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Littérature |
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Nous appelons littérature
française la littérature qui a pour langue le français
c'est beaucoup moins et un peu plus que la littérature de la France.
Pendant les premiers siècles, les seuls textes littéraires que nous connaissions
directement sont écrits en latin; lorsque
la littérature française se fait enfin une place à côté de la littérature
latine, celle-ci n'en paraît pas sensiblement affaiblie; elle continue
son développement, parallèlement à la littérature française, ne lui
empruntant presque rien, lui donnant au contraire beaucoup. Nous ne nous
occuperons pas de la littérature latine
du Moyen âge en France, car son histoire rentre dans une histoire
générale de la littérature latine de l'Occident.
Dès le IXe
siècle, des raisons sur lesquelles nous n'avons pas à disserter ici amenèrent
en France la formation de deux littératures en langue commune en face
de la littérature latine unique, l'une dans le Midi, l'autre dans le Nord.
Nous ne nous occuperons que de celle du Nord, renvoyant pour celle du Midi
à l'article Littérature provençale.
Voilà en quoi littérature française est beaucoup moins que littérature
de la France. Nous avons dit que c'était aussi un peu plus. En effet,
depuis la conquête de l'Angleterre On notera enfin que les croisades ont importé à Chypre, en Morée, en Palestine l'usage du français au moins pendant deux ou trois siècles, et que quelques oeuvres littéraires intéressantes ont vu le jour dans ces pays lointains. Viendront par la suite des littératures de langue française en Belgique, au Canada, en Suisse, en Afrique, etc., et que l'on range, avec la littérature française, sous la rubrique des littératures francophones. Le Moyen âgeLe XIIe siècle.La plus ancienne littérature de France fut celle des trouvères et des troubadours. Ces derniers, qui écrivaient en langue d'oc, ont produit de petites effusions lyriques sur l'amour ou sur d'autres sujets frivoles; ils fleurirent surtout aux XIe et XIIe siècles. On nommera trois des plus célèbres troubadours qui ont ilIllustré cette langue : Bernard de Ventadour, Pierre Cardinal et Bertrand de Born. Le premier ouvrage historique en langue d'oïl est une traduction des Chroniques de Saint-Denis, qui date de Philippe-Auguste. Plusieurs autres versions du même ouvrage succédèrent à celle-ci, en même temps que plusieurs ouvrages originaux racontaient en langue vernaculaire les histoires passées. L'imagination suivit
l'exemple que lui donnait la mémoire. Les trouvères, picards et anglo-normands,
dans leurs chansons de geste célébrèrent
les actions héroïques des rois et des chevaliers illustres. Ces chansons
de geste, appelées aussi romans, sont très
nombreuses. Les vers et la prose furent employés indistinctement dans
ces ouvrages. Le premier de tous fut le Roman de Brut Le XIIIe
siècle.
