 |
La Critique
de la raison pratique (Kritik der praktiscken Vernunft), précédée
des Fondements de la métaphysique des moeurs ,
est un ouvrage de Kant, publié en 1788, et
traduit en français en 1848 par Jules Barni.
Kant pose les principes
généraux de l'éthique, et entend montrer le
lien qui rattache à ces principes la croyance
au libre arbitre, à l'immortalité de l'âme et
à l'existence de Dieu. Le problème moral, conçu dans sa plus haute généralité,
renferme trois grandes questions :
1° question des caractères,
de la forme de la loi morale;
2° question de l'objet, de la matière
de la loi morale;
3° question du mobile moral.
Répondre à ces trois questions, c'est déterminer
les bases de la science du devoir, et c'est ce qu'a tenté le philosophe
de Koenigsberg.
Il s'est d'abord attaché à saisir les
caractères de la loi morale. Comment l'obligation se présente-t-elle
à l'esprit? Comme une loi que la raison impose
à la volonté, comme une prescription, un commandement
: de là le nom d'impératif que lui donne Kant. Il y a deux sortes
d'impératif : l'impératif hypothétique et l'impératif catégorique.
Le premier est celui qui prescrit une action comme moyen pour quelque autre
chose. Cette prescription est évidemment conditionnelle, relative; elle
suppose un certain but auquel elle est subordonnée, et qui, lui, n'est
pas objet de commandement et reste arbitraire. Comme ce but ne s'impose
pas à la volonté, nous pouvons toujours y renoncer, et par là même
nous affranchir du précepte qui ne porte que sur le moyen en tant que
moyen. Mais il y a un impératif qui est inconditionnel, absolu;
c'est cet impératif, appelé par Kant catégorique, qui constitue
l'obligation; il nous commande immédiatement une certaine conduite sans
avoir lui-même comme condition une fin pour laquelle cette conduite ne
serait qu'un moyen. De l'absoluité et de l'invariabilité de l'impératif
catégorique dérive son universalité; nous le concevons comme une loi
qui s'impose à tout être libre et raisonnable; ces deux idées, agent
libre et raisonnable, - obligation ou impératif catégorique, sont inséparables
dans notre esprit. De là cette formule :
« Agis
de telle sorte que la maxime de ton action puisse être érigée par ta
volonté en une loi universelle. »
La formule qui exprime le triple caractère
impératif, absolu et universel de l'obligation. Cette formule a l'avantage
de séparer nettement la morale de la politique,
de l'économie politique, etc. Sans doute elle
ne détermine pas les devoirs particuliers d'une manière directe et positive;
mais il est évident qu'elle délimite le champ de la morale; qu'elle trace,
entre ce qui est conforme au devoir et ce qui ne l'est pas, une ligne de
démarcation le plus souvent facile à reconnaître; c'est-à -dire qu'elle
commence par le commencement.
-
Grandeur
de la loi morale
« Deux choses remplissent
l'âme d'une admiration et d'un respect toujours renaissants et qui s'accroissent
à mesure que la pensée y revient plus souvent et s'y applique davantage
: le ciel étoilé au-dessus de nous, la loi morale au dedans. Je n'ai
pas besoin de les chercher et de les deviner comme si elles étaient enveloppées
de nuages ou placées, au delà de mon horizon, dans une région inaccessible;
je les vois devant moi et je les rattache immédiatement à la conscience
de mon existence. La première, de la place que j'occupe dans le monde
extérieur, étend le rapport de mon être avec les choses sensibles Ã
tout cet immense espace où les mondes s'ajoutent aux mondes et les systèmes
aux systèmes, et à toute la durée sans bornes de leurs mouvements périodiques.
