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Les étoiles
Les supernovae
L'explosion finale des étoiles massives

Aperçu
Les supernovae correspondent à la fin explosive de certaines étoiles. Phénomènes exceptionnellement lumineux, le supernovae peuvent briller pendant quelques heures autant que toute les étoiles d'une petite galaxie. On observe alors le dégagement d'une énergie comparable à celle qu'aura émise au total notre Soleil au terme de existence de 10 milliards d'années.

Ce sont des événements rares. Dans la Voie Lactée, il ne s'en produirait que deux à trois par siècle. La plupart du temps, d'ailleurs, cachées à nos regards. Comme nous n'avons pas accès à toute la Galaxie (les poussières interstellaires nous en masquent une grande portion), il en résulte qu'au total les archives humaines n'ont en répertorié avec certitude qu'une poignée, au cours de ces 20 derniers siècles (voir tableau ci-dessous). L'éclat très important des supernovae permet cependant d'en observer dans les autres galaxies. SN 1987A, la dernière supernova visible à l'oeil nu a ainsi explosé en 1987 dans le Grand Nuage de Magellan (Dorade), et reste aujourd'hui la référence des études dans ce domaine.

Malgré leur rareté, les supernovae jouent un rôle central dans l'évolution galactique. Elles constituent un facteur important de l'enrichissement en éléments chimiques lourds du milieu interstellaires. Non seulement l'explosion disperse dans l'espace les noyaux d'atomes synthétisés à l'intérieur de l'étoile tout au long de son existence, mais de nouveaux atomes sont fabriqués au moment du cataclysme, du fait même des hautes énergies qui sont alors concernées. Les supernovae représentent de ce point de vue la source connue d'éléments plus lourds que le fer. Le cuivre, le plomb, le mercure, l'or de nos mines terrestres, par exemple, trouvent en fait leur origine dans l'explosion d'anciennes supernovae.

Les supernovae chauffent également le milieu interstellaire à des températures dépassant le million de degrés. Elles y creusent des cavités ultra-chaudes que l'on appelle le milieu coronal, par analogie avec les conditions physiques régnant dans la couronne solaire. Les explosions sont probablement responsables de l'accélération du rayonnement cosmique. Elles sont aussi à l'origine d'ondes de choc qui déchiquettent les nuages interstellaires, en ionisent le gaz, y suscitent également de grands mouvements turbulents et, surtout, favorisent l'effondrement des concentrations de gaz et de poussières les plus denses. Conséquence, après l'explosion d'une supernova, on assiste à la formation d'étoiles d'une nouvelle génération, dont certaines exploseront sans doute à leur tour, mais dont d'autres pourront également se voir dotées de planètes, puisque la matière pour les construire sera désormais disponible en plus grande quantité...
 

SN Tycho (1572)

SN 1987A

Collection
Les supernovae historiques

Le terme de supernova, n'a été introduit qu'en 1934, par Walter Baade et Fritz Zwicky. Auparavant, on ne distinguait pas ces objets des "étoiles nouvelles" ordinaires, ou novae. Il n'en est pas moins possible aujourd'hui, à partir des descriptions que l'on en a faites, et de l'identification des résidus nébuleux ou compacts laissés, de dresser la liste suivante des supernovae observées dans le passé. On y a ajouté une supernova plus contemporaine, celle de 1987 :


 
Constellation Date V. max Durée Lieux d'observation
Centaure 185 -8 20 Chine
Scorpion 393 -1 8 Chine
Loup 1006 -7,5 sup.24 Chine, Japon, Europe, Arabie
Taureau 1054 -5 22 Chine, Japon
Cassiopée 1181 0 6 Chine, Japon
Cassiopée 1572 -4 18 Chine, Corée, Europe (Tycho)
Ophiuchus 1604 -2,5 12 Chine, Corée, Europe (Képler)
Dorade (GNM) 1987 6 1 Hémisphère austral (SN 1987 A)
La date est celle d'apparition de la supernovae, V max. sa magnitude à son maximum et la durée correspond aux nombres de mois pendants lesquels l'objet a été visible à l'oeil nu. (D'après : Jean-René Roy, L'astronomie et son histoire, 1982.)

