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Le Saumon commun
Salmo salar
Le Saumon commun ou Saumon de l'Atlantique (Salmo salar) est le type des poissons du genre Salmo. A l'état adulte, le Saumon a le corps allongé, fusiforme; le profil du ventre est assez courbe, la ligne du dos étant presque droite. Les écailles sont lisses, adhérentes. La dimension de la tête représente à peu près le sixième de la longueur totale du corps; le museau est arrondi, plus long chez les mâles que chez les femelles, avec la mâchoire supérieure pourvue d'une fossette dans laquelle s'engage la pointe de la mâchoire inférieure. La bouche est largement fendue, armée de dents fortes, coniques; ces dents sont au nombre de 4 ou 5 sur l'intermaxillaire, de 8 à 14 sur le maxillaire supérieur; chez l'adulte, le vomer porte quelques dents sur le chevron seulement, mais chez le jeune on voit sur le corps du vomer une série de dents double en avant, simple en arrière. L'oeil est petit, de couleur jaunâtre.

On compte 4 rayons simples et de 10 à 13 rayons branchus à la dorsale, dont la forme est trapézoïdale; l'anale est soutenue par 7 à 10 rayons; la caudale est plus ou moins échancrée; les pectorales sont assez étroites; les ventrales sont insérées à peu près sous le milieu de la base de la première dorsale.

En temps ordinaire la partie supérieure du corps est d'un gris bleuâtre ou verdâtre ou d'un bleu ardoisé ; les flancs sont d'un gris d'argent; le ventre est argenté, à reflets très brillants. Des taches noirâtres, plus ou moins arrondies ou étoilées, plus ou moins rapprochées, plus ou moins nombreuses, sont éparses sur diverses parties du corps, surtout au-dessus de la ligne latérale. La dorsale et la caudale sont d'un gris plus ou moins foncé ; l'anale est grise à l'extrémité des rayons; les pectorales et les ventrales ont la partie externe noirâtre, le reste de la nageoire étant grisâtre ou blanchâtre. Suivant E. Blanchard,

 « la coloration des Saumons est sujette à de grandes variations suivant les circonstances. Lorsque ces Poissons arrivent de la mer dans les fleuves, au moment de frayer, on voit leurs teintes, particulièrement chez les mâles, prendre une nouvelle vivacité, des taches rouges apparaître dans le voisinage de la ligne latérale et même sur les opercules; le ventre s'empourprer, ainsi que la base de la nageoire anale, le bord antérieur des ventrales, les bords supérieur et inférieur de la caudale. Après avoir frayé, ces animaux affaiblis perdent leurs riches couleurs et reviennent à leur première condition. Ce n'est pas tout encore; Jardine, l'auteur d'un grand ouvrage sur les Salmonidés de la Grande-Bretagne, nous a appris que, chez le Saumon mâle dans sa parure de noce, se produisait un remarquable épaississement de la peau du dos et des nageoires, qui disparaît bientôt après l'époque du frai. »-
Le Saumon commun appartient en propre à la mer du Nord et à l'Océan, ainsi qu'à presque tous les cours d'eau qui se rendent dans ces mers. On le prend dans les rivières d'une partie de la Russie, en Scandinavie, en Irlande, en Grande-Bretagne, en Allemagne, au Danemark, aux Pays-Bas, en Belgique, en Suisse, dans le Nord de l'Espagne; le Saumon est plus rare, en France, vers le Sud que vers le Nord, et paraît s'étendre assez loin vers l'Est. On pêche, en un mot, le Saumon dans la partie tempérée de l'Europe situes au sud du 40e degré de latitude Nord, l'espèce ne se trouvant dans aucun des cours d'eau qui se jettent dans la Méditerranée. Le Saumon se rencontre de l'autre côté de l'Atlantique; sa limite aux États-Unis est le 11e degré de latitude Nord. Comme nombre d'autres salmonidés, le saumon de l'Atlantique suit un cycle de migrations pour se reproduire. A l'automne, il remonte les rivières d'Europe occidentale.
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Le Saumon dans l'art culinaire

La chair du saumon est d'un blanc rosé qui s'accentue par la cuisson; elle est savoureuse, nutritive, saine et d'une digestion facile. Ce poisson, qui a longtemps constitué pour ainsi dire, dans les pays du Nord, la base du régime alimentaire, est admis dans tous les pays sur les meilleures tables. 

