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Marengo.-
Bourg d'Italie
septentrionale, à 5 kilomètres. Sud-Est d'Alexandrie de la
Paille ,
sur le Fontanone, près du confluent du Tanaro et de la Bormida.
Il s'y est livré l'une des batailles de la Campagne
d'Italie. Napoléon Bonaparte, premier
consul, y remporta la victoire sur Mélas et les Autrichiens (14
juin 1800) ; la soumission de l'Italie, la fin de la seconde coalition
et la paix de Lunéville
en furent les résultats. Sous l'Empire, on donna le nom de Marengo
au département qui avait pour chef-lieu Alexandrie.
Bataille
de Marengo.
Les victoires de Masséna et de
l'armée d'Helvétie
avaient sauvé la France
d'une invasion en 1799 et détaché la Russie
de la coalition, mais l'Autriche
et l'Angleterre
continuaient la guerre. La seconde de ces puissances avec ses flottes bloquait
toutes les côtes, s'apprêtait à s'emparer de Malte
et de l'Egypte ;
la première menaçait le Rhin et était maîtresse
de l'Italie ,
à l'exception de la rivière de Gênes où Masséna,
à la tête de 35000 hommes, se trouvait dans une situation
précaire. La guerre était pour la France une question d'honneur
et de nécessité; le premier consul Bonaparte
la prépara dès les premiers mois de 1800. Il donne 100000
hommes à Moreau avec mission d'opérer sur le Rhin contre
Kray, puis il rassemble dans le plus grand secret, aux environs de Dijon,
une armée dite de réserve dont il va prendre le commandement
pour voler au secours de Masséna, attaqué par Mélas
qui dispose de 120000 hommes. Le 6 avril, Masséna est bloqué
dans Gênes pendant que toute son aile gauche avec Suchet est rejetée
au delà du Var. Napoléon Bonaparte met alors en mouvement
l'armée de réserve qui, passant par Lausanne ,
Martigny, le Grand Saint-Bernard et la vallée d'Aoste ,
vient se joindre à Milan aux renforts
tirés de l'armée d'Helvétie et repousse sur Mantoue
une partie des forces de Mélas, le coupant ainsi en deux, sans que
celuici, retenu par l'héroïque résistance de Gênes,
puisse s'opposer à cette marche foudroyante.
Masséna capitule le 4 juin, et,
malgré cette conquête, le général autrichien
se sent enserré de toutes parts. Le 9, Lannes culbute le général
Ott à Montebello, et Suchet, poursuivant Elsnitz, vient fermer le
passage de la Bochetta à Montenotte. Mélas se concentre alors
à Alexandrie
et y réunit le 12 ses généraux en conseil de guerre,
où l'on décide de s'ouvrir le lendemain, 13 juin, la route
de Plaisance et la retraite sur Mantoue. Pendant ce temps, Bonaparte
était dans la plus grande incertitude sur les projets de son adversaire,
trompé qu'il était par de faux espions. Il passe la journée
du 13 à envoyer des reconnaissances offensives. Desaix marche vers
Novi; Victor s'empare du village de Marengo, mais est arrêté
entre ce point et Alexandrie, à la tête de pont gardant cette
place, sur la Bormida, par des forces importantes. Ce n'est que dans la
nuit du 13 au 14 que le premier consul acquit la certitude de la présence
de Mélas à Alexandrie avec une armée de 30000 hommes.
Il avertit Victor, de se tenir sur ses gardes; à Lannes, il donne
l'ordre d'appuyer Victor; à Monnier et Murat de se porter sur San
Giuliano et à la garde consulaire de venir à la ferme Li
Poggi. Mais il ne croyait pas encore à une affaire décisive
et pensait que Mélas n'avait qu'une idée, celle de lui échapper;
cependant, une des batailles les plus importantes de sa carrière
par les résultats obtenus allait se livrer.
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Plan
de la Bataille de Marengo (juin 1800).
Le champ de bataille de Marengo s'étend
dans une plaine largement mouvementée, située à l'Est
de la ville d'Alexandrie ,
où étaient alors rassemblées les forces autrichiennes.
