres de boue nous révèlent à peine leur place. Pourtant, ces collines artificielles, au milieu du désert uni comme une glace, produisent encore, surtout à certaines heures de la journée, une impression qui émeut. - Scène de présentation. - le roi Melishipak présente sa fille à une déesse. (Bas-relief de kudurru ou borne-limite). C'est le matin, quand parfois la base du tertre est cachée dans les vapeurs légères qui rampent à la surface du sol et que, seul, le sommet se montre dans l'air pur au-dessus de la brume, vivement éclairé par les premiers rayons; c'est le soir, quand la silhouette du massif se découpe et s'élève en noir sur les rougeurs du couchant enflammé. On comprend alors quelle a été l'idée et l'ambition de l'architecte chaldéen quand il a créé le type de la tour à étages; on sent pourquoi il en a multiplié les exemplaires, pourquoi il les a répandus avec profusion dans toute cette contrée. Ce qui manquait à son pays, c'était la variété pittoresque de ces accidents de terrain qui font la beauté des régions voisines, de celles qui lui versent les eaux de ces fleuves dont il habitait les rives. Par son invention et son travail, il a donc voulu suppléer à cette lacune et donner à l'aspect de la Babylonie quelque chose de cette diversité que mettent ailleurs les pentes adoucies des coteaux, les âpres contours des rochers coupés à pic et les cimes pointues des monts inégaux. Ces pagodes, comme on serait tenté de les appeler, ces temples pyramidaux, ce sont des collines bâties de main d'homme. Par leur élévation apparente et par l'effort énorme qu'elles supposent, elles sont destinées à rompre la monotonie de ces vastes champs unis où elles se dressent d'un élan si hardi; en même temps, elles étonneront et cette postérité même qui ne verra plus que les faibles débris de si grands ouvrages. Outre les grandes ziggurat ou pyramides à étages réservées aux divinités suprêmes du panthéon chaldéo-assyrien, il y avait des temples beaucoup plus petits et d'une toute autre forme, dans lesquels on honorait particulièrement les dieux secondaires. Tel est, par exemple, le temple du dieu arménien Haldia, à Musasir, et qu'on voit représenté sur un bas-relief du palais de Sargon. Ce temple s'élève sur une terrasse comme toutes les constructions assyro-babyIoniennes; la façade, qui a une grande analogie avec celle du temple grec, est ornée de six pilastres, et de boucliers votifs; elle se termine par un fronton triangulaire comme les maisons européennes. L'entrée du temple est flanquée de deux lions et de deux grandes vasques de bronze qui contenaient sans doute l'eau lustrale, comme la mer de bronze du temple de Salomon; enfin, de chaque côté de la porte du sanctuaire, sont deux génies colossaux armés de longues lances. Rien malheureusement ne peut nous donner une idée de la disposition intérieure de l'édifice. Les inscriptions des rois proto-babyloniens
parvenues jusqu'à nous, sont, presque toutes, consacrées
aux restaurations de temples dont les divinités, mentionnées
par leur nom suméro-akkadien, ne sont pas toujours faciles à
identifier avec leurs noms assyriens. De ces textes primitifs, il résulte
formellement que chacune des principales villes babyloniennes avait sa
divinité spéciale et favorite, à laquelle la cité
était consacrée, et qui prenait, là, le rang suprême
dans la hiérarchie divine, tandis que dans d'autres cités,
cette divinité n'avait plus, dans le panthéon, qu'un rang
secondaire. De cette observation, il résulte, à un point
de vue général, un fait important. C'est que dans l'étude
de l'organisation extérieure et publique du culte national en Babylonie,
il faut avoir soin de démêler le culte de chaque personnage
divin dans une ville déterminée, où il était
regardé comme le premier et le plus grand des dieux, quelle que
fût d'ailleurs sa place dans la conception systématique et
générale de la hiérarchie du panthéon babylonien.
