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Ferrare

Ferrare (en italien Ferrara) est une ville d'Italie (Emilie-Romagne), située sur le cours inférieur du Pô au point où se sépare le Pô di Volano du Pô di Primaro, sur le chemin de fer de Bologne à Venise; 132 000 habitants. Les bras du Pô, dans le voisinage de Ferrare, sont en partie obstrués. Le courant des fortes eaux se porte vers les branches du Nord du delta, et ce déplacement du fleuve a beaucoup contribué à faire perdre à Ferrare son ancienne importance.

Bâtie à l'époque de l'invasion des Huns, au Ve siècle, par des fugitifs d'Aquilée, sous le nom de Forum Alieni, Ferrare a les mêmes origines que Venise. Elle dut tous ses embellissements à la maison d'Este. La peinture y était en grand honneur. L'école de Ferrare ne fut cependant, à aucune époque, d'une grande originalité; ses peintres subirent tantôt l'influence de Padoue comme Cosimo Tura (1430-1496), tantôt celle de Bologne comme Lorenzo Costa, l'un des meilleurs élèves de Francia, tantôt celle de Raphaël comme Benvenuto Tisio, plus connu sous le nom de Il Garofalo; tantôt celle de Titien et de Venise qui perce dans les oeuvres du coloriste exquis, Mazzolino.

Le château avec ses quatre tours massives qui dominent la ville et qui la révèlent au loin, la cathédrale avec ses trois étages superposés d'arcades à plein cintre, très beau spécimen de l'art lombard; le palais Schifanoja, ancienne résidence de plaisir des princes d'Este, avec de belles fresques de la Renaissance le palais dei Diamanti, revêtu sur sa façade de marbres à facettes, et transformé en musée, constituent les principaux monuments de Ferrare. La modeste maison de l'Arioste n'est curieuse que par les souvenirs qu'elle évoque. La ville de Ferrare s'est donnée à l'Italie en 1860, en même temps que le reste de la Romagne. 

Le poète Guarini, le moine Savonarole, le peintre Benvenuto Tisio (le Garofalo) sont les plus illustres enfants de Ferrare. Ferrare est aujourd'hui encore le chef-lieu de la province du même nom; elle a retrouvé une certaine activité industrielle, et c'est aussi un grand centre universitaire. Mais son importance, comme centre littéraire et artistique, a disparu avec la maison d'Este. Son commerce est tombé depuis que le Pô a développé son cours plus au Nord. Elle laisse l'impression d'une ville-musée, dont le centre historique a été classé au Patrimoine mondial de l'Unesco, et qui vit surtout par ses souvenirs. (H. Vast).

Histoire
L'origine de Ferrare est plus récente que celle de la majorité des villes italiennes. Ignorée dans l'Antiquité, son nom n'apparaît qu'au Moyen âge. Son histoire primitive fut déterminée par des conditions géographiques sensiblement différentes de celles qui existent actuellement. Ferrare est dans le delta du Pô, au Nord du bras méridional, peu important aujourd'hui, qui se subdivise en aval en deux branches, le Pô di Volano et le Pô di Primaro. Mais le bras septentrional, le Pô della Maestra, par lequel passe la plus grande partie des eaux du fleuve, ne s'est ouvert qu'en 1152. Jusqu'alors le fleuve s'écoulait au Sud de l'emplacement de Ferrare. Toute cette région, située au Nord du Pô, entre lui et l'Adige, appartenait donc à la province romaine de Vénétie. Après l'invasion lombarde, elle fut conservée par les Byzantins et, en 604, l'exarque Smaragdus, pour en faciliter la défense, construisit, au Nord du Pô, la place forte de Ferrare. Elle devint le centre d'un groupe de cités, comprenant en outre les villes d'Adria (Hatria) et Gabellum (Gavello), qui fut rattaché à l'exarchat de Ravenne et le couvrit au Nord. Ce débris de l'ancienne Vénétie fut organisé au VIIIe siècle en duché. 

