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Nous réunissons
ici toutes les pratiques, dévotions, cérémonies
et fêtes chrétiennes ayant
pour objet l'image et le culte de la croix .
Le
signe de croix.
Parmi ces pratiques, celles dont l'antiquité
est la moins contestable, c'est le Signe de la croix. Les témoignages
abondent sur ce fait. Il suffit de citer ici celui de Tertullien
(208 ?) :
«
En cheminant, en entrant, en sortant, en nous habillant, en nous chaussant,
en entrant au bain, en nous mettant à table, en allumant les lumières,
en nous couchant au lit, en toutes nos actions et mouvements, nous nous
imprimons au front le signe de la croix. Que si tu réclames obstinément
une loi tirée de l'Ecriture pour ces disciplines et usages ou autres
du même genre, tu n'en trouveras aucune; mais on t'indiquera la tradition,
qui en est l'auteur; la coutume, qui les confirme ; la foi, qui les observe
(De Corona militis, III). »
Bien que Tertullien reconnaisse que l'institution
du signe de la croix ne se trouve pas dans l'Ecriture ,
on le prétend recommandé par certains textes fort élastiquement
interprétés, notamment par ces paroles d'Ezéchiel
(IX, 4) :
«
Fais une marque sur le front de ceux qui gémissent à cause
des abominations qui se commettent au dedans de Jérusalem, »;
et par diverses indications de l'Apocalypse
(VIII, 3; IX, 4; XIV, 1).
Il semble que primitivement le signe de
la croix était fait avec le pouce de la main droite, ordinairement
sur le front, accidentellement sur d'autres objets. Mais la signification
symbolique attachée à ce signe et certaines ressemblances
naturelles devaient peu à peu le faire appliquer à d'autres
parties du corps :
«
Nous avons le signe de la croix sur notre front, sur notre coeur et sur
nos bras : sur notre front, parce que nous devons toujours confesser Jésus-Christ;
sur notre coeur, parce que nous devons toujours l'aimer; sur nos bras,
parce que nous devons toujours travailler pour lui (Ambroise, Vie d'Isaac).
»
On finit par toucher ces diverses parties
en une figuration unique du signe. Pour l'exécuter, la main droite
est élevée au front, puis abaissée sur la poitrine,
de là ramenée sur l'épaule gauche et enfin sur l'épaule
droite (Eglise d'Occident) ou ramenée
sur l'épaule droite et enfin sur l'épaule gauche (Eglise
d'Orient). Cette différence a été une des causes
du schisme des deux Eglises. Dans la liturgie des consécrations
et des bénédictions, le signe
se fait en l'air, au-dessus des personnes ou des objets. La manière
dont les doigts sont tenus en cette opération n'est point indifférente
: les cinq doigts étendus représentent les cinq plaies de
Jésus-Christ; trois, les personnes de
la divine trinité; un, l'unité de Dieu.
Pour la bénédiction du calice et des oblations, Léon
IV ordonna d'étendre deux doigts et de porter le pouce au-dessous
: c'est le seul vrai signe de croix trinitaire.
Ce pape recommandait aux clercs de s'appliquer à le bien faire;
sinon, ils seraient incapables de rien bénir. Le geste est ordinairement
accompagné de la prononciation de cette formule : Au nom du Père,
du Fils et du Saint-Esprit.
-
Une
croix (église Saint-Pierre, Chartres).
©
Photo : Serge Jodra, 2011.
Il est vraisemblable que les anciens chrétiens
se servaient du signe de la croix pour se reconnaître parmi les païens;
mais l'histoire ne fournit que peu, sinon point, d'indications sur ce fait.
Elle contient, au contraire, de nombreux témoignages attestant que
les chrétiens employaient surtout cette pratique en vue des effets
qui lui sont attribués. Elle chasse les démons;
elle sanctifie la chair et fortifie l'âme;
elle soutient dans les épreuves et elle sauve dans les dangers,
tant spirituels que corporels; elle guérit les maladies et déjoue
les maléfices; elle décèle ou neutralise les poisons;
contre la tentation à certains péchés, elle est un
secours toujours efficace; elle purifie les lieux et les objets souillés
par les humains ou par les malins esprits qui sont dans les éléments.