Dès les premières années du XIIIe siècle, Villehardouin (né vers 1167 ), maréchal de Champagne, écrivit la Chronique de la conquête de Constantinople (1207), à laquelle il avait pris part. Là , pour la première fois, un trouve un récit clair et intéressant des événements auxquels l'auteur a assisté, une appréciation judicieuse des faits, une véracité pleine de bonne foi, de désintéressement et de modestie, une simplicité exempte de détails superflus. Henri de Valenciennes continua l'ouvrage de Villehardouin. Guillaume de Nangis (mort en 1302) et Guillaume de Chartres (mort vers 1380) écrivirent tous les deux une Histoire de saint Louis. Puis Joinville (1223-1317), sénéchal de Champagne, composa ces charmants Mémoires de Louis IX, où il raconte avec une si précieuse, naïveté, avec une vivacité si enjouée, les combats et les prières, la vie militaire et la vie intime, le courage et la bigoterie de son maître. Ses récits ont un caractère particulier, qu'on ne retrouve au même degré chez aucun autre historien. Aussi Joinville a-t-il eu plus d'un imitateur, et est-ce dans des récits de ce genre qu'il faut chercher désormais l'histoire vraie du Moyen âge et des temps qui l'ont immédiatement suivi. Aux siècles suivants, Froissart et Commines seront les fils de Joinville. La naïveté pleine de couleur qui se trouve dans ces mémoires constitue aussi le principal caractère de la poésie de cette époque. La ballade, le rondeau, le triolet, tous les agencements de vers réguliers et à refrain, étaient en pleine vogue et presque exclusivement employés. Parmi les poètes innombrables qui pullulèrent à cette époque, où les Croisades développaient si activement les germes poétiques, quelques-uns se sont fait remarquer plus particulièrement. Conon de Béthune, trouvère artésien, raconte dans ses chansons la quatrième Croisade. Thibaut IV (1201-1253), comte de Champagne, a laissé des chansons dans lesquelles il déplore ses douleurs amoureuses avec plus de simplicité que de lyrisme, et plus de soin dans la forme que d'enthousiasme dans l'idée. Marie de France, qui occupait vers 1250 un des premiers rangs parmi les poètes anglo-normands, a composé des lais et un recueil de fables intitulé les Dits d'Ysopet. Enfin Guillaume de Lorris (mort vers 1240) avait commencé le grand poème, resté debout parmi tant de productions oubliées, et que le siècle suivant allait achever. Le XIVe
siècle.
Un autre roman, du
même siècle, qui fut continué au siècle suivant, et qui eut plusieurs
auteurs lui aussi, est le Roman du Renard Il en fut tout à fait de même pour l'histoire. Un conteur simple, facile, sans apprêts, sans intentions fortes, n'ayant guère, à vrai dire, d'autre mérite que sa naïveté et son penchant à narrer longuement et avec tous les détails ce qu'il avait vu de ses yeux ou entendu de ses oreilles, ouvrit de nouvelles routes par où le siècle suivant marcha vers le progrès. Jean Froissard, curieux de savoir et avide de redire, recueillit une foule de renseignements sur les faits de son époque, et à l'aide de ces renseignements écrivit ses Chroniques, qui vont de 1325 à 1400. C'est un livre précieux, par la charmante bonhomie du conteur, par sa simplicité, par sa crédulité même, par la couleur répandue sur cette histoire sans prétention. Dans le domaine de l'histoire on pet encore mentionner quelques mémoires ou chroniques plus précieux par le fond que par la forme, et, sur la limite qui sépare l'histoire de la poésie, quelques récits en vers, tels que le Roumant de messire Bertran du Glayequin, jadis chevalier et connestable de France, par Trueller, lequel a dû être écrit de 1381 à 1386. Le XVe siècle. La
poésie.
Dans la deuxième motié du siècle, parmi
les poésies peu nombreuses, et qui consistent surtout en ballades, rondeaux,
etc., il faut remarquer le Grand Testament et le Petit Testament.
On doit encore compter parmi les poètes : Martial
d'Auvergne ou de Paris (né vers 1440, mort vers 1508) et Octovien
de Saint-Gelais (né vers 1466, mort en 1502), lequel a laissé, outre
quelques poésies originales, une traduction en vers de l'Énéide L'histoire.