Il se consomme généralement cuit entier dans de l'eau salée, après avoir été vidé par les ouïes, écaillé et bien nettoyé, et se sert entouré de persil sur un plat recouvert d'une serviette. Il est accompagné le plus habituellement d'une sauce. On le mange également fumé et salé et en conserves. 

Les jeunes saumons ou saumoneaux subissent les mêmes préparations culinaires que les petites truites

 
Smolt, Parr, Grilse...

Avant de prendre les caractères de l'adulte, tels que nous les avons décrits plus haut, le Saumon a subi des changements assez importants; ces changements ont été si bien indiqués par Émile Blanchard (Les Poissons des eaux douces de la France), que nous ne pouvons mieux faire que de reprendre ici les pages qu'il leur a consacrées :

Les âges, dit-il, sont désignés sous des noms particuliers chez les habitants de la Grande-Bretagne. Les noms de Parr, de Smolt, Grilse sont aujourd'hui généralement adoptés en ce pays, et en l'absence de termes correspondants dans notre langue, nous pensons devoir n'en pas chercher d'autres.

Lorsque, chez le jeune Saumon, la vésicule vitelline est entièrement résorbée, le petit animal, long de 0,03, a encore une tête très grosse relativement au volume de son corps, mais peu de jours après avoir commencé à prendre de la nourriture, la tête tend à s'abaisser, le museau à s'allonger, le dos à s'arrondir, et alors le petit Poisson prend l'aspect des Truites. Le jeune Saumon est d'une teinte grisâtre terne sur les régions supérieures, et il offre de quinze à dix-huit bandes transversales noirâtres qui descendent du dos jusqu'à la région ventrale.

Pendant au moins une année, quelquefois davantage, le Saumon a conservé les ternes couleurs particulières à son jeune âge, l'état de Parr; mais, à un moment déterminé, ce brusque changement se produit. Tout le corps prend un magnifique éclat métallique; il devient le Smolt, ainsi que les Anglais nomment le Saumon parvenu à son second âge.

Les parties supérieures sont d'un bleu d'acier étincelant. Huit ou dix grandes taches de même bleu brillant, comme voilées par un manteau d'argent, occupent les flancs et descendent au-dessous de la ligne latérale, Entre ces taches règne une teinte rougeâtre ou ferrugineuse très vive. Une tache noire se voit ordinairement au milieu de l'opercule. Le ventre est d'un beau blanc de nacre. La nageoire dorsale est grise avec sa portion basilaire brune et une rangée transversale de taches de la même couleur; les nageoires pectorales ont un ton gris uniforme; les ventrales et l'anale sont presque incolores.

Le Saumon, à l'état de Smolt, a l'apparence d'une petite Truite; il a, comme ces dernières, le vomer bien garni de dents sur toute sa longueur, mais il est facile déjà de reconnaître que l'opercule est celui du Saumon; un peu moins arrondi que chez les adultes, il a cependant son bord postérieur sensiblement courbe et les stries sont très faciles à voir.

Un peu plus d'une année s'écoule, avons-nous vu, depuis le moment, de l'éclosion jusqu'à l'époque à laquelle le jeune Saumon, le Parr, commence à prendre sa livrée du second âge, celle de Smolt. Du mois d'avril au mois de juin, les écailles prennent leur vêtement argenté, et les bandes, alors plus ou moins confondues, s'affaiblissent, comme voilées, quelquefois presque complètement; elles redeviennent plus distinctes par une immersion dans l'alcool.