Cette faculté pour chaque personnage divin, même d'un ordre secondaire, de devenir, dans le lieu où il recevait spécialement les adorations, le premier des dieux, est, du reste, un fait qui se reproduit dans toutes les religions panthéistes. Dans l'esprit de ces religions, en effet, l'unité divine, la substance première, est un être insaisissable, invisible, qui se manifeste dans une grande variété d'attributs, tous personnifiés, tous divinisés, et qui se réfléchit dans une multitude de symboles. Ces symboles, la nature les fournit, l'humain les observe et les imite. Des corps immenses, tels que le soleil, la lune, la terre; des phénomènes tout-puissants, tels que la foudre, les volcans, les déluges, sont les expressions les plus étendues de la divinité; mais ces expressions ne sont jamais complètes. L'humain, pas plus par la pensée que par les yeux, ne peut percevoir l'unité divine; la pluralité, inséparable de cette unité, ne lui permet de voir à la fois qu'une des faces du divin. Aussi, tout symbole, toute figure, tout nom, toute manifestation, toute émanation de la divinité, portent-ils en eux-mêmes un double caractère; positivement ils n'expriment qu'une des qualifications du divin; virtuellement, ils en font pressentir l'unité et l'étendue. Le dieu qui, dans la ville même de Babylone et dans celle de Borsippa, était le principal objet du culte, était Bel-Marduk, avec son épouse Mylitta, la grande déesse Nature, appelée souvent Zarpanit quand on envisageait surtout le côté voluptueux de ses attributs; elle est l'analogue de l'Aphrodite ou de la Vénus de la mythologie classique. Zarpanit avait un temple magnifique au centre même de Babylone. A Ur, le dieu de la ville, dès le temps du vieux roi Lik-Bagus, était Sin, le dieu Lune; à Sippar et à Larsam, c'était Shamash, le soleil; dans Erech (Uruk) et à Nipur, Belit Taauth, « déesse du firmament. » A Cutha on adorait Nanâ ou Anna sous le surnom de Succoth-Benoth, qui avait trait aux prostitutions en l'honneur de cette déesse. Le culte matérialiste de la Babylonie devait naturellement exciter une profonde horreur chez les adorateurs de Yahveh. De là, leurs véhémentes invectives contre les idoles des Babyloniens. De là, ces éloquentes apostrophes, qui offrent en même temps la peinture si vive d'un culte entièrement naturaliste et souvent obscène, qui n'était guère, d'ailleurs, qu'une exploitation permanente de la superstition populaire au profit de la caste sacerdotale. « Vous verrez à Babylone, dit Baruch, des dieux d'or et d'argent que l'on porte sur les épaules, et qui se font craindre par les nations.Ce témoignage de la tradition juive nous conduit à citer ce que raconte Hérodote au sujet de ce qui se passait dans le temple de Bêl à Babylone. « On n'y voit point de statue, dit-il, et nul n'y passe la nuit, hormis une femme indigène que choisit entre toutes le dieu, à ce que rapportent ses prêtres chaldéens. Ces mêmes prêtres disent aussi, et ils ne me paraissent point dignes de foi, que le dieu parcourt le temple et se repose sur le lit, de la même manière qu'à Thèbes en Égypte, selon les Égyptiens. Car, là aussi, une femme passe la nuit dans le temple de Jupiter-Thébain, et l'on assure que ni l'une ni l'autre de ces femmes n'a commercé avec des mortels. De même à Patara en Lycie, la prêtresse du dieu, lorsqu'il est présent, car l'oracle n'est pas perpétuel, passe la nuit dans l'intérieur du temple. »Cette assertion du voyageur grec pourrait bien n'être que l'écho de bruits calomnieux répandus sur une religion discréditée à l'époque où Hérodote passait à Babylone. Cependant il semble confirmé par une formule d'incantation magique : « La prostituée