Citons aussi, pour la première moitié du siècle : Pierre de Fenin (mort en 1433), écuyer et panetier de Charles VI, a laissé des Mémoires qui donnent une idée fort juste des moeurs et de l'esprit de son temps. Christine de Pisan, déjà mentionnée, a aussi composé un livre des Faits et bonnes moeurs du roi Charles V. Le Religieux anonyme de Saint-Denis, sage, sérieux, initié aux affaires du temps, représente l'opinion des hommes graves de l'Université, de la magistrature et de la riche bourgeoisie. Monstrelet (1390-1453) est précieux pour la multitude de faits qu'il a enregistrés. En somme, c'étaient là des raconteurs plus que des écrivains; mais voici que la seconde moitié du XVe siècle arrive, et que l'histoire va produire une oeuvre véritablement littéraire. A côté des chroniques d'Olivier de la Marelle (1426-1501), de Jean de Roye, de Jean Molinet (mort en 1507), etc., se dressent les Mémoires de Philippe de Commines. Cet éminent historien vécut de 1445 à 1509. Chez lui les qualités du fond sont aussi celles de la forme : le style est sage, sérieux, réfléchi, plus pittoresque que poétique dans l'expression, mais disant nettement les choses, contant clairement, jugeant avec sagacité, mettant toujours sur l'idée le terme le plus propre, non à la faire briller, mais à l'éclairer d'une lumière nette et pure. Le
théâtre.
A côté des mystères s'élevèrent bientôt
les moralités, dans lesquelles les auteurs, abandonnant les sentiers battus,
mirent à contribution leurs richesses personnelles, cherchèrent de nouvelles
ressources dans la mythologie, et inventèrent des fables allégoriques.
Puis les soties et les farces
vinrent attaquer les ridicules : elles eurent recours, il est vrai, au
bouffon et au grotesque plutôt qu'aux peintures spirituelles et aux fines
railleries. Néanmoins, la gaieté y arriva quelquefois au vrai comique;
elle mérite le nom de comédie, cette farce
de l'Avocat Patelin La RenaissanceOn peut dire que le XVIe siècle, par l'affranchissement des idées, en brisant le moule étroit qui enserra les intelligences au XVe, fut comme le précurseur, comme l'avant-garde du XVIIIe siècle. Les deux grands facteurs de cet affranchissement de la pensée furent la Renaissance, dont la découverte de l'imprimerie grandit la portée, et la Réforme, qui décupla l'importance de la Renaissance. Au XIVe et au XVe siècle, nous assistons à l'ébranlement et à la division de l'Europe, à la ruine de l'unité du Moyen âge![]() ![]() La poésie.
Maître Clément, d'une conduite si peu sage et d'un goût si prudent, ne fit qu'une entreprise au-dessus de ses forces, les Psaumes ; et encore ne peut-on pas dire que son goût et son oreille se soient trompés, puisque ses strophes étaient soutenues et portées par la musique. Ronsard qui le
suivit, par une autre méthode. Réglant tout, brouilla tout, fut un art
à la mode. L'auteur de l'Art poétique Après Marot, un vrai poète ne pouvait songer à s'arrêter; car le supposé bon goût de Mellin de Saint-Gelais n'est que timidité ingénieuse et pauvreté correcte. Les merveilles des arts, les modèles de Rome et d'Athènes retrouvés, la robuste jeunesse du siècle, l'humiliante supériorité d'une langue morte qui reprenait l'empire avec la vie, tout criait aux nouveaux venus: "En avant!" et rien ne leur disait : "Prenez garde!". Ronsard partagea l'erreur de tout son siècle; il ne vit qu'une manière de marcher en avant, qui consistait à se faire remorquer par les Anciens. Au lieu d'amener peu à peu le flot de la Renaissance dans le vieux lit du fleuve trop étroit pour son impatience, il se jeta, suivi d'une pléiade, disons mieux, d'une génération entière, dans le courant nouveau, sans s'apercevoir qu'il allait à l'abdication de la langue nationale. L'art est long et la vie est courte,
disaient les Anciens : Ronsard et les siens voulurent tout créer à la
fois, ode, épopée,
élégie,
théâtre,
langue poétique; ils voulurent faire tenir tout l'art dans une seule vie.