Tant que les jeunes Saumons sont à l'état de Parrs, ils vivent isolément, ne cherchant jamais à se réunir; mais, devenus Smolts, c'està-dire ayant pris leur costume de voyage, selon l'expression de quelques auteurs anglophones, ils se rapprochent, se forment en troupes. C'est dans cette circonstance que les pêcheurs en ont fait souvent sans difficulté une déplorable destruction.

Un fait digne de remarque, qui a été bien observé, notamment à Startmonsfield, sur la Tay, en Écosse, c'est que les Parrs ne se changent pas tous en Smolts au bout d'une année; il y en a la moitié environ qui conservent la livrée du premier âge, séjournant deux et même trois ans dans les eaux douces.

Pendant tout le printemps, se succèdent les bandes de Saumoneaux descendant les rivières pour gagner l'Océan. Dans le trajet d'un parcours assez long, si des courants très rapides se manifestent en certains endroits, les Smolts s'en montrent parfois effrayés. La troupe, peut-être, rebroussera chemin, mais revenant bientôt à sa première direction quelques individus se laissent entraîner résolument et la cohorte entière se décide à les suivre. Arrivés à la partie inférieure du fleuve où remonte la marée, les Saumoneaux, avant de gagner la mer, s'arrêtent deux ou trois jours dans l'eau saumâtre comme pour se préparer à leur changement de séjour. Que deviennent-ils alors? il semble qu'ils disparaissent dans les profondeurs de l'Océan où ne peuvent les atteindre les filets des pêcheurs.

Mais sept ou huit semaines sont à peine écoulées, que nos Saumoneaux reparaissent dans les mêmes rivières, remontant jusqu'aux endroits où ils sont nés. Ces Poissons ne sont plus reconnaissables; ce ne sont plus des Smolts; ce sont des Grisles; aussi ne les reconnaîtrait-on pas, avant d'avoir pris le seul moyen possible de constater sûrement leur identité, c'est-à-dire d'attacher une marque à un certain nombre d'individus.

Cette idée si simple du marquage semble n'avoir reçu un commencement d'exécution que vers le début du XIXe siècle. Auparavant, et encore un peu après, les naturalistes, sans être en mesure d'arriver à une solution, discutaient sur la question de savoir si le Saumoneau des Français, Samlet ou Parr et Smolt des Anglais, Sahmling des Allemands, était d'une espèce particulière ou le jeune du Saumon, tandis que la plus naïve des expériences devait trancher la question. Il est vrai de dire que les naturalistes n'ont pas, en général, sous la main une rivière bien peuplée de Saumons.

Par une note publiée en 1830, nous voyons qu'un pêcheur de la Sévern, en Écosse, s'étant avisé de passer un fil de métal à la queue d'un Samlet ou Smolt, reprit plus tard l'animal devenu Saumon.

Les expériences ne tardèrent pas à se multiplier dans ce pays d'Écosse, tout particulièrement favorable aux études sur le Saumon.