La seconde part de mon invisible moi, de ma personnalité, et me place
dans un monde qui possède la véritable infinitude, mais où l'entendement
seul peut pénétrer, et auquel je me reconnais lié par un rapport non
plus seulement contingent, mais universel et nécessaire (rapport que j'étends
aussi à tous ces mondes visibles). Dans l'une, la vue d'une multitude
innombrable de mondes anéantit presque mon importance, en tant que je
me considère comme une créature animale, qui, après avoir (on ne sait
comment) joui de la vie pendant un court espace de temps, doit rendre la
matière dont elle est formée à la planète qu'elle habite, et qui n'est
elle même qu'un point dans l'univers. L'autre au contraire relève infiniment
ma valeur comme intelligence, par ma personnalité, dans laquelle la loi
morale me révèle une vie indépendante de l'animalité et même de tout
le monde sensible, autant du moins qu'on en peut juger par la destination
que cette loi assigne à mou existence, et qui, loin d'être bornée aux
conditions et aux limites de cette vie, s'étend à l'infini.-»
(Kant,
extrait de la Critique de la raison pratique).
|
Mais la difficulté est de reconnaître
si telle où telle maxime peut être universalisée par la volonté.
Comment appliquer la formule de Kant sans chercher hors de cette formule
abstraite des lumières qu'elle ne saurait donner? Au critère d'universalité,
il faut en joindre un autre qui permette de distinguer les maximes universalisables
de celles qui ne le sont pas. C'est précisément ce que fait Kant; et
c'est ainsi que, passant des caractères, de la forme, à l'objet, à la
matière de la loi morale, il pose le principe de
dignité. Nous allons voir comment il est conduit à ce principe.
Dans la Critique de la raison pratique, comme dans la Critique
de la raison pure ,
Kant distingue la sphère de la raison de la sphère
de l'expérience. Toute idée qui, produite
dans l'esprit à l'occasion de l'expérience, en dépasse l'étendue et
la portée relatives, et s'élève à l'universel, appartient à la sphère
de la raison : c'est ainsi que l'idée de cause
est rationnelle, tandis que l'idée de tel mouvement, de tel changement,
qui a donné lieu à l'idée de cause, est empirique.
Dans l'ordre pratique, nous retrouvons cette distinction fondamentale,
établie par la philosophie critique entre l'empirique et le rationnel.
L'objet des impératifs hypothétiques est un moyen relatif à une
fin arbitraire, contingente, empirique; l'impératif catégorique, et c'est
à cette condition qu'il est catégorique et universel, porte sur une action
posée directement, immédiatement, comme une fin, comme une fin rationnelle
et rien empirique, comme une fin en soi et non dépendante d'une autre
fin. Nous voyons que l'idée d'impératif est inséparable de celle de
fin; l'idée d'impératif hypothétique de celle de fin empirique;
l'idée d'impératif catégorique de celle de fin rationnelle.
Ainsi la seule définition de l'impératif
catégorique jette déjà quelque lumière sur son objet. Mais où trouverons-nous
cette fin rationnelle, cette fin en soi que la raison impose d'une manière
absolue à la volonté et à toute volonté? Kant nous déclare qu'il serait
absurde de la faire dériver de la constitution particulière de la nature
humaine, et que la psychologie empirique est impuissante à nous donner
la matière comme la forme de la loi morale. L'expérience, selon lui,
ne peut nous donner que des fins particulières, relatives, que des moyens
relatifs à ces fins, en un mot que des impératifs hypothétiques. Donc,
s'il y a quelque chose dont l'existence ait
en soi une valeur absolue, et qui comme fin en soi puisse être le fondement
de lois déterminées, c'est là et là seulement qu'il faut chercher l'objet,
la matière de la loi morale.
"Or, dit
Kant, l'homme, et en général tout être raisonnable, existe comme fin
en soi, et non pas simplement comme moyen pour l'usage arbitraire de telle
ou telle volonté; dans toutes ses actions, soit qu'elles ne regardent
que lui-même, soit qu'elles regardent aussi d'autres êtres raisonnables,
il doit toujours être considéré comme fin [...]. Les êtres privés
de raison n'ont qu'une valeur relative, celle de moyens, et c'est pourquoi
on les appelle des choses, tandis qu'au contraire on donne le nom de personnes
aux êtres raisonnables, parce que leur nature même en fait des fins en
soi, c'est-à -dire quelque chose qui ne doit pas être employé compte
moyen, et qui, par conséquent, restreint d'autant la liberté de chacun
et lui est un objet de respect. "
Ainsi l'impératif catégorique envisagé
sous le rapport de sa matière se formule de la manière suivante :
« Agis
de telle sorte que tu traites toujours l'humanité, soit dans ta personne,
soit dans la personne d'autrui, comme une fin,
et que tu ne t'en serves jamais comme d'un moyen. »
Kant ajoute que ce principe, qui nous fait
concevoir l'humanité et en général toute nature raisonnable comme fin
en soi, n'est pas dérivé de l'expérience; car premièrement il est universel,
puisqu'il s'étend à tous les êtres raisonnables, ce qu'aucune expérience
ne peut faire; secondement, il ne nous fait pas concevoir l'humanité comme
une fin subjective, c'est-à -dire comme un objet dont on se fait à soi-même
un but, mais comme une fin objective, à laquelle doivent être subordonnées
toutes les fins subjectives, quelles qu'elles puissent être, comme Ã
leur loi ou à leur suprême condition, et qui, par conséquent, doit dériver
de la raison pure.
