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Action
(Littérature)
On appelle action, dans certaines oeuvres littéraires, la suite et l'ensemble des événements et des faits mis en scène ou racontés par l'auteur. Il y a des oeuvres où il ne faut pas chercher d'action : l'élégie et l'ode, par exemple, n'en ont pas, et ne sont que l'expression de certains sentiments et de certaines idées. Au contraire, les ouvrages scéniques ou narratifs en ont une; on y voit des personnages agissants.

L'action dans la littérature narrative

Théâtre.
Drame, en grec, signifie action. Les oeuvres dramatiques sont donc essentiellement des actions représentées sur le théâtre. Le mot acte, en latin et en français, n'a pas un autre sens, et, dans la langue littéraire, il sert à désigner les actions partielles qui composent l'action générale. Une pièce en cinq actes est ou doit être la représentation d'un événement qui passe par cinq phases distinctes; ces phases sont déterminées par le développement naturel du fait principal et par des incidents. Les révolutions diverses produites dans la situation des personnages et le cours de l'action s'appellent péripéties. La donnée dramatique se ramenant à une question qui embrasse le sort des personnages et de leur entreprise, la condition principale à laquelle est subordonnée la solution de cette question s'appelle noeud; la solution finale est le dénouement. L'action peut se nouer; se dénouer et se renouer plusieurs fois dans le cours de la pièce : elle ne doit pourtant pas se dénouer entièrement pour se renouer à nouveau; mais le noeud peut se relâcher pour se resserrer ensuite, jusqu'à la catastrophe ont conclusion définitive. Enfin, toute cette action doit être précédée d'une exposition, dans laquelle le spectateur est instruit de l'état où sont les choses et les personnes au moment où l'auteur les prend pour les transporter sur la scène. Ainsi, exposition, développements du fait principal ou incidents qui déterminent la division des actes, noeud, péripéties, dénouement, voilà les éléments de l'action scénique.

Quelles en sont les règles dans le théâtre classique? L'action doit être intéressante : pour cela il faut qu'elle soit une, simple, vraisemblable : vraisemblable, parce qu'on ne s'intéresse qu'à ce que l'on croit vrai ou possible; simple, parce que l'esprit n'a pas le temps de s'attacher ou le coeur de s'émouvoir, quand ils sont embarrassés ou troublés par une complication trop grande d'événements ou de personnages; une, parce que, s'il y a deux ou plusieurs actions simultanées, elles se nuisent l'une à l'autre : successives, la faute serait encore plus choquante, on aurait ainsi deux pièces. Boileau disait (Art poétique, ch. III) :

Qu'en un lieu, qu'en un temps, un seul fait accompli
Tienne jusqu'à la fin le théâtre rempli.
C'est ce qu'on appelait les trois unités, de lieu, de temps, et d'action. Dans l'intérêt de la vraisemblance, on ne voulait pas que la scène se transportât d'un lieu à un autre, et qua les événements prissent plus de vingt-quatre heures. On peut demander un peu plus à l'imagination du public, et ces prescriptions trop rigoureuses, peu utiles pour les spectateurs, sont fort gênantes pour les auteurs. Au contraire, l'unité d'action n'est jamais trop rigoureuse.

Ces conditions remplies, pour que l'action soit intéressante, il faut encore qu'elle soit féconde en situations, en idées, en sentiments et en traits. L'intérêt sort de deux sources, des événements ou de l'action même, et des caractères des personnages.

Il faut, sans doute, que ce double intérêt se rencontre dans la même pièce; mais il y a des pièces où l'auteur se propose surtout de développer, par une profonde analyse, le caractère des personnages, leurs moeurs, leur esprit, leurs passions; il compte moins sur les péripéties et les coups de théâtre, et n'a pas besoin de les multiplier. Il y en a d'autres, au contraire, où l'action et le mouvement extérieur des faits constituent l'élément le plus considérable et le principal intérêt. Ce sont les pièces d'intrigue et les pièces de caractère. Ces désignations s'appliquent plus spécialement aux oeuvres comiques, tout en s'adaptant aux oeuvres scéniques eu général. Mais on peut poser en principe que la complication des événements, l'imbroglio de l'action, qui peut faire le succès d'une comédie, ne convient pas aux compositions sérieuses. Il y a enfin un genre qui ne convient aussi qu'aux comédies, et dans lequel, à une action unique et liée dans toutes ses parties, on substitue une série de petites actions détachées, dont chacune occupe une scène, de manière à former pourtant un certain ensemble : c'est ce qu'on appelle pièce à tiroirs.

