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Monuments de Venise
L'intérieur du palais des Doges
Aperçu
L'extérieur du palais
L'intérieur
Arrivés au haut de l'escalier des Géants du palais des Doges et entrés dans l'arcade supérieure, on voit à gauche la porte qui conduisait à la chapelle de Nicolas, et à proximité de celle-ci, il y a la voûte d'un escalier par lequel le doge descendait à la basilique Saint-Marc. L'escalier encore aujourd'hui est décoré d'une fresque du Titien représentant la Vierge avec l'enfant. Dans cette galerie, en face de l'escalier des Géants une inscription gravée par Alexandre Vittoria, rappelle le passage à Venise en 1574 de Henri III roi de France. Une autre épigraphe, en caractères gothiques en relief, avec pour emblèmes des entraves et posée en 1362, se rapporte aux Indulgences accordées par le pape Urbain V à ceux qui par des offrandes auraient soulagé de leurs peines les prisonniers enfermés pour dettes. Une troisième inscription, de date plus récente, rappelle le IXe congrès des savants tenu en 1847. Puis en haut des arcades, le portique entier est orné de bustes des plus illustres citoyens vénitiens, parmi lesquels on remarque : Marco Polo, Apostolo Zeno, Marco Foscarini, Bembo, etc.
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Venise : l'escalier d'or.
Le plafond de l'escalier d'Or.

D'ici part le célèbre escalier d'Or qui donne accès aux belle salles supérieures, ainsi nommé pour la richesse et la magnificence de ses ornements, mais aussi parce qu'il était réservé aux nobles inscrits dans le grand Livre d'or de la République. Cet escalier fut dessiné par Sansovino et construit par Scarpagnino. Les stucs sont d'Alexandre Vittoria et les fresques de Jean-Baptiste Franco.

Les salles supérieures constituent tout un ensemble de richesse, de magnificence, d'élégance et de grandiose prodigieux. Les très fines entailles des plafonds revêtus d'or de sequin, les superbes peintures des panneaux, les sculptures des portes et des grandes cheminées du XIIIe siècle, tout parle au visiteur le langage muet mais éloquent du faste et de la puissance dix fois séculaire de la glorieuse République vénitienne.
Au sommet de l'escalier d'Or, il y a un petit vestibule carré, qui est comme l'entrée d'apparat, et qui servait alors aux ambassadeurs étrangers et aux sénateurs allant au conseil. Au plafond, peint par Tintoret, on voit le doge Priuli recevant l'épée et la balance de la justice; sur les panneaux on admire des portraits de Procureurs de Saint Marc exécutés par Tintoret même. Ce vestibule conduit à la salle dite des quatre portes.

La salle des Quatre portes.
Cette salle servait d'antichambre et de passage. Elle fut construite en 1575 par Andrea Palladio, qui dessina aussi la porte et le plafond. Les portes sont surmontées des statues allégoriques de Jerôme Campagna, Alexandre Vittoria, François Castelli da Millo et Jules del Moro. Le plafond est magnifiquement orné de stucs de Vittoria et Bombarda et de peintures de Tintoret. Aux panneaux on admire des tableaux merveilleux. La première toile à gauche représente Vérone reprise par les Vénitiens en 1459, elle est de Jean Contarini; celle de droite, avec le doge Antoine Grimani agenouillé devant la religion représentée par la Vierge et des saints, est également par Contarini et peut passer pour une de ses plus belles oeuvres. La grande toile avec la Foi et Saint Marc, fut commencée par Titien et achevée par Marc Vecellio; celle en face avec l'Entrée de Henri III, roi de France, à Venise en 1574 est d'André Vicentino. Vers la droite on voit le tableau de Gabriel Caliari, fils de Paul Véronèse, qui représente le doge Marino Grimani recevant les ambassadeurs persans en 1603, et d'autres tableaux sont du dit Caliari, de Contarini et de Tiepolo. Digne d'une mention spéciale est le tableau de ce dernier sous les fenêtres; ce tableau montre Neptune déposant aux pieds de Venise les trésors de la mer.

La salle de l'Anticollège.
Par la porte opposée à celle qui sert d'entrée à la salle qu'on vient de décrire, on accède à une autre salle nommée l'Anticollège, soit l'antichambre du Collège. On y admire à gauche le Rapt d'Europe, chef-d'oeuvre de Paul Véronèse; plus en avant Jacob retournant à la ville de Cana par Jacob Bassano, et quatre tableaux allégoriques de Tintoret, à savoir : La Forge de Vulcain, Mercure et la Grâce, Ariane et Bacchus, Minerve chassant Mars.