Mise en ordre
Typologie des explosions

Toutes les supernovae correspondent à des explosions d'étoiles. Mais il existe plusieurs sortes d'étoiles susceptibles d'exploser. Le cataclysme revêt alors des formes diverses. Depuis les premiers travaux taxinomiques, inaugurés par Minkowski (MNRAS, 1941), les astronomes, distinguent ainsi deux familles principales de supernovae selon la présence ou non de raie de l'hydrogène dans leurs spectre, et l'aspect de leur courbe de lumière, c'est-à-dire selon la manière dont leur éclat varie en fonction du temps :

Le type I rassemble les supernovae les plus lumineuses. La raie de l'hydrogène est absente. Leurs courbes de lumière sont régulières et le spectre ne révèle que très peu d'hydrogène dans le matériau éjecté. Ces explosions sont observées aussi bien dans des galaxies renfermant seulement des étoiles âgées, comme les galaxies elliptiques, que dans des galaxies comme la nôtre où se côtoient des étoiles de tous âges. Les supernovae de Tycho Brahé (Cassiopée) et de Képler (Ophiuchus) étaient de type I.

Le type II, pour sa part, concerne des supernovae dont le spectre révèle la présence d'hydrogène, et dont la courbe de lumière est plus irrégulière, et le spectre en général marqué par la présence d'hydrogène. Ces explosions se produisent seulement dans des régions très jeunes des galaxies (bras spiraux, notamment), où continuent de se former des étoiles. Il s'agit de cataclysmes qui, à l'instar de SN 1987A, dégagent l'essentiel de leur énergie sous la forme d'invisibles neutrinos. La supernova de 1054, qui a explosé dans le Taureau et a laissé en particulier comme reliquat la nébuleuse du Crabe = M 1, était également de type II.

Courbes de lumières de supernovae
Lorsque l'on se préoccupe de phénomènes physiques à l'oeuvre, cette bipartition simple s'avère cependant insuffisante et cache une situation plus complexe, et que le mode de classification actuel rend confuse. Le type I, se subdivise ainsi en type Ia - le plus fréquent, et qui correspond à une explosion thermonucléaire qui détruit une naine blanche - et en types Ib et Ic. Ces deux derniers types, interprétées comme l'effet de l'effondrement du coeur d'une étoile massive, s'apparentent d'avantage aux supernovae de type II, divisées elles-mêmes en quatre sous-types, IIP, IIL, IIb et IIn. Enfin, on range tous les inclassables dans une dernière catégorie, celle des supernovae qui, faite de mieux, seront dites particulières.
N.B. : on s'est aidé, pour les paragraphes qui suivent, de l'article de Massimo Turatto, Classification of supernovae (astro-ph/0301107, janvier 2003), auquel il sera utile de se reporter pour plus de détails.
Les explosions thermonucléaires
Le Type Ia - L'interprétation du phénomène de type Ia fait appel à l'explosion d'étoiles de masses intermédiaires. L'idée qui prévaut est celle de la destruction d'une naine blanche consécutive à une accumulation explosive à sa surface d'hydrogène arraché à un compagnon. On se trouve alors dans une situation analogue à celle rencontrée avec les novae. Simplement, ici, l'explosion n'est pas seulement localisée à la surface de la naine. Elle concerne l'ensemble de l'astre. Mille fois plus rares que les novae, de telles supernovae impliquent une énergie un million de fois supérieure. Ces cataclysmes sont alors bien, comme leur nom le suggère, une version superlative du phénomène nova. On observe des supernovae de type Ia dans toutes sortes de galaxies.
 
Supernovae Ia et accélération cosmique

Les supernovae de type Ia sont les plus lumineuses à leur maximum; elles obéissent par ailleurs à une relation entre leur taux de décroissance et leur luminosité maximale (relation de Phillips), ce qui permet, lorsqu'on suit leur évolution, de déduire leur distance. Cela en a fait des objets privilégiés pour sonder l'univers lointain. Elles ont permis en particulier, depuis 1998, de reconnaître une possible accélération de l'expansion cosmique, engendrée par la présence dans l'univers d'une énergie sombre, considérée désormais comme son constituant majoritaire. Il est apparu, par ailleurs, que la plus lointaine supernova actuellement connue, située à un redshift de z = 1,7, a explosé à une époque où cette accélération n'avait pas commencé.

