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Les Célestins sont un ordre monastique fondé par saint Célestin V, avant son avènement à la papauté. Ce saint, qui avait reçu au baptême le prénom de Pierre, était le onzième des douze enfants d'une très humble famille, du nom d'Angélerier. Avant sa naissance, la légende veut que Marie, sa mère, fût avertie par divers signes, songes et visions, de la haute et sainte destinée réservée à son fils. Ces révélations ne tardèrent pas à se réaliser, car Pierre encore enfant avait déjà reçu le don des miracles, recueillant en épis mûrs le blé qui était encore eu herbe lorsque sa faucille le coupait. Sa mère brava donc toutes les oppositions et s'imposa tous les sacrifices pour lui donner l'instruction nécessaire à l'état ecclésiastique, mais Pierre ne voulut prendre de cette instruction que ce qui est indispensable à la lecture des psaumes et à la récitation des offices, se défiant sans doute de la vanité et des dangers de la science. Plus tard, il interdit l'étude à ses religieux. Vers l'âge de vingt ans, il résolut de se retirer en quelque ermitage; mais Satan, qui déjà avait maintes fois essayé de traverser ses pieux desseins, multiplia les ruses et les assauts pour l'en détourner. C'était surtout le trésor de sa virginité qu'il voulait lui ravir, dit la relation édifiante à laquelle nous empruntons ces éléments. Sur sa route, Pierre trouva deux diables transformés en femmes merveilleusement belles et infernalement impudiques; affolé par leurs provocations, il se roulait par terre, près de succomber; mais finalement le signe de la croix le fit sortir victorieux de cette rencontre. Quelque temps après, Satan reprit l'attaque en personne, métamorphosé lui-même en femme et usant de tous les moyens que l'industrie diabolique peut excogiter. La Relatio suae vitae écrite par Pierre lui-même, son histoire rédigée par P. d'Ailly (mort en 1340) d'après les témoignages des religieux qui avaient été les contemporains du fondateur de leur ordre, sont remplies des ruses et des méfaits multipliés par Satan pour l'induire au péché. Vaincu le jour, Satan prenait la nuit d'éclatantes revanches. Notre saint, qui fut pape, raconte lui-même que, dès qu'il fut prêtre, il devint livré à des pollutions nocturnes, le mettant en un état d'impureté qui lui semblait incompatible avec la célébration de la messe. Les exhortations de son confesseur étant impuissantes à le rassurer, un saint abbé, qui était mort, lui apparut pour lui faire savoir qu'il devait dire la messe malgré ces désordres et les misères de sa chair. Cependant, il le soumettait, sans relâche, à des mortifications suppliciantes, inculta veste horridus, macie squalidus. Pierre établit sa première retraite sur le mont Murrone, dans une grotte ou plutôt dans un trou étroit comme un sépulcre, et dont il avait chassé un serpent. Il y vécut solitaire pendant cinq ans. Les bois qui couvraient cette montagne ayant été coupés, il se retira, avec deux compapnons qu'il avait consenti à accepter, dans le site plus sauvage de Majella, dans les Abruzzes. Deux ou trois ans après, il revint au mont Murrone, où furent construits un oratoire et un monastère dédiés au Saint-Esprit. Pierre y institua, vers 1251, une congrégation, qu'il soumit à une discipline singulièrement sévère pour tous, mais plus sévère encore pour des jeunes gens livrés à de funestes tentations, et qui opéra sur eux des cures merveilleuses racontées dans la Relatio suae vitae. Cette institution, recommandée par son austérité et d'incessants miracles, fut reconnue en 1264, par le pape Urbain IV et rattachée extérieurement à l'ordre de Saint-Benoît (Bénédictins). Comme elle n'avait rien de commun avec cet ordre, ni pour la règle, ni surtout pour l'esprit, Pierre sollicita pour elle et obtint en 1274, du concile général de Lyon, un chef propre et une dénomination distincte : Ermites de Saint-Damien. Les premières maisons de ces religieux avaient été appelées monastère de Sainte-Marie-de-Majella et monastère du Saint-Esprit. Le concile, fort hésitant d'abord, avait été décidé par des manifestations miraculeuses accomplies en faveur de Pierre, à qui des anges