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Grand Châtelet, à Paris (Ier'arrondissement). - Les plus anciens historiens de Paris ont voulu faire remonter à Jules César la fondation de cet édifice (Châtelet), sous forme d'une grosse tour destinée à défendre Lutèce, mais ce n'est là qu'une légende, et le nom de chambre de César, que porta plus tard une des salles du grand Châtelet, est bien loin d'être suffisant pour la vérifier. La mention la plus certaine que l'on ait des origines du Châtelet se trouve dans un capitulaire de Charles le Chauve prescrivant, en 877, la construction de forteresses (castella) sur la Seine pour la défense de Paris contre les Vikings, et en fait, dans le récit qu'Abbon nous a laissé du siège de Paris en 886, il est plusieurs fois parlé de ces forteresses et du parti qu'en tirèrent les assiégés. Celle de la rive droite, à l'extrémité Nord du Pont-au-Change, dut être relevée au XIIe siècle, car dans une charte de 1154, il est question d'une place à vendre le poisson, située près du Châtelet, juxta castellumregis. Plusieurs fois reconstruit et transformé, notamment, en 1506 et en 1684, le monument se composait de trois tourelles reliées par des massifs de constructions. Les deux principales flanquaient une voûte sous laquelle passait la rue Saint-Denis. C'était, en réalité, l'une des quatre maîtresses portes de la ville et de là sans doute vient le nom, donné souvent au Châtelet, de l'apport Paris (par corruption de la porte-Paris). Jusqu'à la Révolution, le Châtelet fut le siège de la justice royale de Paris. 

On sait que le régime féodal avait formé dans la capitale un grand nombre de seigneuries ayant chacune leurs officiers pour rendre la justice; de très bonne heure, celle du Châtelet eut à sa tête un prévôt, qui s'appela toujours le prévôt de Paris, dont les charges et les prérogatives ne cessèrent de s'accroître jusqu'au règne de Louis XIV qui, en 1674, réunit au Châtelet toutes les anciennes justices seigneuriales de la ville. Dès le XIVe siècle, le prévôt s'adjoignit un lieutenant civil, et plus tard un lieutenant criminel; dans un intérêt fiscal, leurs fonctions furent converties en office et finirent par absorber presque complètement celles du prévôt, surtout lorsque fut créé le nouvel office de lieutenant général de police, en 1677. Désormais, le prévôt n'a guère plus qu'un titre honorifique, auquel il doit de marcher à la tête de la noblesse et d'assister, en une place éminente, à toutes les cérémonies publiques. 

-Paris : Grand Chatelet.
Le Grand Châtelet et la place de l'Apport-Paris, par Thomas Naudet.
(Musée Carnavalet, Paris).
Voici quelle était la composition du Châtelet, peu de temps avant la Révolution :
Le procureur général du parlement, comme garde de la prévôté; le prévôt, 1 lieutenant civil, 1 lieutenant criminel de robe courte, 2 lieutenants particuliers, 64 conseillers, 1 juge auditeur, 4 avocats du roi, 1 procureur du roi, 8 substituts, 1 chevalier, 1 greffier en chef, 60 commis greffiers, 2 certificateurs des criées, 1 scelleur des sentences et décrets, 1 garde des décrets et immatricules, 1 commissaire aux saisies réelles, 1 receveur des consignations, 1 receveur des amendes, 2 médecins, 4 chirurgiens, 4 matrones ou sages-femmes, 1 concierge-buvetier-garde-clefs; 143 notaires, gardes-notes et garde-scel, 48 commissaires, inspecteurs, examinateurs, 236 procureurs, 28 huissiers-audienciers, 120 huissiers, commissaires-priseurs vendeurs de meubles, un grand nombre d'huissiers à verges, 1 juré crieur pour les annonces et crieurs publics, 4 trompettes. 
Par cette énumération, l'on voit que la juridiction du Châtelet réunissait, ou à peu près, aux attributions de la préfecture de police la compétence des tribunaux de première instance et, impartie, du tribunal de commerce et de la chambre des notaires.