Une autre possibilité est également évoquée. Elle concerne les étoiles de masse comprise entre 4 et 8 à 10 masses solaires, et dans le coeur desquelles du carbone a déjà été synthétisé à partir de la fusion de noyaux d'hélium. La compression de la matière peut ici être telle qu'on aboutit à une situation de dégénérescence des électrons comparable à celle que l'on rencontre, notamment, dans les naines blanches. Dans ces conditions l'évacuation de l'énergie produite par l'étoile ne peut plus se réaliser de façon convenable. La température augmente démesurément et aboutit à la fusion explosive des atomes de carbone. L'étoile vole en éclats, comme une cocotte-minute dont on aurait brusquement chauffé le contenu à plusieurs centaines de millions de degrés.

 
 
 
 
 
 
 
 
 

 

Les effondrements d'un coeur stellaire
Le type II - Dans le cas de ces supernovae, les mécanismes invoqués requièrent pour progénitrices des étoiles massives de plus de 8 à 10 masses solaires, et qui, après avoir traversé le stade de supergéante rouge, auraient désormais complètement épuisé leur combustible nucléaire. Selon toute vraisemblance, des étoiles comme Antarès (Scorpion) ou Bételgeuse (Orion) devraient ainsi terminer leur existence en explosion de type II, à l'image exacte de ce qui s'est produit avec la supernova SN2003gd découverte dans M 74 (Poissons) en 2003. Les quatre sous-types entre lesquels ont distribue les supernovae de type II renvoient ici encore aux différences constatées dans leurs spectres et leur courbe de luminosité :
Les sous-types IIP et IIL - Ils rassemblent la plupart des supernovae de type II, et correspondent aux supernovae dites "normales" ou "classiques". Les lettres P (= plateau) et L (= linéaire) distinguent les supernovae dont l'éclat, dans sa phase de décroissance, se stabilise rapidement en plateau pendant deux ou trois mois, de celles qui voient leur luminosité continuer à décroître régulièrement (linéairement). Les premières correspondent à des progéniteurs dont l'enveloppe d'hydrogène avant l'explosion était de l'ordre de 10 masses solaires (c'était le cas avec SN 1987A), alors que les secondes pointent vers des étoiles avec des enveloppes d'une à deux masses solaires. On comprend ainsi qu'il puisse exister des cas intermédiaires.

Le sous-type type IIb - Ces supernovae sont rares, bien qu'elles comptent dans leurs rangs l'exemple bien connu et étudié de SN1993J, qui a explosé dans M 81 (Grande Ourse) en 1993. Leur spectre rappelle celui des types Ib/c (ci-dessous), et pourraient constituer, selon Massimo Turatto, le "chaînon manquant" entre celles-ci et les supernovae de type II proprement dites. Une continuité, seulement définie par l'importance décroissante de l'enveloppe d'hydrogène de l'étoile progénitrice, pourrait ainsi exister selon le schéma :
IIP IIL IIb Ib Ic.
Le sous- type IIn définit une catégorie particulière de supernovae de type II, dans laquelle le spectre, dont l'évolution est lente, présente des raies d'émission étroites (n = narrow). Cela est attribué à l'interaction de la matière éjectée par la supernova avec le milieu circumstellaire.
Les types Ib et Ic - Introduits dans les années 1980, ces deux types de supernovae ont des spectres assez similaires, et qui évoluent au cours du temps très différemment de ceux des supernovae de type Ia. Ils se distinguent l'un de l'autre par la présence (Ib) ou pas (Ic) de la raie d'hélium neutre dans leur spectre, sans que l'on sache exactement si les processus à l'oeuvre sont vraiment différents dans chacun des cas (cela explique que l'on parle souvent du type Ib/c). Comme les supernovae de type II, ces explosions se produisent exclusivement dans les galaxies spirales, et sont plus spécialement situées dans leurs régions de formation stellaire les plus actives. Elles ne se distingueraient en fait des supernovae de type II que par le fait que l'étoile progénitrice serait ici plus massive, et se serait défaite de son enveloppe d'hydrogène avant d'exploser.
Les derniers jours d'une géante

Rouages
Prémices d'une mort annoncée
Les étoiles massives gaspillent rapidement leur énergie. Leur espérance de vie s'en trouve limitée, au mieux, à une dizaine de millions d'années. L'explosion survient quand tout le carburant est épuisé. Mais avant cela des noyaux atomiques de plus en plus lourds sont synthétisés en son sein au cours d'étapes de plus en plus courtes.

