| Chêne. Cet arbre fut toujours pour l'Europe ce qu'était le palmier pour l'Afrique et l'Asie. Les Anciens plaçaient dans les forêts de chênes les Dryades et les Hamadryades, chacune de ces dernières était attachée à un arbre qui naissait et mourait avec elle. Ovide raconte, dans ses Métamorphoses, l'histoire d'Erésicthon, qui abattit un bois consacré à Cérès, et surtout un chêne si gros, que seul, dit le poète, il était une forêt, una nemus. On y attachait des bandelettes et des tableaux votifs. Au premier coup de cognée l'arbre gémit; il en sortit du sang, et une voix lui dit : "Tu fais mourir une nymphe renfermée sous cette écorce et chérie de cérès, mais bientôt ta mort me vengera". Eresicthon expira dans les horreurs d'une faim dévorante. La mythologie gréco-romaine possède d'autres récits impliquant des arbres, qui sont souvent des chênes. Les arbres et les rochers, étaient ainsi sensible à la musique d'Orphée; Philémon fut changé en chêne, et Baucis en tilleul; la Toison d'or était suspendue à un chêne; et l'apologue de la cognée, qui demande, dans une forêt, un chêne pour se faire un manche? on lui accorde; alors elle emploie ses forces à détruire la forêt : image sensible de l'ingratitude... Les Grecs et les Romains, dans leurs sacrifices, ornaient les autels de rameaux de chêne, et le laboureur n'osait commencer sa moisson qu'il n'eût auparavant couronné sa tête de feuillages de chêne et chanté des vers en l'honneur de Cérès. A Dodone, on voulait que les chênes rendissent des oracles. Ils étaient prophétiques en ce sens que quand ils avaient peu de fruits, cela présageait une disette. Pline le naturaliste assure qu'en son temps beaucoup de peuples étaient balanophages et glandivores. Il cite entre autres l'Espagne, où l'on servait des glands au dessert. Chez les Grecs, encore, lorsque l'on conduisait l'épouse à la maison de l'époux, un enfant, qui portait du gland et du pain, précédait en criant : J'ai quitté le mauvais, j'ai trouvé le bon. Chez les Romains, un chêne planté devant la maison était regardé comme protecteur. C'est à cet arbre qu'ils suspendaient les dépouilles des ennemis vaincus, à l'imitation, sans doute, de ce qu'avait fait Enée après avoir tué Mézence. Les ambassadeurs romains prirent les chênes à témoin que les Eques avaient rompu l'alliance. Les consuls Domitius et Dolabella ayant établi un concours pour les poètes, le feuillage du chêne servit à tresser les couronnes décernées au capitole à ceux qui avaient mérité le prix. Le même genre de récompense avait été accordé à celui qui avait sauvé la vie d'un citoyen. Gellius proposa au sénat d'en donner une à Cicéron, qui, en dévoilant la conjuration de Catilina, avait sauvé, non seulement un citoyen, mais la patrie... Quelles raisons décidèrent la préférence accordée au chêne pour les couronnes civiques? Plutarque en allègue plusieurs. C'est, dit-il, parce que le chêne se trouve partout, parce que cet arbre est né le premier, etc. L'adelation, qui corrompt tout, profana dans la suite les couronnes civiques en les décernant aux tyrans. Car on trouve des médailles de Caligula avec le gland et l'inscription Ob Cives servatos; de Vespasien, avec la couronne de chêne et la légende Libertate populi romani restituta ou Adsertori libertatis publicae. Les Celtes révéraient Esus dans les chênes, la divinité suprême. Un culte qui s'est perpétué en France jusqu'aux douzième et treizième siècles. (Grégoire). | |