Mais on n'improvise pas une littérature,
de même qu'on ne fait pas du jour au lendemain sa fortune, sans richesses
d'emprunt, sans biens mal acquis. Les réformateurs de la poésie
française poussèrent leurs emprunts jusqu'à la puérilité. C'étaient
des enfants qui plantaient dans le sol français toutes sortes de branches
fleuries sans racines, et qui battaient des mains à leur jardin venu par
enchantement. Le poète vaut beaucoup mieux que la méthode; et s'il a
survécu dans quelques strophes, dans quelques belles pages satiriques,
et surtout dans les sonnets et les chansons. Ce qui manque à Ronsard,
c'est la mesure. II en a manqué dans sa Franciade En revanche, la langue de Marot et de Villon, qui hurle sous sa plume quand il la force de pindariser, il la sait parler admirablement quand il le veut. Entre eux et lui, on ne sent plus alors d'autre différence que le bénéfice du temps, un idiome plus riche, un rythme plus plein et plus sonore. Tout le monde accorde que nous devons à Ronsard d'excellents sonnets, tels que : Quand vous serez bien vieille; des chansons gracieuses, parfaites de tous points : Mignonne, allons voir si la rose...; de beaux morceaux descriptifs : la Forêt de Gastine, dans l'élégie 30e. On ne lui refuse pas le mérite d'avoir manié l'alexandrin avec supériorité dans sa Réponse à quelque ministre. Sa gloire lyrique est litigieuse : a-t-il des strophes entières? N'importe; de temps en temps un bonheur d'expression, un coup d'aile, plus d'un vers qui lui a été dérobé sans rien dire, le classent parmi les esprits qui osent et qui inventent. Il avait tout à créer dans l'ode : le premier il a employé le mot et donné une idée de la chose; le premier de nos poètes, il a parlé de sa lyre. Sa gloire épique est un paradoxe : lui-même a dû le pressentir. Je dirai plus : non-seulement il n'a pas donné l'épopée, mais par l'exemple de sa chute il a peut-être empêché d'en avoir. Joachim Du Bellay, plus novateur en théorie qu'en pratique, publia le manifeste de la nouvelle école, Défense et illustration de la langue françoise, en 1549. En exposant la méthode de Ronsard, nous n'avons fait en quelque sorte que nous souvenir de ce livre. On peut différer d'opinion sur l'entreprise des réformateurs, mais il faut de toute nécessité avouer que les principes du disciple et du maître sont identiques. Le manifeste de Du Bellay est guerrier, révolutionnaire, non seulement contre le latin, mais contre la langue de Jehan de Meung, de Villon et de Marot. Ici, comme plus haut, il est juste de distinguer le poète de son drapeau; et lui-même nous en fournit le moyen, quand il recommande d'innover principalement en un long poème. Du Bellay, qui mourut jeune, n'a jamais tenté l'entreprise : ses Regrets et ses Antiquités de Rome se composent de sonnets qui, parmi ses contemporains amoureux de Rome et d'Athènes, lui valurent le surnom d'Ovide. Dans ses Jettes rustiques, le Vanneur, petit chef-d'oeuvre de légèreté, prouverait à lui seul que Du Bellay avait le sentiment de la perfection. La pléiade est une constellation de sept poètes dont l'éclat se perdit dans les rayons de l'astre principal. Ce fut une école où les amitiés, les intérêts, la communauté d'opinions politiques et religieuses, ne jouèrent pas un moindre rôle que les doctrines littéraires. A dire la vrai, Ronsard fut le maître reconnu de tout son siècle, et ses disciples les plus outrés se trouvèrent peut être chez ses ennemis. Guillaume Salluste, seigneur Du Bartas, son jeune rival, se montra, pour le dépasser, plus Ronsardiste que Ronsard ; il recueillit de sa Semaine, ou la Genèse mise en vers de la nouvelle école, une grande gloire littéraire parmi les protestants. Le XVIe
siècle, pacifié dans les lettres comme ailleurs sous Henri
IV, parvint à sa fin avec cette illusion que "la poésie était montée
su plus haut degré où elle serait jamais" (Montaigne).