« Ainsi, rapporte sir William Jardine, pendant les deux années que les pêcheries de Sanderland ont été en la possession du duc, une série d'expériences a été entreprise par ses agents [...]. Le printemps dernier, plusieurs milliers de Saumoneaux ont été marqués dans les différentes rivières. Dans le Laxford, les Saumoneaux marqués en avril revinrent au 25 juin. Ils pesaient alors 3 livres, et pendant la saison ils arrivèrent au poids de 6 livres et demie. »
John Shaw, dont les observations ont beaucoup contribué à faire connaître l'histoire naturelle du Saumon, a signalé également les résultats d'expériences analogues, mettant hors de doute que le Parr est le jeune âge du Saumon. Citons encore les recherches d'Andrew Young :
 « Nous avons marqué des Smolts dans un double but, dit cet observateur, d'abord pour nous assurer qu'ils revenaient dans les  mêmes rivières, ensuite pour constater le temps qu'ils restaient dans la mer [...]. Ils reviennent avec la plus grande ponctualité aux lieux où ils sont nés; la nature les a doués d'un si merveilleux instinct, que pas un seul d'entre eux ne dépasse sa propre demeure ou ne s'arrête à une station voisine. Nous avons vérifié tous ces faits, ajoute l'auteur, de telle sorte qu'une ombre de doute ne peut désormais subsister. »
Un fait des plus remarquables, sujet d'étonnement de la part des observateurs, c'est la rapidité de croissance du Saumon à tous les âges pendant le temps qu'il passe à la mer. Le Saumoneau ou Smolt qui a vécu dans les rivières une, deux et jusqu'à trois années pour atteindre la longueur de 0,12 m à 0,20 m, devenu Grilse au bout de deux mois de séjour dans l'Océan, est un Poisson d'un kilogramme et demi à 2 kilogrammes. Les Grilses, après la ponte, demeurent encore quelque temps dans les eaux douces, puis, se rendant à la mer, où ils ne séjournent souvent pas plus de deux mois, ils reviennent à l'état de véritables Saumons, ayant atteint un poids variable de 3 à 6 kilogrammes; la rapidité de leur accroissement est toujours en rapport avec la durée de leur voyage à la mer. Pour le Saumon qui en est à son second ou à son troisième voyage, l'accroissement n'est pas moins prodigieux pendant un très court séjour à la mer. 
Au XIXe siècle, les auteurs de la Grande-Bretagne citent avec admiration l'exemple de ce Saumon de la Tay, pris après la ponte, et marqué d'une étiquette par le duc d'Atholl au mois de mars 1845. Le Poisson pesait 10 livres (anglaises) ; repêché, muni de son étiquette, cinq semaines et trois jours plus tard, par conséquent après une bien courte excursion à la mer, il pesait 21 livres et un quart.
Chez le Grilse il n'y a plus aucune trace des bandes du Parr, visibles encore chez le Smolt. La tête est plus effilée, la queue n'est plus que faiblement échancrée. A beaucoup d'égards, ce sont les formes et la coloration du Saumon complètement adulte; mais le corps est proportionnellement plus mince, et la teinte générale plus pâle, plus uniforme, n'est pas encore rehaussée par des taches.

Des expériences semblables ont eu lieu en France. 

« J'avais, écrit Deslandes, chargé les pêcheurs de Châteaulin de retenir une douzaine de Saumons parmi ceux qui descendent la rivière, et après avoir attaché à chacun un petit anneau de cuivre vers la queue, de les remettre à l'eau; ce qu'ils ont exécuté avec beaucoup d'adresse, et en trois années différentes. J'ai ensuite su d'eux-mêmes qu'ils avaient repris quelques-uns de ces Saumons, une année cinq, une autre année trois, une autre enfin deux. »
Moeurs, habitudes

Le séjour à la mer est absolument indispensable pour que le Saumon acquière tout son développement; l'eau douce, courante et très aérée, lui est nécessaire pour la reproduction, l'eau salée pour lui fournir une nourriture abondante et lui permettre de réparer ses forces. Il est de toute nécessité que le Saumon abandonne, à certaines époques de l'année, les eaux douces pour se rendre à la mer; il grossit à peine s'il est tenu captif; la chair se décolore, devient molle et sans saveur. Fait curieux, les alevins et les Parrs, c'est-à-dire les jeunes Saumons, sont tués rapidement par l'eau de mer. D'après les recherches des naturalistes suédois, le Saumon, à la mer, se nourrit surtout de Crustacés et de Poissons, principalement d'Ammodytes, sans dédaigner pour cela tout ce qui peut se trouver à sa portée.

