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La Physique, d'Aristote

La Physique est un ouvrage d'Aristote. C'est un des ouvrages les plus méthodiques et les plus profonds que l'Antiquité nous ait légués. Mais il ne faut pas se méprendre sur ce titre de Physique et croire qu'Aristote ait étudié les phénomènes physiques au sens moderne de ce dernier mot. La physique des Anciens, c'est l'étude de la nature, et Aristote n'étudie la nature que dans ses premiers principes.

La nature est un principe de mouvement et le mouvement est l'acte imparfait du mobile en tant que tel. Le mouvement est un des quatre modes du changement, qui peut être soit local, soit quantitatif, qualificatif ou essentiel; mais le changement local ou mouvement est indispensable à la production des trois autres (liv. I, II et VIII). Le mouvement est l'effet immédiat d'une cause efficiente, mais celle-ci est subordonnée à une cause formelle et à une cause finale et requiert une quatrième cause : la cause matérielle (liv. I et II).

Le mouvement ne peut être infini qu'en puissance; aussi, quand on admet l'infinité du temps, la divisibilité à l'infini des grandeurs, la génération et la destruction illimitées et l'illimitation de la pensée (liv. III), faut-il avoir en vue la possibilité et non la perfection. 

L'espace est la limite intérieure du corps ambiant : il n'est donc pas une réalité et, étant limite immobile du contenant, il n'est pas infini; le temps est le nombre du mouvement; en tant que « nombre nombrant », son existence dépend de celle de l'âme (liv. IV). Enfin, le mouvement premier requiert (liv. VIII) un moteur immobile, dernier terme des moteurs mus, mais ne pouvant se mouvoir lui-même sans contradiction.

L'authenticité de cet ouvrage n'a jamais été contestée sérieusement. Cependant Krause a prétendu que le livre VII est apocryphe et il semble que ce livre soit au moins une digression. (NLI).

Résumé de la Physique 

Aristote divisait son ouvrage en deux parties : les quatre ou cinq premiers livres étaient dénommés plus spécialement Traité des principes, et, les trois ou quatre derniers, Traité du mouvement.

Livre Ier.
Le premier livre traite des principes de l'être. Le phénomène du mouvement est de tous les phénomènes physiques le plus général et le plus étendu; c'est donc du mouvement qu'il faut partir pour étudier la nature. Mais, avant d'étudier le mouvement en lui-même, il faut en établir la possibilité. Pour donner cette démonstration Aristote remonte jusqu'aux principes de l'être.

Livre II.
Le livre II traite de la nature. Qu'est-ce que la nature? C'est le principe du mouvement et du repos. Les êtres de nature portent en eux ce principe; les êtres de l'art n'ont de mouvement et de repos que par l'intermédiaire des éléments naturels dont ils sont composés. La nature une fois définie, qui, de la matière ou de la forme, est la véritable nature des êtres? En d'autres termes, est-ce la matière ou la forme qui est dans les êtres le principe du mouvement et du repos? C'est la forme; car la matière n'est que la puissance, tandis que la forme est l'acte, la réalité

Après ces explications, Aristote étudie les causes, en détermine le nombre et les espèces. Le mot cause a quatre sens différents : 

1° on appelle cause ce qui est dans une chose, ce dont elle provient; 

2° la cause est aussi le modèle et la forme des choses, c'est-à-dire la notion qui en détermine l'essence et tous les genres supérieurs; 

3° la cause est encore le premier principe d'où viennent le mouvement et le repos;

4° la cause signifie également la fin, le but, et c'est alors le pourquoi de la chose. 

Ainsi, quatre causes : matérielle, formelle, motrice et finale; en d'autres termes, tout a une matière indéterminée, une forme qui détermine la matière, un mobile qui la met en mouvement et une fin à ce mouvement. Toutes ces causes peuvent être considérées soit en acte, soit en puissance. Les causes en acte sont contemporaines de leurs effets, tandis que les causes en puissance ne le sont pas. Parfois, on met le hasard au nombre des causes; mais c'est une erreur contre laquelle on ne saurait trop s'élever.