Le duché de Ferrare s'étendait entre l'Adige, le Tartaro et le Pô di Volano. Il fut conquis par les Lombards sous le règne de Luitprand. Cependant, lorsque Pépin eut donné au pape l'exarchat et la Pentapole, Ferrare fit partie des vingt-deux villes dont Etienne II reçut les clefs (757). La domination du Saint-siège s'affaiblit vite en Romagne. Ferrare acquit une véritable autonomie aux siècles suivants ; toutefois, au XIe, siècle, elle reconnaissait la suzeraineté du marquis de Toscane, Boniface, à la mort duquel Ferrare passa sous la suzeraineté de sa fille, la comtesse Mathilde. C'était, au XIIe siècle, une des villes les plus florissantes du Sud du Pô. Elle était divisée, comme les autres, entre la faction impérialiste et la faction républicaine et pontificale. A la tête du parti impérial (plus tard gibelin) était la famille des Salinguerra Torelli; à la tête du parti national (plus tard guelfe) la famille des Adelardi. Ils se disputaient le capitanat, magistrature suprême de la commune, qui la gouvernait d'accord avec le conseil.
Les guelfes prévalurent au moment de la grande lutte engagée par Frédéric Barberousse, et Ferrare entra dans la ligue lombarde. Les Adelardi devinrent alors les maîtres par l'acquisition de l'office de podesta, impliquant la direction administrative et judiciaire. En 1177, c'est à Ferrare que le pape Alexandre III vint conférer avec les délégués des villes lombardes afin de s'entendre avant le grand congrès de Venise où fut décidée la paix avec l'empereur.

Ferrare.
Le Château de Ferrare.
Au début du XIIIe siècle se fit la division des seigneurs et des cités de l'Italie en guelfes et gibelins. Dans la marche de Vérone, une lutte acharnée s'engageait entre les puissantes familles des Ezzelino de Romano et des Este. Ferrare y fut impliquée. Un mariage avait été projeté entre le troisième des Torelli et Maschesella, héritière des Adelardi, afin de réconcilier les deux familles; le marquis Azzo V d'Este enleva l'héritière et la fit épouser par Obizzo ; les biens des Adelardi passèrent ainsi à la maison d'Este  qui prit pied dans le Ferrarais et la marche d'Ancône; Azzo d'Este fut, à la fin du XIIe siècle, le personnage dirigeant de Ferrare. La lutte continua après lui; son fils, Azzo VI, fut trois fois chassé de Ferrare par Salinguerra Torelli qu'appuyait Ezzelino; trois fois il y entra, mais il fut définitivement vaincu à San Bonifacio et mourut peu après (novembre 1242). 

Le marquis Aldobrandino qui lui succéda conclut avec Salinguerra un pacte aux termes duquel les deux rivaux se partageaient le gouvernement de la ville, désignant le podesta en commun. Mais Aldobrandino, vaincu par Ezzelino, disparut dès 1215. Son jeune frère Azzo VII (né vers 1205, mort le 17 février 1264) fut d'abord le plus faible. Salinguerra Torelli, marié à une soeur d'Ezzelino le Jeune, domina Ferrare jusqu'en 1240. Les bourgeois lui étaient très favorables. Son habile politique avait beaucoup enrichi la ville par le développement de son commerce. Mais, à partir de 1229, la guerre reprit acharnée entre les guelfes et les gibelins, les Este et les Romano; le mariage de Rinaldo, fils d'Azzo VII, avec Adélaïde, fille d'Alberic de Romano, n'amena qu'une courte trêve. Appuyé par la ligue lombarde et par les Vénitiens, Azzo d'Este fit subir de tels dommages aux Ferrarais qu'ils finirent par passer au parti guelfe; Hugo Ramperti ouvrit les portes de la ville; Salinguerra fut interné à Venise, son palais démoli, ses partisans bannis (1240). Ferrare passa sous la domination des Vénitiens, puis d'Azzo d'Este. Celui-ci transporta au Sud du Pô le centre de la maison d'Est ; elle semblait très compromise; au Nord, Ezzelino lui avait enlevé ses possessions; Rinaldo, fils d'Azzo, avait péri; son petit-fils Obizzo survivait seul. 