A contre-courant.
Les migrations des saumons sont parmi celles qui ont été les premières étudiées à cause de l'intérêt de la pêche, lorsqu'ils remontent périodiquement les rivières pour se reproduire. Lorsqu'ils quittent la mer, c'est-à-dire dans les régions tempérées, vers le commencement du printemps, les Saumons partent avec le flux, surtout lorsque le flot est poussé contre le courant de la rivière par un vent assez fort. Au moment de la montée, les Saumons s'approchent, en troupes de trente à quarante, des côtes et de l'embouchure des fleuves; ils s'arrêtent un certain temps comme s'ils devaient s'habituer à l'eau douce, remontant avec le flux et retournant à la mer avec le reflux, jusqu'à ce que commence le véritable voyage. Les Saumons de divers âges, aussi bien les Grilses que les Saumons adultes, remontent ensemble les cours d'eau dans un ordre qui ne varie guère, les vieux individus formant la tête de la colonne, les jeunes suivant; le plus gros des Poissons, ordinairement une femelle, ouvre la marche; on a observé que les femelles montent toujours avant les mâles. Au moment de la montée, ce sont les plus forts Saumons qui font les premiers leur apparition, puis viennent ceux qui ont remonté déjà une fois, puis les jeunes nés l'année précédente, de telle sorte qu'il y a souvent une grande distance entre les bandes, les premiers étant déjà presque parvenus à l'endroit où ils doivent pondre, tandis que les autres s'engagent seulement dans le cours inférieur du fleuve.

Les Saumons venus récemment de la mer se reconnaissent à leur teinte argentée. Dans la montée rien ne les arrête. 

« S'ils donnent contre un filet, écrit Baudrillart, ils le déchirent ou cherchent à s'échapper par-dessous ou par les côtés; et dès qu'un de ces Poissons a trouvé une issue, les autres le suivent, et leur premier ordre se rétablit. Ils nagent au milieu du fleuve et près de la surface de l'eau; et comme ils sont souvent très nombreux et qu'ils agitent l'eau violemment, ils font un bruit qu'on entend de loin. Lorsque le temps est chaud et à l'orage, ils rasent le fond de l'eau ou se réfugient dans les endroits les plus profonds, où ils peuvent jouir de la fraîcheur qu'ils recherchent; et c'est par une suite de ce besoin de fraîcheur qu'ils aiment les eaux douces dont les bords sont ombragés par des arbres touffus. Les corps flottants sur l'eau et les couleurs vives les effraient et les forcent quelquefois à rétrograder. Si la température de la rivière et la qualité de l'eau leur conviennent, ils voyagent lentement; mais s'ils veulent se dérober à quelque sensation incommode ou à quelque danger, ils s'élancent avec tant de rapidité, que l'oeil a de la peine à les suivre. On a remarqué qu'ils pouvaient parcourir en une heure un intervalle de 10 lieues, et que lorsqu'ils ne sont pas forcés à des efforts prolongés, ils peuvent franchir eu une seconde une étendue de 24 pieds.

Les Saumons ont dans leur queue une rame très puissante, et c'est également par son secours qu'ils franchissent des cataractes assez élevées. ils s'appuient contre de grosses pierres, rapprochent de leur bouche l'extrémité de leur queue, en serrent le bout avec les dents, en font par là une sorte de ressort fortement tendu, lui donnent avec promptitude sa première position, débandent avec vitesse l'arc qu'elle forme, frappent avec violence contre l'eau, s'élancent à une hauteur de plus de 4 à 5 mètres, et franchissent la cataracte. Ils retombent quelquefois sans avoir pu s'élancer au delà des roches, ou l'emporter sur la chute de l'eau; mais ils recommencent bientôt leurs manoeuvres, ne cessent de redoubler d'efforts après des tentatives très multipliées; et c'est surtout lorsque le plus gros de leur troupe, celui que l'on a nommé le conducteur, a sauté avec succès, qu'ils s'élancent avec une nouvelle ardeur. »

Il arrive trop souvent que les barrages établis sur les cours d'eau sont trop élevés pour que les Saumons puissent les franchir; c'est pour faciliter la marche de ces Poissons que l'on établit des échelles.