Au plafond il y a une fresque octagonale, Venise sur le Trône, par Paul Véronèse. Du même auteur sont aussi les grisailles du plafond; et la cheminée, en marbre de Carrare, fut exécutée par Titien Aspettati, d'après les dessins de Vincent Scamozzi.
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La Salle du Collège, par Francesco Guardi (1780).

La salle du Collège.
La salle du Collège, où l'on entre par une très riche porte ornée de colonnes et de statues de Vittoria, était destinée à la réception des Ambassadeurs. Le plafond, très riche en ornements et dorures, est jugé comme le plus beau du Palais. Il est divisé en 21 carrés. Il fut dessiné par Paul da Ponte; Paul Véronèse y a peint 17 tableaux représentant : Neptune, Mars et des enfants ailés; la Foi, Venise assise sur le Globe du monde entre la justice et la Paix, les Vertus, etc. Dans les interstices, il y a des grisailles avec des sujets d'histoire ancienne. Du même Paul Véronèse est la magnifique toile au-dessus du trône, faite en souvenir de la bataille de Lépante (1571), et pour cela figurant Jésus au milieu d'une gloire d'anges. Au-dessous on remarque : Venise et le doge Sébastien Venier; la Foi, Saint Marc, Sainte Justine, Augustin Barbarigo, etc. 

Les tableaux sur le panneau droit et en face du trône sont de Tintoret et reproduisent des sujets différents, à savoir : le doge André Gritti agenouillé devant la Vierge; le Mariage de Sainte Catherine, la Vierge en Gloire et l'Adoration du Sauveur. Sur chacun desdits tableaux on voit le portrait d'un doge. Sur le premier est celui d'André Gritti; sur le deuxième, celui de François Donato; sur le troisième celui de Nicolas da Ponte; sur le quatrième celui d'Alvise Mocenigo.

Les tapisseries du trône sont un travail du XVIe siècle représentant les aventures de Jupiter. Magnifique est aussi le Cabinet avec piliers en vert antique et les statues d'Hercule comme de Mercure de Gérôme Campagna. Le pavé en marbre est également admirable.
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Véronèse : Venise et le doge Sébastien Venier.
Venise et le doge Sébastien Venier, par Véronèse (1582).

La salle du Sénat.
La salle du sénat dite aussi des Pregadi (Les Institutions de Venise), fait suite à celle du Collège. On y pénètre par une des portes aux colonnes de cipollino et de jais; elle possède, elle aussi, des peintures magnifiques. Celle en face de l'entrée entre les deux fenêtres, oeuvre attribuée à Bonifacio, représente l'Elévation de Laurent Giustiniani à la dignité de patriarche de Venise; l'autre de grandes dimensions sur le panneau du trône, avec les deux Doges agenouillés parmi les Saints devant le Rédempteur mort est de Tintoret, de même que les deux grisailles latérales. Celles au-dessous du tableau même sont de Giandomenico Tiepolo.

Dans le panneau de l'horloge, on admire la figure de la Paix à grisaille et le tableau avec le doge Pierre Loredan priant devant la Vierge, tous deux de Tintoret. A gauche, il y a trois tableaux de Palma le jeune avec l'Allégorie de la Ligue de Cambrai, figurée: par le doge Sébastien Venier devant Venise; par le doge Cicogna aux pieds du Christ et par Venise avec le Lion de Saint-Marc, se défendant contre l'Europe assise sur un taureau. Du même auteur sont aussi le tableau avec les doges Laurent et Jérôme Priuli priant le Seigneur et les deux grisailles sur le panneau en face du trône. Au plafond dessiné par Cristoforo Sorte trône la fresque de Tintoret avec Venise assise sur les nuages entre différentes divinités; les autres compartiments ont des peintures de Marc Vecellio, André Vicentino et autres.

La Petite Eglise.
Par un petit corridor à droite du trône on arrive à la chapelle précédant l'église et par celle-ci à la Petite église. Le premier lieu représente le vestibule de la Chapelle des Doges, appelée Petite Eglise; on y admire le tableau entre les deux fenêtres ou le Christ chassant les profanateurs du Temple, de Boniface Veneziano; les deux toiles avec Saint André et Saint Jean sur l'une, Saint Georges et Saint Ludovic sur l'autre, de Jacob Tintoret toutes les deux. Dans ce local se trouvent les cartons de Sébastien Rizzi, qui servirent pour la mosaïque du grand cintre dans la façade de la Basilique.