Le problème moral renferme, avons-nous
dit, une troisième question : celle du mobile moral. Le principe de l'autonomie
de la volonté est la solution donnée par Kant à cette troisième question.
Kant rattache l'autonomie de la volonté aux caractères, à la forme de
la loi morale. Quel est le caractère essentiel de l'impératif catégorique?
C'est de commander une action purement et simplement, non pas comme moyen
pour une certaine fin, mais en elle-même;
c'est, par suite, d'exclure tout intérêt, tout mobile autre que la loi
même. Or cela est impossible selon Kant, si l'on ne suppose une loi que
la volonté se dicte à elle-même et ne reçoit point d'ailleurs. Supposez,
en effet, une volonté soumise à une loi qu'elle ne se donne pas à elle-même,
il faudra admettre quelque attrait ou quelque intérêt qui décide la
volonté à obéir à cette loi; mais alors l'impératif, de catégorique,
deviendra purement hypothétique, car la loi ne commandera plus à la volonté
d'agir d'une certaine manière que pour satisfaire un certain besoin ou
un certain intérêt. Ainsi Kant admet qu'il y a une parfaite identité
entre le principe de l'impératif catégorique et le principe de l'autonomie
:
" il n'est
pas étonnant, dit-il, que toutes les tentatives faites jusqu'ici pour
découvrir le principe de la moralité aient échoué. On voyait I'homme
lié par son devoir à des lois, mais on ne voyait pas qu'il n'est soumis
qu'à une législation qui lui est propre, en même temps qu'elle est universelle.
En effet, si l'un se bornait à concevoir l'homme soumis à une loi (quelle
qu'elle fût), il faudrait admettre un attrait ou une contrainte extérieure,
en un mot un intérêt qui l'attachât à l'exécution de cette loi, puisque,
ne dérivant pas comme loi de sa volonté, elle aurait besoin de quelque
autre chose pour le forcer à agir d'une certaine manière. C'est cette
conséquence nécessaire qui rendait absolument vaine toute recherche d'un
principe suprême du devoir; car on ne trouvait jamais le devoir, mais
seulement la nécessité d'agir dans un certain intérêt. Que cet intérêt
fût personnel ou étranger, l'impératif était toujours conditionnel
et ne pouvait avoir la valeur d'un principe moral. J'appellerai donc ce
dernier le principe de l'autonomie de la volonté, pour le distinguer de
tous les autres, que je rapporte à l'hétéronomie. "
On remarquera la raisonnement par lequel Kant
est conduit au principe de l'autonomie. Il faut exclure, dit-il, de l'accomplissement
de la loi morale tout mobile empirique; si la volonté est déterminée
par un attrait ou par un intérêt, l'acte par lequel elle accomplit la
loi n'a pas de valeur morale. Comment écarter tout mobile empirique, toute
détermination empirique de la volonté? A une seule condition c'est que
la loi soit propre à celui qui l'accomplit, qu'elle dérive comme loi
de sa volonté considérée en elle-même, et non de la nature des divers
objets qui peuvent agir sur cette volonté. Si la volonté ne se dicte
pas la loi à elle-même, si elle la reçoit d'un objet quelconque, elle
ne peut l'accomplir que par l'influence de cet objet, influence nécessairement
empirique.