Bien qu'ils puissent nager très rapidement, les Saumons ne remontent souvent qu'assez lentement les cours d'eau. Ainsi, par exemple, ils entrent dans le Rhin au commencement du mois d'avril, mais ils ne se montrent à Bâle que pendant mai et ne parviennent qu'à la fin d'août dans les petites rivières. Dans le bassin du Rhin, ils visitent très régulièrement la Limmat, de là traversent le lac de Zurich, passent plus loin dans le Linth, franchissent le lac de Wallenstadt et cheminent vers les montagnes dans la Seetz. Une autre partie visite la Reuss et l'Aar, croise le lac des Quatre-Cantons et le lac Thonne, puis remonte les rivières que nous venons de nommer. Dans la Reuss, d'après Tschudi, on trouve des Saumons parfois à 1300 pieds au-dessus du niveau de la mer, bien qu'ils aient à franchir des chutes nombreuses. Dans le bassin du Weser leur voyage ne se termine que dans la Fulda et la Werra, ainsi que dans leurs eaux collatérales. Dans le bassin de l'Elbe, des Saumons remontent très loin vers les montagnes, d'un côté vers le Fichtelgebrige, de l'autre dans la Moldan et ses affluents en amont.

En France, les Saumons remontent également très haut. C'est ainsi que, d'après E. Moreau, les Saumons arrivés à Montereau abandonnent la Seine et remontent l'Yonne; à Cravant, ils quittent ce dernier cours d'eau pour s'engager dans la Cure.

D'après de Soland, les pêcheurs de la Loire divisent les Saumons en quatre catégories : 

1° Saumons de printemps, arrivant en février pour frayer; 
2° Saumons de la Madeleine ou Saumons d'été;
3° Saumons d'automne ou Décards; 
4° Saumons d'hiver.
Le Saumon est essentiellement carnassier; lorsqu'il est jeune, il se nourrit de petits vers; en tous temps il chasse avec avidité les insectes qui volent à la surface de l'eau; lorsqu'il est adulte, le Saumon se nourrit d'autres Poissons et capture même parfois de petits Mammifères.

L'époque du frai.
Vers l'époque du frai, il se produit chez le Saumon des changements dans la coloration; on voit apparaître des taches rouges sur les flancs et sur les opercules; d'après Siebold, chez les mâles le ventre se colore en pourpre rougeâtre, les joues prennent une teinte bleuâtre sur laquelle tranchent vivement des taches rouges disposées en zig-zag; la racine de la nageoire anale, le bord antérieur des ventrales et les bords de la caudale deviennent rougeâtres; en même temps, la peau du dos s'épaissit.

Lorsque le moment de la ponte est arrivé, un mâle et une femelle se réunissent; plusieurs mâles se trouvent-ils près d'une même femelle, ce qui arrive souvent, une lutte s'engage entre eux; d'un commun accord, le mâle et la femelle choisissent un endroit propice pour la ponte; au moyen de sa queue, la femelle creuse dans le gravier un trou dont la profondeur varie généralement de 0,15 m, à 0,25 m, tandis que le mâle, aux aguets, chasse les autres Poissons, surtout ses rivaux. La femelle dépose les oeufs dans la fosse, et le mâle les imprègne immédiatement de sa laitance; par des mouvements de la queue, les deux Poissons travaillent en commun pour recouvrir les oeufs sous une couche de gravier.

Il n'est pas rare de voir une femelle entourée seulement des jeunes mâles; quelques observateurs attribuent à la présence de ces petits Saumons un rôle important. Tout mâle âgé surveille avec empressement la femelle qui se dispose à pondre et s'efforce d'écarter tous ses compétiteurs. Lorsque l'un d'eux s'approche, il se bat avec lui avec tant de furie, que souvent son sang rougit l'eau et que l'un des combattants perd la vie. Ces combats laissent la femelle indifférente; paraissant satisfaite de la présence des jeunes Saumons, elle continue à frayer, se jette tantôt sur un côté, tantôt sur l'autre à des intervalles de quelques minutes, exprime chaque fois une partie de ses oeufs et, en se retournant, recouvre d'une mince couche de sable les oeufs pondus antérieurement et fécondés dans l'intervalle par les jeunes Saumons qui se poussent avec empressement.