Outre ces règles générales, Il y en a de particulières pour les différentes parties de l'action : ainsi l'on convient que l'exposition doit être brève, claire, propre à faire connaître d'avance le caractère des principaux personnages en même temps que leur situation; que le théâtre, excepté dans les entractes, ne doit jamais rester vide; que les scènes doivent être amenées les unes par les autres; que les incidents doivent sortir naturellement du sujet et des circonstances; que toutes les scènes et tous les incidents doivent être utiles, soit au développement régulier de l'action, soit à son intérêt.

Les oeuvres dites sérieuses, celles qui appartiennent à l'art supposé le plus élevé, les tragédies, les comédies, les drames, sont évidemment celles où l'action doit être la plus régulière et la plus forte. Dans les opéras bouffes ou même sérieux, les ballets, les pièces à décorations, à musique, à divertissements, le poème n'est qu'un libretto; l'action n'est qu'un prétexte, un cadre pour les danses, la musique et les spectacles, et elle a moins d'importance. Il est pourtant vrai de dire qu'on la néglige le plus souvent à l'excès, ce qui fait un tort sensible au plaisir du spectateur et au succès des représentations.

Epopées.
Les épopées, les grands poèmes héroïques, pastoraux, et, en général, les grandes compositions de poésie narrative, ont une action dont le développement est soumis à des règles qui ne sont, d'ailleurs, comme celles des ouvrages scéniques, que les règles du bon sens et du goût. L'action peut être simple ou complexe; mais il faut toujours qu'elle soit une; elle peut s'impliquer d'actions incidentes ou secondaires et d'épisodes; mais toutes ses parties doivent être comme les membres du poème, s'adapter à sa forme, à ses mouvements, et former avec lui un corps harmonieux. Tout doit y être naturel et proportionné; il ne faut pas que le principal soit étouffé par les accessoires, et que la marche générale soit arrêtée ou ralentie. Rien n'est plus simple que l'action de l'Iliade; rien n'est plus multiple que l'action du Roland Furieux : il y a unité dans les deux; le génie d'Homère a été de remplir son poème avec un petit nombre de faits largement développés, et celui d'Arioste de conduire à la fois et de rassembler dans un même cadre de nombreux personnages et des scènes innombrables. Unité dans la simplicité ou la complexité, naturel, rapidité, intérêt toujours croissant depuis le commenceraient jusqu'à la fin, conception nette, définition précise, voilà les règles fondamentales.

Les poèmes cycliques dans l'Antiquité, les chansons de gestes au Moyen âge, n'ont pas cette forte unité, cette progression continue, qu'on demande aux oeuvres d'un art plus savant. Racontant dans l'ordre de la succession chronologique des faits une série d'exploits ou la vie entière d'un personnage, tout ce qu'on peut exiger, c'est que le poète n'admette dans son action que des faits intéressants, variés, naturellement amenés, et liés entre eux. Il doit aussi faire en sorte que les derniers tableaux soient d'un effet saisissant, que son poème ne s'allanguisse pas dans le sommeil et ne s'éteigne pas dans l'ombre.

Romans.
Les romans, bien qu'écrits en prose, participent de la nature et des lois des grands poèmes. Ajoutons seulement que leur action peut avoir des caractères plus variés, parce qu'elle se tire de la vie humaine à tous les rangs de la société; qu'elle est soumise, en outre, à la loi de la vraisemblance, parce qu'elle nous reproduit des réalités où le merveilleux n'a pas ordinairement le droit, de se mêler. Il y a des exceptions pourtant, et, dans certains romans, le fantastique ou le surnaturel joue un rite. Il faut alors que la partie merveilleuse de l'action, tout en produisant ses effets propres, et même pour les produire, se conforme à une sorte de vraisemblance qui lui est particulière, et se fonde dans la partie naturelle qu'elle doit animer et transformer.