A remarquer dans la Petite Eglise: l'autel de Scamozzi, décoré de six riches colonnes à piédestaux en bronze et d'une statue de la Vierge avec l'Enfant, sculpture de grande valeur de Sansovino; les tableaux accrochés aux murs représentent : le Christ mort de P. Bordone; Jésus dans le verger de Getsemani de Paul Véronèse, la Vierge dans un paysage de Cinna da Conegliano; le Christ dans le Nuage de Giorgione; le Christ enseignant de Bonifazio; et le Passage de la Mer Rouge attribué à Titien.

De la Petite Eglise, en revenant sur ses pas et après avoir retraversé les salles du Sénat et des Quatre Portes, on arrive par un petit corridor à la salle du Conseil des dix.

La salle du Conseil des Dix.
On admire sur les panneaux en face des fenêtres le tableau d'Aliense : l'Adoration des Rois Mages; sur le panneau à gauche la Rencontre du Pape Alexandre III avec le doge Sébastien Ziani, vainqueur de Frédéric Barberousse, des Frères François et Léandre da Ponte; et dans le panneau en face est le tableau de Marc Vecellio, représentant le Pape Clément VII et Charles V Empereur concluant la paix d'Italie à Bologne (1529). Le plafond, dessiné par Daniel Barbaro, qui ensuite devint patriarche d'Aquileia, fut décoré par Ponchino, Véronèse, Zelotti. Dans le compartiment central on admire le tableau de Véronèse avec Jupiter foudroyant les vices; cependant c'est une copie, car l'original fut transporté par Napoléon à Paris et ne fut plus rendu. Dans les autres compartiments on voit les peintures des artistes déjà cités, parmi lesquelles celle de la cantonade, à droite vers le fond, représentant un vieil oriental et une Jeune femme assise appelle particulièrement l'admiration. Elle est de Paul Véronèse.

La salle de la Boussole.
Par la porte à gauche on pénètre dans la salle de la Boussole, qui formait l'antichambre du Conseil des Dix et des Trois Inquisiteurs. Elle doit son nom au système spécial de la porte en forme d'armoire fait de façon que qui entre ne peut voir qui sort; ce système vient justement des Vénitiens; il est connu sous le nom de boussole. Dans le panneau en face des fenêtres, on voit la toile de Marc Vecellio avec le doge Donato à genoux devant la Vierge; à droite, la Soumission de Brescia (1426) d'Aliense; à gauche la Reddition de Bergame (1427) du même Aliense. Les peintures de la voûte sont toutes de Paul Véronèse, mais celle du centre, figurant Saint Marc couronnant les Vertus théologales n'est qu'une copie faite par Carlini, l'original ayant été transporté avec d'autres à Paris par Bonaparte en 1797. La cheminée et les caryatides avec des peintures en grisaille de l'année 1553 sont de Sansovino. Près de la porte de sortie, on aperçoit la fameuse Tête du Lion, la gueule ouverte pour recevoir les dénonciations infâmes.

La salle des Chefs.
La salle des Chefs, c'est-à-dire des trois chefs du Conseil des Dix, qui étaient comme les Secrétaires du Conseil même, présente à gauche de l'entrée une Pietà qu'on voudrait, mais sans trop de certitude, attribuer à Cellini; à droite une Madone avec Enfant, des Saints et le doge Loredan, de Vincent Catena; en suite un autre tableau avec l'entrée de Noé dans l'Arche, de Jacopo Bassano et une Allégorie de Jérôme Van Acken. An plafond, la peinture centrale avec l'Ange chassant les vices, est de Véronèse; celles des autres compartiments sont de Zelotti et de Ponchino. La cheminée, très belle, est de Sansovino et les caryatides sont de Pierre Salo. 

La salle des Trois inquisiteurs d'Etat.
A côté de cette salle en question, se trouve une autre petite salle, dite la salle des Trois inquisiteurs d'Etat, d'où, par une porte secrète, on descendait anciennement aux prisons souterraines, appelées les Puits, et d'où l'on montait à celles des greniers, un peu redoutables, appelées les Plombs, parce qu'extérieurement du côté du toit, elles étaient recouvertes de plomb. Les petites fenêtres qu'on voit en haut, dans la façade Est de la cour du Palais, éclairaient lesdites prisons, qui furent détruites lors du soulèvement populaire de 1797. A cette salle aboutissait le double corridor.
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Les annexes de palais des Doges : 
les prisons, le pont des Soupirs.