Par bref du 28 juillet 1863, Pie
IX a accordé cinquante jours d'indulgence à tous les
fidèles, chaque fois que, d'un coeur contrit, ils font le signe
de la croix, en prononçant la formule trinitaire : Au nom du
père, etc. Un autre bref du 23 mars 1866 élève
l'indulgence à cent jours, lorsque le signe est fait avec de l'eau
bénite.
Certains passages des Apologistes et des
Pères indiquent que le signe de la croix
devint, dès les premiers temps, un trait caractéristique
du culte chrétien. Luther l'avait conservé;
mais la plupart des Eglises luthériennes
ont fini par l'abandonner, à cause des effets que partout et en
tout temps la superstition est disposée
à lui prêter. Les Eglises réformées
ne l'ont jamais toléré.
Adoration
de la croix.
L'usage si fréquent chez les chrétiens
de faire le signe et de prononcer le nom de la croix les fit appeler par
les païens adorateurs de la croix. Ces adversaires se plaisaient à
ajouter que les chrétiens adoraient ce qu'ils méritaient
: Id colunt quod merentur. Les réponses de Tertullien
(Apologia, XVI; Ad Nationes, XII), et de Minutius
Felix (Octavius, IX, XII, XXVIII) ne contestent pas péremptoirement
le fait d'un culte rendu à la croix. Ces deux écrivains se
défendent en prétendant que les païens eux-mêmes
honorent des objets qui ont la forme de la croix. Il est vraisemblable
que, dès les premiers siècles, les chrétiens avaient
fait un objet de religion de la croix représentée sous des
formes qui la dissimulaient aux regards des païens et qui offraient,
en outre, l'avantage de donner à cette révérence l'attrait
du mystère. Tout l'effort des Apologistes et des Pères
tend à distinguer cette adoration des chrétiens devant la
croix du culte des païens envers leurs idoles :
«
Ce n'est pas la croix que les chrétiens adorent, mais le Christ
mort sur la croix; Regem,... Christum qui pependit in ligno... non lignum
» (Ambroise, In obitum Theodosii, XLVI).
Ce qu'ils vénèrent, ce n'est
pas le bois, mais la rédemption accomplie sur ce bois.
Il est peu probable que les païens
n'aient pas établi une pareille distinction entre leurs idoles et
les divinités qu'elles représentaient. S'ils attribuaient
à ces images une puissance propre, les chrétiens, eux aussi,
crurent bientôt à une vertu surnaturelle de la croix, produisant
des effets que la seule invocation du Christ
n'aurait pas produits : les récits de ces miracles
abondent chez les écrivains ecclésiastiques. Naturellement
on adore ce qui accomplit des miracles; peu importe le nom donné
à ce culte. Dès le commencement du IVe
siècle, les poètes chrétiens l'appelaient adoration
:
Flecte genu
lignumque Crucis venerabite adora.
L'Eglise d'ailleurs
a consacré le mot, en Occident comme en Orient : adoratio, proskynêsis.
L'Eglise occidentale a longtemps célébré cette adoration
le Vendredi saint. Pour la liturgie qui la
concerne, on lit dans le Sacramentaire Grégorien :
Venit Pontifex,
adoratam deosculatur crucem.
En l'Eglise d'Orient, ce culte a lieu le troisième
dimanche de Carême
et pendant toute la semaine suivante.
Invention
de la sainte croix.