A 1 km environ de la place coule la Bormida, affluent du Tanaro, que la
route franchissait sur deux ponts ne donnant qu'un seul débouché
par la tête de pont construite entre la place et Pietrabona. Un peu
avant d'arriver à ce hameau, le chemin se divisait, allant à
gauche vers Salé et à droite vers Tortone par Marengo et
San Giuliano. A l'Ouest de Marengo, on franchissait le Fontanone, ruisseau
bourbeux et encaissé, qui coulait parallèlement à
la Bormida pour aller se jeter aussi dans le Tanaro.
L'armée française, qui allait
prendre part à la bataille du 14 juin 1800, se composait : de 3
corps d'armée placés sous les ordres des généraux
Victor (division Gardanne, 3638 hommes; division Chambarlhac, 5287 hommes),
Lannes (division Watrin, 5083 hommes), Desaix (division Monnier, 3614 hommes;
division Baudet, 5316 hommes); de la garde consulaire (1232 hommes); de
3220 hommes de cavalerie sous les ordres des généraux Murat,
Kellermann
et Champeaux, et enfin de 618 hommes d'artillerie et du génie :
en tout 28 008 combattants. Les forces autrichiennes en ligne furent de
28524 hommes dont 5230 cavaliers.
Dès l'aube, l'avant-garde française,
sous les ordres de Gardanne qui occupait Pietrabona, aperçut l'armée
ennemie déployée entre Alexandrie
et la Bormida, et à huit heures du matin cette armée débouchait
en trois colonnes sur la rive droite de la rivière. O'Reilly marchait
en tête avec 4 bataillons et 6 escadrons; il tourna à droite
en remontant la Bormida. Puis vint Mélas avec 28 bataillons commandés
par Haddick et Keim et 22 escadrons sous les ordres d'Elsnitz; enfin parut
Ott avec 16 bataillons et 6 escadrons qui, dirigé vers Sale, marcha
sur Castel Ceriolo.
Attaqué d'abord par O'Reilly, Gardanne
résista victorieusement, mais vint ensuite Haddick qui se déploya
malgré la mousqueterie des Français, et déjà
les têtes de colonne de Keim paraissaient quand Victor ordonna la
retraite par échelons et réunit la division Gardanne à
celle de Chambarlhac sur une ligne oblique allant de Marengo vers la Bormida
et détachant un bataillon de la 101e
à la Stortiglione pour parer aux entreprises de O'Reilly. Alors
s'engage un combat des plus meurtriers pour le passage du ruisseau; on
se bat à bout portant; Haddick est tué et remplacé
par Bellegarde; ses troupes sont repoussées en désordre;
Keim tente sans plus de succès un nouvel effort. Kellermann, avec
le 8e dragons et la brigade légère,
repousse les cavaliers de Pilati qui veulent prendre Victor en flanc et
les bouscule dans le Fontanone. Mais voici plus de deux heures que les
troupes de Victor luttent ; les munitions commencent à manquer et
la retraite va s'imposer. L'arrivée de Lannes au Nord de Marengo
avec la division Watrin et la brigade de cavalerie Champeaux rétablit
le combat, pendant que Bellegarde fait face à ce nouvel adversaire
et que Ott entendant un feu violent sur sa droite se rabat de ce côté.
