.
-

Ahriman

Ahriman (aussi Ahermen ou Aherman, en pehlvi Hareman, chez les Latins et les Grecs qui ont déformé à leur gré les noms orientaux, Areimanios, Arimannis, Arimanus, d'où l'Arimane jadis employé communément par les auteurs français) était le principe du mal chez les anciens Perses) et par conséquent l'antagoniste d'Ormuzd qui est le bon principe. En effet, la création ahrimanienne contrarie en tout celle d'Ormuzd. Ainsi aux Izeds tutélaires s'oppose un même nombre de Devs oit génies funestes; aux Amchaspands qui sont comme les princes des Izeds, s'opposent les princes des Devs. Le tableau qui suit déroule cet antagonisme de toutes les fonctions, de tous les lieux et du tous les instants :
 
Zervane-Akérène
Ormuzd

Amchaspands
-
-
Séroch. 
Bahman. 
Ardibéhecht. Chahriver. Sapandomad. Khordad. 
Amerdad.

Izeds parmi lesquels 
Asman.

Aboudad duquel
Kaïomorts.
Gochoroun.

Tous les animaux purs.
Ahriman

Princes des Devs (nommés selon
l'Afrin des Amchaspands). 
Echem. 
Achinogh. 
Eghétech. 
Bochasp. 
Astoniad.
Tarik. 
Tosius.

Devs, parmi lesquels
Dauzakh (l'abîme personnifié). 

-
-

Les animaux impurs.

Les quatre âges du monde

Douze mille ans, ou, comme s'exprime le texte sacré, douze millénaires sont donnés par Zervane Akérène à la lutte des deux puissances qui émanent de lui. Ces douze millénaires se partagent en quatre âges égaux. 

Pendant le premier, Ormuzd est seul maître de l'univers; avec le deuxième Ahriman commence à faire sentir sa présence, mais il est encore très subordonné; au troisième, qui est la période actuelle de l'humanité, il livre bataille à son lumineux ennemi; enfin dans le quatrième, qui est l'âge à venir, il obtiendra un triomphe momentané, triomphe qui pourtant sera suivi du revers le plus complet et qui rendra au grand Ormuzd la suprématie et l'empire des mondes.

Le premier âge.
 Ormuzd pendant les trois premiers millénaires créa, selon les uns, les innombrables Fervers (archétypes ou prototypes du monde ) suivant les autres, la lumière, l'AIbordj (Mérou parsi), Gorotman (la voûte des cieux), le pont Tchnievad par lequel Albordj communique à Gorotman, les trois sphères célestes, la terre, puis le soleil qui, s'élançant de l'Albordj pour verser l'or de ses rayons sur le monde, fait le tour de la terre dans la sphère la plus sublime des cieux et le soir regagne son point de départ; puis la lune, puis les cinq moindres planètes et toute la brillante armée des étoiles, sentinelles vigilantes réparties sous la voûte céleste en douze bataillons et vingt-huit khordeds et dont le nombre ne va pas à moins de 6 430 000 combattants. 

A cette radieuse et bienfaisante création Ahriman en oppose sur le champ une autre égale en nombre et en force, mais aussi funeste, aussi hideuse, aussi obscure que la première est utile, gracieuse , étincelante de beautés.

Le deuxième âge.
Puis vient la deuxième période : il veut entamer le combat, il s'élance de l'abîme des ténèbres avec lequel il se confond, et se dresse orgueilleux, gigantesque, gonflé de poisons contre le magnifique Ormuzd; mais à la vue de l'éclat dont resplendit son rival, à la vue des astres et des purs Fervers, il retombe dans son noir empire et reste confiné pendant le reste du deuxième âge. Ormuzd que laissait respirer le désespoir d'Ahriman, continuait sa création bienfaisante et donnait naissance aux sept Amchaspands et aux vingt-huit Izeds, généraux et officiers de l'armée céleste, chargés en outre de veiller sur toutes les parties du monde organique et principalement sur les humains; puis enfin produisait le grand taureau, le taureau primordial, Aboudad, en qui se résume toute la zoologie, et en qui le dieu passionné pour le bonheur des êtres mortels a déposé les germes de toute vie physique; et, après Aboudad, Kaïomorts, c'est-à-dire le premier homme. Les deux créations, l'infernale et la céleste, sont alors complètes. 