L'Eglise catholique
fête sous ce nom la découverte du bois sur lequel Jésus-Christ
a été supplicié. En 326, Hélène, mère
de Constantin, âgée déjà
de quatre-vingts ans, étant allée à Jérusalem,
entreprit de dégager le Saint Sépulcre des amoncellements
de terre superposés sur les lieux où il avait été
creusé, et de détruire les édifications païennes
qui le profanaient. Des révélations surnaturelles lui avaient
mis au coeur la certitude qu'elle trouverait l'emplacement exact de la
sépulture de Jésus et même
la croix sur laquelle il avait expiré. De concert avec saint Macaire,
évêque de la ville, elle fit conduire avec grande diligence
les travaux nécessaires. Pour dérober la croix à la
vénération des Chrétiens,
les Juifs l'avaient autrefois jetée
dans une fosse ou dans un puits, qu'ils avaient comblé avec des
pierres. Il eut été plus simple et plus sûr de la détruire;
mais l'impiété est toujours aveuglée en ses desseins;
d'ailleurs, le bois de la vraie croix est incombustible, ainsi qu'il appert
d'un miracle illustré, au XVIIe
siècle, par la fondation de l'ordre de la Vraie Croix. La fosse,
ignorée des chrétiens, n'était plus connue que de
quelques juifs, qui se transmettaient ce secret de père en fils.
L'un d'eux nommé Judas, indiqua l'endroit à ceux qui dirigeaient
les fouilles. Judas fut loué et récompensé par Hélène,
il se fit chrétien et devint un saint, que l'Eglise honore sous
le nom de Quiriace. On creusa et on découvrit trois croix. Mais
comme l'inscription énonçant la cause de la condamnation
de Jésus se trouvait détachée, il était impossible
de distinguer parmi ces croix celle de Jésus. Macaire, divinement
inspiré, les fit appliquer, l'une après l'autre, sur le corps
d'une dame de qualité, que tous les médecins avaient condamnée
et qui était mourante. Les deux premières ne produisirent
aucun effet; mais dès qu'elle fut touchée par la troisième,
la mourante se releva pleine de santé et de force. Aucun doute n'était
plus permis. Une lettre de saint Paulin à Sévère insérée
dans le Bréviaire de Paris (3 mai) raconte autrement le fait
: ce ne serait pas Macaire, mais Hélène qui aurait demandé
à un miracle l'indication de la croix divine. La princesse fit apporter
un mort déjà enseveli. Au contact de la troisième
croix, le mort ressuscita. Les interprètes bien pensants suppriment
la difficulté résultant de cette différence, en admettant
ensemble la guérison et la résurrection. D'après une
autre tradition, rapportée par saint Ambroise,
l'inscription était restée attachée à la croix
: ce qui rendait les deux miracles inutiles, au moins comme signes révélateurs.
Hélène et Constantin firent
construire une église magnifique au-dessus
du sépulcre. Une partie de la croix fut laissée à
Jérusalem, enchâssée dans un reliquaire d'argent; l'autre
fut envoyée à Constantin avec les clous qui avaient percé
les pieds et les mains de Jésus. L'empereur fit placer la portion
qu'il avait reçue dans sa propre statue, laquelle fut élevée
sur une colonne de porphyre, dans le forum de Constantinople.
L'historien Socrate affirme que cette précieuse relique devait rendre
la ville imprenable. Un des clous fut attaché au casque de l'empereur,
un autre à la bride de son cheval; et ainsi fut réalisée,
suivant divers Pères, cette prophétie de Zacharie :
«
En ce temps-là, il y aura sur les sonnettes des chevaux la Sainteté
à l'Eternel (XIV, 20).-»
Un autre clou servit plus tard à façonner
la couronne de fer de Lombardie .
Eusèbe (Vita Constantini, III et
suiv.), racontant l'exploration du sépulcre et les mesures ordonnées
par Constantin pour en dégager et en purifier l'emplacement et pour
y construire un sanctuaire, ne fait aucune mention de la vraie croix. La
relation d'un voyage fait à Jérusalem
en 333 (Itinerariurn Burdegalense )
indique la crypte où le corps de Jésus
avait été déposé, et la basilique
élevée par Constantin; mais elle ne parle pas non plus de
la croix. Les premières mentions qui en soient faites se retrouvent
dans les Catéchèses de Cyrille de Jérusalem
(IV, 10; IX, 19 ; XIII, 4), composées vingt ans au moins après
la prétendue découverte. Il y est dit que des parcelles ont
été détachées de la Sainte Croix et qu'elles
sont répandues dans tout l'univers, mais il n'y est point fait allusion
aux faits contenus dans la légende que nous avons résumée.