Mais après la mort de Frédéric II, la maison de Romano sombra; en 1259, Ezzelino périt. Ses implacables adversaires, les Este, triomphaient. Le jeune Obizzo II, petit-fils d'Azzo II (né vers 1240, mort le 13 février 1293), ajouta à la seigneurie de Ferrare celle de Modène (1288) et de Reggio. Son fils, Azzo VIII (mort le 31 janvier 1308), hérita de ces trois seigneuries ; mais ses frères Francesco et Aldobrandino lui disputèrent Modène et Reggio (1294), d'où les habitants le chassèrent en 1306; il ne se maintint qu'à Ferrare. Il désigna pour successeur Folco III, fils de son fils bâtard, Fresco. Mais les deux oncles, Francesco et Aldobrandino, s'adressèrent au pape et lui demandèrent l'investiture; Ferrare redevenait effectivement un fief du saint-siège. Fresco, ne pouvant résister, céda Ferrare aux Vénitiens et se retira à Venise avec son fils Folco. Un podesta vénitien gouverna la ville (1308). Elle fut reprise bientôt par les troupes pontificales, mais Clément V la donna à Robert de Naples. Francesco et Aldobrandino Il le combattirent, mais sans succès; ils étaient réduits au marquisat d'Este (avec les monts Euganéens et Rovigo). Francesco fut tué en 1312; Aldobrandino II disparaît à la même époque. Ses trois fils, Rinaldo (mort en 1335), Obizzo III (mort en 1352) et Niccolo Ier (mort en 1346), et ceux de Francesco Azzo et Bertoldo rentrèrent à Ferrare en 1317; la population, exaspérée par les soldats catalans de Robert de Naples, s'était soulevée contre eux, aidée par le marquis d'Este et les Bolonais; elle prit le château Tebaldo où s'étaient réfugiés les Catalans et les massacra; le 15 août, les trois fils d'Aldobrandino II reprenaient la seigneurie de Ferrare. Le pape Jean XXII les excommunia et lança l'interdit sur Ferrare. Le résultat fut de jeter les Este dans le camp gibelin. 

Les marquis tentèrent vainement de reprendre Modène. Aldobrandino III, né en 1335, mort en 1361, fut dévoué aux gibelins. Il obtint, en 1354, de l'empereur Charles IV le vicariat impérial. Charles IV confirma son frère et successeur Niccolo Il (mort le 26 mars 1388) dans la possession de Rovigo, Adria, Comacchio, etc. Il guerroya contre les Visconti de Milan et les Gonzague. Son frère Alberto (mort le 30 juillet 1393) fit tuer son neveu Obizzo, fils d'Aldobrandino III et s'allia à Jean Galéas Visconti (Milan) et à Francesco de Gonzague (Mantoue) ; puis, en 1390, s'unit contre eux à Bologne et à Florence. Son fils, Niccolo III, né en 1384, mort à Milan le 26 décembre 1441, fut placé dans sa minorité sous la protection de Venise; avec l'aide de cette république, de Bologne et de Florence, il conserva Ferrare contre son parent Azzo (descendant de Francesco). Il guerroya contre Jean Galéas Visconti (1403), puis d'accord avec lui contre Ottoboni, usurpateur de Reggio, s'empara de cette ville et de Parme (1409). Il fit périr en 1425 sa seconde femme Parisina Malatesta et son bâtard Ugo, convaincus d'adultère. Après de nouvelles guerres contre Jean Galéas, il signa la paix du 7 avril 1433, conclue entre l'empereur Sigismond et Milan d'une part, le pape Eugène IV, Venise et Florence de l'autre. Il devint l'ami et allié de Jean Galéas, et s'établit à Milan, où il espérait lui succéder quand il fut empoisonné.
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Le concile de Ferrare

Par bulle du 18 septembre 1437, Eugène IV avait ordonné la translation à Ferrare du concile réuni à Bâle. Le 10 janvier 1438, une assemblée composée de ceux qui obéirent à cette injonction tint sa première session à Ferrare, sous la présidence du cardinal J. Cantarini. Dans la deuxième session, qui fut présidée parle pape lui-même (15 février), on excommunia ceux qui s'obstinaient à siéger à Bâle. Quand les Grecs furent arrivés, on fit une nouvelle ouverture du concile, qui fut solennellement déclaré, de la part du pape, de l'empereur et des pères, concile général pour la réunion de l'Eglise grecque et de l'Eglise latine. Seize sessions, communes avec les Grecs, furent tenues du 8 octobre 1438 au 10 janvier 1439. Elles ne produisirent aucun résultat sérieux. La peste s'étant déclarée à Ferrare, Eugène, d'accord avec, les Grecs, transféra le concile à Florence. (E.-H. V.).

