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Les marionnettes
sont des poupées, généralement de bois ou de carton, représentant toutes
sortes de personnages, et que l'on fait mouvoir sur un théâtre
à l'aide de fils ou de ressorts. Leur nom viendrait, dit-on, d'un Italien
nommé Marion, qui les introduisit en France
sous Charles IX. Mais d'autres étymologies
sont proposées.
Les anciens Grecs
connurent les marionnettes sous le nom de neurospasta (objets mis
en mouvement par des fils), et les Romains
sous ceux d'imagunculae, simulacra, oscilla. On leur
trouverait peut-être une origine hiératique : car, les idoles des dieux,
après avoir été grossièrement taillées dans des troncs d'arbres, furent
faites de pièces assemblées, et articulées pour mieux imiter la vie.
Telle était, au dire de Diodore (liv. XVII),
la statue de Jupiter
Ammon, qui indiquait d'un mouvement de la tête à ses prêtres la route
qu'elle voulait suivre; ou celle de l'Apollon
d'Héliopolis ,
qui rendait ses oracles
en poussant ses porteurs, ou qui s'élevait toute seule sous la voûte
de son temple. On sait aussi que, dans les banquets, les Egyptiens
se passaient de main en main des figurines en bois peint représentant
des momies ,
et les tombeaux de leurs enfants contiennent souvent des statuettes Ã
membres mobiles. Ce que les Grecs appelaient la vie dédalique dans
une statue était peut-être une allusion aux statues de Dédale ,
qui auraient eu des membres articulés.
Aristote (De
anima, I, 3) parle, en effet, d'une Aphrodite
de bois, attribuée à Dédale, et qui était douée de mouvement. On fit
aussi des poupées en terre cuite, avec jambes et bras articulés; car
on en a trouvé un grand nombre dans les ruines de Camarine. La statuaire
mobile, descendue du temple aux amusements de l'enfance, finit par être
admise sur le théâtre. Nous voyons dans
Athénée (Deipnosophistae., XVI) qu'un
joueur de marionnettes fut autorisé à faire monter ses acteurs
de bois sur le théâtre de Dionysos
à Athènes. Les mêmes faits se sont produits
chez les Romains. La statue de la Fortune ,
à Antium, s'agitait avant de rendre ses oracles.
Les tombeaux d'enfants découverts en Italie
contenaient des pantins d'os, d'ivoire, de bois ou de terre cuite. Horace,
Aulu-Gelle, Marc-Aurèle,
les Pères et les Apologistes de l'Eglise
font allusion aux marionnettes théâtrales, et Apulée
(De mundo) donne une idée de la perfection avec laquelle elles
étaient construites. Dans le souper de Trimalcion, Pétrone
fait paraître devant les invités une larve
d'argent parfaitement articulée et qui exécute une danse.
Sans parler de la statuaire mobile, qui
fut souvent employée dans les églises, dans
les processions et dans les fêtes, il est certain que les marionnettes
théâtrales ne furent pas oubliées pendant le Moyen âge .
On en a figuré, par exemple, dans une miniature
du XIIe siècle de l'Hortus deliciarum
composé par Herrade de Landsberg et autrefois
conservé à la bibliothèque de Strasbourg.
Parmi les Modernes, ce sont les Italiens
qui ont le plus goûté les marionnettes : ils les nomment burattini,
fantoccini, puppi, puppazi, et leur font jouer des pièces de tout
genre, soit dans des loges en plein air, soit, dans des salles couvertes
et plus élégantes. Le héros de la scène est Cassandrino à Rome,
Girolamo à Milan, Giranduja à Turin,
Pulcinello et Scaramuccia
à Naples. L'Espagne
a emprunté les marionnettes (titeres) à l'Italie. Les statuettes
de saints
à jointures mobiles et les madones à ressorts y étaient depuis longtemps
en usage, lorsque Giovanni Torriani, habile mécanicien amené par Charles-Quint,
appliqua son art au perfectionnement des marionnettes.
