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Le mot meuble
s'est appliqué d'abord à tout ce qui est mobile, facile à
déplacer, et qui a désigné ensuite tout objet garnissant
un appartement ou servant à divers usages de la vie, comme les lits,
tables, commodes,
armoires, chaises,
fauteuils, canapés,
etc. Le terme d'ameublement désigne, quant à lui,
l'ensemble des meubles destinés à garnir les d'habitations
et auxquels s'ajoutent d'autres objets d'ornement tels que les tapisseries,
les céramiques, les objets d'orfèvrerie,
etc. ( L'histoire des Arts
décoratifs ).
L'ameublement reproduit toujours le caractère de l'architecture
qu'il vient compléter.
On a fabriqué des meubles
dès le Néolithique, parfois en pierre (lits, banquettes,
étagères, etc.) comme en témoigne l'archéologie,
mais déjà, peut-on supposer, en bois.
En tout cas, cette matière, facile à travailler et généralement
disponible en abondance, sera, tout au long de l'histoire, de l'Antiquité
classique
à nos jours, la plus utilisée pour la fabrication des meubles.
Cette fabrication forme une partie importante de l'ébénisterie.
L'Antiquité.
Chez les peuples de l'Orient ancien (Mésopotamie ,
Perse ,
etc.), les meubles étaient incrustés d'or,
d'ivoire et de matières précieuses;
il y avait des tapis du tissu le plus fin, et sur lesquels on appliquait
encore des lame d'argent et d'or. On retrouvera encore ce luxe dans les
harems de la Turquie et de l'Inde .
L'ameublement s'y résume en quelques portières, divans
et carreaux. Les fabriques de ces somptueux tapis disparurent peu à
peu avec le déclin des villes asiatiques, et ne se conservera guère
qu'en Inde.
Les Égyptiens
étaient habiles à fabriquer des meubles (lits
de toutes formes, fauteuils pliants, buffets,
tables, etc.), et des nattes en joncs peints.
Ils décoraient leurs palais de figures astronomiques, et d'hiéroglyphes
sculptés en demi-relief et rehaussés d'or et de vives couleurs,
qui représentaient les faits de leur histoire, les actes de leurs
souverains ( L'art dans l'Egypte ancienne ).
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Tabouret
de bronze, époque romaine
(musée
du Louvre).
Les Grecs,
initiés au luxe de l'Orient vers l'époque d'Alcibiade
(seconde moitié du Ve
siècle av. J.-C), apportèrent plus de goût
et de pureté dans les formes. Les Romains
donnèrent au luxe grec un plus grand développement :
leurs appartements furent décorés de stucs, de marbres
précieux et de mosaïques; on
y vit des meubles richement ornés; mais les tentures furent moins
prodiguées et ne commencèrent à reprendre faveur que
vers l'époque du Bas-Empire
( L'art antique ).
Le Moyen âge.
Pendant le Moyen âge ,
l'ameublement suit les progrès de la civilisation générale,
en même temps qu'un peu partout en Europe
la maison se substituait à la hutte ou à la tente. L'armoire
représente le premier et le principal meuble : c'est un objet en
bois fortement charpenté et soutenu par des pièces de fer.
Ses grands battants comportent un appareil de serrurerie massive.
Il ne faut pas oublier qu'à cette
époque les habitations n'avaient pas, en dehors de ces armoires,
de mobilier leur appartenant. Les meubles voyageaient avec leur propriétaire,
selon qu'il changeait de châteaux dont
les vastes salles restaient vides pendant son absence. Quand elles étaient
habitées, on garnissait leurs murs de tentures, et, comme la plupart
du temps elles servaient à loger un certain nombre de personnes,
on formait des compartiments au moyen d'autres tentures que l'on suspendait
à de grandes tringles de fer.
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Coffre
du XIIIe siècle
(musée Carnavalet).