Il était environ dix heures, Bonaparte
arrivait à San Giuliano avec la division Monnier qu'il avait gardée
avec lui pendant qu'il envoyait aides de camp sur aides de camp rappeler
Desaix et presser sa marche de Rivalta vers le champ de bataille. Instruit
du danger de Victor et de Lannes, il envoie la garde consulaire appuyer
la droite de ce dernier, puis la brigade Carra-Saint-Cyr de la division
Monnier pour s'emparer de Castel Ceriolo; Monnier suivait avec la seconde
brigade en réserve. Environ 15000 Français supportaient depuis
cinq heures les attaques de près du double d'adversaires. Victor
avait son centre enfoncé; sa gauche pliait en désordre malgré
les efforts de Kellermann qui dans son rapport raconte que sa brigade resta
alors « en panne » pendant deux heures sous la canonnade. Lannes
à son tour était forcé de céder le terrain
et se retirait lentement sous la protection de la garde consulaire et de
Monnier qui étaient dans l'obligation de se conformer à ce
mouvement. A une heure, rien ne pouvait plus arrêter les Autrichiens;
la bataille était perdue pour les Français; Mélas,
blessé et fatigué, ayant eu deux chevaux tués sous
lui, impatient d'annoncer à la cour de Vienne son succès,
remit le commandement à Keim, en lui ordonnant de poursuivre l'ennemi
avec toute l'armée, et rentra à Alexandrie
(1 heure 30).
La retraite des Français continuait,
et l'armée autrichienne, croyant la bataille terminée, s'organisait
pour la poursuite au son des musiques militaires. Vers quatre heures la
division Boudet conduite par Desaix arriva enfin à San Giuliano.
Les troupes de Victor et de Lannes avaient tellement souffert que Bonaparte
fut sur le point de n'employer ce renfort qu'à couvrir la retraite;
mais Desaix brûlait de combattre et tirant sa montre :
«
La bataille est perdue, dit-il au premier consul, mais il reste encore
le temps d'en gagner une autre. »
L'avant-garde autrichienne, approchant de
San Giuliano, se déploie sur deux lignes, dont Zach, le chef d'état-major
de Mélas, commande la seconde en personne. Keim et Bellegarde suivent
en une seule colonne. O'Reilly avait pris la route de Novi et Ott marchait
de Castel Ceriolo sur Villanova et la Ghilina. En attendant, Desaix forme
sa division en ligne, à l'abri d'un pli de terrain, et réunit
toute son artillerie commandée par Marmont en avant de son front.
A gauche, Victor rallie les débris de son corps. A droite, Lannes,
la garde et Monnier occupent une ligne oblique de San Giuliano dans la
direction de Castel Ceriolo. En arrière et à gauche de Lannes
se trouve toute la cavalerie sous Kellermann. Dès que Zach apparaît,
il est reçu par la mitraille de Marmont. La 9e
légère, entraînée par Desaix, s'élance
sur les têtes de colonne, mais son intrépide chef tombe mortellement
frappé (6 heures).
Les grenadiers de Lattermann repoussent
victorieusement l'attaque, quand Kellermann avec 300 cavaliers se jette
sur leur flanc et rompt leur colonne. Saisis de terreur, les dragons de
Lichtenstein, les brigades Pilati et Nobili fuient à toute bride.
Les bataillons de l'avant-garde tourbillonnent, attaqués de toutes
parts; Zach et Saint-Julien sont faits prisonniers avec 37 officiers et
1620 soldats. Keim essaye vainement de résister; les fuyards bousculent
les bataillons qui se réforment. Tout disparaît derrière
Marengo, pour s'engouffrer dans Alexandrie
à la faveur de la nuit. Les généraux Ott et O'Reilly,
qui n'avaient pas pris part à cette seconde partie de la bataille,
furent poursuivis vigoureusement et ne durent leur salut qu'à l'obscurité.
Desaix et Kellermann avaient changé
une défaite en victoire. Le premier payait de sa vie la gloire qu'il
venait de conquérir, et le second ajoutait les lauriers de Marengo
à ceux de son père, le vainqueur de Valmy. Les Autrichiens
laissaient sur le terrain 10000 morts ou blessés; Mélas,
désespéré, signait le lendemain la convention d'Alexandrie
par laquelle le Piémont, l'Etat de Gênes, Parme, Milan et
presque toute la Lombardie étaient abandonnés aux Français;
son armée se retirait derrière le Mincio avec les honneurs
de la guerre. Les généraux autrichiens avaient préféré
conserver à leur pays des forces qui, avec les corps épars,
se montaient encore à 50000 hommes, que de courir la chance précaire
de poursuivre la lutte avec des troupes cernées et démoralisées. |
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