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Jérusalem (dans le titres d'ouvrages)

Jérusalem, est une chanson de geste; c'est la deuxième branche du Chevalier au Cygne. C'est le récit des combats que les Croisés, soutinrent sous les murs de la ville sainte avant de l'enlever aux Turcs. Ce poème, comme les autres parties de la même chanson, a été arrangé par Graindor. Il est conservé dans six manuscrits. Histoire littéraire de la France, t. XXII. H. D.
La Destruction de Jérusalem, poème du XIIIe siècle sur la ruine de Jérusalem par les Romains. Vespasien, affligé de la "lèpre", est guéri par l'application d'un voile qui conservait l'empreinte des traits de Jésus. Pour reconnaître ce bienfait, il permet au pape de prêcher la religion nouvelle, et fait serment de venger la mort du de Jésus. Il détruit donc Jérusalem, et envoie Ponce Pilate dans la prison de Vienne. La prison s'écroule, et le gouverneur de la Judée est englouti dans un abîme.

La tradition de l'emprisonnement et de la mort de Pilate à Vienne est encore populaire dans le Dauphiné. Il existe deux manuscrits du poème à la Bibliothèque nationale de Paris.Histoire littér. de la France, t. XXII . (H. D.).

La Jérusalem Délivrée, poème épique du Tasse, dont le sujet est la conquête de Jérusalem par l'armée des Croisés, sous la conduite de Godefroy de Bouillon.

L'ange Gabriel porte à Godefroy, élu chef de l'armée chrétienne, les ordres du Très Haut. Godefroy harangue ses troupes, dont le poète nous fait un dénombrement imité d'Homère. Aladin, tyran de Jérusalem ou Solyme, instruit de l'approche des chrétiens, s'apprête à les repousser. Par les conseils de l'enchanteur Ismen, il fait enlever une image de la Vierge particulièrement chère aux chrétiens; mais le simulacre sacré disparaît de la mosquée où il a été transporté. Pour sauver le peuple de Jérusalem des conséquences du courroux d'Aladin, une vierge chrétienne, Sophronie, se déclare coupable du larcin : elle va expirer dans les flammes, à côté d'Olinde, son amant, lorsque arrive au secours du tyran la guerrière Clorinde, qui obtient la grâce du couple infortuné. Cet épisode, où le Tasse a déployé tout son talent dans l'art d'intéresser et d'attendrir, ne tient en aucune façon au reste du poème.

Cependant les Chrétiens s'approchent de Jérusalem : le combat s'engage avec les Sarrasins : Tancrède se mesure avec Clorinde sans la connaître. Herminie, assise au haut d'une tour, près d'Aladin, nomme à ce monarque les principaux chefs des Croisés. Irrité des progrès des chrétiens, Satan assemble les démons, et les excite contre eux par ses discours. Sous l'influence de l'Enfer, Hidraot, roi de Damas, envoie sa nièce; la magicienne Armide, au camp de Godefroy, pour tâcher de séduire les chefs de son armée : par ses artifices et ses séductions, Armide obtient le secours de dix guerriers chrétiens, destinés à la rétablir sur le trône de son père. 
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Poussin : Armide et Renaud.
Armide et Renaud, par Poussin.

Un défi entre Gernaud et Renaud amène la mort du premier. Godefroy, irrité, censure vivement ces querelles fratricides : sur le conseil de Tancrède, Renaud quitte le camp des Croisés; mais bientôt des chrétiens apportent son armure ensanglantée. Argillan, inspiré par l'Enfer, accuse Godefroy d'avoir fait périr ce jeune guerrier, l'Achille des chrétiens, et cette calomnie allume une sédition, que Godefroy apaise par sa fermeté.

Alors Belphégor, sous les traits d'Araspe, va trouver Soliman, le chef des Arabes, et réveille sa fureur. Le sultan, dans l'ombre de la nuit, attaque les chrétiens. Le Très-Haut ordonne à Michel de précipiter dans les Enfers les esprits infernaux qui tourmentent ses guerriers; ceux-ci reprennent l'avantage, grâce à l'arrivée des chevaliers chrétiens que la perfide Armide retenait prisonniers, et qu'a délivrés l'épée de Renaud. Alors le siège de Jérusalem se resserre. 

Argant et Clorinde prennent la résolution d'aller embraser la tour que les chrétiens ont élevée pour donner l'assaut. Ils sont découverts et poursuivis. Argant rentre dans Solyme, mais Clorinde reste seule au milieu des ennemis. Tandis qu'à la faveur de la nuit elle cherche à se perdre dans la foule, Tancrède l'aperçoit, et lui propose le combat. Clorinde succombe, et reçoit le baptême des mains du héros.