Les bâtiments du Châtelet comprirent, pendant toute la durée de leur existence, une série de prisons où étaient détenus tant les inculpés que les condamnés. On n'y gardait que des criminels de droit commun, la Bastille étant réservée aux coupables de marque et aux prisonniers d'État. La première Morgue fut de même établie au grand Châtelet; son existence y est constatée depuis l'année 1363, et elle y demeura jusqu'en 1804; les religieuses de l'hôpital Sainte-Catherine, rue Saint-Denis, avaient pour mission de donner la sépulture aux cadavres qui y étaient recueillis; c'était, paraît-il, un réduit sombre et infect, à peine éclairé par une lucarne grillée où les passants venaient appliquer l'oeil pour reconnaître ou plutôt deviner. A. Guillet a donné sur ce sujet d'intéressants détails dans son livre Paris qui souffre (1887, in-8).
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Paris : Grand Chatelet et pont aux meuniers.
Le Grand Châtelet et le Pont aux Meuniers.
Tableau de Theodor Hoffbauer.

En 1780, la suppression des prisons du Châtelet fut ordonnée par Louis XVI, mais diverses circonstances retardèrent l'exécution de cette mesure, et pendant la Révolution, elles reçurent un grand nombre de prisonniers. L'ensemble des bâtiments ne disparut qu'à partir de l'année 1802; sur leur emplacement fut tracée la place du Châtelet, fixée par arrêté du 11 octobre 1806 à une largeur de 62,50 m, mais que le percement du boulevard Sébastopol a considérablement agrandie et embellie. Une plaque de marbre, apposée sur la façade de la chambre des notaires, consacra, par un plan et une inscription, le souvenir du «-grand Châtelet, ancienne entrée fortifiée de la cité, siège de la prévôté de Paris et de la chambre des notaires-».

Les archives du Châtelet ont passé tout entières aux Archives nationales; elles y forment un fonds considérable dont les principales séries sont d'abord la collection des anciens registres de couleur (livre blanc, livre vert, livre rouge, etc.), tous les papiers de procédure, les minutes des commissaires, classées sous le nom de chacun de ces magistrats; elles archives des corporations d'arts et métiers de Paris, placées sous l'autorité directe du procureur du roi au Châtelet. (F. Bournon).

Petit Châtelet, à Paris. - On a vu dans l'article précédent que Charles le Chauve avait ordonné, en 877, la construction de forteresses en tête de deux des ponts de Paris; celle de la rive droite s'appela par la suite grand Châtelet celle de la rive gauche, située à l'extrémité Sud du Petit-Pont, petit Châtelet. Toutes deux servirent beaucoup la résistance des Parisiens contre l'assaut que leur donnèrent les Vikings en 885-886; celle de la rive gauche surtout, est restée célèbre dans l'histoire par la lutte héroïque que douze hommes y soutinrent contre l'effort des Vikings; l'incendie seul les força de se rendre, mais ils n'en furent pas moins massacrés impitoyablement par l'ennemi.

Le petit Châtelet dut être reconstruit vers la même époque que le grand, c.-à-d. au XIIe siècle. Une violente inondation le détruisit complètement, ainsi que le pont  qui lui était attenant, le 20 décembre 1296. Réédifié par Hugues Aubriot, prévôt de Paris, il fut affecté au logement des prévôts ; c'était aussi une prison, et au XVIIIe siècle, on y envoyait surtout les détenus pour dettes. L'édifice en était lourd et massif; il barrait l'entrée de la rue Saint-Jacques, l'une des voies les plus importantes autrefois du Paris de la rive gauche; il fut démoli en 1782. L'administration municipale a fait mettre sur son emplacement une inscription commémorative de l'édifice, avec les noms des douze guerriers qui combattirent jusqu'à la mort pour défendre Paris contre les Vikings. (F. B.).
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Paris : Petit Chatelet.
Le Petit Châtelet et le Petit Pont en 1717.
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Dictionnaire Villes et monuments
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