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Histoire des arts décoratifs
Le style Louis XVI
La période du triomphe du style Louis XVI est précédée d'une période préparatoire où domine l'influence de Mme de Pompadour. On a donné le nom de style Pompadour ou de « gros Louis XVI  », aux oeuvres de cette transition.

Le Louis XVI est à la fois antique et pastoral. La découverte des ruines d'Herculanum en 1713 et de Pompéi en 1755 explique le premier de ces caractères. Si l'action de la découverte des ruines d'Herculanum a été tardive, il faut tenir compte de ce fait que le premier ouvrage complet qui en ait propagé les résultats date de 1757 et ne fut terminé qu'en 1792. Le second élan, le plus important, fut donné par la découverte de Pompéi. Des voyages de dessinateurs en Italie, le long séjour qu'y faisaient les peintres et en particulier les voyages de Vien, les tendances classiques qu'il en rapporta, le succès de l'école de peinture qu'il ouvrit à Paris aidèrent à accentuer le mouvement dans le sens d'un retour à l'antique. L'antique est à la mode. « A l'antique  » dans le goût antique sont les expressions que l'on retrouve le plus fréquemment dans les titres des estampes et des modèles des ornemanistes du temps.

La, tendance « pastorale » a son explication dans ce fait que toute l'époque Louis XVI est amoureuse de la nature. Parmi les productions littéraires, la vogue est aux idylles. C'est le moment des Estelle et des Némrin. S. Gessner publie ses Idylles en 1755, Berquin les siennes en 1775, jusqu'à Paul et Virginie qui précède d'une année la commotion de 1789. La Nouvelle Héloïse de Rousseau est de 1759. Dates bien significatives sur les préoccupations du public des classes moyennes et des hautes classes à cette époque. Le côté « bergeries »,  le champêtre, le « Trianon », cesse d'être une énigme quand on considère encore la place que l'agriculture occupe dans les systèmes philosophiques d'alors. Les physiocrates affirment que la véritable richesse sort du sol et du soc. Les ouvrages d'agriculture sont dévorés par les lecteurs. On fonde des cercles, des académies d'agriculteurs, des concours, des fêtes agricoles. On fonde jusqu'à une gazette spéciale.

Des mémoires du temps nous montrent, en 1768, le dauphin, le futur Louis XVI, mettant la main à la charrue. L'exemple est suivi dans les provinces. On voit un curé de Lorraine, « empressé d'encourager parmi ses paroissiens l'agriculture et les moeurs », instituer un concours dont les prix « consistent chacun en une médaille d'argent, un bouquet de fleurs et un ruban ». Un bouquet, un ruban, nous voilà en plein ornement Louis XVI.

A ces influences morales correspond un mouvement de retour à la nature chez les ornemanistes. Plusieurs maîtres-dessinateurs avaient abandonné le style Louis XV pour une seconde manière dans l'esprit nouveau. L'orfèvre Babel fait du Louis XVI et délaisse son ancien style. Charles Eisen mêle au Louis XV une grâce naïve inspirée par les idées nouvelles. Parmi les graveurs qui métamorphosent l'art décoratif et l'habillent « à la grecque », « à l'antique », « dans le goût antique», notons Delafosse, de Lalonde, Fontanieu, Queverdo, Salembia, les Huet, Prieur et Ranson. Le bijoutier Lempereur lance un des premiers la fabrication dans le style nouveau.

L'art de l'ameublement est dominé par les grands noms de l'ébéniste Riesener et du ciseleur Gouthière.

1° L'impression caractéristique du style Louis XVI est celle d'une amabilité douce qui bannit toute violence de ligne, de forme ou de couleur. Les sujets des tapisseries, des panneaux, des médaillons, des marqueteries, des bronzes, des pendules ont quelque chose de calme : c'est aussi loin de la dignité froide du style Louis XIV que de l'afféterie mutine du Louis XV. La grâce y reste naïve et simple. C'est comme un apaisement, un charme pénétrant et délicat. Les couleurs sont comme assourdies grâce à ces différents gris subcolorés qu'on appelle les céladons. Quelque chose de frais et de matinal, pour ainsi dire s'exhale de l'éclosion de ces tons enfantins et jeunes en leur gaieté. Une sorte d'intimité émane des oeuvres de cette époque avec une fleur de candeur printanière qui séduit. C'est l'Antiquité avec sa sérénité limpide mais dans toute sa primeur de sensations pures : écho d'une idylle reposante et berceuse.