Dès le commencement du Ve siècle,
cette légende semble acceptée par tous les écrivains
ecclésiastiques comme authentique, quoique avec diverses variantes.
De tous les miracles de la Sainte Croix,
le plus grand est peut-être la mystérieuse puissance de reproduction
dont elle est douée. Dans sa lettre à Sévère,
saint Paulin affirme qu'on peut en retirer indéfiniment
des parcelles sans la diminuer. On a comparé cela à la multiplication
des pains au désert. Tous ces fragments, s'ils étaient réunis,
formeraient la charge de plus de dix ânes.
Il est vraisemblable qu'une fête
a été instituée très anciennement à
Jérusalem pour commémorer
l'invention de la Sainte Croix, et qu'elle a été introduite
successivement dans d'autres églises. Papebroch (Acta sanctorurn,
III) affirme qu'elle n'a été célébrée
d'une manière générale que vers 720. Dans l'Eglise
latine, elle a lieu le 3 mai. L'Eglise grecque
la joint à la fête de l'Exaltation de la Sainte Croix.
Fête
de l'exaltation de la Sainte Croix.
Célébrée le 14 septembre
cette fête est fort ancienne.
On suppose qu'elle a été originairement instituée
à Jérusalem pour commémorer
la dédicace de l'église du Saint-Sépulcre construite
par Constantin (335). A ce souvenir on
ajoutait vraisemblablement celui de l'apparition de la croix à Constantin,
peut-être aussi celui d'une autre apparition aperçue à
Jérusalem en 346. Mais la principale illustration de cette fête
est la restitution à l'église de Jérusalem de la Sainte
Croix, que Chosroês Il lui avait enlevée.
Ce roi des Perses, vainqueur de l'empereur
Phocas, avait pris Jérusalem, dévasté l'église
du Saint-Sépulcre et massacré une partie des habitants. Il
en emmena beaucoup d'autres en captivité et il fit emporter la Sainte
Croix. Vaincu à son tour par Héraclius,
il fut assassiné par son fils Siroès (628). Celui-ci, pour
conclure la paix avec l'empereur, consentit à rendre la Croix. Elle
fut triomphalement conduite à Constantinople
et, au printemps suivant, ramenée fort solennellement à Jérusalem.
Héraclius voulut la prendre sur ses épaules, en entrant dans
la ville; mais, comme il était revêtu de son costume impérial,
la croix se fit un fardeau qui l'empêcha de marcher. Sur le conseil
du patriarche Zacharie, il quitta ses vêtements précieux,
sa couronne et sa chaussure. Aussitôt la croix devint légère,
et l'empereur put la porter jusqu'à l'église. L'année
suivante, Héraclius était vaincu par les musulmans, et en
647, sous son règne, Jérusalem était prise par eux.
Pour cette fête, le Bréviaire parisien (Lectio
VI) associe à la mémoire de l'empereur Héraclius celle
du roi saint Louis, au 14 septembre 1241, dépouillé
de ses habits royaux, nu-pieds et portant la portion de la vraie croix
à lui remise par les templiers, qui l'avaient reçue en gage
de l'empereur Baudouin. Merveilleusement sauvée, pendant la Révolution,
elle se trouve encore à Paris, ainsi que la croix incombustible
léguée à l'abbaye
de Saint-Germain-des-Prés par Anne de Gonzague, princesse palatine,
et deux fragments des clous divins.
Chemin
de la croix ou chemin du calvaire.