Avec Niccolo et ses fils commence la période la plus brillante de l'histoire de Ferrare et de la maison d'Este. Cette principauté au Sud du Pô était le pays de la paix; la cour de Ferrare pouvait rivaliser d'éclat avec celle de Milan. Les souverains favorisaient les lettres et les arts, créaient ou enrichissaient les écoles, l'université, les bibliothèques, musées. Lionello, fils de Niccolo (1441-1450), eut pour précepteur le fameux Guarino de Vérone. Il fut médiateur de la paix signée à Ferrare entre Alphonse, roi d'Aragon et de Sicile, et les Vénitiens. Son frère Borso (1451-1471) fut un des plus magnifiques princes de la Renaissance italienne. La splendeur de son accueil lui fit donner par l'empereur Frédéric III le titre de duc (1452) pour les fiefs impériaux de Modène et Reggio. Il l'obtint également pour Ferrare, fief du Saint-Siège, du pape Pie II qu'il avait aussi bien fêté lors de son voyage vers le concile de Mantoue. Borso introduisit à Ferrare l'imprimerie. A sa mort, la prospérité fut un moment troublée par la rivalité de son frère Ercole et de Niccolo, fils de Lionello. Appuyé par les Vénitiens, le premier l'emporta sur son neveu. Les scènes de cette guerre civile, contrastant avec la vie luxueuse et dissolue de la cour, frappèrent vivement l'imagination de Savonarole, natif de Ferrare et petit-fils du médecin de Niccolo III. A peine maître du pouvoir, Ercole revint à la vie de fêtes. 

En 1482, il fut près de la ruine. Le pape Sixte IV et Venise la complotaient pour se partager ses Etats. La République l'accusa de lever un péage sur les transports par le Pô du sel des salines vénitiennes auxquelles il faisait concurrence par ses salines de Comacchio. Une flotte vénitienne remonta le fleuve, prit Rovigo; l'armée vénitienne occupa la Polésine; l'allié d'Ercole, le duc de Calabre, fut battu par les pontificaux. Ercole d'Este sut convaincre le pape qu'il était absurde d'agrandir les Vénitiens et obtint la paix: il continua deux ans la guerre avec Venise; par la paix de Bagnolo il dut lui céder la Polésine avec Rovigo, Lendenara, Badia, renoncer à son péage du Pô sur les navires vénitiens et à l'exploitation des salines de Comacchio. Après cette guerre, Ercole vécut en paix avec ses voisins. Sa cour était extrêmement brillante. A coté de Boiardo, son ministre, et de Scandiano, l'Arioste s'y essayait. Alphonse Ier, inférieur peut-être à Ercole, dut aux littérateurs une plus grande renommée.  Rappelons qu'il entra dans la ligue de Cambrai, réoccupa les villes perdues en 1484; son artillerie écrasa la flotte vénitienne à Polisella, sur le Pô (22 décembre 1509). Quand le pape Jules II eut traité avec Venise, le duc continua la guerre, d'accord avec le roi de France. Son artillerie, qui était admirablement organisée, eut une grande part à la victoire de Ravenne (avril 1512).

Néanmoins la mort de Gaston de Foix et les échecs consécutifs des Français décidèrent Alphonse à se soumettre. Il courut à Rome se faire relever de l'excommunication; Jules Il lui réclama une grande partie des fiefs pontificaux; il voulait annexer Modène, Parme et Reggio; Léon X continua ces projets. La bataille de Marignan les mit à néant. Le duc de Ferrare recouvra Parme, Reggio et Modène (novembre 1516). Il resta fidèle à l'alliance française jusqu'à l'expulsion des Français du Milanais, mais alors il signa la paix avec l'empereur en même temps que les Vénitiens (1523). Il conserva Rovigo. Désormais la maison d'Este sera généralement fidèle à l'Espagne. Dans la campagne de 1527, c'est le duc de Ferrare qui ouvrit aux bandes du connétable de Bourbon la route de Rome. Il entra bien dans la ligue formée ensuite, mais en 1529 il fut le premier à se soumettre à Charles-Quint. Celui-ci trancha alors le différend qui divisait le duc et le pape, et le premier sortit de cette longue crise avec ses Etats intacts. La maison d'Este n'avait rien gagné à ces guerres d'un demi-siècle engagées par la France, mais elle n'y avait rien perdu.