Les Puits
De la petite salle appelée des Trois Inquisiteurs, qui est au second étage du Palais, on descend par un escalier étroit et obscur aux terribles prisons, qui dès le XIIIe siècle prirent le nom de Puits. Les cellules obscures et lugubres, construites en pierre d'Istrie, sont divisées en deux étages, dont l'inférieur est presque au niveau du rez-de-chaussée du Palais; il ne s'agit donc pas de véritables et propres souterrains envahis par l'eau, comme il a beaucoup été écrit; mais au contraire, pour atténuer l'humidité du local, les parois furent recouvertes de planches d'érable. Chaque prison était désignée sous un nom spécial, comme par exemple : la Galeola, l'Avograda, la Frescazogia, etc. C'est dans une de ces cellules que fut enfermé Carmagnola, suspect de trahison, ensuite décapité entre les deux colonnes de la Piazzetta en 1492. Sur les murs on voit encore aujourd'hui de très curieuses inscriptions de détenus, entre autres celle attribuée à un prêtre qui, enfermé en prison pour avoir été trahi par un ami, écrivit la phrase devenue proverbiale : 

« Que Dieu me préserve de mes amis, etc. »
A côté des Puits, il y a les chambres de la torture et des exécutions. On montre encore aujourd'hui au visiteur une porte basse, donnant sur le canal, par laquelle on faisait passer les cadavres, qui ensuite étaient transportés en gondole jusqu'à l'Orfano. A la suite de la constriction de la prison au delà du petit canal, les Puits ne servirent plus qu'aux criminels les plus dangereux.
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Venises : les Prisons Nouvelles.
Les Prisons Nouvelles (Prigioni Nuove).

Les Plombs. 
De la Salle des Dix, ainsi que de la petite salle indiquée plus haut, par un escalier étroit, on monte aux prisons des Plombs, appelées ainsi parce qu'elles sont placées juste au-dessous du toit du Palais, qui était couvert de grosses feuilles de plomb. Ces prisons servaient aux détenus pour crimes politiques. Casanova y séjourna également et s'en évada en 1755. On notera au passage qu'il n'est pas vrai que ces prisons fussent exposées aux canicules de l'été et aux gelées de l'hiver, même s'il est certain qu'étant à proximité du toit le froid et la chaleur y pénétraient plus facilement. A l'origine, il y en avait quatre; mais les factions révolutionnaires de 1797 en détruisirent trois et on n'en conserva qu'une à titre de souvenir. Dans lesdites prisons fut enfermé Giordano Bruno avant d'être livré à l'Inquisition; et plus tard le Gouvernement Autrichien y fit enfermer Silvio Pellico avant de l'envoyer au Spielberg. 

Le pont des Soupirs. 
Par le portique ou galerie d'entrée, et par la porte à droite où est écrite la parole Prisons, on pénètre dans l'intérieur du fameux Pont des Soupirs, construit entre 1595 et 1605 à travers le rio (étroit canal), pour mettre en communication le Palais Ducal avec l'édifice des Prisons Nouvelles (Prigioni Nuove). L'intérieur dudit pont est divisé longitudinalement en deux compartiments ou corridors, pour que les détenus qui y passaient pour être conduits devant les juges ne pussent ni se voir, ni se rencontrer. Cette passerelle fut appelée avec raison par le peuple Pont des Soupirs, et certes maints soupirs doivent avoir frappé les solides et grosses murailles entourant ce double fatal corridor.
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Venises : le pont des Soupirs, de nuit.

Le pont des Soupirs, entre le palais des Doges 
et les Prisons Nouvelles (à droite). © Photos : Serge Jodra, 2012.

En retraversant la salle de la Boussole, on descend par l'escalier des Censeurs au premier étage où se trouvent : la Salle du Grand Conseil, la Salle du scrutin et les salles qui formaient anciennement l'appartement privé du Doge.

La salle du Conseil majeur.
La salle du Conseil majeur est la plus grande de toutes les autres du palais de Doges, ayant 54 m de longueur, 25 m de largeur, et 15,40 m de hauteur. Si aujourd'hui cette salle présente à l' oeil du visiteur un aspect surprenant, superbe et grandiose au possible, rien que par sa décoration artistique, il sera bien aisé d'imaginer combien elle dut être imposante, quand en elle trônaient le doge entouré de ses conseillers, les 500 sénateurs assis dans leurs stalles avec les chevaliers de l'Etole d'or et les nobles de tout grade, qui se rassemblaient ici pour prendre les plus importantes délibérations de l'Etat (Les Institutions de Venise).

De même que le palais de Doges et les autres édifices splendides, dont Venise est fière, rappellent partout la grandeur de l'ancienne République, la valeur de son peuple et la sagesse de ses institutions, ainsi cette salle immense et extraordinairement riche en trésors artistiques incomparables, rappelle à l'intellect d'une façon spéciale l'austérité et l'importance de la forme représentative du gouvernement dans ces temps de luttes continuelles, de gloires et de conquêtes.