L'institution communément désignée
sous ce nom est récente. C'est pourquoi on s'est efforcé
d'en faire remonter l'origine aux premiers chrétiens. Elle a pour
objet de mettre à la portée des fidèles, dans tous
les pays, les moyens de satisfaire la dévotion qui menait autrefois
tant de pèlerins à Jérusalem
et d'obtenir les grâces espérées de la visite aux Lieux
saints. La première invention en semble due au bienheureux Alvaro,
de l'ordre des frères prêcheurs. Ce religieux, revenant de
Palestine ,
fit construire dans son couvent de Saint-Dominique, à Cordoue,
divers oratoires formant des stations où se trouvaient représentés
les prin cipaux faits de la passion de Jésus-Christ.
La chose ayant eu un commencement de succès chez les dominicains,
les frères mineurs de l'Observance de Saint-François s'emparèrent
de l'idée et la développèrent. Ils établirent
dans toutes leurs églises un chemin de la Croix avec quatorze stations
distinctes. Il paraît cependant que la propagation de cette dévotion
se fit lentement; car ce ne fut qu'à la fin du XVIIe
siècle que les papes l'approuvèrent
officiellement (Innocent XI, Innocent
XII, Benoît XIII, Benoît
XIV, Clément XII). Ils ont attribué
aux fidèles qui suivent dévotement le chemin de la Croix
toutes les indulgences qui sont accordées à ceux qui visitent
en personne les lieux saints de Jérusalem; mais un avis de la sacrée
Congrégation des Indulgences défend aux prédicateurs
et aux catéchistes de spécifier quelles sont ces indulgences.
Chacune des quatorze stations est affectée
à un souvenir de la passion. Parmi ces souvenirs il y en a plusieurs
que l'Evangile
ignore. L'un d'eux surtout, celui qui se rapporte à Véronique,
provient d'une source plus que suspecte. Toutes les stations doivent être
marquées par des croix bénites, mais les tableaux ne sont
point indispensables. Les croix seules procurent les indulgences. Les chemins
de la Croix peuvent être établis dans les églises ou
en dehors. Le privilège de les ériger et de les bénir
appartient en propre aux frères mineurs de l'Observance et, par
extension, aux capucins, qui sont un rameau
de l'ordre franciscain. Néanmoins,
des rescrits pontificaux permettent personnellement à des évêques
n'appartenant pas à l'ordre de Saint-François et même
à de simples prêtres dément autorisés de l'ordinaire,
d'ériger et de bénir des chemins de la Croix. L'érection
faite par eux n'est pas valide, si elle a lieu en dehors des églises.
Croix
pectorale.
La croix pectorale est l'insigne de la
dignité épiscopale ou abbatiale. Elle est ordinairement formée
d'or ou d'argent et de pierres précieuses; elle pend sur la poitrine,
comme l'indique son nom. Les évêques, les abbés et
les abbesses la portent suspendue au cou, attachée pour les uns
à une chaîne d'or ou à un cordon de soie vert et or
et pour les autres à un cordon de soie violette. Le pape ne la prend
que lorsqu'il chante la messe pontificalement. Il semble que cette croix
n'est devenue un ornement pontifical, d'un usage général,
que depuis le XIIIe siècle. Benoît
XIV dit que cet ornement n'est pas un signe de juridiction. Mais ce
qui en est un au suprême degré, c'est le privilège
réservé au pape, à ses légats et aux archevêques
de faire porter devant eux une croix stationale ou processionnelle. Dans
les processions, le Christ attaché à
cette croix est tourné en avant et il semble guider les fidèles
qui suivent. Lorsque la croix fait cortège au pape et aux dignitaires,
le Christ est retourné de leur côté, comme s'il devait
aller à reculons devant eux.
Croix
héraldique.
Dans le blason, la croix est une des pièces
honorables de l'écu. Si elle n'est pas chargée, cantonnée
ou accompagnée , elle ne couvre que la cinquième partie du
champ; si elle est chargée, elle en prend le tiers. Cette armoirie
fut originairement accordée à ceux qui avaient exécuté
ou entrepris quelque action d'éclat pour le service de l'Eglise.