La mort de la guerrière répand l'alarme dans Jérusalem. Ismen enchante la forêt d'où les chrétiens tirent le bois pour leurs ouvrages. Vainement Godefroy de Bouillon y envoie les principaux guerriers : Tancrède lui-même est contraint à fuir, dupe des artifices des démons. Dans cette extrémité, Hugues apparaît à Godefroy, et lui persuade de rappeler Renaud : deux guerriers, Guelfe et Ubalde, sont chargés de cette entreprise; ils partent, rencontrent un vieillard sur les bords du fleuve qui baigne Ascalon, et apprennent de lui le sort du jeune Renaud, et l'amour subit qu'Armide avait conçu pour lui. 
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Une sécheresse

[Une chaleur brûlante, accompagnée d'une longue sécheresse, accable l'armée chrétienne : Godefroy invoque le Très-Haut, qui exauce sa prière et lui envoie une pluie abondante.]

« Le soleil est dans le signe du Cancer, et du feu de ses rayons il embrase la terre. La chaleur, ennemie de ses guerriers, ennemie de ses desseins, accable les mortels et les rend inhabiles aux travaux.

Les astres bienfaisants ne répandent plus leur douce influence, les étoiles sinistres règnent seules sur la céleste plaine et répandent dans l'air les impressions les plus funestes : tout est en proie à une ardeur qui consume et qui dévore; à un jour brûlant succède une nuit plus cruelle, que remplace un jour plus affreux.

Le soleil ne se lève jamais que couvert et abreuvé de vapeurs sanglantes, sinistres présages d'un jour malheureux; jamais il ne se couche que des taches rougeâtres ne menacent d'un aussi triste lendemain. Toujours le mal présent est aigri par l'affreuse certitude du mal qui doit le suivre.

Sous les rayons brûlants, la fleur tombe desséchée, la feuille pâlit, l'herbe languit altérée; la terre s'ouvre, et les sources tarissent. Tout éprouve la colère céleste, et les nues stériles répandues dans les airs n'y sont plus que des vapeurs enflammées...

Le doux sommeil ne vient plus sur les ailes de la nuit verser ses pavots aux mortels languissants; d'une voix éteinte ils implorent ses faveurs et ne peuvent les obtenir. La soif, le plus cruel de tous ces fléaux, consume les chrétiens. Le tyran de la Judée a infecté toute les fontaines de mortels poisons, et leurs eaux funestes ne portent plus que les maladies et la mort.

Le Siloé, qui, toujours pur, leur avait offert le trésor de ses ondes, appauvri maintenant, roule lentement sur les sables qu'il mouille à peine. Quelle ressource, hélas! l'Éridan débordé, le Gange, le Nil même, lorsqu'il franchit ses rives et couvre l'Égypte de ses eaux fécondes, suffiraient à peine à leurs désirs.

Dans l'ardeur qui les dévore, leur imagination se représente ces ruisseaux argentés qu'ils ont vus couler au travers des gazons, ces sources qu'ils ont vues jaillir du sein d'un rocher et serpenter dans les prairies : ces tableaux, jadis si riants, ne servent plus qu'à nourrir leurs regrets et à redoubler leur désespoir.

Ces robustes guerriers, qui ont vaincu la nature et ses obstacles, qui n'ont jamais ployé sous leur pesante armure, que n'ont pu dompter ni le fer ni l'appareil de la mort, faibles maintenant, sans courage et sans vigueur, pressent la terre de leur poids inutile; un feu secret circule dans leurs veines, les mine et les consume.

Le coursier, jadis si fier, languit auprès d'une herbe aride et sans saveur; ses pieds chancellent, sa tête superbe tombe négligemment penchée; il ne sent plus l'aiguillon de la gloire, il ne se souvient plus des palmes qu'il a cueillies. Ces riches dépouilles, dont il était autrefois si orgueilleux, ne sont plus pour lui qu'un odieux et vil fardeau.

Le chien fidèle oublie son maître et son asile; il languit étendu sur la poussière, et, toujours haletant, il cherche en vain à calmer le feu dont il est embrase; l'air lourd et brûlant pèse sur les poumons qu'il devrait rafraîchir.

Ainsi languissait la terre, ainsi périssaient les déplorables humains. Le peuple chrétien, loin de prétendre à la victoire, craint les derniers des malheurs. On n'entend de tous côtés que de lamentables accents.