Le Palais remonte à des époques diverses; il faut dire que la salle en question fut construite entre 1340 et 1365 et inaugurée le 30 Juillet 1419 sous le règne du doge Tommaso Mocenigo. Vers la fin de l'année 1577, un violent incendie endommagea grandement le plafond et plusieurs peintures; mais les dégâts furent vite réparés; on en confia le soin à Antonio Da Ponte; de façon qu'en septembre 1578 le Conseil Majeur put reprendre ses séances dans la salle même.

Sur le panneau du trône on admire "le plus grand tableau du monde" tel qu'il fut jugé aussi par l'anglais John Ruskin, à savoir : la Gloire du Paradis, par Jacob Tintoret; une conception vaste et sublime; il mesure 22,9 m. Sous cette toile on aperçoit les traces de la fresque de Guariento da Padova, laquelle fut abîmée par l'incendie de 1577.
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Tintoret : le Paradis.
La Gloire du Paradis, par Tintoret (détail, 1588).

En commençant le tour de la Salle du côté droit, on voit les tableaux donnant l'histoire de Fréderic Barberousse et du pape Alexandre III (1177), à savoir : 

1° La Rencontre du pape et du doge Ziani dans les cloîtres de la Charité; 2° Envoi à Barberousse des ambassadeurs du pape et du doge; 3° Alexandre III présente au doge le cierge béni; 4° Entrevue des ambassadeurs de Venise à Pavie pour traiter avec Barberousse; 5° (sur la fenêtre) Remise de la part du pape, d'une épée au doge, avant de s'embarquer; 6° (sur la porte) Le pape bénit le doge qui part; 7° La bataille navale de Salvatore entre les Vénitiens et les troupes de Barberousse; 8° (sur la porte) Le pape reçoit le fils de Barberousse Othon fait prisonnier; 9° Le pape accorde la liberté à Othon; 10° Barberousse agenouillé devant le Pape Alexandre III; 11° Arrivée du pape, du doge et de l'Empereur à Ancône; 12° Le Pape Alexandre III, au moment de partir de Venise, offre des présents au Doge parmi lesquels une bague, symbole de la domination de Venise sur l'Adriatique et avec lequel, à partir de cette année (1177), les doges célébrèrent toujours avec grande solennité le mariage de Venise et de la mer.
Avec ce tableau finit la série de l'histoire concernant Frédéric Barberousse, le pape Alexandre Ill et le doge Sébastien Ziani.

Les tableaux ci-dessus sont de Tintoret, de Véronèse, de Palma le Jeune, Jules Dal Moro, Frédéric Zuccaro, André Vicentino, Dominique Robusti, François et Léandre Bassano et d'autres encore.

Entre les deux fenêtres il y a un beau tableau de Véronèse, représentant le Retour du doge André Contarini après la victoire de Chioggia sur les Génois (1380). Les figures allégoriques au-dessus sont de Marc Vecellio.

Sur le panneau opposé, on admire les tableaux d'Aliense, de Tintoret, de Vicentino. de Dominique Robusti, de Marc Vecellio, Palma le Jeune, Jean Le Clerc et Paul Véronèse, représentant les faits de la quatrième croisade et de la prise de Constantinople ainsi subdivisés : 