La croix a reçu de nombreuses modifications de forme; on distingue
: la croix engreslée, ayant une sorte de dentelure sur les bords;
la croix pattée, dont les quatre extrémités s'élargissent;
la croix potencée, terminée par quatre plates-bandes; la
croix ancrée, crochue à ses extrémités comme
les ancres des vaisseaux; la croix cléchée, percée
à jour de manière à laisser voir le fond de l'écu;
la croix bourdonnée ou pommelée, quand elle a ses extrémités
terminées par des boules; la croix fourchée, quand les extrémités
sont découpées de manière à former trois pointes;
la croix gringolée ou givrée, quand les extrémités
finissent en tête de serpent, etc.
On donne encore le nom de croix
à la réunion du pal et de la fasce. (B.).
Applications du
mot croix à des dénominations d'ordres ou de congrégations.
Religieux
de Sainte-Croix.
Ces religieux, ainsi que ceux des congrégations
qui se prétendent dérivés de leur ordre, sont communément
appelés croisiers. Après les carmes,
qui réclament le prophète Elie comme fondateur, les croisiers
revendiquent la plus haute antiquité : institués par le pape
saint Clet (78-91 ?), réformés par saint Quiriace, ce juif
qui indiqua à sainte Hélène le lieu où la croix
de Jésus-Christ était enfouie, ils se trouvaient, dit-on,
en Palestine ,
bien longtemps avant les croisades.
En 1169, Alexandre
III donna aux croisiers d'Italie une règle et des constitutions.
En 1656, Alexandre VII les supprima
pour cause de relâchement et attribua leurs biens à la république
de Venise, afin de soutenir la guerre contre
les Turcs.
Chanoines
réguliers de la Sainte-croix.
En 1244, Théodore de Celles, chanoine
de Liège ,
fonda sur la colline de Clair-Lieu, près de Huy, en Belgique ,
une congrégation de Chanoines réguliers
de la Sainte-croix, en imitation des croisiers de Palestine. Cette congrégation
fut approuvée en 1246 par Honoré III et confirmée
en 1248 par Innocent IV. Saint
Louis appela à Paris quelques-uns de ces chanoines et les établit
rue de la Bretonnerie. Avant la Révolution, ces croisiers possédaient
plusieurs maisons en France et sur les bords du Rhin, où on les
appelait pères hospitaliers, à cause des soins qu'ils donnaient
aux pauvres et aux malades. Leur général résidait
au couvent de Clair-Lieu. Leur patronne est sainte
Odile, une des onze mille vierges martyrisées à Cologne
avec sainte Ursule. Sainte Odile avait révélé au croisier
Jean Novélan le lieu où son corps était enterré.
Depuis la Révolution, les chanoines
réguliers de la Sainte-Croix se sont relevés à Sainte-Agathe,
près Cuyk, et à Uden, en Hollande ,
à Diest et à Maeseyk, en Belgique.
Pour la connaissance des choses du catholicisme,
il est intéressant d'indiquer les privilèges conférés
à cet ordre en matière d'indulgences. Un indult de Léon
X (20 avril 1516) avait accordé au général et
à ses successeurs la faculté d'appliquer aux chapelets
de cinq, dix ou quinze dizaines une indulgence de cinq cents jours pour
chaque Pater et chaque Ave, sans qu'il fût nécessaire
de dire tout le chapelet. Le 13 juillet 1845, Grégoire
XVI a rendu l'indulgence applicable aux âmes du purgatoire.
Le 9 janvier 1848, Pie IX a concédé
au général le pouvoir de communiquer cette faculté
à tous les prêtres de son ordre; Léon XIII l'a déclarée
exclusivement propre à l'ordre de la Sainte-Croix.