sacrée (qadista) au coeur rebelle,Nous savons d'autre part qu'en Arménie, à une époque bien postérieure a la chute de la puissance assyro-babylonienne, Anaïtis ou Astarté, c'est-à-dire l'ancienne Isstar ou Zarpanit, avait un temple célèbre autour duquel se trouvait un vaste territoire cultivé par des esclaves de l'un et l'autre sexe, en qualité d'hiérodules ou serfs de la déesse. Son culte y était accompagné de prostitutions sacrées pareilles à celles de Babylone dont elles suivaient la tradition. A l'époque grecque, Anaïtis avait aussi, à Comana, en Cappadoce, un temple avec des champs que cultivaient plus de six mille hiérodules au profit des prêtres; dans tout l'Orient grec où le culte d'Astarté se répandit, c'étaient les mêmes pratiques s'abritant sous le manteau de la religion. La description qu'Hérodote a laissée du temple de Bel-Marduk nous fait pénétrer dans le sanctuaire même, et nous en laisse à peu près deviner l'aménagement. La disposition intérieure des temples chaldéens nous est en outre révélée jusqu'à un certain point, par un curieux bas-relief du British Museum, trouvé à Abu-Habbu, l'ancienne Sippar, au Sud-Ouest de Bagdad. Dans cette ville, il y avait le temple' E-parra où l'on adorait à la fois Sin, Shamash et Ishtar, ainsi que nous l'apprennent les inscriptions du bas-relief. Le monument représente une scène du culte du dieu Shamash par le roi Nabu-pal-iddin, vers l'an 900; l'inscription porte : « Image de Shamash (le soleil), le seigneur grand, qui demeure dans le temples E-parra, lequel est à Sippara. ».Le dieu trône dans un tabernacle où il est assis, la tête coiffée de la tiare ornée d'une double rangée de quatre cornes de taureau; il porte dans, sa main un disque et le sceptre de justice. Au-dessus de lui sont le croissant lunaire, symbole de Sin, le disque radié du soleil Shamash, enfin l'étoile d'Ishtar. Au-dessus du pavillon sous lequel le dieu est assis, sont deux figures qui tiennent dans leurs mains les cordes auxquelles est fixé le grand disque solaire reposant sur un autel; devant l'autel, trois personnages s'avancent pour faire leur acte d'adoration; le premier tient le second par la main comme pour le présenter à la divinité. Ils sont là pour prier et non pour faire un sacrifice; ils viennent implorer les dieux, confesser leurs fautes et faire appel à la miséricorde divine. Un texte de la collection des hymnes religieux met en scène un prêtre qui présente à sa divinité favorite un pécheur venu pour implorer le pardon de ses fautes : c'est le commentaire de la scène que nous venons de décrire :
Il est assis dans le gémissementUne des formes les plus ordinaires du culte des dieux était les processions solennelles qu'on faisait faire à leurs statues. On les porte en triomphe sur des brancards, comme nous le font encore les chrétiens pour les statues de leurs saints. Aux grands jours de fête ou aux époques de calamité publique, les simulacres divins sont enlevés de leurs piédestaux et promenés pieusement à travers les rues de la ville, avec des chants et des danses telles que David en exécuta devant l'Arche d'alliance. Voyez le dieu Raman soutenu par les épaules de quatre solides guerriers, et reconnaissable à la hache et au foudre, ses attributs; voyez ces statues d'lshtar la guerrière, portées aussi par quatre pontifes; voyez encore cette autre figure divine qu'on transporte de la même façon, mais avec la niche elle-même ou le tabernacle que, sans doute, dans la superstition populaire, elle ne devait jamais quitter. Ajouter à ces scènes incomplètes que vous offrent les sculptures, des files de prêtres qui chantent des litanies, des rangées de musiciens qui les accompagnent de la harpe, de la guitare et du tambourin; puis, tout le peuple qui suit en prières; et sans trop de frais d'imagination. Vous serez surpris de rencontrer, il y a plus de deux mille ans, les moeurs religieuses qui s'étalent encore aujourd'hui sous nos yeux. Nous savons déjà que dans