1° Réunion de Vénitiens et de Français avec le doge Henri Dandolo dans l'église de Saint Marc avant d'entreprendre la croisade en Terre Sainte; 2° Le siège de Zara de la part des croisés en route pour la Terre Sainte; 3° Reddition de Zara; (au-dessous de ce tableau s'ouvre une grande fenêtre très décorée, du balcon de laquelle on jouit d'un panorama enchanteur; là, tout près, on voit la statue de Saint Georges, oeuvre de Canova débutant; 4° Alexis, fils de l'Empereur Byzantin Isaac II, demande l'appui des Vénitiens pour remettre sur le trône son père dépossédé par son oncle; 5° Conquête de Constantinople, en 1203, où l'on voit le doge Henri Dandolo vieux et presque aveugle; 6° Nouvelle conquête de Constantinople par tous les croisés l'année suivante 1204; 7° Le comte Baudoin est proclamé Empereur dans l'Eglise de Sainte Sophie à Constantinople, après la renonciation de Dandolo; 8° Baudoin couronné par le doge sur la place de Constantinople. Au-dessus des panneaux, le long de toute la salle, on voit un décor avec les por traits de 76 doges en commençant par Obelario Antenoreo (neuvième Doge, mort en 810) jusqu'à François Venier (1554). A la place de Marin Faliero il y a un drap avec une inscription latine ainsi conçue : C'est là la place de Marin Faliero décapité pour crimes.
La série des portraits des doges se continue dans la Salle du Scrutin attenante. Le plafond grandiose est l'oeuvre de Cristoforo Sorte et les différents tableaux dont il s'enrichit, représentant différents combats des Vénitiens, sont de Tintoret, de Léonard Bassano, de Palma le jeune et de Véronèse, qui peignirent aussi les portraits des doges ornant le décor. Très remarquables sont les tableaux des trois compartiments du centre : l'Apothéose de Venise de Véronèse; Venise au milieu des divinités de Jacob Tintoret; Venise couronnée par la Victoire de Palma le Jeune. C'est dans cette salle qu'après la chute de la République se tinrent les séances de l'Assemblée des Députés à l'époque patriotique 1848-1849 et ici fut proclamée le 2 avril 1849 la résistance à outrance contre l'étranger, comme le rappelle la plaque en bronze que la municipalité fit sceller dans la paroi du trône le 22 mars 1881.
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Les tableaux de la salle du Grand conseil

« On ne saurait imaginer un coup d'oeil plus merveilleux que cette salle immense entièrement recouverte de ces pompeuses peintures où excelle le génie vénitien, le plus habile dans l'agencement des grandes machines. De toutes parts le velours miroite, la soie ruisselle, le taffetas papillote, le brocart d'or étale ses orfrois [ = broderies employées en bordures] grenus, les pierreries font bosse, les dalmatiques [ = tuniques blanches bordées de pourpre portées par les Romains sous l'Empire ] rugueuses s'enroulent, les cuirasses et les morions [= armures de tête plus légères que le casque] aux ciselures fantasques se damasquinent d'ombre et de lumière et lancent des éclairs comme des miroirs; le ciel ouate de ce bleu particulier à Venise l'interstice des colonnes blanches, et sur les marches des escaliers de marbre s'étagent ces groupes fastueux de sénateurs, d'hommes d'armes, de patriciens et de pages, personnel ordinaire des tableaux vénitiens.

Dans les batailles, c'est un chaos inextricable de galères,
aux châteaux à trois étages, de trinquets de gabie [= grands huniers], de huniers, de triples évantails de rames, de tours, de machines de guerre et d'échelles renversées entraînant leurs grappes

d'hommes; un mélange étonnant de comites [= officiers de chiourme], de gardes-chiourme, de forçats, de matelots et d'hommes d'armes s'assommant avec des masses, des coutelas et des engins barbares, les uns nus jusqu'à la ceinture, les autres vêtus de harnois singuliers ou de costumes orientaux d'un goûtt capricieux et baroque, comme ceux des Turcs de Rembrandt; tout cela fourmille et se débat sur des fonds de fumée et d'incendie ou sur des vagues faisant jaillir entre les galères qui si choquent leurs longues lanières vertes, que termine un flocon d'écume. »
 

(Théophile Gautier, Italia ou Voyage en Italie, X).

La salle du Scrutin.
En traversant un corridor décoré des portraits de différents auteurs on passe ensuite dans la salle du Scrutin, elle aussi ornée de grands tableaux, dont les sujets sont spécialement des batailles.

Sur le panneau gauche, vers la Piazzetta, on voit : La victoire remportée par les Vénitiens sur le Roi Roger de Sicile en 1148, par Marc Vecellio; l'autre victoire des Vénitiens sur la ville de Tyr en 1125, d'Aliense; la victoire sur les Turcs à Jaffa en 1123; la victoire sur Pépin, fils de Charlemagne; le siège de Venise de la part du Roi Pépin, tous deux d'André Vicentino.

Sur le panneau à droite : le doge Mocenigo bat les Turcs aux Dardanelles (1650) de Pierre Liberia, la Victoire en Albanie en 1571 et la destruction du château Margarin; la Bataille de Lépante avec le doge Sébastien Venier d'Andrea Vicentino (ce tableau attira l'attention de Garibaldi); Victor Pisani prend la villa de Cattaro, du même Vicentino; la Prise de Zara en 1346 par Tintoret.