Livre III.
Le livre III est consacré à l'infini. La possibilité du mouvement une fois démontrée, il faut définir le mouvement. La matière est l'indéterminé; l'être n'est déterminé que par la forme qui le fait ce qu'il est. Par conséquent, pour que la forme se joigne à la matière, pour que la puissance passe à l'acte un mouvement est nécessaire et, comme il n'y a pus de mouvement en dehors des choses, il faut toujours que le changement se produise dans la substance ou dans la quantité, ou dans la qualité, ou dans le lieu de l'être, car, de toutes les catégories de l'être, celles-là seules sont susceptibles de changement. Mais comme, d'autre part on peut concevoir l'être en acte ou simplement en puissance, c'est le passage de la puissance à l'acte, du possible au réel, qui constitue le mouvement. Le mouvement doit donc être défini la réalisation du possible. Remarquons que le mouvement n'a lieu qu'au moment même de l'acte; il n'existe ni avant ni après. De là il résulte que le mouvement n'est pas, à proprement parler, dans le moteur, mais dans le mobile, puisque c'est dans le mobile que le mouvement se réalise et devient actuel; il n'est qu'en puissance dans le moteur. La science de la nature s'occupant des grandeurs, du mouvement et du temps, trois choses qui sont nécessairement finies ou infinies, il convient, quand on traite de la nature, d'étudier l'infini, de rechercher s'il est ou s'il n'est pas.

L'infini est un principe; car, s'il avait un principe, il aurait une limite, et il cesserait par là même d'être infini. Loin de venir d'un principe, il est le principe incréé, immortel de tout le reste. La réalité de l'infini est démontrée par les cinq arguments suivants : l'infinité du temps, la divisibilité dans les grandeurs, la constance de la génération et la destruction, et l'illimitation de la pensée. L'infini n'est pas en acte, il est en puissance; mais, quand on dit en puissance, il ne faut pas entendre que sa réalisation soit possible : l'infini est essentiellement en puissance; il est de sa nature de n'être jamais un acte; il n'y a pas d'infini qui puisse exister actuellement. L'infini n'est donc pas ce en dehors de quoi il n'y a plus rien, mais, au contraire, ce en dehors de quoi il y a toujours quelque chose. L'infini n'est pas le parfait, car le parfait est un tout et l'infini exclut toute limitation; à quelques égards, l'infini est le tout, mais seulement en puissance.

Livre IV.
Dans le livre IV, Aristote étudie l'espace, le vide et le temps. Le mouvement suppose un espace où les corps puissent se mouvoir en changeant de lieu. 

"Une preuve manifeste de l'existence de l'espace, c'est la succession des corps qui se remplacent mutuellement dans un même lieu. Là où il y a de l'eau maintenant, arrive de l'air quand l'eau en sort [...]. L'espace se distingue donc de toutes les choses qui sont en lui et qui y changent. Par conséquent, l'espace ou le réceptacle qui contient successivement l'air et l'eau est différent de ces deux corps."
Le mouvement naturel des corps élémentaires démontre aussi non seulement la réalité, mais certaines propriétés de l'espace. En effet, le haut, le bas et les six directions que peut prendre un corps sont des espèces de l'espace et du lieu. Il résulte de là que l'espace peut être sans les choses mais les choses ne peuvent exister sans l'espace : elles périssent dans son sein impérissable. L'espace a les trois dimensions qui constituent un corps sans être un corps pour cela, car dans ce sens il y aurait deux corps dans un même lieu, ce qui implique contradiction. Il n'est pas davantage un élément, car il n'est ni la matière, ni la forme, ni le moteur, ni la fin des êtres; il n'est même pas un être, car il lui faudrait un lieu, et il y aurait alors l'espace de l'espace, et ainsi de suite à l'infini. L'espace ne peut pas non plus être identifié avec les corps, puisqu'il les contient. Qu'est-il donc? Il est la première limite immobile du contenant.