Le principe est toujours le même. La combustion d'un élément se produit dans le noyau de l'étoile, donnant naissance à des éléments plus lourds. A l'épuisement des réserves, le coeur stellaire et les couches de l'enveloppe qui se situent à sa périphérie se contractent. Température et pression montent alors suffisamment pour enclencher les réactions de fusion impliquant les noyaux atomiques récemment synthétisés. Le coeur de l'étoile, région où règnent les températures et les pressions les plus élevées, correspond à l'étape la plus avancée. Mais les couches environnantes, qui renferment des éléments plus légers et aussi plus faciles à faire fusionner, sont elles aussi concernées.
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Étape
Ans
Hydrogène  Hélium 10 7
Hélium  Carbone 10 6
Carbone  Néon 10 4
Néon  Oxygène 12
Oxygène  Silicium / Soufre 4
Soufre / Silicium  Fer / Nickel 2. 10-2

L'accélération des événements provient en partie du fait qu'au fur et à mesure que l'on progresse dans la production d'éléments de masses atomiques croissantes, le rendement des réactions est de moins en moins bon, et en partie aussi du fait que chaque fois moins de combustible est disponible. Pour maintenir son équilibre, l'étoile est donc engagée dans une sorte de fuite en avant. Mais il arrive un moment où synthétiser de nouveaux éléments consomme plus d'énergie qu'elle en produit. Toute la logique sur laquelle reposait jusqu'alors l'existence même de l'étoile s'effondre donc que ce seuil est atteint. On l'observe à partir de la synthèse du fer, qui est l'élément le plus stable de la nature. A partir du moment où l'étoile ne contient plus dans son coeur d'élément plus léger que le fer, rien ne peut plus s'y produire - en tout cas, rien qui ressemble à quelque chose de connu précédemment. C'est l'instant zéro du cataclysme.

Poupée russe
L'étoile ressemble alors à une poupée russe (figure ci -dessous). Les différents éléments synthétisés qui ont survécu aux fusions successives forment désormais des couches superposées, emboîtées les unes dans les autres. Le cœur de la matriochka stellaire est donc constitué essentiellement fer, mélangé avec divers éléments de masse atomique comprise entre 50 et 60, comme le chrome ou le nickel. Son diamètre atteint environ cinq mille kilomètres, l'équivalent de celui de la planète Mercure, ou de la moitié de celui de la Terre. Sa masse, en revanche, est très importante. De l'ordre d'une fois et demie à deux fois celle du Soleil. Cela veut dire des températures de l'ordre de 1010 K et des pressions de 1013 kg. m-3. Ce qui place la matière dans un état dégénéré : la pression des électrons bloque de façon rigoureuse.

Autour de ce noyau se superposent des couches de silicium, d'oxygène de néon, de carbone, d'hélium et, enfin, d'hydrogène, en périphérie. Chacun de ses éléments étant d'ailleurs toujours accompagné de noyaux de masses atomiques proches.

Structure d'une supernova

Et en moins d'une seconde maintenant, tout ce bel ordonnancement, qu'il a fallu plusieurs millions d'années à mettre sur pied, va voler en éclats. Pendant ce très court instant, l'étoile va encore déployer une quantité inouïe de ruses pour ne pas mourir. On assistera à plusieurs tentatives de rallumage des réactions thermonucléaires. La défaite ne devant être consommée en définitive qu'après l'intervention sournoise des particules les plus fantomatiques et mystérieuses de l'univers, les neutrinos.

Quand le coeur s'emballe...

