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Almanach

Un almanach (de l'arabe al, le, et manach, compter) est un petit livre qui commence par un calendrier, auquel on adjoint   ordinairement les phases de la Lune, et quelquefois les heures du lever et du coucher  du Soleil, de la Lune, et des principales planètes visibles, etc., et finit par un recueil de recettes, d'observations plus ou moins justes touchant l'agriculture, les saisons, les lunaisons ; de prédictions sur les variations du temps, et autres indications qui ont la prétention d'être utiles dans les usages de la vie. Les conseils hygiéniques et les prédictions sur la pluie et le beau temps, le froid et le chaud, furent les premières choses dont se grossirent les calendriers-almanachs, qui datent déjà d'assez loin dans nos temps modernes. Des médecins, livrés à l'astrologie, furent les premiers auteurs d'almanachs; ils durent donc y parler de ce qui faisait l'objet de leur profession. L'astrologie judiciaire jouissait alors d'une grande vogue; alors aussi bon nombre de personnes aimaient à se bien porter, à vivre longtemps, à savoir, en espérance, si la saison prochaine serait belle ou vilaine, le jour de demain froid ou chaud, sec ou humide; si les récoltes seraient abondantes ou insuffisantes. Les déceptions, même fréquentes, n'étaient jamais que des exceptions pour ceux qui allaient chercher là leurs oracles. Vers le milieu du XVIe siècle, les almanachs devinrent plus véridiques sur les préceptes d'hygiène, d'agriculture, de statistique et même de morale

Cependant les prédictions météorologiques y tinrent toujours leur place, ainsi que celles qui concernaient les affaires publiques ou particulières et les personnes. Bien que ces oracles sur les affaires et les personnes fussent faits en termes couverts ou généraux, ils n'étaient pas sans inconvénients; car Charles IX défendit, par une ordonnance de 1560, d'imprimer ni de vendre aucun almanach avant qu'il n'eût été approuvé par l'archevêque ou l'évêque de la circonscription, et ce, sous peine de punition corporelle. Henri III, en 1579, Louis XIII, en 1628, confirmèrent cette ordonnance, en ajoutant qu'il faudrait aussi la permission du Roi.

Malgré ces défenses, les almanachs obtinrent toujours un grand succès; l'indication des fêtes de l'Église les rendait nécessaires, surtout dans les pays chrétiens. Vers la fin du XVIIe siècle, les almanachs en vogue étaient, à Paris, l'Almanach de Laurent Houry, à Liège, celui de Mathieu Laensberg, qui parut pour la première fois vers 1636. Jadis imprimé sur de gros papier commun, il a conservé ses vieilles habitudes et surtout son antique livrée : une couverture de papier bleu foncé. Pour mieux soutenir son succès, il se grossit du double ou du triple de ce qu'il était originairement, ce qui lui vaut le nom respectable de Double ou Triple Liégeois. Le Mathieu Laensberg eut une concurrence suisse dans le Messager boîteux, publié à Bâle, et qui, fait sur le même plan, partagea sa gloire. II y avait encore, au XVIIIe siècle, des almanachs plus sérieux; par exemple, l'Almanach du Palais, où étaient marqués les jours où le Parlement de Paris ne s'assemblait, pas; l'Almanach historial, éphémérides relatant les histoires mémorables au jour où elles étaient arrivées; l'Almanach de l'Observatoire, ou Connaissance des temps, contenant des supputations astronomiques.


Almanach de 1778 gravé sur une médaille en cuivre.

La Révolution française bouleversa les paisibles almanachs : lorsque le culte divin eut été aboli, quand on fit un calendrier républicain, que les mois eurent perdu leurs anciens noms, de bons révolutionnaires imaginèrent de remplacer les noms de saints des anciens almanachs par des noms de fruits, de légumes, de plantes diverses, et d'instruments ou d'outils d'agriculture et d'horticulture : II ne fallut pas moins que le coup d'État du 18 brumaire, et la restauration du culte catholique en 1801, pour permettre aux anciens almanachs de revivre. Mathieu Laensberg reprit toute sa vogue, et pendant 12 ou 15 ans resplendit entre tous aux yeux et dans l'estime du vulgaire.

L'almanach étant essentiellement le livre du peuple, on imagina, sous la Restauration, et depuis 1830 jusqu'en 1848 et années suivantes, de le faire servir à répandre dans les petites villes et dans les campagnes les idées libérales et les principes démocratiques, républicains ou socialistes. Alors parurent l'Almanach de la France démocratique; l'Almanach populaire; l'Almanach de la communauté, par divers écrivains communistes; l'Almanach phalanstérien; l'Almanach icarien, astronomique, scientifique, pratique, industriel, statistique, politique et social, etc. En 1848 et 1849, ce furent les almanachs républicain; - du socialisme; - démocratique et social; - de la République française; - des amis du peuple: - de l'émancipation des peuples; - de la République française et des barricades, par trois ouvriers; - du Père Duchêne; - du bon républicain, respect à la famille et à la propriété; - du bon Dieu et de la fraternité, etc.