Les jeunes saumons jouent ainsi le même rôle que les piquiers pendant le combat de deux Coqs. Malgré cela, les jeunes Saumons ne suffisent pas à la femelle, car elle cesse de pondre aussitôt que le mâle adulte est tué dans le combat ou est forcé de fuir; elle nage vers un autre endroit calme et y attire un autre mâle adulte pour continuer à frayer sous sa surveillance; Andrew Young a vu qu'une seule et même femelle attira successivement sur la frayère neuf saumons mâles, et lorsque le dernier de ceux-ci eut été chassé à son tour elle revint avec une grosse Truite qui la suivait. Le frai n'est pas déposé en une seule fois; la ponte, d'après certains observateurs, a lieu dans l'espace de trois ou quatre jours; suivant d'autres, de huit à dix jours.

Après la ponte, les Saumons sont si épuisés qu'ils peuvent à peine nager. Ils deviennent maigres et faibles et se laissent entraîner par les eaux. Avec les hautes eaux de l'hiver et du printemps, ils nagent lentement, évitant le plus possible les chutes d'eaux et les rapides; ils séjournent pendant quelque temps dans les eaux saumâtres, puis se rendent à lamer. Ils ne mangent pas durant le voyage, du moins ne trouve-t-on jamais de résidus de digestion dans l'estomac des individus capturés; il est vrai de dire que le Saumon digère si rapidement que l'estomac est habituellement à peu près vide; de plus, on s'est demandé s'il n'arriverait pas au Saumon, saisi de frayeur au moment où il est pris, de dégorger sa nourriture.

La chair du Saumon, qui pendant la montée avait une belle couleur rougeâtre, devient, après la ponte, blanchâtre, fade et absolument immangeable. Des taches brunes et de petites  excroissances répandues sur les écailles sont souvent la marque de l'épuisement des Saumons et du malaise qu'ils éprouvent. Le crochet de la pointe de la mâchoire s'allonge et repousse la mâchoire supérieure, de telle sorte que les Poissons ne peuvent plus fermer complètement les mâchoires et, par conséquent, sont incapables de saisir convenablement une proie et de la déchirer. Beaucoup de Saumons périssent à la descente; mais aussitôt qu'ils ont pu atteindre la mer, les Saumons se rétablissent d'une manière surprenante, tant elle est rapide; les parasites qui s'étaient fixés sur eux meurent dans l'eau salée, les mâchoires reprennent les proportions ordinaires, les taches disparaissent.

La fécondité du Saumon est très grande; des observateurs ont estimé que chaque femelle donne, à peu de chose près, autant de millions d'oeufs qu'elle pèse de livres. Les oeufs, d'une assez grande transparence, ont le volume d'un gros pois; ceux des Grilses sont toujours sensiblement plus petits que ceux des Saumons adultes; leur couleur est d'un blanc opalin dans les jours qui suivent la ponte, d'une agréable couleur rosée quand le vitellus s'est coloré.

La durée de l'incubation des oeufs est longue set varie dans des limites assez considérables, suivant la température de l'eau; c'est ainsi que l'éclosion des jeunes, provenant d'oeufs pondus en automne, a lieu ordinairement au bout de
quatre-vingts à quatre-vingt-dix jours, tandis  que l'incubation des oeufs pondus en décembre peut durer de cent à cent quarante jours. Les petits Poissons nouvellement éclos s'agitent d'abord avec vivacité, alourdis cependant par l'énorme vésicule ombilicale qui sert à les nourrir pendant environ cinq semaines. Cette vésicule résorbée, les jeunes Saumons ont besoin de nourriture.

