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Les phrases et les mots
syntagmes, monèmes
Une phrase (du grec phrasis, action de s'exprimer) est un ensemble de mots concourant à exprimer un ensemble d'idées, un sens suivi et complet. Toute phrase est bornée par le sens, c.-à-d. qu'elle commence et finit avec lui; et, selon qu'il est plus ou moins composé, elle a plus ou moins de parties. La phrase qui ne renferme que les trois termes nécessaires pour l'expression d'un jugement s'appelle proposition; mais il ne faut pas confondre une phrase avec une proposition : la proposition est essentiellement philosophique, et n'a rapport qu'au fond même de la pensée et aux trois termes de tout jugement; la phrase a surtout rapport à la forme, elle est purement grammaticale et littéraire. 

Considérée grammaticalement, la phrase se compose du sujet et de ses dépendances, du verbe et de ses compléments directs, indirects, circonstantiels, et peut renfermer des mots appartenant à toutes les parties du discours; ces mots sont soumis à certaines règles de construction et de syntaxe. 

Considérée littérairement, la phrase doit être claire, nette, élégante, harmonieuse; elle pourra prendre dans l'occasion un tour oratoire, une couleur poétique, être lente ou vive, pesante ou légère. 

La phrase française, et en général la phrase moderne, diffèrent des phrases grecques et latines quant à l'ordre des mots : elles ont moins de liberté (Construction).

On appelle phrase faite une façon de parler particulière qui est consacrée par l'usage et à laquelle il n'est pas permis de rien changer. Hors de ces locutions, il est permis à tout écrivain de créer des phrases; mais ces phrases nouvelles doivent être composées avec les mots déjà connus, dont il ne faut pas altérer le sens établi si l'on veut être compris. Telles sont les phrases : Éclater en reproches, haïr à coeur ouvert, créées par Racine

Le mot phrase se prend souvent dans un sens défavorable; on dit, en parlant d'une phrase sonore et vide : c'est une phrase; en parlant d'un homme habitué à se payer de mots vagues sans s'inquiéter du fond des choses : c'est un faiseur de phrases. Le mot phrase s'emploie aussi dans un sens défavorable pour désigner une phrase embarrassée, chargée de mots et boursouflée. (P.).

Les mots.
On appelle mot un son ou un ensemble de sons qui exprime une idée distincte c.-à-d. qui exprime une représentation, une sensation ou une conception. Un mot se décompose en syllabes correspondant à la division des mouvements des organes de la voix qui le prononcent. Chaque syllabe comporte autant de sons que ces organes en peuvent faire entendre sans pause. Quand le mot n'a qu'une seule syllabe, le mot est dit monosyllabique; s'il en a deux, dissyllabique; s'il en a trois, trissyllabique; au delà, tous les mots sont dits polysyllabiques. 

On distingue les mots variables ou déclinables et les mots invariables ou indéclinables-: le terme variable s'applique généralement aux langues romanes et à l'anglais; et déclinable au grec, au latin, à l'allemand. Les mots variables sont ceux dont la terminaison est susceptible de s'infléchir, comme les adjectifs et les substantifs, les articles, les pronoms, les verbes; les invariables sont ceux qui se présentent toujours sous la même forme, comme les adverbes, les prépositions, les conjonctions, les interjections. L'article anglais fait partie des mots invariables.

Les mots les plus simples sont les interjections qui expriment un sentiment ou impression immédiate; ce sont presque de simples mouvements réflexes. Mais, à l'exception des interjections, les autres mots ne prennent guère leur valeur que par leur groupement en phrases; aussi distingue-t-on, dans l'étude des mots, trois aspects : leur son (phonétique), leur sens (sémantique), leurs relations les uns avec les autres. Le sens des mots est indiqué par le dictionnaire; leurs relations, leur place dans la phrase par la grammaire, qui, dans un contexte classique, les répartit entre les différentes parties du discours (partes orationis). 

Des monèmes aux syntagmes.
Le défaut des grammaires traditionnelles, qui se sont construites historiquement sur l'étude des langues grecques et latines, puis des principales langues parlées en Europe, est de ne pas pouvoir donner une définition rigoureuse des mots, qui serait aussi valable pour toutes les langues parlées dans le monde. Aussi les linguistes contemporains substituent-t-il à la notion de mot, le concept de monème. Un monème est en quelque sorte un «  atome de langue » ou un « signe minimal », autrement dit la partie la plus élémentaire d'une langue susceptible de porter une signification. Comme dans tout signe, on distingue dans le monème un aspect signifiant (les sons ou, s'il est écrit, des lettres qui le composent) et un aspect signifié (c'est-à-dire ce à quoi ces sons et ses lettres se rapportent). Souvent le monème se confond avec ce que l'on appelle communément un mot. Par exemple, le mot cycle est aussi un monème. Mais si l'on considère le mot bicyclette,  on peut distinguer trois monèmes : bi (qui signifie deux), cycle (ou roue), et ette (qui est un diminutif). De même, dans le mot mangeons, il y en a deux : mange (le verbe) et ons (qui, dans la conjugaison, marque la première personne du pluriel). Le monème mange, qui appartient au lexique du français est appelé lexème; le monème ons,  qui est une teminaison, est un monème grammatical et est appelé morphème

Du point de vue des grammaires classiques, on reconnaîtrait dans ces morceaux de mots (les flexions), un radical et un suffixe (et aussi un préfixe dans le cas de la bicyclette), et l'on peut se demander où est le progrès à créer de nouveaux mots quand les anciens pourraient faire l'affaire. Ce qui change, c'est d'abord que des termes comme préfixe, radical ou suffixe ne se réfèrent qu'à la forme mot et dépendent des règles de construction d'une langue particulière. Le monème, comme on l'a dit, est un signe : il prend en charge à la fois le signifiant et le signifié, et si l'on considère des langues exotiques la notion de monème conservera toute sa pertinence, alors que l'on n'est assuré de rien pour les notions classiques. Ajoutons que des difficultés similaires apparaissent lorsque les linguistes étudient les phrases. Une manière de généraliser cette notion consiste à recourir, à la place, la notion de syntagme, qui se définit comme un ensemble de monèmes, concourant à exprimer un ensemble d'idées, un sens suivi et complet, etc. On parle de syntagme nominal, quand les monèmes sont groupés autour d'un nom; de syntagme verbal, lorsque les monèmes forment une combinaison autour d'un verbe. (A.-M. B. / P.).

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