Le troisième âge.
Soudain et au commencement du troisième âge, qui correspond au septième millénaire, Ahriman à qui sa malice profonde révèle que son temps est venu fait irruption à la tête des Devs dans l'empire d'Ormuzd, mais seul il parvient au séjour qu'habite le dieu resplendissant : sa noire et livide armée demeure en arrière. Lui-même il ne peut soutenir qu'un instant l'aspect de cette auréole de gloire qui environne son émule, et redescendant sur notre globe, sous la figure d'un serpent, il s'insinue sous la croûte rigide de la terre, pénètre jusqu'au centre, vicie, altère, envenime ou ronge tout ce qu'elle contient, souille d'une fumée dévorante le fécond Aboudad, symbole visible d'Ormuzd, puis quand de l'épaule droite du taureau cosmique sort l'homme Kaïomorts, ne trouvant rien à opposer à ce chef-d'oeuvre du Démiurge, il séduit, à l'aide de lait de chèvre et de fruits, le premier couple issu de la tige de Reivas, Meskhia et Meskhiane, et lui fait perdre par là les béatitudes célestes, et l'immortalité. Quatre-vingt-dix jours et quatre-vingt-dix nuits consécutives se passent ainsi en batailles sanglantes, douteuses, variées. Au bout de ce temps les Devs et leur chef audacieux sont refoulés dans les profondeurs de Douzakh. Ils reviennent à la charge au commencement du dixième millénaire, et cette fois ils obtiennent la victoire.

Le quatrième âge.
L'homme meurt, les âmes errent exilées et gémissantes dans l'empire d'Ahriman. Ses immondes satellites les guettent avidement à l'instant où elles quittent le corps et s'apprêtent à passer le pont Tchinevad : là est le tribunal d'Ormuzd qui a Bahman pour assesseur. Les deux juges prononcent sur le sort de l'âme voyageuse qui tantôt franchit le pont sous la garde du chien Soura, pour entrer dans Gorotman, tantôt au contraire reste en proie aux Devs cruels. Ainsi se passe la plus grande partie des trois millénaires où la gloire d'Ahriman touche à son apogée. De jour en jour, les maux plus insupportables s'appesantissent sur les humains. Ils périraient si, définitivement, Ormuzd, ouvrant son coeur à la pitié, ne leur envoyait un sauveur, pour les préparer à la résurrection générale. Puis vient l'instant de ce grand phénomène. La comète malfaisante Gourzcher, trompant la garde de la lune qui est chargée de surveiller ses mouvements, traverse l'espace et heurte la terre qui chancelle comme un homme malade, et que bientôt la flamme dévorante réduit en cendres. Les montagnes liquéfiées s'écoulent : Les âmes passent à travers les torrents de feu, et, quelles que soient leurs souillures en apparence inexpiables, y subissent une purification terrible. 

En vain alors les Devs génies et les humains que leurs crimes ont mis au rang des Devs, en vain tous les suivants d'Ahriman tentent un dernier effort contre le puissant Ormuzd : la flamme en les tortitrant les épure eux-mêmes. Du sein de l'immense incendie un nouvel univers surgit, un nouveau ciel, une nouvelle terre plus pure, plais parfaite, que ne le fut jamais l'ancienne, et destinée à l'éternité. Plus d'ombre, plus de crimes, plus de mal, plus de pleurs, plus d'enfer. Ahriman lui-même se fond avec Ormuzd dans l'Éternel, célèbre l'Izechné avec son ancien rival, proclame le Zend, et chante les louanges de la lumière.

Remarques sur Ahriman

Ahriman et Zoroastre.
Parmi les autres détails mythiques relatifs aux tentatives perfides d'Ahriman, il faut remarquer son opposition constante à la gloire de Zoroastre. Il a vu en esprit les futures perfections de ce sage, lorsque, dans le deuxième âge, il s'est élancé aux cieux. Depuis ce temps il lui a voué une haine profonde. Il essaie de ruiner son empire sur la terre; il vent le persuader de ne pas anéantir la puissance ahrimanienne sur ce globe; il lui annonce que la loi de Mardeiesnan (celui qui prie Ormuzd) tombera en désuétude. 

Ahriman le ténébreux.
Notons que, dans le Zend-Avesta, Ahriman, pendant les trois premier Gahanbars, ne veut ni célébrer un seul midda, ni se ceindre les reins du kosti (que tout fidèle disciple de Zoroastre doit porter cinq ans). Dans sa lutte contre Ormuzd, il suspend le cours des eaux, la croissance des arbres : évidemment il se confond ici avec son Dev chéri, Echem, ou bien avec Eghétech, génie de l'hiver qui glace les eaux captives, et qui frappe la sève d'inertie. Il sème l'erreur et l'hérésie parmi les humains; quoique né de Zervane-Akérène, et parallèle à Ormuzd, il n'a que des connaissances imparfaites et bornées. 

Dans la sphère intellectuelle, comme dans celle de la physique et de la morale, il est tout nuage et tout ténèbres. C'est le vice même, nous le savions; c'est la destruction et la mort; c'est aussi l'ignorance et la nuit de l'âme.

