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Sagesse ou Sapience de Salomon. - Traité de philosophie morale qui a été rangé dans les livres deutéro-canoniques de la Bible (Ancien Testament). Conformément à une pratique très répandue aux environs de l'ère chrétienne, son auteur - selon toutes les vraisemblances, un juif vivant dans le milieu si suggestif d'Alexandrie - s'est dissimulé sous le nom illustre du roi Salomon, patron de la littérature morale dans le judaïsme. L'oeuvre, écrite et conservée en grec, rédigée avec un sens de la langue qui se trouve rarement chez les auteurs similaires, reste flottante entre les deux dates extrêmes de 200 av. J.-C. à 100 ap. J.-C.; les exégètes les plus prudents l'assignent au Ier siècle avant notre ère. Quelques-uns ont proposé d'y voir une composition d'origine chrétienne, vue qui se justifiait par des rapprochements avec les livres du Nouveau Testament; mais, à la réflexion, on se convainc que cette parenté d'idées n'est que la confirmation d'un fait, désormais acquis à l'histoire religieuse, à savoir que le christianisme n'est que le développement et, si l'on peut s'exprimer ainsi, la «-fixation-» des théories élaborées par le judaïsme de la dernière époque. 
« Dans l'ancienne Eglise, remarque Reuss, ce livre a joui d'une grande faveur. En Orient, c'étaient surtout les Pères alexandrins qui en faisaient grand cas. Dans les Bibles complètes, il était joint, avec l'Ecclésiastique, aux trois autres écrits de Salomon, supposés authentiques [...]. L'Eglise latine ne changea rien à cet état de choses. A vrai dire, ce ne furent que les écoles protestantes du XVIIe siècle qui, dans l'ardeur polémique avec laquelle elles critiquaient les décrets du concile de Trente sur le canon des Ecritures, tombèrent dans l'extrême opposé en s'ingéniant à trouver tous les défauts imaginables à notre livre, comme, en général, à tout ce qui n'était pas compris dans la Bible hébraïque.

Notre époque, conclut l'éminent exégète protestant, doit s'appliquer à plus d'impartialité. Au gré de la science moderne, la Sapience sera toujours un document précieux pour l'histoire des idées philosophiques. Elle y constate la persistance des principes de la foi religieuse nationale dans un siècle où les penseurs juifs commençaient à trouver du goût à ce que la civilisation étrangère pouvait leur offrir de plus élevé et de plus attrayant. »

La critique indépendante ne peut que s'associer à ce jugement, en notant que l'influence de l'hellénisme se traduit ici tout particulièrement par l'affirmation nette de l' «-immortalité de l'âme» et de la «Sagesse » considérée comme une hypostase distincte de la divinité en soi, acheminement visible à la doctrine du Logos.

Il nous reste à indiquer brièvement, dans la mesure où sa forme discursive le permet, le contenu du livre.

L'auteur - le prétendu Salomon - débute par une allocation à ceux qui gouvernent la Terre; il leur recommande expressément de subordonner leur conduite à la justice, justice qui ne peut être que l'effet de la sagesse, laquelle, à son tour, émane de Dieu et est la source de tout bien (chap. ler). 

L'écrivain passe ensuite à la caractéristique des deux classes d'humains que l'on rencontre dans le monde, ceux qui se laissent guider par l'esprit de Dieu et ceux qui le repoussent pour rechercher les jouissances de la vie matérielle, sans scrupule au sujet des moyens employés à la satisfaction de leurs désirs. Les uns et les autres sont dépeints, tour à tour, dans leur condition actuelle et relativement à la perspective finale qui s'ouvre devant eux (chap. II à V). 

Dans les chapitres VI à IX, l'auteur - le prétendu Salomon - après un nouvel éloge de la Sagesse, dans lequel il en expose la nature et l'objet, raconte comment il est parvenu à la posséder lui-même, quels avantages il en a retirés, et fait ressortir, par son propre exemple, combien elle est désirable. 

La portion la plus considérable de l'ouvrage comprend le groupe des chapitres IX à XIX. L'écrivain s'applique à mettre en relief l'action bienfaisante et salutaire de la Sagesse dans l'ancien Israël. Cet exposé commence par l'histoire du premier homme, qui est représenté comme sauvé par elle après sa transgression ; il résume ensuite rapidement les principaux faits consignés dans la Genèse, pour s'arrêter plus longuement à l'histoire de Moïse. Les principaux incidents de cette mémorable époque sont mis ingénieusement en lumière, de manière à faire ressortir le contraste des destinées des bons et des méchants, des fidèles et des rebelles. On notera l'opposition entre le traitement des Egyptiens et des Israélites et la critique mordante des pratiques de l'idolâtrie. (Maurice Vernes).

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Dictionnaire Le monde des textes
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