Dans le cœur, l'extinction du feu nucléaire se traduit d'abord par une contraction du noyau de fer et donc un brutal accroissement de la température. A Cinq milliards de degrés, l'énergie des photons gamma est suffisante pour désintégrer les noyaux de fer et de nickel. Il en résulte la formation, de noyaux d'hélium, ainsi que de neutrons, qui sont libérés par le fer. L'hélium qui n'est pas du genre à supporter sans réagir les conditions physiques dans lesquelles il naît, va alors se lancer dans de nouvelles réactions de fusion. Résultat, le coeur de l'étoile, qui semble alors revenir à la vie, se met à bouillir en surface. Les régions les plus internes de l'enveloppe, brassées par ce phénomène, même apportent même un peu de combustible supplémentaire vers le coeur. Du fer et du nickel sont encore produits et accroissent quelque peu la masse du coeur. Mais tout cela ne peut être qu'un feu de paille. Et surtout, la photodésintégration du fer absorbe des quantités phénoménales d'énergie, et c'est bien ce processus qui est désormais prédominant.

Il se passe en effet ce qui arrive quand on veut piéger des électrons dans un volume très étroit comme le coeur de fer : leur localisation spatiale forcée, a pour corollaire une grande dispersion de leurs vitesses. Certains électrons vont donc très vite, ils sont animés de fait d'une énergie colossale. Ils peuvent alors entrer en collision avec les protons, et les transformer en neutrons. Un neutrino étant émis au moment de ce basculement. La pression baisse d'un cran, puisqu'il y a désormais un électron de moins. Ce qui signifie que la gravitation pousse encore à la contraction. Raison le plus pour les électrons de s'agiter et de transformer un nouveau proton en neutron en avec émission d'un neutrino. Comme les neutrons formés, dépourvus de charge électrique, ne se repoussent pas, ils se rapprochent les uns des autres, jusqu'à se coller entre eux.


SN 1006, avec filaments du Cygne.
Crédit : Credit: Frank Winkler
(Middlebury College et al., AURA, NOAO, NSF

Bref, ce n'est pas à une succession de petites contractions consécutive à une simple réaction que l'on assiste, amis à un effet boule de neige fulgurant. Et le coeur s'effondre en réalité d'un seul coup, très violemment. Un dixième de seconde, et le voilà réduit à une sphère de 100 kilomètres de diamètre. La densité des 250 millions de tonnes par centimètre cube est dépassé. Les neutrons s'agglutinent donc pour former quelque chose qui fait désormais penser au noyau stellaire comme à un immense noyau atomique. La température monte à un niveau qui permet même la désintégration des noyaux d'hélium par les photons.

Une dépression apparaît ainsi à la périphérie du noyau de l'étoile dans laquelle s'engouffre l'enveloppe. Le gaz de l'enveloppe tombe littéralement sur la surface dure du coeur stellaire. Une pluie de fer, fonçant à 50 000 kilomètres par seconde, s'abat sur le noyau de neutrons. On assiste alors à de nouvelles transmutations lors du choc. Elles donneront à l'étoile à neutron ses dimensions et sa masse définitives (une dizaine de kilomètres de diamètre et une masse qui se situe entre 1,4 et 2 masses solaires). Or cette matière nucléaire s'avère pratiquement incompressible - les particules se touchent! Tout ce qui tombe dessus désormais, à commencer par les régions internes de l'enveloppe, va rebondir. Et même un peu plus, puisque le choc, comprime le gaz au point d'activer aussi une fois de plus la fusion thermonucléaire.

Ultimes rebondissements
Le mouvement s'inverse. Une prodigieuse onde de choc déferle maintenant vers l'extérieur. Son énergie sert à ranimer (une ultime fois!) les fusions d'atomes dans l'enveloppe. mais surtout, elle se voit requise par de nouvelles photodésintégrations des noyaux de fer survivants. Bref, la lame de fond s'épuise avant même d'avoir atteint la surface de l'étoile. Le rebond de l'enveloppe ne serait donc pas directement à l'origine de l'explosion de la supernova. Pour tuer l'étoile, on doit faire appel selon toute vraisemblance à un mécanisme supplémentaire.