Le plafond ouvragé et doré, est décoré de tableaux de batailles, peints par François Bassano, Jules del Moro, André Vicentino et d'autres. Dans le premier ovale, la Victoire sur les Pisans à Rhodes (1098); dans le premier compartiment, la Victoire sur les Génois à Acre (1258); dans l'ovale du milieu, la Victoire sur les Génois à Trapani (1265); dans le second compartiment, la Prise de Caffa (1295); dans le dernier ovale, la prise de Padoue pendant la nuit (1405). Au fond de la salle, en face de la porte d'entrée, s'élève un Arc de Triomphe érigé par la République à François Morosini, le conquérant de la Morée, appelé le Péloponnésiaque, dont le buste s'élève devant l'arc. En face de cet arc, à proximité de l'entrée, on admire un beau tableau de Palma le Jeune représentant le Jugement Dernier; dans ce tableau le peintre, par bizarrerie, a mis sa propre femme dans le Paradis, dans le Purgatoire et dans l'Enfer. C'est la figure aux cheveux blonds, couverte d'un drap bleu. 

Au-dessus du tableau, on voit les figures de huit Prophètes peints par André Vicentino. Comme il a déjà été dit, dans le décor au-dessus des panneaux, on continue la série des portraits des doges, qui recommence par Pierre Loredan (1570) et va jusqu'au dernier doge Ludovic Manin (1797). Du portique de la grande fénêtre on jouit de la vue de la Piazzetta, ainsi que de celle d'une partie de la ville. Sur la grande fenêtre même, on plaça il n'y a pas longtemps, le haut-relief de Bottazzo avec le doge André Gritti devant le Lion de Saint Marc, en remplacement de celui qui fut endommagé par l'insurrection de 1797. 

Les appartements du doge

Après être sortis de la Salle du Scrutin et avoir traversé le Salon du Majeur Conseil, on se trouve sur le palier qui conduit aux salles anciennement destinées à l'appartement privé du doge, jusqu'à l'époque d'André Gritti (1523). Toutefois, avant d'y entrer, nous pouvons visiter la Salle Bessarione, ci-devant salle d'entrée de la Bibliothèque de Saint Marc, dans laquelle on remarque les restes d'une grande fresque de Guariento, qui auparavant était de l'autre côté du mur derrière le Paradis de Tintoret, et au plafond on admire un beau tableau de Véronèse représentant l'Adoration des Mages.

Galerie d'entrée.
Dans la le première salle ou Galerie d'entrée, il y a beaucoup de bustes de doges, parmi lesquels la tête de la statue du doge François Foscari, qui ornait la porte de la Charte et qui fut détruite par les factions populaires à la chute de la République (1797). Parmi les autres ouvrages d'art vénitien sont dignes de mention spéciale les deux toiles avec le Lion de Saint Marc, l'une de Carpaccio l'autre de Jacobello del Fiore (1415); quatre anges aux attributs rituels, du commencement du XVe siècle. La statue colossale de Minerve, en style grec, est la copie ancienne de la Vénus des Médicis. Les deux Muses également colossales proviennent de l'Amphithéâtre de Pola.

La chambre des Ecarlates.
Dans la chambre des Ecarlates (Scarlatti), car on y gardait les toges écarlates des Sénateurs et Patriciens, on admire un beau plafond à cases, sculpté et doré, dessiné par Scarpagnino; la magnifique cheminée de Pierre Lombardo (1490); un bas-relief peint (en face de l'entrée) représentant la Vierge, oeuvre d'un auteur incertain du XVe siècle; et sur la porte d'entrée d'autres bas-reliefs, avec le doge Loredano aux pieds de la Vierge et avec trois saints. Autour des panneaux on voit des portraits de doges et aussi un chapeau ou Corne Ducale, pas très ancien. Avant de servir au dépôt des toges des membres du Majeur Conseil, cette salle servait de chambre à coucher au doge.

La salle de l'Ecusson.
Dans la de l'Écusson (ou du Bouclier), parce qu'on y gardait l'écusson aux armes du doge régnant, les panneaux sont recouverts de cartes géographiques de pays étrangers et tracées par l'abbé François Grisellini vers la moitié du XIXe siècle; mais ce qui est la plus grande merveille, c'est la célèbre Mappemonde du moine camaldolais, Fra Mauro, exécutée de 1457 à 1459, sans sortir du monastère, sur les simples narrations des voyageurs; puis un planisphère en bois ouvragé, en forme de coeur, exécuté par Hadgi Mehemet de Tunise en 1559. Les vitrines, au milieu de la salle, contiennent plusieurs collections de monnaies romaines et byzantines. Dans une chambre à droite, au fond, il y a des sculptures, des fragments et des inscriptions grecques et latines.