Dans les ensembles géométriques dominent la ligne droite et l'angle droit. La silhouette est facilement saisissable à l'oeil, tant les saillies et les reliefs sont timides. Les horizontales se rapprochent les parallélismes de motifs étroits se multiplient dans les encadrements. Les corniches et les moulures craignent tellement la témérité des saillies qu'on pourrait y trouver à redire. La minutie délicate de l'ornementation des frises, minutie qui exige ,la lumière, nécessite et explique le peu de saillie des corniches. Le faîte des meubles offre une surface plane sans rien qui rappelle le fronton architectural. Sur le haut on voit souvent courir une petite balustrade en métal découpé. Les pieds sont rectilignes et légers. Dans les objets de moindres dimensions ou dans les encadrements de motifs ornementaux le style Louis XVI recherche la forme ovale. Les encadrements rectangulaires s'y rencontrent également, mais ce sont le plus souvent des rectangles très allongés dans le sens horizontal.

Les matières préférées à l'époque Louis XVI sont l'acajou moucheté, l'érable, l'if, l'amarante, les satinés qui se mêlent en adorables marqueteries à fonds le plus souvent losangés : Riesener et David Roentgen sont les marqueteurs les plus renommés. Parfois cru, le bois se sculpte et se dore encore; mais très souvent aussi il se peint de ces demi-teintes dont nous avons parlé plus haut (céladons). Les étoffes elles-mêmes sont à l'unisson : on en bannit les couleurs aux franchises criardes. La broderie se voit remplacer par les lampas aux reflets glacés et froids, aux tons de clair de lune le blanc domine là comme dans le marbre.

Le métal lui-même, grâce à la dorure au mat, apaise le brillant de ses dorures par une sorte de velouté. Le bronze doré s'allie au marbre blanc dans les pendules où ils se combinent en groupes gracieux accoudés sur les cadrans.

La céramique pénètre dans l'ameublement. Les plaques de Sèvres ou de Wedgwood, avec leurs blancs laiteux et leurs fonds azurés, appliquent sur les secrétaires et sur les chiffonniers leurs rectangles allongés ou leurs ovales qui semblent de grands camées antiques.

Le style Louis XVI est, de tous les styles, le plus aisé à reconnaître par son détail ornemental. Déjà la fin du style Louis XV avait employé les guirlandes légères de fleurettes. Le Louis XVI emprunte de nombreux ornements à la flore : il aime les bouquets de fleurettes ainsi que les fruits. Ces derniers sont seulement les fruits à grappes comme les groseilles, etc. Cet amour des fleurs se manifeste dans la décoration des panneaux (marqueterie ou peinture). C'est souvent une gerbe de blé entremêlée de fleurs des champs (bleuets, coquelicots, etc.) avec des attributs pastoraux, des instruments de jardinage, des houlettes, des râteaux, des chapeaux de bergère, pipeaux, faucilles, etc. Le décorateur Ranson était célèbre pour ses modèles en ce genre. Le côté sentimental de l'époque amène dans l'ornementation les arcs, les flèches, les colombes amoureuses, les torches à flamme échevelée et surtout et partout le carquois. Ce dernier va jusqu'à fournir des parties entières, des pieds de lit ou de siège. Le noeud de ruban est encore caractéristique de ce style : il se place un peu partout, mais surtout au haut des médaillons où il forme attache et sur le côté desquels descendent des chutes de fleurettes.

Les ornements empruntés à l'architecture sont très nombreux : les cannelures parallèles, longitudinales le plus souvent, parfois en spirale, ornent les pieds des meubles qui ont la forme de colonnettes renversées qui seraient d'un plus fort diamètre au haut qu'au bas. (Ces pieds s'appuient sur un pied le plus souvent en toupie.) Ces colonnettes cannelées se retrouvent aux deux côtés des dossiers balustrés des fauteuils : la pomme de pin est leur amortissement le plus ordinaire. Les cannelures se rencontrent souvent sur les frises et les plates-bandes : ce sont alors de nombreuses petites cannelures verticales rangées les unes à côté des autres. Les colonnes tronquées, les cippes sont fréquents surtout dans les pendules. La base sur laquelle ils reposent est généralement la base de l'ordre ionique : c'est en effet à cet ordre classique que, par sympathie d'impression, le style Louis XVI fait les plus grands emprunts. Les oves, les fils de perles, les guirlandes tombantes complètent l'ornementation courante. L'urne ovale se niche un peu partout, sur les pendules, au haut des appliques, au plateau central des croisillons d'entre-jambe des meubles, sur l'avance des chenets, sur les côtés des garde-feu. A noter la lyre antique qui fournit des motifs de dossiers à jour pour les chaises et jusqu'à des pendules. (Paul Rouaix).

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Dictionnaire Architecture, arts plastiques et arts divers
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