Retour au coeur. La température a atteint maintenant cent milliards de degrés. La foule incoercible des neutrinos produits lors de la transformation massive des protons en neutrons (ou lors des annihilations matière-antimatière  (Les particules élémentaires) qui peuvent se produire dans des contextes de très haute énergie), semblent soudain pris d'un vent de panique. Ces saintes nitouches du monde des particules viennent de vivre l'expérience la plus étrange qui puisse leur arriver : une menace de confinement. Dans des circonstances ordinaires, en effet, les neutrinos se soucient bien peu du reste de l'Univers. Ceux que produit le Soleil, par exemple, traversent notre corps en permanence par milliards comme si nous n'existions pas, de la même façon qu'ils traversent la Terre de part en part sans même la voir. Mais dans le cœur ultra-dense de l'étoile, c'est différent. La matière est, ici, tellement serrée que les neutrinos s'y sont trouvé piégés pendant quelque chose qui ressemble à une éternité à leur échelle. Entre le début de l'effondrement du cœur et le moment où il neutrinos commencent à se dégager de leur prison, quelques dixièmes de secondes se sont écoulés! Encore dix secondes et tous auront fini de s'extirper de leur enfer. C'est cette fuite éperdue des neutrinos, qui, emportent plus de 99% de l'énergie de la supernova, qui semble bien être la vraie cause de l'explosion.

Un petit pourcentage des neutrinos se cognent aux gros noyaux présents dans les régions profondes de l'enveloppe et leur cèdent une part de leur énergie. L'onde de choc née du rebond et qui était moribonde est soudain rattrapée par son destin. Elle se déchaîne de nouveau et finalement aboutit à la dispersion explosive dans l'espace de toute la matière de l'enveloppe. Le coup de fouet est tellement violent que des éléments plus lourds que le fer, et qu'aucun autre processus n'aurait pus engendrer sont même synthétisés dans la foulée (zinc, or, mercure plomb, etc.).

Selon l'épaisseur de l'enveloppe, l'onde de choc parvient en surface en quelques heures ou en quelques semaines. C'est seulement quand cela se produit que la supernova commence à briller. D'abord dans l'ultraviolet, puis très vite, avec son refroidissement, dans le visible.

Un rayonnement qui provient de l'échauffement par compression de la matière éjectée et qui restera prédominant tout au long du premier mois qui suit l'explosion. Ensuite, le rayonnement de la supernova provient surtout de la désintégration des éléments radioactifs qu'elle a disséminés. Au bout de trois mois la quantité des isotopes 56 et 57 cobalt sont ainsi les responsables principaux de l'émission lumineuse. Peu à peu, et pour quelques années, la désintégration du titane-44 alimentera les dernières lueurs de l'astre défunt.

Et si les neutrinos précipitaient la catastrophe?

Dans le scénario que l'on vient de décrire, les neutrinos proviennent du processus de neutrinisation et se forment donc seulement après l'épuisement du combustible stellaire, au moment de l'effondrement du coeur. En réalité, les étoiles fabriquent des neutrinos (et des antineutrinos) bien avant, et même tout au long de leur existence.

La transmutation des protons en neutrons, nécessaire pour former des noyaux stables plus lourds, passe ainsi par l'émission de neutrinos, qui sont alors comme le clic que l'on entend quand on tourne un interrupteur. Le Soleil, par exemple, est un puissant émetteur de neutrinos. Mais ceux-ci transportent trop peu d'énergie pour jouer un rôle déterminant (le clic de l'interrupteur est très secondaire par rapport à la lumière de la lampe...). En revanche, les étoiles très massives produisent au fur et à mesure de leur mûrissement d'immenses et croissantes quantités des neutrinos de haute énergie. Comme ces particules évanescentes interagissent en principe très peu avec la matière de l'enveloppe stellaire, elles évacueront en quelques secondes une fraction croissante de l'énergie produite dans le coeur.

Quand la température devient très élevée - disons au-delà de cinq cents millions de degrés -, les photons gamma produits par l'étoile possèdent des énergies suffisantes pour que se créent des paires d'électrons et de positrons, appelés à s'annihiler aussitôt. Ces processus offrent une nouvelle opportunité à la formation de neutrinos. Ceux-ci s'ajouteront alors aux neutrinos nés de la transformation des protons, et finiront par offrir le mécanisme prédominant par lequel l'énergie quittera l'étoile. Cela conduit à un refroidissement de plus en plus efficace et, partant, à une situation peu favorable aux réactions nucléaires impliquant des éléments lourds.