Des principes généraux de la raison pratique
nous passons aux croyances rationnelles, liées,
selon Kant, à ces principes. Kant donne à ces croyances rationnelles
le nom de postulats de la raison
pratique, et voici ce qu'il entend par ce mot postulat. Un postulat
de la raison pratique est une croyance particulière impliquée par la
croyance générale à la valeur réelle, objective, de la raison pratique
elle-même. Cette croyance ne vient pas de l'instinct,
du sentiment; elle n'est pas une induction
que l'expérience fait naître dans l'esprit; elle est purement rationnelle,
rationnelle par son origine et par sa nature. Le premier de ces postulats
est le libre arbitre, liberté entendue dans
le sens métaphysique. La liberté se montre,
au point de vue cosmologique, en opposition avec le principe de causalité;
elle paraît contraire aux lois de l'univers; mais elle est nécessairement
supposée par l'impératif catégorique, par l'obligation; on ne peut être
obligé, si l'on n'est libre; ces mots : Vous devez, perdent tout sens,
si ces mots : Vous pouvez, n'en ont pas; si la liberté n'est qu'une illusion
l'obligation ne peut être une réalité; elles
doivent subsister inséparables dans l'esprit ou en disparaître ensemble;
or si la raison pure spéculative n'exclut pas le doute sur la liberté,
la raison pratique exclut le doute sur l'obligation; donc la liberté,
qui pratiquement est liée à l'obligation, est affirmée indirectement
par la raison pratique, comme l'obligation l'est directement.
Les deux autres postulats de la raison
pratique sont l'immortalité de l'âme et l'existence de Dieu.
Sur ces deux questions, la raison pure spéculative n'a pu aboutir qu'Ã
des antinomies désespérantes, La raison pratique, grâce au concept
du souverain bien parvient à nous faire sortir de l'impasse où la raison
pure nous a conduits, et à ressaisir les certitudes évanouies de la théodicée
classique. Qu'est-ce que c'est que ce concept du souverain bien? Le souverain
bien se compose de deux éléments : de la vertu et du bonheur. Notre raison,
selon Kant, affirme deux choses: la première, que la vertu,
c'est-à -dire l'entière conformité des actes à la loi morale, est, pour
l'être raisonnable, une fin en soi; la seconde, que le bonheur,
c'est-à -dire la pleine harmonie des besoins et des désirs
de cet être entre eux et avec le milieu où ces besoins et ces désirs
trouvent satisfaction, est aussi une fin pour cet être; mais une fin conditionnée
par la précédente, et rationnelle en tant qu'elle se lie à la précédente,
comme l'effet à sa cause. Le bonheur séparé de la vertu, c'est-à -dire
non lié à sa condition rationnelle, non mérité, est un bien
empirique et sans caractère moral; ce n'est pas le bien. La vertu séparée
du bonheur est un bien rationnel, un bien en soi; mais ce n'est pas le
bien complet, parce qu'il y a là un mal, un défaut
de justice qui est la disproportion, le désaccord entre la vertu et le
bonheur.
-
Preuve de
l'immortalité par la loi morale
« La réalisation
du souverain bien dans le monde est l'objet nécessaire d'une volonté
qui peut être déterminée par la loi morale. Mais la parfaite conformité
des intentions de la volonté à la loi morale est la condition suprême
du souverain bien. Elle doit donc être possible aussi bien que son objet,
puisqu'elle est contenue dans l'ordre même qui prescrit de le réaliser.
Or la parfaite conformité
de la volonté à la loi morale, ou la sainteté, est une perfection dont
aucun être raisonnable n'est capable dans le monde sensible, à aucun
moment de son existence. Et puisqu'elle n'en est pas moins exigée comme
pratiquement nécessaire, il faut donc la chercher uniquement dans un progrès
indéfiniment continu vers cette parfaite conformité; et, suivant les
principes de la raison pure pratique, il est nécessaire d'admettre ce
progrès pratique comme l'objet réel de notre volonté.