le temple de Shamash, à Sippar, on entretenait un feu perpétuel,
d'où l'appellation suméro-akkadienne de Agade-ki, «
le lieu de la flamme éternelle, » pour désigner cette
ville. Des scènes d'adoration sont fréquentes sur les bas-reliefs
et sur les cylindres. Tantôt, par exemple, nous voyons de chaque
côté de l'arbre de vie, des génies ailés, un
genou en terre, élevant la main et la présentant en avant,
à la hauteur des yeux; ou bien, ils sont debout, tenant dans la
main droite levée la pomme de pin mystique et dans la gauche le
panier à anse. La plante de vie à laquelle s'adressent les
hommages des dévots, est un arbre mystique, symbole de l'immortalité,
dont la forme hiératique et conventionnelle est dérivée
de celle du cyprès,
Un sacrifice d'Assurbanipal. - Le roi, revenant de la chasse et suivi de ses serviteurs, consacre à la divinité les lions qu'il a tués et verse une libation devant l'autel. (Bas-relief assyrien;VIIIe s. av. J.-C; British Museum). Les cylindres sur lesquels sont représentés des sacrifices d'animaux, sont très nombreux et nous initient au cérémonial religieux en usage dès les temps les plus reculés de l'histoire de la Mésopotamie. L'animal sacrifié est souvent une gazelle, un bouquetin, ou un jeune chevreau. « Au premier jour du mois, dit un texte, quand la lune paraît, le prince des nations doit offrir une gazelle pure au dieu Sin, le grand dieu. Il invoque Shamash, Ishtar, et Sin, les grands dieux, en élevant la main; il honore ainsi les grands dieux. »On voit ordinairement sur ces cylindres, le sacrificateur, le couteau à la main, prêt à immoler le bouquetin que tient dans ses bras et que lui présente un autre personnage, celui sans doute qui fait l'offrande; plus loin, et présidant à cette scène, le pontife est debout, élevant les deux mains. Il semble souvent que le sacrifice ait lieu pour délivrer quelqu'un d'une possession diabolique, car on voit, en plus de la scène que nous venons de décrire, un homme lutter contre un lion fantastique qui représente le malin esprit. D'autres fois, ce sont des sacrifices humains.
Sur un cylindre, figure une scène composée du symbole sidéral
qui est l'image de la divinité, et quatre personnages : un pontife
qui élève les mains dans l'attitude de la consécration,
un autre qui, les mains croisées, assiste à la scène
avec recueillement; un servant tient le seau contenant l'eau lustrale et
le glaive sacré; devant lui, un personnage agenouillé, les
mains liées : c'est la victime, que le prêtre bénit
avant qu'elle soit immolée. Sur un autre cylindre, la scène
est plus complète. La statue du dieu est là, assise sur un
trône; le sacrificateur saisit la victime agenouillée, il
la frappe du glaive à coups redoublés. Plus loin le pontife,
toujours avec sa longue robe à franges, sa tiare ornée de
cornes, ses mains élevées devant le visage. Deux autres personnages
assistent à cette sanglante cérémonie qui ne saurait
trop nous surprendre après les actes de sauvage férocité
auxquels nous avons vu se livrer l'Assyrien envers ses prisonniers de guerre.
Ailleurs enfin, la scène de l'immolation seule est représentée.
Le bourreau frappe un homme agenouillé qui implore son pardon d'un
geste désespéré; à côté de lui,
est une tête coupée, et plus loin, deux démons monstrueux
que ce sacrifice aux dieux met en fuite et qui s'éloignent en poussant
des cris de rage.