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Un
magasin de marionnettes, à Prague. ©
Jean-Michel Latorre, 2009.
Tantôt, comme au temps de I'Empire romain,
on donnait, sur le devant du théâtre, l'explication de leur pantomime;
tantôt, celui qui les faisait mouvoir, caché derrière le fond, parlait
pour elles. Le répertoire des marionnettes espagnoles est profondément
empreint de l'esprit national : les héros sont des Maures,
des chevaliers, des géants, des magiciens, des conquérants de l'Inde,
des personnages de l'Ancien Testament ,
des saints
et des ermites. En Angleterre ,
avant le schisme de Henri VIII, on représenta,
aux fêtes de Noël, de
Pâques et de l'Ascension,
des espèces de Mystères dans les église
à l'aide de grandes poupées ou mannequins (miracle plays); ces
engins, employés dans les processions populaires, portaient le nom de
pageants. Depuis l'établissement du protestantisme,
il n'y eut plus que des marionnettes théâtrales, auxquelles on donne
les noms divers de puppet, mammet, molion, drollery. Outre l'ancien
répertoire religieux (Jonas
et la Baleine ,
Sodome et Gomorrhe,
Adam
et Ève ,
etc.), ces marionnettes représentèrent des chronicle plays (Jules
César, le Duc de Guise, la Conspiration des
Poudres, etc.).
Interdites par le rigorisme puritain au
moment de la Révolution d'Angleterre, elles reprirent faveur après la
restauration des Stuarts, et ce fut alors qu'on
vit paraître le fameux Punch, dont le nom est l'abrégé de Pulcinello,
écrit quelquefois Punchinello. Ce sont les aventures de ce libertin tapageur,
mari peu fidèle et père brutal, souvent frondeur en politique, qui ont,
depuis cette époque, fourni le fond des pièces à marionnettes. Toutefois,
le répertoire religieux n'a pas complètement disparu même de nos jours,
et l'on joue encore l'Arche de Noé ,
l'Enfant prodigue, la Passion de J.-C. ,
à côté d'imitations de pièces de Shakeaspeare.
L'Allemagne
avait, dès le XIIe siècle, ses jeux de
marionnettes (tokkenspil, hampelmann). Ces acteurs de bois
ne tardèrent pas à représenter des légendes romanesques et populaires,
Geneviève de Brabant ,
les Quatre fils Aymon ,
Blanche comme neige, la Darne de Roussillon, la Belle Maguelonne,
etc., sujets entremêlés de magie
et d'apparitions diaboliques, et qui trouvèrent comme leur complément
et leur dernier écho dans le Docteur Faust .
Parmi les pièces religieuses on distinguait David
et Goliath, Judith
et Holopherne, la Naissance de Jésus ,
le Massacre des Innocents .
Au milieu de ces drames pieux, et malgré la
gravité du sujet, les Allemands ont placé le bouffon
obligé de tout théâtre de marionnettes : ils le nomment Hanswurst ou
Jean Boudin, et en font un personnage moins mauvais sujet que Punch,
mais plus lourd et plus glouton. Hanswurst a été détrôné aux Pays-Bas
par Hans Pickelhäring, puis par Jan Klaassen en Autriche
par le joyeux paysan Casperl.
En France ,
comme dans les autres pays, les marionnettes commencèrent par être quelque
chose de sérieux. II se peut même qu'on les ait ainsi appelées de la
Vierge Marie ,
nom dont Marion et Marionnette seraient des diminutifs : car des statues
animées de Marie parurent souvent dans les cérémonies religieuses. Après
avoir joué des Mystères, les marionnettes
devinrent des acteurs profanes. Le XVIe
siècle vit naître deux types vraiment français, Polichinelle
et la Mère Gigogne. Polichinelle dérive du Macchus
des Atellanes antiques, en passant par
le Pulcinello napolitain : il rappelle, par son caractère enjoué, railleur
et batailleur, comme par son costume, la physionomie traditionnelle, sinon
du roi Henri IV, au moins de l'officier béarnais.
