| Belphégor, Béelphégor, Baalphégor ou Baalpeor (hébreu : Ba'al Pe'ôr, « le Baal de Peôr; ») est une divinité moabite à laquelle, selon la Bible, rendirent un culte un grand nombre d'Hébreux séduits par les filles de Moab (Nombres, XXV, 1-9, 18; XXXI, 16). Le nom de ce dieu renferme d'abord l'élément Ba'al (Baal, Béel), « maître, » dieu des Phéniciens et des peuples voisins, puis l'élément Pe'ôr (Phégor). Baal prenait des titres divers selon les lieux où il était adoré, Ba`al-Sur ou Baal de Tyr, Ba`al-Sidôn ou Baal de Sidon, etc. D'autres divinités peu connues dérivaient leur nom de Baal, comme le Deus Belatucadrus, le Jupiter Belmarchodes, et le Theos Beelmar dont le nom se lit sur une lampe du British Museum. A ces dieux on peut joindre le Sol Alagabalus vénéré en Syrie, et d'où tira son nom un des empereurs romains du IIIe siècle (Heliogabale), ainsi que les dieux Aglibol et Malacbel, nommés sur le célèbre autel palmyrénien du Campidoglio. Le nom du Béelphégor moabite est formé d'une manière analogue, en unissant au titre générique de Baal ou Béel le nom du lieu où il était honoré, c'està-dire le mont Phégor ou Phogor, comme l'appelle ordinairement la Vulgate. « Béelphégor fut une idole des Moabites sur le mont Phégor, » dit saint Isidore de Séville, Etymologies, VIII, t. LXXXII. L'étymologie imaginée par les anciens Juifs, qui voyaient dans le nom du dieu une allusion au culte licencieux qu'on lui rendait est aujourd'hui universellement abandonnée. Il n'est guère douteux, d'après le récit des Nombres, qu'on rendait à Béelphégor un culte qui a fait que des Pères latins l'ont assimilé à Priape. « Phégor est le nom hébreu de Priape », dit saint Jérôme. Suivant les rabbins on lui rendait hommage sur la chaise percée, et qu'on lui offrait le résidu de la digestion. C'est pour cela que certains doctes n'ont vu dans Belphégor que le dieu Pet ou Crepitus. Selden, cité par Banier, prétendait que ce dieu présidait aux cérémonie funèbres et qu'on lui offrait des victimes humaines. dont ses prêtres mangeaient la chair. Wiérus a supposé que c'était un démon qui avait toujours la bouche ouverte; observation qu'il doit sans doute an nom de Phégor, lequel signifie, selon Leloyer, crevasse ou frendasse, parce qu'on l'adorait quelquefois dans des cavernes , et qu'on lui jetait des offrandes par un soupirail. - Belphégor. On lui donnait une figure très obscène. Selden pensait par ailleurs que les actes commis par les Hébreux avec les femmes moabites et madianites n'avaient aucun rapport avec le culte rendu à cette divinité (le livre des Nombres dit que les filles des Moabites invitèrent les jeunes Israelites à la célébration des fêtes de Belphégor, qu'ils y allèrent et s'y livrèrent à la débauche). Mais nous ne savons, du reste, sur la nature de cette divinité rien autre chose que ce que nous en dit la Bible, forcément de parti pris. Saint Jérôme, dans son Commentaire d'Isaïe, 1. V, c. xv, 2, dit que le dieu de Moab, « Chamos, s'appelait d'un autre nom Béelphégor ». Que Chamos et Béelphégor fussent des divinités assez similaires, cela est probable; mais les Moabites ne devaient cependant pas confondre l'un avec l'autre. Quant à la forme sous laquelle on représentait le Baal adoré sur le mont Phogor, Rufin, In Osee, IX,10, I. III, rapporte une opinion d'après laquelle on l'aurait figuré de la même manière que les Latins figuraient Priape, mais en réalité on ne sait absolument rien là-dessus. La Bible ne nous apprend plus qu'une chose, c'est qu'il y avait une localité appelée Bethphogor (Josué, XIII, 20; Deutéronome, III, 29; IV, 46; XXXIV, 6), ou « temple de Phogor », comme traduit la Vulgate en plusieurs endroits (Deutéronome, III, 29; IV, 46). Cette ville ne pouvait être ainsi nommée que parce qu'on y rendait un culte à Béelphégor. Le culte de ce dieu dut se conserver longtemps sur le mont Phogor, même après que les Moabites, à la suite des conquêtes de Nabuchodonosor, furent devenus les sujets des Babyloniens, puis des Perses, des Grecs et des Romains. Jusque sous la domination de Rome, quand l'ancien pays de Moab fut devenu par ordre de l'empereur Trajan, en 106, une province romaine, comme l'atteste Dion Cassius (LXVIII, 14), le culte de l'antique Béelphégor se continua, semble-t-il, sous le nom de Jupiter Beellepharus. C'est ainsi du moins que l'on voulu expliquer une inscription découverte, à Rome, au milieu de plusieurs autres, dans les casernes des equites singulares, près du Latran. Cette inscription, du milieu du IIe siècle environ, est ainsi conçue : DIS . DEABVSQVE IOVI . BEELLEFARO SACRUM . PRO SALVT T . AVR . ROMANI . ET IVLIANI . ET . DIOFANTI FRATRES . EQ . SING . IMP . N V . S . L . M (Equites singulares imperatoris nostri, votum solverunt libentes merito). Les equites singulares étaient les gardes à cheval des empereurs romains, et on les choisissait parmi toutes les nations soumises à l'Empire. De fait, dans la caserne découverte près du Latran, outre cette inscription, on en a trouvé beaucoup d'autres analogues, dédiées à des dieux étrangers, c'est-à-dire aux divinités des pays dont les cavaliers eux-mêmes étaient originaires; quelques-unes d'entre elles en particulier étaient consacrées à des divinités orientales. Il est donc très possible que les cavaliers mentionnés dans notre inscription étaient originaires de la province de l'Arabie septentrionale correspondant à une partie de l'ancien pays de Moab, et que ce fut « pour leur salut » que leurs compagnons et compatriotes (fratres) dédièrent à Rome, aux dieux de leur patrie, un monument votif, qui serait ainsi le dernier témoignage connu du culte de Jupiter Beellepharus, transformation du culte beaucoup plus antique de Béelphégor, mentionné dans l'Ancien Testament. Les occultistes ont fait de Belphégor le démon des découvertes et des inventions ingénieuses. Selon eux, il prend souvent un corps de jeune femme. II donne des richesses. (H. Marucchi). | |