apportèrent directement de son monastère les vêtements qu'il désirait pour dire la messe; la robe, qu'il avait quittée pour les revêtir, se trouva suspendue à un rayon de soleil. Defectu scientiae, malignitate plebis, infirmitate personae.Cette abdication a été le seul cas de démission volontaire que présente l'histoire de la papauté jusqu'à celle, récente de Benoît XVI. Après son avènement à la papauté, Célestin confirma l'institution de l'ordre qu'il avait fondé; il l'affranchit sur tous les points de la juridiction de l'ordinaire, et lui accorda des privilège exorbitants, qui furent restreints plus tard. Dès lors, les ermites de Saint Damien s'appelèrent les Célestins. Au commencement du XVIIIe siècle, leur ordre possédait cent vingt-quatre couvents répartis en treize provinces. Son centre était le monastère du Saint-Esprit de Murrone, près de Sulmone. Un chapitre général devait y être tenu chaque année. Tous les trois ans, ce chapitre élisait un supérieur général, qui devait se démettre de ses fonctions à la fin de chacun de ces termes. Primitivement, il pouvait être renommé immédiatement après cette démission; mais dès 1323, la réélection d'un ancien général ne fut plus permise que neuf années après qu'il avait cessé d'exercer son office. En France, où ils avaient été introduits par Philippe le Bel (1300) et largement dotés par lui, vraisemblablement à cause de leur hostilité contre Boniface VIII, les célestins jouirent longtemps de la faveur des rois. Ils s'y étaient constitués comme Congrégation de France, et ils possédaient vingt-trois monastères fort riches. Leur maison de Paris (fondée en 1318), avait privilège de chef-d'ordre. Elle était derrière l'Arsenal, sur le quai auquel fut donné le nom de Quai des Célestins. Tous les trois ans, le chapitre y élisait un provincial avec autorité de général. Celui-ci, assisté de six définiteurs, nommait les prieurs, lesquels choisissaient les sous-prieurs et les autres officiers. Le chapitre pouvait aussi reviser lés statuts de l'ordre, et il usa largement de cette faculté pour adoucir la règle. La plus connue de ces révisions est celle de 1617; les règlements nouveaux qu'elle a produits ont été imprimés. Cependant les libertés auxquelles les célestins s'étaient habitués paraissent avoir dépassé de beaucoup tout ce qui peut être inscrit dans la règle la plus mitigée. Un édit de Louis XV (1768) ayant enjoint à tous les ordres religieux du royaume de s'astreindre à la Conventualité, c.-à-d. à l'obligation de vivre en commun dans un monastère, au nombre de trois au moins, et d'observer leur règle, les célestins estimèrent cette réforme générale trop pénible pour eux; dans un chapitre tenu à Limoy-les-Mantes (1770), ils refusèrent de s'y soumettre, déclarant préférer la sécularisation. Ils résistèrent pareillement à des édits ultérieurs les assujettissant à l'autorité des évêques. Ils furent sécularisés par un bref de Clément XIV et par des brefs particuliers de Pie VI (1776-1778). En conséquence, leurs monastères furent supprimés, et leurs biens mis sous séquestre. Leur maison de Paris avait d'abord été destinée aux cordeliers; mais en 1785, on en affecta une partie à l'institut de sourds-muets fondé par l'abbé Sicard; une autre partie fut convertie en caserne de cavalerie, et le reste vendu. Leur bibliothèque, qui contenait des livres précieux, fut transférée à l'Arsenal. Leur costume consistait en une robe blanche, un capuchon noir et un scapulaire de la même couleur. Pour le choeur et les sorties, ils avaient un manteau noir. Il importe de ne pas confondre, comme on le fait parfois, ces célestins avec les pauvres ermites célestins de l'ordre de Saint-François. Ceux-ci étaient des franciscains qui protestaient contre le relâchement introduit dans leur ordre. Célestin V les autorisa à quitter le nom de Frères mineurs, et à se constituer séparément sous le nom qui vient d'être mentionné. Malgré cette approbation, Boniface VIII les persécuta avec acharnement. Quelques-uns furent emprisonnés et on leur infligea les plus cruels traitements; d'autres se réfugièrent en Grèce, d'autres en France. (E.-H. Vollet). |
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