Ferrare fut un des principaux centres de la Renaissance; elle dut une renommée particulière aux littérateurs qui y vécurent à la cour des deux Hercules (Ercole) et des deux Alphonses; les princesses, Lucrèce Borgia, femme d'Alphonse Ier, Renée de France, femme d'Ercole II, eurent une grande part à ce mouvement. Alphonse Ier ayant bâti à Ferrare le plus beau théâtre de l'Italie, la ville devint le centre de l'art scénique dans la péninsule. Ercole II (né le 4 avril 1508, duc en 1535, mort le 3 octobre 1559) fut le fidèle serviteur de Charles-Quint; son frère, le cardinal Hippolyte le Jeune, embrassait le parti français, de telle sorte que la dynastie eut un pied dans chaque camp; le duc maria sa fille Anne au duc de Guise et entra en 1556 dans la ligue formée par Paul IV et la France; mais, dès le 18 mars 1558, il traitait avec l'Espagne. Sa femme Renée, gagnée aux idées de la Réforme, avait ouvert à Ferrare un asile à Calvin et à Clément Marot. Elle protégea tous les novateurs religieux de l'Italie. Mais Renée fut très maltraitée par son époux, et, quand elle rentra en France, le protestantisme disparut de Ferrare. Il y avait été un moment assez développé. Alphonse Il, fils et successeur d'Ercole (1559-1597) est surtout connu comme persécuteur du Tasse. Son règne marque encore un beau moment, le dernier, de la cour de Ferrare. Elle comprenait, outre le duc et sa femme (Lucrèce de Médicis, puis Barbara), ses soeurs, Léonore, l'amante du Tasse, et Lucrèce, mariée au duc Francesco d'Urbin, qui vivaient à Ferrare. La vie s'écoulait en fêtes somptueuses avec des représentations dramatiques et une mise en scène magnifique qui préparait celle du futur opéra italien; les tournois alternaient avec les allégories, les concours poétiques, les discussions scientifiques. 

Mais l'orgueil démesuré d'Alphonse Il l'entraînait à des dépenses écrasantes. Il envoyait à l'empereur un corps auxiliaire de 4000 hommes, briguait la couronne de Pologne, Ferrare passait pour imprenable; 27000 hommes étaient inscrits dans la milice; le duc accablait ses sujets d'impôts; alors qu'il laissait tomber en ruine les digues et canaux qui faisaient la sécurité et la richesse du pays, il imposait un droit d'un dixième sur tous les contrats, sur les entrées de marchandises, se réservait le monopole du sel, de la farine, du pain, presque celui de la chasse; il faisait tuer à une audience le riche Ercole Contiano pour s'emparer de ses biens. Cette tyrannie ne devait pas peser longtemps sur Ferrare. Alphonse, malgré son troisième mariage avec Marguerite de Mantoue, n'avait pas de fils légitime. Il voulait transmettre sa succession à son cousin Cesare, fils d'un bâtard d'Alphonse Ier; l'empereur Rodolphe accorda son consentement; mais le pape refusa. A la mort d'Alphonse Il (27 octobre 1597), Clément VIII déclara que tous les fiefs pontificaux de la maison d'Este faisaient retour au Saint-siège; il excommunia Cesare (né en octobre 1467, mort le 14 décembre 1628), et le faible prince n'osa ou ne put résister; ses sujets, dont la tyrannie d'Alphonse II avait lassé l'affection, ne le soutinrent pas; sa cousine Lucrèce lui était hostile. Elle négocia un traité par lequel Cesare renonça à Ferrare, Comacchio et ses fiefs de Romagne (12 janvier 1598). Il se retira dans son duché de Modène et Reggio. A Ferrare fut installée la domination pontificale. Un mois plus tard, Lucrèce mourut, léguant tous ses biens au cardinal Aldobrandini; même les propriétés privées des Este dans le Ferrarais leur échappèrent ainsi.

La prospérité de Ferrare était finie; la tyrannie ecclésiastique fut pire que celle d'Alphonse II; rapidement elle appauvrit la ville et le pays. Un quartier entier, le plus riche, fut démoli pour édifier à la place une citadelle; une grande partie de la population émigra vers le duché de Modène. On trouvera ailleurs (Este et Modène) le récit des destinées ultérieures de la dynastie dont le nom est inséparable de celui de Ferrare. Quant à la malheureuse cité, il y a peu de chose à en dire. En 1735, Clément XII érigea son évêché en archevêché. En 1796, la ville fut prise par les Français et annexée à la République cisalpine, puis au royaume d'Italie. Au congrès de Vienne, les territoires au Nord du Pô furent réunis au royaume lombard-vénitien, le reste avec Ferrare restitué au pape, mais les Autrichiens eurent le droit de garnison dans la place et l'occupèrent effectivement jusqu'en 1859. A ce moment, lorsqu'ils furent partis, le peuple se souleva et avec le reste de la Romagne il se réunit au royaume d'Italie. (A.-M. B.).

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Dictionnaire Villes et monuments
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