Une pareille liberté finit par être réglementée à partir de 1852; l'almanach, en reprenant ses anciennes et modestes allures, n'en est pas resté moins populaire; aussi, en vertu de cette popularité, si inconstante pour les individus, si persistante pour lui, on s'est ingénié de l'employer comme trompette, sinon de la renommée, au moins de la publicité, et de le faire servir de chaperon à une foule de petits recueils, de petites compilations de tous les genres touchant ou prétendant à l'esprit, et qui prennent son enseigne comme celle d'un livret utile et presque nécessaire. Voici les noms de plusieurs de ces almanachs nouvelle façon : 

Almanach comique, pittoresque, drôlatique, critique et charivarique; Almanach d'aujourd'hui pour tout le monde; Almanach lunatique, rédigé par un nécromancien joyeux descendu des montagnes de la lune; Almanach prophétique, pittoresque et utile; Almanach astrologique, astronomique, physique, satirique, anecdotique; Almanach pour rire; Almanach chantant; Almanach de la chanson, par les membres du Caveau; Almanach chantant des amis de la gaieté; Almanach des chansonniers célèbres, Panard, Armand Gouffé, Désaugiers, E. Desbraux; Almanach du crime et des causes célèbres françaises et étrangères, etc.
Une catégorie d'almanachs affichent la prétention d'être didactiques et de répondre à des besoins sérieux, tels que : Almanach du laboureur; - du cultivateur; - du jardinier; - de la chimie agricole, industrielle; - de la vigne; - des campagnes, etc.; et dans un autre ordre d'idées : Almanach de la littérature, du théâtre et des beaux-arts. Il y avait du temps du premier Empire français un Almanach des gourmands, qui fut publié de 1803 à 1812, par le fameux Grimaud de La Reynière; et sous la royauté de 1830, l'Almanach du contribuable et de l'électeur.

Quelques almanachs s'adressent à des habitudes ou à des passions, comme l'Almanach de l'oracle des dames et des demoiselles, donnant les réponses à toutes les questions, sur les événements de la vie l'Almanach des jeux de société; l'Almanach-Manuel du chasseur; l'Almanach prophétique pittoresque et utile; l'Almanach du fumeur; l'Almanach du foyer domestique; l'Almanach magnétique, contenant des notions générales sur le magnétisme, des anecdotes, etc.

Ceux dont l'utilité est la moins contestable sont les almanachs qui se composent de renseignements et d'adresses d'industriels, de négociants, d'artistes, etc. tels que les suivants : Almanach indicateur parisien; Almanach-Annuaire des bâtiments, des travaux publics et de l'industrie; Almanach du marin et de la France maritime; Almanach de l'apprenti et de l'écolier; - des arts et métiers, rédigé spécialement pour la jeunesse; de la Bourse; - des jeunes ouvriers et des apprentis; - Almanach-bijou, vade-mecum indicateur contenant l'adresse des ambassadeurs, des consuls français et étrangers, l'indication de tous les monuments, etc.

Enfin il y a l'almanach-prospectus destiné à rappeler telle ou telle publication périodique, dont le nom s'accole à celui du livret, et qui se compose d'emprunts faits à ces recueils, particulièrement d'emprunts de vignettes sur bois; c'est, ainsi que chaque année, voit, éclore l'Almanach de l'Illustration, qui date déjà de 1844; - du Magasin pittoresque, encore plus ancien; - de l'Univers illustré; -des Illustrations modernes; -du Charivari; - du Voleur illustré; - du Figaro; - du Monde illustré; - des Deux Mondes illustrés; -Musical, etc. Ce sont comme autant de petites boutiques ouvertes à côté de la grande, à peu près comme ces étals secondaires où nos bouchers parisiens font vendre, dans le voisinage, les issues de leur boucherie principale. 