Les incarnations et emblèmes d'Ahriman.
Ahriman n'est pas un pur esprit. Nous l'avons vu prendre la forme d'un serpent pour descendre des cieux, pour percer le noyau de la terre, pour verser les poisons sur herbes, plantes, animaux et fluides aériforines, pour cajoler les oreilles et séduire le coeur de l'homme. Le Zend le représente aussi à notre esprit avec des formes humaines : il a une longue langue; ses genoux anguleux et secs font mal voir. Il est à croire lue le fabuleux artikhore (tueur d'hommes) de Ctésias (Pline, VIII, 30), avec sa face humaine, son corps de lion, son triple rang de dents aiguës, sa queue rivale de celle du scorpion, ses yeux bleus, son pelage d'un rouge de sang, sa voix tenant à la fois de la flûte et de la trompette, et son goût pour les proies humaines, était l'emblème le plus complet et le plus frappant d'Ahriman. Malheureusement, on n'a pas trouvé dans les vestiges persépolitains aucune ugure dans laquelle on puisse , avec certitude reconnaître le Martikhore; et c'est bien à tort que Heeren, Tychsen, Rhode et Creuzer, ont pris pour lui ou pour le Monocéros les boeufs mutilés qui ornent deux à deux les faces intérieures des portails successifs du palais de Dchemchid. Est-ce Ahriman ou quelque Dev de sa suite que représente ce lion qui, dans les mêmes palais, déchire misérablement la licorne sans ailes ou l'âne sauvage (emblème d'Ormuzd)?

Le griffon , les licornes ailées à tête de lion, le lion ailé et à bec de vautour, le loup à ailes, crête et queue vertébrée imitant le scorpion, nous inspirent la même incertitude. Nul doute pourtant que ce ne soient autant d'emblèmes ahrimaniques.

Ahriman et Ormuzd.
Ahriman et Ormuzd ne sont pas les deux puissances suprêmes de l'univers. Tous deux se jouent en Zervane (le Temps ), mais se réabsorbent et se confondent dans la grande Unité Zervane-Akérène, l'analogue du Sarvam Akhiaram hindou (le Temps sans fin) qui plane sur eux. 

Par là tombe d'elle-même cette question en apparence importante, et qui été souvent agitée par les modernes : Ahriman et Ormuzd existent-ils de toute éternité? Oui, sans doute, il existent de toute éternité, mais comme germe; comme possibilité, comme portion indistincte et inaperçue, inapercevable du grand bloc irrévélé Unité-Totalité que le Zend appelle Zervane-Akérène. Non! leur existence ne date pas de toute éternité, si par existence on entend l'existence individuelle, distincte, localisée en telle ou telle partie de l'espace, en telle ou telle série de phénomènes. Le monde est une monade à mille millions de parties. Monade, il est immobile, adéquate à lui-même, éternel. Composé, il varie et se prête à des myriades de formes caduques et fugitives. Que la synthèse réduise ces formes a deux, le Bien et le Mal, il est clair que le Bien et le Mal (sommes, l'un de tous les biens, l'autre de tous les maux partiels) sont fils du Temps et ont pour limite le temps. 

Un autre problème se présente. Ormuzd et Ahriman sont-ils égaux? Distinguons d'abord deux faces dans ce problème. Ormuzd et Ahriman ont-ils ou non à tout instant des succès égaux dans ces mondes que leur abandonne Zervane-Akérène? voilà un premier sujet d'examen. Puis vient une nouvelle énigme : Inégaux ou égaux pendant la lutte qu'ils ont à soutenir l'un contre l'autre, Ormuzd et Ahriman ont-ils une importance égale dans la théogonie et la hiérarchie? en d'autres termes, y a-t-il parallélisme parfait entre le principe du bien et le principe fatal? A la première de ces questions , les légendes répondent unanimement non. Du laps de temps (12 000 années ) pendant lequel Ormuzd et Ahriman administrent, organisent ou désorganisent le monde, moitié environ s'embellit des triomphes d'Ormuzd; des crises funestes, des revers attristent la deuxième moitié. Sur l'autre point, les systèmes varient. Selon les uns Ormuzd est plus grand : il est né avant lui il lui survivra il ap paraît dans l'univers et règne trois mille ans avant lui; selon les autres, Ahriman se dessine sur une ligne parallèle au Génie du bien. Tous deux apparaissent en même temps, quoiqu'ils ne se formulent pas avec une égale netteté;  le méchant ne mourra pas, seulement il se laissera battre et se convertira. (M.).

.


Dictionnaire Religions, mythes, symboles
A B C D E F G H I J K L M N O P Q R S T U V W X Y Z
[Aide][Recherche sur Internet]

© Serge Jodra, 2004 - 2015. - Reproduction interdite.