Godefroy lève les mains au ciel; il y fixe ses regards animés d'un saint zèle, et avec cette foi qui peut suspendre le cours des fleuves et transporter des montagnes, il adresse à l'Eternel cette humble prière :

« Ô mon Père! Ô mon Dieu! si jadis dans le désert tu fis pleuvoir pour ton peuple une céleste rosée, si tu donnas à un mortel d'amollir les rochers et de faire jaillir une source d'eau vive du sein d'une montagne, déploie aussi en notre faveur le pouvoir de ton bras. Pardonne à notre faiblesse et n'écoute que ta grâce; nous sommes tes soldats, que ce titre du moins nous obtienne la pitié!

Bientôt sa prière s'élève au ciel sur les ailes du désir; l'Éternel l'entend et abaisse sur son peuple des regards attendris il veut mettre enfin un terme aux fléaux qui l'accablent.

«  Ces guerriers, dit-il, armés pour venger ma loi, out assez éprouvé de périls et de revers; l'enfer et le monde conjurés ont employé contre eux et la force et l'adresse : un nouvel ordre de choses va commencer, et pour eux le destin n'aura plus qu'un cours prospère... Qu'il pleuve, que l'invincible guerrier revienne, et que pour sa gloire vienne aussi l'armée d'Égypte... »

Il dit : les cieux tremblèrent à sa voix; les sphères célestes s'émurent; l'air frémit de respect; l'Océan, les montagnes et les abîmes furent ébranlés. Soudain des éclairs étincellent et le tonnerre éclate : avec des cris de joie les chrétiens saluent le tonnerre et les éclairs.

Des nues s'épaississent; elles ne sont point formées des vapeurs grossières de la terre, elles descendent du ciel même qui ouvre ses cataractes; une nuit soudaine embrasse l'univers et dérobe la clarté; une pluie impétueuse grossit les ruisseaux et bientôt inonde la plaine. » (Le Tasse, Jérusalem délivrée, ch. XIII).

Sous la conduite d'une femme inconnue, ils abordent aux îles Fortunées, séjour de l'enchanteresse, triomphent de mille obstacles, et arrivent dans le palais d'Armide. Ubalde présente aux regards de Renaud le bouclier de diamant : à cet aspect, le courage du héros se réveille, et il quitte le palais. Armide, furieuse, jure la perte de Renaud, fait détruire par les démons son magique palais et s'envole sur son char à Gaza, où s'assemble l'armée que le sultan d'Égypte envoie au secours de Jérusalem. Renaud rentre dans le camp, et témoigne à Bouillon son amer repentir; seul et couvert de ses armes, il va dans la forêt enchantée. 

En vain le fantôme d'Armide se présente à ses yeux; en vain l'Enfer lui oppose mille obstacles, il en triomphe, et tranche le cyprès funeste auquel le charme était attaché. On reconstruit alors de nouvelles machine, et Bouillon ordonne l'assaut. Renaud le premier escalade les remparts; les infidèles fuient, et les chrétiens pénètrent dans solyme.
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Armide et Renaud, par le Dominiquin. (Cliquer pour afficher une image grand format).

Le sujet de la Jérusalem délivrée est peut-être le plus grand qu'on ait choisi, et le Tasse l'a traité avec autant d'intérêt que de grandeur : l'ouvrage est bien conduit; presque tout y est lié avec art, et des contrastes habiles y entretiennent l'intérêt. Il est écrit en ottava rima (strophe de 8 vers); le style, sauf quelques concetti, est presque partout clair et élégant, et, lorsque le sujet demande de l'élévation, on est étonné de voir la mollesse de la langue italienne prendre un nouveau caractère sans la main du poète, et se changer en majesté et en force. 

L'épisode d'Armide est un chef-d'oeuvre, et celui d'Herminie chez les bergers une pastorale charmante, destinée à soulager le lecteur de la description des combats. Un génie admirable éclate dans la variété des caractères, la manière dont ils sont annoncés, et l'art savant avec lequel ils sont soutenus. La Jérusalem délivrée, depuis longtemps chantée en Italie, doit être placée à côté des oeuvres de Virgile et d'Homère, malgré ses fautes et malgré la critique de Boileau. (E. B.).



En librairie Le Tasse (Torquato Tasso), La Jérusalem délivrée, Gallimard (Folio), 2002. - Giovanni Careri, La Jérusalem délivrée du Tasse, poésie, peinture, musique, ballet, Klincksieck, 1999. 
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Dictionnaire Le monde des textes
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