Or ce progrès indéfini
n'est possible que dans la supposition d'une existence, et d'une personnalité
indéfiniment persistantes de l'être raisonnable (ou de ce qu'on nomme
l'immortalité de l'âme). Donc le souverain bien n'est pratiquement possible
que dans la supposition de l'immortalité de l'âme; par conséquent celle-ci,
étant inséparablement liée à la loi morale, est un postulat de la raison
pure pratique.-»
(Kant,
extrait de la Critique de la raison pratique).
|
Il y a deux droits que le concept du souverain
bien confère à la moralité : droit au développement et au progrès,
droit à un bonheur proportionné. Ainsi c'est un mal, lorsque la raison
pratique pose un lien entre la vertu et le bonheur, que la vertu soit Ã
jamais privée du bonheur, et n'est un mal aussi lorsque la raison pratique
nous ordonne une parfaite conformité de la volonté à le loi morale,
que la mort vienne brusquement interrompre nos efforts, et arrêter dans
son développement notre vertu toujours incomplète et toujours perfectible.
Des deux fins que la raison pratique nous assigne, il ne nous est donné
d'atteindre ni l'une ni l'autre dans cette vie; la raison pratique nous
donne donc un double droit à la vie future et à l'immortalité. Et elle
nous donne en même temps la garantie que ce double droit sera réalisé;
car, s'il ne devait pas l'être, il n'y aurait pas de souverain bien et,
s'il n'y avait pas de souverain bien, si c'était là un but chimérique,
la raison pratique qui nous ordonne de tendre à ce but chimérique serait
atteinte elle-même dans sa valeur objective.
Au postulat de la vie future et de l'immortalité
se trouve lié celui de l'existence de Dieu, lequel peut seul, selon Kant,
assurer la possibilité du second élément du souverain bien, c'est-à -dire
d'un bonheur proportionné à le moralité.
"Le bonheur
d'un être raisonnable, dit-il, suppose l'accord de la nature avec tout
l'ensemble des fins de cet être, et en même temps avec le principe essentiel
de sa volonté, Or la loi morale commande par des principes de détermination
qui doivent être entièrement indépendants de la nature et de l'accord
de la nature avec notre faculté de désirer; d'un autre côté, l'être
raisonnable agissant dans le monde n'est pas non plus cause du monde et
de la nature même. La loi morale ne saurait donc fonder par elle-même
un accord nécessaire et juste entre la moralité et le bonheur dans un
être qui, faisant partie du monde, en dépend, et ne peut par conséquent
être la cause de cette nature et la rendre par ses propres forces parfaitement
conforme, en ce qui concerne son bonheur, Ã ses principes pratiques. Et
pourtant, dans le problème pratique que nous prescrit la raison c'est-à -dire
dans la poursuite du souverain bien, cet accord est postulé comme nécessaire;
donc l'existence d'une cause, distincts de la nature même et servant de
principe à cet accord, est aussi postulée. Mais cette cause suprême
doit contenir le principe de l'accord de la nature, non pas simplement
avec une loi de la volonté des êtres raisonnables, mais avec la représentation
de cette loi, en tant qu'ils en font le motif suprême de leur volonté;
avec la moralité même comme principe déterminant, c'est-à -dire avec
l'intention morale. Donc le souverain bien n'est possible dans le monde
qu'autant quon admet une nature suprême douée d'une causalité conforme
à l'intention morale. Or un être qui est capable d'agir d'après la représentation
de certaines lois est une intelligence, et la causalité de cet être,
en tant qu'elle est déterminée par cette représentation, est une volonté.
Donc la cause suprême de la nature, comme condition du souverain bien,
est un être doué d'intelligence et de volonté, c'est-à -dire qu'elle
est Dieu."
Ainsi, suivant Kant, Dieu n'est pas législateur,
il est sanctionnateur; ce n'est pas la volonté de Dieu qui fonde le devoir,
mais la volonté de Dieu est nécessaire pour sanctionner la loi morale,
c'est-à -dire pour mettre la vertu en possession du bonheur qu'elle mérite;
la morale ne dérive pas de l'idée de Dieu, mais la sanction divine est
postulée par la morale; il est nécessaire d'admettre l'existence de Dieu,
non comme le fondement de toute obligation en général, mais comme la
condition de la possibilité du souverain bien, qui est elle-même liée
à la conscience de notre devoir. (PL). |
|