Le format ordinaire des almanachs est in-32, in-16, in-18 de jésus; les plus beaux, par les illustrations, vont jusqu'à l'in-8° et l'in-4°, et se donnent le luxe de la dorure sur tranche; mais tous, sans exception, sont brochés et rognés, afin d'être moins chers et tout prêts à ouvrir. Ils ont une couverture imprimée, souvent en encre de couleur, et ornée d'une vignette caractéristique. En 1877, les plus beaux almanachs se vendent 50 et 75 c., 1 fr. au plus; mais la plupart ne dépassent pas 50 cent., bon marché indispensable au succès de ce livre de la petite on de la nulle propriété. L'immortel Liégeois vaut 40 ou 50 cent. dans toute sa splendeur; mais en s'amoindrissant, pour se mettre à la portée des plus petites bourses, il a des diminutifs à 25, 20, 15, et 10 cent.
Les nomenclatures ci-dessus ne comprennent que les almanachs de Paris, vivants ou morts, mais tous contemporains, et ne remontant guère au delà de 1830. Chaque année il s'en publie une cinquantaine environ, et dans le nombre quelques-uns sont des phénix, ne mourant au bout de 12 mois que pour revivre de leurs cendres. L'ensemble de ceux qui, avec ou sans généalogie, viennent annuellement éclairer la France, représente plusieurs millions d'exemplaires; car il n'est pas rare d'en trouver qui s'impriment à 100 000 exemplaires, et quelques-uns à 950 000 ! - Les almanachs publiés dans les départements n'ont pas le luxe de vignettes, et souvent d'esprit, prodigué dans ceux de Paris.

On appelle encore almanachs de gros et très gros livres, qui, à la suite d'un calendrier de l'année, contiennent un recueil d'adresses des principaux négociants, industriels employés   d'administration, habitants de Paris. L'un des plus fameux et des plus anciens en ce genre était l'Almanach-Bottin, créé en 1797 et qui, après 61 ans d'existence, s'est fondu avec L'Annuaire-Almanach du commerce et de l'industrie, un Almanach de 500 000 adresses formant un énorme volume grand in-8° de plus de 3 000 pages en petit texte; cet almanach, dit aussi Didot-Bottin, contient en outre d'amples renseignements géographiques, statistiques et administratifs sur la France et ses colonies. Beaucoup de départements et quelques grandes villes ont, pour leurs circonscriptions, des imitations en petit de cet almanach monstre. En 1776 on publia l'Almanach de Paris, contenant les noms, qualités demeures des personnes de condition dans la ville et les faubourgs de Paris, 1 vol. in-24. II y eut cinq années de cet almanach, dont les nôtres ne sont que l'imitation démocratisée.

L'étrange almanach de Coëdic
En démolissant un des pignons du château de Coëdic, en Bretagne, vers 1732, on trouva un morceau de bois d'environ cinq pouces et demi de long sur trois de large et six lignes d'épaisseur. Il était chargé sur les deux faces de caractères et de figures si extraordinaires que, malgré une pieuse inscription qui régnait alentour, tous ceux à qui on le fit voir conclurent que ce devait être une cédule diabolique qu'on ne pouvait jeter trop tôt au feu. Cependant le seigneur du lieu ayant été informé de la trouvaille, se décida à l'envoyer à l'Académie des inscriptions, qui reconnut de suite que c'était un almanach; et voici l'explication qu'elle en donna.

Cet almanach ou calendrier a deux faces, qui ont chacune six divisions, une pour chaque mois de l'année. Chaque division à autant de points que le mois qu'elle renferme a de jours, et ces points ont de temps en temps une marque particulière qui indique les principales fêtes de l'année ou celles pour lesquelles l'auteur avait le plus de vénération; mais il n'a indiqué aucune fête mobile, car autrement il aurait été obligé de renouveler son calendrier tous les ans. Nous donnons ci-dessous la première face seulement; le mois de janvier occupe la première division en allant de droite à gauche, au-dessous de la tête d'homme.


Almanach trouvé au château de Coëdic en 1732.

Quelque bizarres que paraissent ces figures au premier abord, en les examinant avec un peu d'attention, on y remarque bientôt un rapport allégorique avec les fêtes qu'elles servaient à désigner. Telle est la croix, mise à tous les mystères de Jésus-Christ : au 1er janvier, jour de la Circoncision; au 6 du même mois, pour l'Épiphanie; au 5 mai pour l'Invention de la croix, etc. On en voit aussi une à quelques apôtres, comme à la Conversion de saint Paul, le 25 janvier; à saint Mathias, le 24 février... Un calice étant, dans les traditions chrétiennes, le symbole de saint Jean l'Évangéliste, cette marque sert à indiquer tous les saint Jean : saint Jean Chrysostome le 27 janvier, saint Jean l'Hermite le 27 mars;.... par une raison analogue, on trouve une clef aux fêtes de tous les saint Pierre. Plusieurs figures font allusion soit à l'état du saint pendant sa vie, soit à son genre de mort, soit à quelque légende. Ainsi le 25 juin, jour de saint Eloi, on rencontre un marteau d'orfèvre et probablement des flèches au 20 janvier, pour le martyre de saint Sébastien. Sur l'autre face du calendrier, saint Laurent, le 10 août, est désigné par un gril, et saint Barthélemy, le 24 du même mois, par une sorte d'instrument à écorcher. Les vierges martyres sont distinguées par une espèce de hache avec une couronne formée de trois traits ou pointes, comme sainte Agnès le 25 janvier, et sainte Agathe le 5 février. Au 25 avril saint Georges, le vainqueur du dragon, a une lance; et le 29 septembre, saint Michel a des balances, d'après la croyance du Moyen âge qui lui donnait l'emploi de peser les âmes.