L'art de la tapisserie
prend ainsi une importance spéciale. A l'époque gallo-romaine,
Pontoise avait un centre de fabrication
des nattes, et ses produits ne tardèrent pas à surpasser
en beauté les nattes de l'Orient. Puis vinrent les étoffes
byzantines ,
puis enfin les tissus de toute sorte, dont les manufactures surgissaient
de tous côtés en Occident. Les tapisseries suivirent une progression
continue, dont on peut mesurer les accomplissement par l'exemple que donne
la Tapisserie de Bayeux .
Le mobilier proprement dit n'en est pas
pour autant négligé. Certains meubles du XIVe
siècle sont de véritables merveilles, et ceux
du XVecomptent
parmi les plus beaux travaux d'ébénisterie
qu'on ait jamais exécutés. C'est qu'alors l'art de sculpter
le bois atteignait sa perfection. On ne cherchait
pas en dehors de la matière elle-même, sauf de rares exceptions,
les éléments de sa parure ( L'art
médiéval ).
La Renaissance
L'ameublement du XVIe
siècle rentre déjà dans la tradition moderne
: les meubles joignent le confort à la beauté, les formes
se multiplient. De nouvelles techniques de menuiserie, telles que
l'assemblage à queue d'aronde et l'assemblage d'onglet, voient le
jour. C'est l'Italie ,
où prend naissance le goût de l'art
antique qui définit cette période dite de la Renaissance ,
qui donne le ton à toute l'Europe ,
à partir des années 1530.
Les meubles commencent à ressembler à de petits monuments
avec des façades dotées de médaillons,
de frises, de frontons,
de colonnes à chapiteaux,
et diversement ornées (de scènes mythologiques sculptées,
en particulier). Des variantes apparaîtront, au fil du temps et des
pays : des écoles se forment, comme celles de Flandre ,
d'Ile-de-France
(J. du Cerceau), de Bourgogne
(Hugues Sambin), etc.
Les tapisseries
n'ont jamais été plus belles, et l'art du tapissier se combine
avec celui du brodeur pour rehausser les tentures des fenêtres,
des portes, des murailles. Mais celles-ci sont
aussi très fréquemment habillées de cuir gaufré
suivant la mode espagnole, ou bien elles disparaissent sous des lambris
de bois sculpté. Comme l'art de la verrerie
fait de grands progrès, les fenêtres deviennent de plus en
plus grandes, et les vitraux enchâssés
de plomb, deviennent moins une nécessité qu'un ornement;
on commence à garnir les baies de rideaux artistement ajustés.
Le XVIIe
siècle.
L'époque de Louis
XIII représente une sorte de réaction contre les formes
riches et moelleuses de la Renaissance
l'ameublement prend un caractère de sévérité
qui ne l'empêche pas cependant de gagner beaucoup, surtout vers la
fin, en confortable. Les sièges, notamment,
sont spacieux et commodes; c'est le véritable début du moderne
fauteuil. C'est aussi l'époque de
ces belles tapisseries d'ameublement, de ces verdures flamandes dont les
tableaux des vieux maîtres nous montrent l'emploi.
Au temps de Louis
XIV, on imagina fort peu de chose pour la commodité et l'agrément
des habitations : Mme de Maintenon souffrait
du froid dans sa vaste chambre à Versailles,
faute de paravents qui, au dire du roi, eussent dérangé la
symétrie. Une forme de sobrité dans l'ameublement continua
d'exister comme un écho aux tendances jansénistes
de la société. Mais l'ameublement du règne de Louis
XIV penche aussi et surtout vers l'exubérance du baroque : le style
Louis XIV brille ainsi plutôt par le faste que par le bon goût.
Car c'est à cette époque que disparaissent les principes
de décoration qui prévalaient jusque là : on commence
à dorer lourdement les meubles de bois, à en contourner les
profils et les appuis, on dénature les lignes; le parti architectural
cesse de présider à la construction des meubles.
-
Meuble
par Lepautre, XVIIe siècle.
Les XVIIIe
siècle.
Il en est de même pour le règne
de Louis XV, avec le passage du baroque au rococo.
