| Le basilic est un animal famuleux célèbre dans l'Antiquité et au Moyen âge et dont la légende est encore restée vivace dans certaines campagnes jusqu'au seuil de l'époque contemporaine. Le Basilic, disait-on, causait par sa piqûre une mort instantanée; son regard était des plus redoutables et malheur à l'humain qui venait à le rencontrer; il se sentait pénétré d'un feu soudain et périssait au milieu des tourments. Mais si l'homme l'apercevait le premier, il n'avait rien à, craindre de lui. On a diversement figuré le Basilic. Les uns le représentent sous la forme d'un serpent, avec ou sans ailes. D'autres lui donnent la tête, le cou et les pattes du Coq, parce qu'ils le disent sorti d'un oeuf de coq couvé par un crapaud. Enfin on le voit, sur quelques monuments, avec des ailes de sauterelle ou de papillon. Dans l'imagerie du Moyen âge, il est représenté avec la tête, le cou et la poitrine du Coq, le corps du serpent et huit pattes. Le Basilic était l'emblème du génie du mal et de la débauche. Les Grecs anciens, qui l'appelaient Basilicus regulus, se représentaient le Basilic comme un serpent d'un pied de long, avec une tache blanche et trois excroissances sur une tête pointue; c'était, disait-on, le plus venimeux des serpents. Son haleine non seulement était mortelle pour les êtres vivants, mais brisait les pierres. Le Basilic des vieux auteurs (parmi lesquels Aristote lui-même) lançait par ses yeux le feu et la mort, et cela avec une telle violence, que, même en lui opposant un miroir, la réflexion de son propre regard le faisait aussitôt périr. Son souffle suffisait pour asphyxier; aucune plante ne pouvait végéter autour de son repaire; et ses dépouilles, suspendues dans un temple, préservaient celui-ci des toiles d'araignées et des nids d'hirondelles. Ce monstre si terrible redoutait toutefois une belette qui s'était roulée sur la rue; et surtout le chant matinal du Coq, parce qu'il provenait, disait-on, de l'oeuf d'un alectryon décrépit. Boguet, an chapitre 14 de ses Discours des sorciers, le faisait produire de l'accouplement du Crapaud et du Coq, comme le mulet naît d'un âne et d'une jument. Pour beaucoup de gens, les oeufs hardés, c.-à-d. inféconds, les oeufs sans jaune, étaient d'ailleurs produits par de vieux Coqs et donnaient naissance à un Basilic. On lit dans la Bible (Psaumes) que Dieu s'adressant au juste et lui promettant des anges conducteurs, ajoute : "A l'abri de leurs ailes tutélaires, tu pourras marcher impunément sur l'aspic, sur le basilic, et fouler sans crainte le lion du désert et le dragon." On raconte qu'un Basilic s'étant déclaré le champion des habitants d'une ville d'Asie qu'Alexandre le Grand assiégeait, se mit à faire jouer ses prunelles de telle sorte, entre deux pierres du rempart, qu'il foudroya de ce poste environ deux cents Macédoniens qui avaient les yeux fixés sur ce point. Thomas Browne, médecin du XVIIe s., qui a écrit un ouvrage sur les superstitions populaires et dans l'intention de s'élever contre elles, a cependant consigné dans son livre la singulière interprétation suivante de la faculté attribuée au Basilic de tuer du regard la personne qui ose le fixer :. « S'il est vrai, dit-il, que des atomes pestilentiels aient été fort souvent transportés dans les airs à de longues distances; si l'on a vu des hommes et des peuplades entières en être infestées de loin; si l'ombre de certains arbres est funeste; si les torpilles ont la faculté de nous frapper d'engourdissement par l'effet d'un contact insensible, pourrions-nous douter qu'outre les poisons grossiers et matériels, qui n'agissent que par attouchement, il n'y en ait de plus déliés et de plus subtils dont les rapides émanations ne reconnaissent pas cette loi? Il n'est donc pas impossible que le poison parti des yeux du basilic ne tue son homme à une certaine distance, quoique tous les auteurs ne conviennent pas de ce fait, et que quelques-uns l'attribuent à son haleine, les autres à se morsure. Je croirais volontiers que les rayons visuels de ses yeux se chargent de la portion la plus subtile du poison; qu'ils atteignent les yeux du spectateur, attaquent d'abord le cerveau, ensuite le coeur; ce qui opère nécessairement la mort." Aux époques de crédulité, raconte C. d'Orbigny, les marchands vendaient aux curieux ignorants de petites Raies façonnées en forme de Basilic. Au début du XXe siècle on pouvait voir ces préparations fantaisistes dans certains cabinets d'amateurs et à la vitrine des marchands d'articles de pêche sur les quais mêmes de Paris. (A19). | |