Les crosses sont employées pour désigner les évêques, et même les abbés, mais alors avec une forme un peu différente. On en voit à saint Pol, premier évêque de Léon, le 12 mars, et le 16 avril à saint Paterne, premier évêque de Vannes.

Outre ces figures, il en est beaucoup d'autres qu'il est impossible d'analyser, parce qu'elles n'avaient probablement de sens que pour celui qui les avait faites. Ainsi la bannière qu'il a mise au 11 juin fait présumer que ce jour devait être pour lui un jour d'une grande solennité, peut-être la fête de son église ou de sa paroisse.

L'auteur de ce calendrier était Breton, des environs de Vannes, et bien vraisemblablement un moine. C'est ce qui résulte de l'endroit où fut trouvé le calendrier, et du soin avec lequel sont indiqués tous les saints de Bretagne, et en particulier ceux du diocèse de Vannes; ainsi au 19 mai, jour de saint Yves, le grand patron des Bretons, on peut dire, sans parler au figuré, qu'il a mis la croix et la bannière. Quant à l'époque où il vivait, c'est chose plus difficile à déterminer. On croit lire la date de 1468, dans des caractères  tracés du 11 février au 22, et qui ne se rapportent à aucun jour du mois. Quelques fêtes instituées postérieurement à cette époque et qui cependant ont place sur ce calendrier, infirmeraient cette hypothèse, s'il n'était pas permis de croire qu'un pareil ouvrage qui a coûté bien du temps et bien des frais d'imagination à son auteur, a dû passer successivement entre plusieurs mains qui y apportèrent des augmentations. (M. P., 1840).

Almanach des Muses
Le titre complet de l'Almanach des Muses, ou Recueil de poésies fugitives des différents poètes français, qui ont concouru en 1764  indique l'époque de la naissance et la nature d'un ouvrage qui a eu sa petite célébrité. Son premier éditeur fut un sieur Mathon de Lacour, puis Sautereau de Marsy, un peu moins obscur : ils le publièrent de 1764 à 1789. Bien qu'ils eussent changé son 2e titre en celui de : Choix de poésies fugitives, ce ne fut trop souvent qu'un ramassis de vers plus ou moins français,qui avaient couru dans Paris pendant l'année; quelques jolies pièces s'y trouvaient étouffées sous une multitude d'autres médiocres ou pitoyables. Le volume se terminait par une notice raisonnée de tous les ouvrages de poésie publiés dans l'année, y compris le théâtre. 

A partir de 1789, Vigée fit cet almanach, si peu avoué des Muses, malgré son titre, et le continua pendant 31 ans : la Révolution n'interrompit pas l'intrépide éditeur, qui colligea ses fleurs poétiques, même pendant que l'échafaud de la Terreur était partout en permanence. Son cher Almanach lui survécut, et ne termina sa carrière qu'en 1833, après avoir passé par les mains de plusieurs éditeurs. Cependant, malgré son excessive médiocrité, comme la pensée de ce recueil était heureuse, il obtint un certain succès pendant longtemps, et 69 volumes, du format petit in-12, attestent son passage dans ce monde aux personnes qui visitent quelquefois les catacombes littéraires. (C. D-Y.).



Max Engammare (préface), Calendrier des bergers, PUF, 2008. - Voici un ouvrage extraordinaire : un almanach très illustré, l'un des plus beaux produits de l'imprimerie naissante. Ouvrage d'art de par la qualité des illustrations, c'est également un témoignage unique d'un monde révolu. De nombreux savoirs s'y croisent et révèlent les croyances et les pratiques d'un Moyen Âge qui, bientôt, sera supplanté par la Renaissance. Le livre s'ouvre sur un calendrier, utile pour rythmer la vie du fidèle sur l'année ecclésiastique et le mouvement des corps célestes. Suivent un répertoire des vices et des vertus (avec des gravures surprenantes), destiné à arracher le lecteur à la tentation et l'orienter vers le salut; un petit traité d'anatomie et d'hygiène servant à régler la santé sur l'harmonie entre microcosme et macrocosme; des rudiments d'astronomie et d'astrologie, car la destinée humaine est gouvernée (sous le contrôle de Dieu) par le trajet des planètes.  (couv.). 
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Dictionnaire Le monde des textes
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