Textes courts.
Dans les plus petits poèmes, dans les moindres morceaux, il peut y avoir encore une action. Les fables de La Fontaine sont le plus souvent de petits drames, racontés ou dialogués; il a lui-même défini son oeuvre une ample comédie à cent actes divers. Il y a telle pièce de poésie légère, telle pensée de Pascal ou de La Bruyère, où l'on trouve la forme et le mouvement d'une action. Plus cette action est courte et concentrée, plus elle doit être vive et rapide. On retrouve enfin les linéaments rudimentaires de l'action et quelque chose de ses effets dans ces récits ou ces scènes agissantes que le talent du poète et de l'orateur jette en passant dans le discours, et fait tenir en une page ou en trois lignes.

L'action oratoire

L'action oratoire est la partie extérieure de l'éloquence; elle comprend le débit et le geste. Cette partie, dans les représentations scéniques, constitue le rôle de l'acteur. L'orateur est à la fois auteur et acteur. Dans l'Antiquité, l'orateur, parlant sur des places publiques, du haut d'une grande tribune, à des foules innombrables, devait communiquer ses idées et ses sentiments à de longues distances; il fallait que sa parole se fit entendre et comprendre au loin; et là où elle ne pouvait parvenir, il fallait qu'un autre langage y suppléât, et portât aux derniers rangs de l'auditoire l'interprétation nette, fidèle, expressive, du discours. De là une grande importance attribuée à l'action et à ses deux parties, le débit et le geste.

L'orateur devait avoir des organes souples et forts, des poumons puissants, une poitrine infatigable, une voix inaltérable et d'une grande portée, une prononciation distincte et accentuée. Des exercices multipliés et constants formaient et entretenaient sa voix; la mélopée de la diction, la forme rythmique de la phrase, l'accentuation tonique des mots, lui venaient en aide. Ces moyens et ces effets furent même exagérés plus tard : les maîtres grecs, et, après eux, Cicéron lui-même, les enseignaient et les recommandaient avec un soin et des détails qui nous surprennent aujourd'hui.

Le geste n'était pas moins important; étudié et formé à la fois par les maîtres de gymnastique, par les acteurs, par les orateurs, il atteignait chez les Anciens une perfection et une puissance qu'il n'a point dans l'art moderne, et que nous avons même quelque peine à concevoir. Roscius mimait les harangues de Cicéron; il tenait et gagnait la gageure de se faire entendre du public avec autant d'exactitude, de précision et de clarté que l'éloquent orateur. AEsopus, Bathylle, et bien d'autres, mimaient des pièces et des poèmes devant la multitude, pour qui leur geste était une voix aussi comprise et plus applaudie que celle des acteurs parlants. Cet art était aussi d'un grand secours à la tribune. Les peuples de la Grèce et de l'Italie se plaisaient aux beaux mouvements et aux belles attitudes; démonstratifs et gesticulateurs, ils saisissaient aisément les signes qu'ils étaient accoutumés d'employer eux-mêmes; la vivacité de leur imagination et de leurs passions et l'impressionnabilité de leur organisation, autorisaient et sollicitaient tous les moyens oratoires de frapper les yeux et d'émouvoir les sens. Les orateurs en usaient largement à la tribune des places publiques et devant les tribunaux.

Dans les temps modernes, les parties extérieures de l'éloquence ont été moins cultivées. La négligence des orateurs dépasse même souvent l'indifférence du public. En France aussi, bien qu'à un moindre degré, l'action oratoire est à elle seule un style et une éloquence. Elle a les mêmes qualités que le discours lui-même; elle peut être expressive, noble, gracieuse, élégante, correcte, énergique : elle a toutes les vertus du langage. Elle peut aussi en avoir tous les défauts, la négligence, la bassesse, l'impropriété, la faiblesse, l'exagération, l'afféterie. Quand les effets de l'action s'ajoutent aux effets propres du discours, ils doublent la puissance de l'orateur. Plus d'un orateur moderne a été frappé d'impuissance parce qu'il ne possédait pas ces moyens extérieurs, souvent négligés, mais toujours précieux, tandis que d'autres, au contraire, leur ont dû la meilleure part de leurs triomphes et de leur renommée. (T. de B.)..

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