C'est la profusion de feuillages et de motifs
floraux qui caractérisera ce style
Louis XV, représenté par Charles Cressent, Mathieu Criaerdt,
Jacques Dubois, etc. Et c'est pour réagir contre cet abandon de
la ligne, que le style Louis XVI ou néo-classique
se produisit avec ses pauvretés froides et mièvres, et ses
timides essais de retour vers l'antique. Les tapisseries,
à cette époque, passèrent de mode; on y substitua
les tentures en damas, lampas et autres étoffes de
Lyon : ou bien on boisa les appartements, et
les boiseries, peintes en blanc, vernies, rehaussées de quelques
sculptures dorées et de glaces, permirent toute espèce d'ameublement.
Dès la fin du règne de Louis
XVI, des meubles, comme l'armoire à
bijoux de Marie-Antoinette
(château de Versailles)
par Thomire (1751-1843), offrent déjà
les prémices de ce style qui plus tard deviendra le style
Empire. Cette évolution dans la conception du mobilier se marque,
on ne peut plus nettement, chez le plus grand ébéniste de
l'époque révolutionnaire et impériale, Georges Jacob
(1739-1814), ami de David,
à qui il procura la mise en scène de ses tableaux ; il fut
successivement le fournisseur des Bourbons, de
la Convention et de Napoléon
ler.
Le XIXe
siècle.
On n'observe donc pas de rupture dans
le mouvement amorcé dès avant la Révolution,
et qui ne fait que s'accentuer pendant celle-ci avant de précipiter
l'art du meuble dans le style Empire proprement dit (connu
en Angleterre
sous le nom de style Regency). Napoléon,
qui se considérait comme le successeur des césars,
se
garda de modérer l'engouement des
artistes de son temps pour les Grecs
et les Romains. Deux artistes remarquables
préparent des projets dont l'empereur ne verra pas l'exécution.
Percier (1764-1838) et Fontaine
(1762-1853) gouvernent non seulement
l'architecture ,
mais les arts décoratifs .
S'ils ne sont pas les inventeurs d'un nouveau style, par leurs publications,
ils fournissent un arsenal de modèles. En partie grâce à
eux, l'art de cette époque s'enrichit d'éléments nouveaux,
empruntés notamment à l'Égypte ,
conséquence d'une expédition
récente. Parmi les principaux représentants de cet art, on
citera : Brion, la firme Jacob-Desmalter, Heckel, Charles-Joseph Lemarchand,
P. Marcion, Sinon Mansion, Papst, etc.
-
Lit
de Napoléon Ier(Fontainebleau).
Le meuble Empire survécut
au régime dont il porte le nom, tant sur le continent qu'en Angleterre ,
toutefois avec des modifications qu'explique l'esprit économe de
la bourgeoisie régnante, comme aussi la disparition des admirables
ciseleurs qu'avait formés le XVIIIe
siècle; ce style - si l'on met à part les
fantaisies gothiques, filles du Romantisme
- se maintint, abâtardi, jusqu'à 1850,
sous la forme de ce qu'on a appelé en France
le style Louis-Philippe (ou Restauration) et en Allemagne
le style Biedermeier. C'est un style calfeutré et morne.
Mais une réaction commença à se produire.
Sous le second Empire, l'influence littéraire
des Goncourt et le culte de l'impératrice
pour Marie-Antoinette remirent plus franchement
à la mode les styles Henri II, Louis XV (néo-rococo)
et surtout Louis XVI, que les ébénistes
enrichirent par des ornements et des dorures de mauvais goût. Au
début de la troisième République, on revint aux meubles
de la Renaissance et au style Louis
XIII; ce fut la période des tavernes à vitraux
et des intérieurs sombres. L'art du XVIIIe
siècle reconquit ensuite du prestige, la passion des collections
se généralisant.
Le XXe
siècle
Le début du XXe
siècle, époque, éminemment éclectique,
va chercher une formule de mobilier tout à la fois originale et
pratique, où le confortable soit assuré, tout en respectant
les lois de la décoration et de l'architecture.