Au seigneur suprême il s'est adressé etUne autre inscription dit ce qui suit : Pour que Raman soit favorable et donne la prospérité,De sorte qu'il y avait des sacrifices d'enfants par le glaive et par le feu : les Phéniciens ont connu, comme les Assyriens, de semblables pratiques. Empressons-nous d'ajouter qu'elles semblent n'avoir été en usage qu'exceptionnellement et à l'origine. Les bas-reliefs des palais, qui représentent les rois offrant des sacrifices et des libations aux dieux, après de grandes victoires, n'offrent à nos yeux rien de semblable. - Scène de libation. - L'officiant, nu, comme le comporte le rite, répand sa libation sur la plante sacrée, en l'honneur d'une déesse figurée assise, la tête de face. (Début du IIe millénaire av. J.-C.; Louvre). La partie deutérocanonique du Livre de Daniel renferme un épisode bien connu, surtout à cause des controverses auxquelles a donné lieu son authenticité : c'est l'histoire de Bêl et du dragon. On offrait au dieu Bêl, raconte ce texte, chaque jour douze artabes de fleur de farine, quarante brebis et six amphores de vin. Celui qui a écrit ces lignes, fait remarquer Vigouroux était parfaitement au courant des usages du culte de BeI-Marduk à Babylone. Dans le récit des sacrifices et des offrandes qu'il fit à son dieu favori, Nabuchodonosor s'exprime comme il suit : « Je me suis prosterné avec adoration devant le dieu Marduk qui m'a engendré; je me suis incliné pour porter son joug ... je lui ai offert des victimes pures, bien plus qu'auparavant. Ainsi, le premier jour du mois, j'ai offert un boeuf gras, seize ... en sacrifices propitiatoires aux dieux du E-Sagil et de Babylone; un poisson, un oiseau, un ... produit des marais; du miel, de la crème, du lait, de l'huile épurée, de l'hydromel, la boisson fermentée de la montagne, du vin blanc, du vin des cantons de Izallam, Tuim, Çimmim, Tilbunim, Aranabanim, Çuham, E-Kubatim, Bitatim; toutes ces choses aussi abondantes que l'eau du fleuve, je les versai en cadeau dans la coupe de Marduk et de Zarpanit, mes maîtres. »On connaît ailleurs ces files d'esclaves qui apportent devant les dieux des fruits, des pains, des colombes, des lièvres et des perdreaux, voire même des sauterelles et des oignons; on a représenté le roi Sennachérib offrant un libation, assis sur son trône, une coupe hémisphérique à la main; les monarques offrent aux dieux des lions, des taureaux, des cerfs, des chevreaux, des bisons, après de grandes chasses ou de grandes conquêtes. On leur consacre aussi des ex-votos formés d'objets précieux. Les statues des divinités étrangères étaient emmenées en captivité et déposées dans les temples assyriens, de sorte que les dieux ennemis devenaient en quelque sorte les prisonniers des dieux ninivites. « J'ai consacré les vingt-cinq dieux de ces pays, que mes mains avaient pris, à titre d'offrandes, dans le temple de Belit, la grande épouse du dieu Assur, mon seigneur; je les ai consacrés à Anu, à Raman, à Ishtar l'assyrienne, aux dieux de ma ville d'Assur et aux déesses de mon pays. »C'est ainsi que s'exprime Teglath-pal-asar Ier après l'une de ses campagnes en Comagène. Nous savons que la déesse Nanâ, enlevée de son temple d'Uruk, resta pendant de longs siècles, prisonnière des Elamites, et qu'elle ne fut réinstallée dans son ancien sanctuaire que sous Assurbanipal. Enfin, les rois faisaient placer dans les temples leurs propres statues afin que, même absents, ils fussent en quelque sorte présents sous les yeux de la divinité. Là, au seuil du sanctuaire, le roi se tient immobile, les mains jointes dans cette attitude familière encore aujourd'hui aux Orientaux pour exprimer la soumission respectueuse; il est devant son dieu comme l'esclave devant son maître; son image perpétue jour et nuit sa prière et ses actions de grâce. La statue royale de granit redit incessamment à la statue en or du dieu qui l'écoute, ces paroles ciselées sur sa poitrine ou sur les plis de sa robe : « Ô Marduk, maître des pays, écoute la parole de ma bouche : ce temple que j'ai bâti, fais que je m'enorgueillisse de sa gloire. Dans Babylone, fais que j'atteigne la vieillesse, que je sois rassasié de postérité; que je reçoive les tributs des rois de toutes les contrées du monde; fais que ma postérité gouverne l'humanité jusqu'à la consommation des siècles. »C'est ainsi que s'exprime Nabuchodonosor quelques années avant que le sable du désert recouvre pour jamais sa ville bien-aimée et ses temples bâtis pour l'éternité; c'est dans le même sens que parlent aux dieux les inscriptions gravées sur les genoux du roi Gudea trente siècles auparavant. (F. Lenormant, E. Babelon). |
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