Une congrégation de Chanoines réguliers
de Sainte-Croix fut aussi instituée en Bohème ,
par un croisé qui avait connu les religieux de Sainte-Croix en Palestine.
Elle fut confirmée par Grégoire
IX (14 avril 1238). Clément X et
Innocent XI, approuvant les statuts de cette
congrégation, l'appellent un ordre militaire. Les empereur donnaient
à ces croisiers le nom de Chevaliers de la Croix. On leur confia
un grand nombre d'hôpitaux en Bohême, en Pologne
et en Lituanie .
Chevaliers
de la vraie croix.
Nom donné aux membres d'un ordre
institué en 1668, pour les dames, par Eléonore de Gonzague,
veuve de l'empereur Ferdinand III.
Cette institution avait pour objet de perpétuer le souvenir d'un
miracle auquel nous avons fait allusion aux
§§ Invention de la Sainte Croix et Exaltation de la Sainte
Croix : en un incendie du palais impérial, une croix appartenant
à l'impératrice et composée de deux morceaux de la
vraie croix subit l'atteinte des flammes sans être endommagée.
Par suite d'un legs fait aux religieux de Saint-Germain-des-Prés,
cette croix se trouve à Paris.
Des savants sceptiques, qui l'ont examinée, affirment que le bois
dont on la prétend faite est une substance minérale. Quoi
qu'il en soit, pour qu'une daine fût admise dans l'ordre de la Vraie
Croix, il fallait qu'elle fût noble et de famille illustre, tant.
du côté du père et de la mère que du côté
du mari et en réputation d'avoir beaucoup de grandeur d'âme.
La
congrégation des Clercs déchaussés de la Sainte-Croix.
Ces clercs sont appelés aussi Passionistes,
instituée par saint Paul de la Croix, pour prêcher la pénitence
en exposant les souffrances de Jésus, a
été approuvée en 1725 et en 1741 par Benoît
XIII et Benoît XIV. Maison mère
à Rome. En 1864, elle avait en France
deux maisons et dix-huit pères.
Autres
congrégations.
Il y avait à la même époque
cent trente et un Frères de la Croix de Jésus répartis
en trente-quatre maisons.
Une congrégation de Sainte-Croix
(du Mans) a été organisée en 1833 par le père
Moreau. Elle comprenait les pères Salvatoriste (deux maisons en
France, vingt-huit clercs réguliers), voués aux missions,
à l'instruction de la jeunesse et au ministère paroissial;
les Frères joséphites (cinquante-trois maisons en France,
deux cent soixante-trois frères), qui doivent leur origine (1806)
à Jacques Dujarié, curé de Ruilly-sur-Loire : instruction
secondaire et instruction primaire; les Soeurs Marianistes, chargées
des soins de lingerie et d'infirmerie dans les séminaires et les
collèges de la congrégation et qui s'occupent aussi de l'instruction
des jeunes filles dans des maisons particulières. Cette congrégation
complexe, dont le supérieur général réside
à Rome, possède de nombreux établissements
en Europe ,
aux Etats-Unis ,
au Canada ,
au Bengale ,
en Australie .
En 1625, Guérin, curé de
Roye, forma une maison de Filles de la Croix, pour l'instruction des jeunes
filles. Mme de Villeneuve les établit à Brie-Comte-Robert
et à Paris; elle fit prononcer par une
partie de ces filles les trois voeux simples de pauvreté, de chasteté
et d'obéissance. Les autres voulurent conserver leur liberté
: ce qui les obligea à se séparer. Avant la Révolution,
chacune des deux congrégations avait sou supérieur général.
Le recensement spécial de 1861 indique
pour, la France trente-quatre Dominicaines de la Croix (une maison); trente-quatre
Religieuses de la Croix de Jésus (neuf maisons) ; huit cent quatre
Soeurs de la Croix (sept maisons mères, quatre-vingt-trois maisons);
quatre-vingt-une Soeurs de la Saint-Croix (vingt-deux maisons).
(E.-H. Vollet). |
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