Les neutrinos contribuent ainsi à hâter le grand final. Il est envisageable, que dans certains cas, ils puissent même, par l'intensité phénoménale de leur flux, susciter l'explosion avant l'extinction du feu nucléaire et l'effondrement des régions centrales. On peut imaginer que les éléments lourds présents en quantités dans les régions profondes de l'étoile jouent ici encore le rôle de piège à neutrinos. La pression de ces derniers pourrait dès cet instant souffler violemment l'enveloppe stellaire et engendrer la supernova.


Au fil du temps

Les séquelles d'une explosion

La destruction de l'étoile ne signifie pas son anéantissement complet. Le dense noyau central, est appelé à constituer une étoile à neutrons, susceptible de se révéler sous la forme d'un pulsar. Si sa masse est suffisamment importante (disons au-delà de deux solaires), il est même imaginable que l'on assiste, à partir de ce reliquat ultra-dense, à la formation d'un trou noir.
Quant à l'enveloppe éjectée - initialement très dense par comparaison avec les nuages interstellaires ordinaires - elle émettra du rayonnement encore pendant longtemps avant sa dilution complète dans l'espace. Elle offrira alors le spectacle d'une nébuleuse brillante en expansion, dont les dimensions permettront éventuellement de déduire la date de l'explosion qui lui a donné naissance. Ainsi, par exemple, une nébuleuse d'une centaine d'années-lumière de diamètre sera-t-elle probablement âgée d'une dizaine de milliers d'années.

Cette bulle, dont l'intérieur est constitué d'un gaz très chaud émetteur de rayonnement X, se cogne en grossissant contre le milieu interstellaire. Cela engendre une onde de choc qui constituera, par l'échauffement qu'elle suscite, une autre cause du rayonnement de la nébuleuse. Cette fois aussi bien dans le visible que dans l'ultraviolet ou dans le domaine X.

L'étoile à neutrons au centre de la bulle joue également un rôle dans l'évolution de cette dernière. Siège d'un puissant champ magnétique, elle injecte en effet dans le milieu interstellaire de particules fortement accélérées. Des électrons, en particulier, dont l'énergie pourra s'élever à plusieurs milliards d'électronvolts. Ces derniers tendent à pousser encore davantage à l'expansion de la bulle, qui s'accélère. Mais surtout, ils rayonneront, par effet synchrotron, dans le domaine radio, principalement.

Cette émission caractéristique a permis d'identifier une centaine de reliquats de supernovae dans les régions les plus jeunes du disque de la Voie lactée. L'identification directe de l'étoile à neutrons à l'origine de ce remue-ménage reste cependant exceptionnelle. Dans le cas, de la nébuleuse du Crabe dans le Taureau, un pulsar a bien été détecté. Mais en général, comme par exemple pour les dentelles du Cygne (Cygne), l'existence d'une étoile excitatrice est seulement postulée.

Nébuleuses résiduelles de supernovae
Étiquette Constellation Remarques
NGC 1952 Taureau Nébuleuse du Crabe (M1) 
+ pulsar du Crabe
Supernova de 1054
NGC 6960-92 Cygne Dentelles du Cygne 
Âge : 25 000 ans
- Voiles Nébuleuse Gum 
+ pulsar Vela 
Âge : 12 000 ans.
IC 493 Gémeaux
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3C 461 Cassiopée Cassiopeia A, la radio- 
source la plus brillante 
du ciel, mais qui provient 
peut-être du hoquet final 
d'une étoile de Wolf-Rayet
plutôt que d'une supernova
En bibliothèque - D. Leglu - Supernova, Plon, 1989. Une enquête de journaliste, consacrée à la supernova de 1987; Th. Montmerle, N. Prantzos, Soleils éclatés, les supernovae, CEA / presses du CNRS, 1988; J. P. Verdet, Nicolas et la supernova, Gallimard jeunesse (coll. folio junior, drôles d'aventures), 2002.

En librairie - J. Kepler, L'étoile nouvelle dans le pied du Serpentaire, Albert Blanchard, 1998 (sur la supernova de 1604).

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