La mère Gigogne, modèle de la fécondité maternelle, est une parente
des conceptions rabelaisiennes de Grandgousier et de Gargamelle; elle parut
sur les grands théâtres, à l'hôtel
de Bourgogne, dans les ballets du Louvre,
avant de tomber dans le domaine du théâtre
populaire: Sous Louis XIV, Jean Brioché, dont
le singe Fagotin est resté classique, reprit sur le Pont-Neuf
ou la Place Dauphine la succession
de Tabarin. Il avait d'abord été comme lui
empiriste et charlatan en plein-vent. Puis il établit, près de l'hôtel
de Nesle, un théâtre de marionnettes, qui eut un grand succès. Il
fit de ses marionnettes des personnages artistiques; il les perfectionna
et les fit servir a la critique des moeurs, ce qui semble devoir être
le but honnête du théâtre. Elles eurent leur rôle sous le régime de
la Fronde;
le souvenir nous en a été conservé dans quelques chansons du temps.
On essaya vainement de lui faire concurrence au Marais, où fut élevé
un théâtre dit des Pygmées ou des Bamboches.
Au XVIIIe
siècle, les marionnettes eurent leur véritable patrie à la foire
de Saint-Germain, sur l'emplacement du marché actuel, et à la foire Saint-Laurent,
entre les rues actuelles du faubourg Saint-Denis et du faubourg Saint-Martin.
Les pièces que l'on composa pour elles forment une volumineuse collection
: on y parodia un grand nombre d'ouvrages, le Médecin malgré lui
de Molière, le Romulus de La Motte (Pierrot-Romulus
ou le Ravisseur poli), la Mérope (Javotte) et l'Alzire
de Voltaire (la Fille obéissante),
I'Atys et l'Amadis de Quinault, la
Didon de Lefranc de Pompignan (la
Descente d'Enée aux Enfers), etc., et plusieurs écrivains en renom
ne dédaignèrent pas d'enrichir ce répertoire, tels que Piron, Fuzelier,
Lesage, Les princes et les riches particuliers
voulurent avoir leurs théâtres de marionnettes: il y en eut à Sceaux
chez le duc du Maine, A Cirey chez Voltaire. Aux approches de la Révolution,
les entreprises de marionnettes furent dirigées avec un certain éclat
sur le boulevard du Temple par Nicolet et par Audinot; mais le théâtre
fondé en 1784 au Palais-Royal par Séraphin
éclipsa tous les autres : il s'y est maintenu jusqu'en 1861, époque où
il a émigré sur les boulevards.
II faut convenir que la malice, la verve
et la satire ont considérablement baissé dès cette époque dans le répertoire
des marionnettes. Sur les scènes un peu aristocratiques, on compose des
spectacles pour les yeux : les marionnettes
du Pré-Catelan au bois de Boulogne ,
déploient la richesse de leurs costumes et la perfection de leur mécanisme.
Mais la marionnette populaire est bien près de se perdre : à Paris,
elle n'a d'autre refuge que de petits théâtres en plein vent, Guignol
aux Champs-Élysées, Guignolet
au Luxembourg; dans les départements,
de malheureux industriels promènent de foire en foire leurs acteurs mal
appareillés et défraîchis, auxquels ils font jouer sans esprit et sans
art Geneviève de Brabant ,
le Malade imaginaire ,
la Tour de Nesle, et surtout, bien que l'auditoire soit médiocrement
croyant et recueilli, Joseph vendu par ses frères, l'Enfant prodigue,
la Passion de J.-C., et la Tentation de Saint Antoine. (B.).
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Un
marionnettiste ambulant et son théâtre de
marionnettes
(Mandchourie,
début du XXe
siècle).
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