La salle des Bustes.
Dans la des Bustes, parce qu'elle contient plusieurs bustes d'empereurs romains et quelques statues en style romain, on admire le plafond en bois, sur fond azur et entailles dorées, oeuvre de la Renaissance, enfin une belle petite cheminée de Tullio Lombardo.

La salle des Bronzes.
Dans la salle des Bronzes, on conserve plusieurs bronzes artistiques et modèles de Canova; des petites sculptures en ivoire, marbre, bronze, etc.; des poinçons de monnaies vénitiennes anciennes et modernes et plusieurs autres objets précieux très anciens. On admire pareillement le beau plafond et la petite cheminée, oeuvres de la Renaissance.

La salle des Stucs.
Dans la salle des Stucs, ainsi nommée pour les décorations à stucs du XVIIIe siècle, il y a différents bons tableaux de l'école vénitienne, parmi lesquels la Sainte Famille de Salviati, la Déposition de la Croix de Pordenone, la Naissance de Jésus de l'Ecole de Bassano, l'Adoration des Mages de Bonifazio et le portrait de Henri Ill de France de Tintoret. On voit aussi la tête du doge François Foscari, sculptée par Barthelémy Buon, une longue dent de Narval, historiée, et deux urnes pour le vote secret, en usage au temps de la République. Dans les vitrines il y a les collections des monnaies de la République.

La salle des Philosophes.
Dans la salle des Philosophes, pour les figures de philosophes peintes en grisaille verte, il n'y a pas beaucoup de choses bien remarquables, car c'est moins une salle qu'une espèce de corridor contenant quelques tableaux décoratifs d'auteurs inconnus. Le long du panneau droit, il s'ouvre un grand escalier décoré par Titien, d'où l'on admire la merveilleuse fresque de Saint Christophe. Au fond du panneau gauche il y a la porte conduisant à la première des chambres privées du doge.

Les chambres privées.
C'est sans doute à la couleur de la tapisserie qui faisait distinguer : la chambre jaune, la chambre grise et la chambre bleue. 

Dans la première salle (qui est la chambre jaune), on voit le buste du doge Sébastien Venier, sculpté par Alexandre Vittoria; deux bustes de Marc Antoine Bragadin et Marc Barbarigo de Tiziano Aspelli; un bas-relief représentant l'Assomption et le Couronnement de la Vierge, oeuvre d'Antoine Lombardo; il décorait l'ancienne tombe des doges Marc et Auguste Barbarigo d'autres bas-reliefs encore de provenance incertaine et d'auteurs inconnus.

Le long du panneau, il y a des bronzes des XVe et XVIe siècles; et dans les vitrines il y a le complément de la collection des monnaies vénitiennes; plusieurs petites plaques de Pisanello Sperandio, Leone Leoni, Matteo de Pasti, et aussi une autre collection de pierres précieuses et de camées anciens, parmi lesquels le célèbre camée grec avec Jupiter Egioque.

En passant dans la chambre grise, on admire beaucoup de sculptures grecques et romaines, parmi lesquelles sont remarquables : un Ganymède et une Léda au cygne, un soldat Gaulois mourant sur son propre bouclier, et un autre soldat Gaulois combattant désespérément (ces derniers sont des copies du célèbre groupe de statues qui ornaient l'Acropole d'Athènes), sculptées par l'école fameuse de Pergame (Ille siècle avant et qu'on trouve identiques à Rome et à Naples); encore un groupe de Gladiateurs de la même école; Amour tendant l'arc, de l'école de Lysippe et des statues de Vénus, d'Apollon, d'Ulysse, etc. Dans cette salle on admire aussi la cheminée de Lombardo en style Renaissance.

Dans la chambre bleue continue la collection de statues anciennes de l'époque romaine, et des copies de statues grecques. On remarque aussi une fresque de Titien représentant la Vierge entre deux Anges. La cheminée est du XVe siècle.

La salle des Bas-Reliefs.
Dans la salle des Bas-reliefs, on conserve beaucoup de bas-reliefs très appréciables, provenant de sarcophages ou de décorations architecturales. A droite de l'entrée, un fragment d'un bas-relief provenant d'une tombe grecque est remarquable; plus loin, un bas-relief représentant un combat naval entre Grecs et Perses (ayant sans doute fait partie de quelque décoration d'un édifice grec); un autel romain décoré à quatre faces avec de bizarres représentations de la vie des Satyres; un Guerrier élevant un sacrifice; et vers la sortie un beau bas-relief représentant la Mort des fils de Niobé et provenant d'un sarcophage romain, puis encore plusieurs autres bas-reliefs et inscriptions lapidaires. (A. Scrocchi).

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Dictionnaire Villes et monuments
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