Après l'espace, Aristote étudie le vide et le temps, grandes et éternelles questions que la philosophie n'a cessé de débattre après lui, mais qu'il ne conviendrait pas d'exposer, encore moins de discuter ici.
"Une chose digne d'étude, d'après Aristote, c'est de rechercher quel est le rapport du temps à l'âme qui le perçoit. Si l'âme, par hasard, venait à cesser d'être, y aurait-il encore ou n'y aurait-il plus de temps? C'est là une question qu'on peut se faire; car, lorsque l'être qui doit compter ne peut plus être, il est également impossible qu'il y ait quelque chose de comptable et, par suite, il n'y a pas davantage de nombre, car le nombre n'est que ce qui a été compté ou ce qui peut l'être; mais s'il n'y a au monde que l'âme, et, dans l'âme, l'entendement qui ait la faculté naturelle de compter, il est dès lors impossible que le temps soit si l'âme n'est pas, et, par suite, le temps n'est plus, dans cette hypothèse, que ce qu'il est simplement en soi, si toutefois il se peut que le mouvement ait lieu sans l'âme. "
Livres V, VI, et VII.
Les livres V, VI, VII sont consacrés au mouvement, à la divisibilité, à la comparaison, à la proportionnalité des divers mouvements.

Livre VIII.
Le livre VIII traite de l'éternité du mouvement. C'est le plus important de tous. Le mouvement a-t-il eu un commencement? Aura-t-il une fin? Telle est la grande question qu'Aristote se pose au début de ce livre. Il se prononce pour l'éternité du mouvement. Sur la question si difficile du moteur premier, voici comment raisonne Aristote :

"Tout moteur meut quelque chose et par quelque chose. Par exemple, l'homme meut directement la pierre ou il la meut par le moyen d'un bâton. Il est impossible qu'il y ait mouvement sans moteur qui meuve par lui-même ce par quoi il meut, et, s'il le meut par lui-même, n'y a pas besoin qu'il y ait un autre intermédiaire par lequel il meuve; mais s'il y a quelque autre objet par lequel il meut, il faudra bien un moteur qui meuve par lui-même, autrement on irait à l'infini."
Reste à savoir comment une chose qui se meut elle-même peut mouvoir. D'abord, tout mobile est divisible en deux parties : l'une qui se meut, l'autre qui est mue. Or, il est impossible que ce qui se meut se meuve tout entier, car alors il transporterait et serait transporté tout à la fois. Il faut donc que dans l'être qui se meut une partie se meuve et une autre soit mue; mais ce ne peut être indifféremment l'une ou l'autre, car alors il n'y aurait pas de premier moteur. Ainsi, le moteur est immobile; mais, de ses deux parties, l'une reste absolument immobile, l'autre reçoit le mouvement et peut le communiquer médiatement aux choses.

De l'éternité du mouvement résulte l'éternité du premier moteur, que d'ailleurs ce moteur primitif soit un ou multiple; mais, comme l'unité vaut mieux que la pluralité, on doit penser que le premier moteur est plutôt un que multiple, car le meilleur est toujours réalisé dans l'ordre universel des choses. Le moteur, étant donc un et éternel, ne peut produire qu'un mouvement un, identique et continu. Quel mouvement remplit ces conditions? La translation : 

1° puisque tous les autres mouvements la supposent et ne peuvent se passer d'elle; 

2° parce que, refusée au minéral et au végétal, elle est le privilège des êtres supérieurs; 

3° parce que dans la translation seule le mouvement peut être continu; car, tant qu'elle dure, elle est d'une parfaite identité.

Eternel, immobile, le premier moteur est nécessairement indivisible et sans grandeur quelconque. S'il avait une grandeur, quelle qu'elle fut, il serait fini, et une grandeur finie ne peut jamais produire un mouvement éternel et infini. Immobile et immuable, ils éternellement la force de produire le mouvement sans fatigue, sans peine, et son action, toujours uniforme, toujours égale, ne s'épuise jamais. (PL).
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