La croissance est assez lente dans les premiers temps; elle dépend, du reste, beaucoup de la nourriture plus ou moins abondante; ce n'est qu'après avoir été à la mer que le Saumon grandit rapidement. Le Saumon atteint assez fréquemment le poids de 10 à 12 kilogrammes, mais on cite des captures d'individus de très grande taille, dont le poids s'élèverait à 20 kilogrammes et qui auraient jusqu'à 2 mètres de long; de semblables captures sont de plus en plus rares.

Pêche

La chair du Saumon celle du mâle principalement, est grasse, nourrissante, très agréable au goût et à la vue, aussi ce Poisson, partout où il se trouve, donne-t-il lieu à des pêches souvent très importantes. On prend très rarement des Saumons dans les filets qu'on tend à la mer et au large; on n'en capture guère que près des côtes, dans les parcs, principalement vers l'embouchure des cours d'eau. C'est principalement lorsqu'il remonte que l'on prend le Saumon; après la ponte, en effet, la chair est mauvaise; ces Saumons sont désignés en Angleterre sous le nom de Kelts, et la loi britannique en interdit la pêche.

On pêche souvent le Saumon au moyen de filets de senne qui barrent une partie du cours d'eau; l'une des extrémités est tenue à terre, tandis que l'autre se trouve fixée à une barque qui revient rapidement vers la rive. Lorsque la nappe d'eau a une certaine étendue, les pêcheurs traînent leur seine avec de petits bateaux, chacun en tenant un bout, puis, ils se rapprochent l'un de l'autre pour haler le filet à bord d'un des deux bateaux. En Norvège on se sert, dans beaucoup d'endroits, de filets fixes placés à l'embouchure des fleuves, filets qui décrivent des lignes sinueuses dans lesquelles s'engage le Poisson. En Écosse et en Irlande, les filets sont disposés de telle sorte que le Saumon, filant le long de la côte, s'y engage presque nécessairement.

Sur certaines rivières ont été établis très tôt des appareils pour la pêche du Saumon. C'est ainsi qu'au XIXe siècle, à Châteaulin, en Bretagne, cet appareil consistait en pieux placés les uns à côté des autres et en coffres dont l'entrée ressemblait assez aux ouvertures des souricières faites avec du fil de fer. A Drammen, en Norvège, on dressait sur les rochers près des chutes, des échafaudages de poutres auxquelles étaient attachées de grandes caisses de bois formées de pièces espacées pour que l'eau ne puisse pas les emplir; ces caisses étaient disposées de façon à effleurer la surface de l'eau; le Saumon, qui remontait le courant, arrivait au pied des cascades et, confiant dans sa force, il tentait un vigoureux effort, mais il retombait presque toujours dans une des caisses, d'où il était immédiatement retiré au moyen de longs harpons armés de fers très pointus. Dans plusieurs endroits on pêche le Saumon à l'aide de pièges à pinces où l'on se sert d'un Saumon mâle comme appât; l'animal est musclé, attaché au-dessus d'un endroit reconnu comme frayère; les femelles, qui viennent tourner autour du prisonnier, sont facilement capturées.

Le Saumon se prend fréquemment à la mouche, soit à la mouche naturelle, soit à la mouche artificielle, soit avec des Poissons artificiels imitant le Vairon ou le Goujon. En Angleterre, on excelle à la pêche à la mouche volante. Brehm raconte qu'il a vu des pêcheurs anglais au voisinage du cap Nord, au Tana-Elf, entourés d'une auréole compacte de mouches, la tête enveloppée d'un voile épais; ils avaient dressé leur tente au voisinage d'un rapide, s'étaient munis, dans une forêt, de bouleaux, de tout ce qui leur était nécessaire pour la construction de huttes, et supportaient courageusement le vent, la pluie, la solitude et les piqûres de terribles moucherons; ils comptaient sans marchander -de grosses sommes d'argent pour pouvoir pêcher des Saumons qu'ils abandonnaient, pour la plupart, aux individus qui les entouraient.  (Rocher / Sauvage).

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Dictionnaire Les mots du vivant
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