Vers la fin du XIXe
siècle, on parlait déjà d'un art moderne
(Arts & Crafts à partir de 1860,
Art Nouveau après 1880),
en même temps qu'on estimait injuste le rang secondaire attribué
aux arts industriels, ou mineurs, par rapport aux arts dits majeurs. Chaque
période, dans le passé, ayant eu son style propre, il était
illogique que celle-là ne donnât pas sa note. On chercha donc
à innover. Pour ce faire, on se mit d'abord à la remorque
du Royaume-Uni ,
pays du pratique et du confortable et où florissait l'Ecole de
Glasgow, autour de Mackmurdo et de Macintosh. Leur leçon parvint
en France
souvent déformée par la Belgique .
L'influence propre de la Belgique (Van de Velde) apparaît dans ce
style, tout en courbes et en sinuosités, qui, mises à part
les oeuvres de certains créateurs de l'Ecole de Nancy comme
Majorelle, paraît tellement dater. En 1910, à Paris,
une exposition retentissante permit le contact avec l'art munichois où,
à côté d'imitations de meubles anglais ou Louis-Philippe,
figuraient des inventions lourdes et lugubres.
Il faut attendre le lendemain de la Première
Guerre mondiale pour qu'apparaissent de nouvelles orientations,
qui vont s'insérer dans ce qu'on a appelé le style Art
Déco (1920-1940).
Des ébénistes d'avant-garde créaient des meubles qui
vont chercher leur inspiration sur d'autres continents, dans l'art africain,
par exemple. Des architectes comme Le Corbusier,
Charlotte Perriand et Marcel Breuer, ou divers autres créateurs
gravitant, comme ce dernier, autour du Bauhaus , le mouvement architectural
animé par Gropius, sont également à l'origine de nouvelles
tendances dans l'art du meuble. Parallèlement, on assiste à
l'apparition du mobilier fabriqué en série, que son prix
rend accessible au plus grand nombre, mais sur lequel les artistes gardent
aussi un oeil. C'est le cas, en particulier de Gerrit
Rietveld, issu, aux Pays-Bas ,
du mouvement De Stijl mené par Pietr Mondrian. Cette période
marque un retour à l'utilisation du métal pour les meubles
d'intérieur (on l'utilisait seulement depuis le XVIIIe
siècle pour les meubles de jardin).
Jean Dunand et Eileen Gray suivent cette voie. Le bois
reste cependant le matériau privilégié. Jacques-Émile
Ruhlmann, par exemple, recourt aux bois précieux et exotiques, en
même temps qu'il agrémente ses meubles d'ornementations métalliques,
et surtout, l'industrialisation et les progrès techniques ouvrent
au travail du bois de toutes nouvelles nouvelles possibilités. Le
contre-plaqué est ainsi utilisé par un architecte et aussi
créateur de meubles tel qu'Alvar Aalto (1898-1976),
initiateur d'une École scandinave (ou finlandaise)
de l'art du meuble.
Le développement
de la consommation de masse depuis la Seconde
Guerre mondiale, a favorisé grandement cette dernière
approche. La fabrication industrielle et la diffusion a bas prix (relatif)
des meubles leur a imposé un style dépouillé et a
poussé à leurs concepteurs à réfléchir
à leur caractère fonctionnel. Une démarche qui existait
sans doute déjà dès l'entre-deux guerres, fortement
promue par le Bauhaus et déclinée de diverses manières
dans style Art Déco, ou manifesté par l'émergence
du style Paquebot (1930-1950),
mais une démarche qui désormais peut prendre un essor particulier.
Les matières plastiques, l'aluminium, l'acier et aujourd'hui les
matériaux composites ouvrent des perspectives inédites aux
designers. Le style n'est plus aujourd'hui celui d'un époque, mais
celui d'un artiste, ou alors c'est seulement une mode. (E.
L. / HGP / DV.). |
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