A peine si quelques esprits libres ou mécontents cherchaient encore. Malherbe
lisait et raturait Ronsard. Agrippa d'Aubigné,
poète historien et soldat, continuait la guerre protestante avec la plume,
et répandait avec le goût du temps, c.-à -d. sans frein et sans mesure,
la colère et l'ironie dans les vers quelquefois admirables de ses Tragiques,
ou dans la prose diffuse, mais souvent spirituelle ou éloquente, des Aventures
de Foeneste, de l'Histoire universelle La prose.
Le second orateur du XVIesiècle en date comme en mérite, est le chancelier Michel L'Hôpital, le plus noble type de cette magistrature qui conserva comme un patrimoine d'héroïsme et de dignité dans les troubles civils, et aboutit à Daguesseau, un peu affaiblie du côté du courage, mais sans rien perdre du côté de la vertu et du talent. L'Hôpital éleva la voix dans un de ces temps où les sages ne sont pas écoutés; il dut prêcher la modération quand il n'y avait place que pour les arguments de la force, quand on faisait pendre et brancher ses adversaires en guise de réfutation, quand la parole était à des orateurs capitaines, tels que ce terrible Montluc, un prosateur de ce siècle qui a écrit ses Mémoires avec la pointe sanglante de son épée. Un orateur ne vit que par les passions : L'Hôpital a quantité de mots heureux, quelquefois même sublimes, qui sont le jugement et la condamnation de ses contemporains; ce sont les cris de l'âme d'un honnête homme : il n'a guère de pages éloquentes. Au reste, la modération de ses principes s'étend à son style et à sa langue; il s'arrête entre la simplicité de Calvin et la richesse de Montaigne, et fait une juste place aux mots latins dans sa phrase, comme il en faisait une dans l'État aux Huguenots. La prose d'Amyot, de Rabelais et de Montaigne rivalise au contraire avec la nouvelle école; elle aussi a "la bride sur le cou "; elle aussi est érudite; mais elle passe par les mains de deux hommes de génie, et elle porte l'érudition légèrement. Jacques Amyot ne doit pas être jugé comme traducteur : c'est une question de décider s'il savait réellement le grec. Les langues de l'Europe, jeunes encore, adoptaient la traduction comme gymnastique. On a dit avec beaucoup de justesse qu'Amyot a rendu Plutarque français; il l'a en effet habillé à la française. Mais on peut ajouter que ce travestissement a rajeuni; et Henri IV a rendu cet effet à merveille quand il a dit dans une lettre : " Plutarque, me soubrit toujours d'une nouvelle frescheur. - L'aymer c'est m'aymer; " ajoute-t-il par une spirituelle galanterie à l'adresse de Gabrielle d'Estrées, " car il a esté longtemps l'instituteur de mon bas aage. "Rien ne pourrait mieux exprimer l'agréable empire et la popularité du traducteur. Il a été l'instituteur non pas seulement de Henri IV, ni des princes de Valois pour lesquels il a écrit, mais de tout un siècle. Son livre fut un cours d'histoire et de morale à l'usage du monde: on s'aperçut même plus tard qu'il y avait là un cours entier de bonne langue française. Quel que soit le cynisme de Rabelais, l'esprit gaulois, pour ainsi dire, tout entier est en lui : tout ce qu'il y a de gaulois dans les conteurs des siècles suivants, dans les poètes, dans le théâtre, procède de lui. La Fontaine est son disciple le plus fidèle et le plus reconnaissant. Racine et Beaumarchais l'ont mis à contribution. Mme de Sévigné elle-même trouve moyen de concilier un souvenir de Rabelais avec une lecture de Nicole. Rabelais a trouvé des critiques sévères, méprisants même; pourtant, il n'a jamais cessé d'être populaire. II déplaît à deux sortes d'esprits. Les uns ne lui pardonnent pas d'avoir à plaisir trempé sa plume dans l'impureté d'en avoir souillé la gaîté française : non seulement il est obscène, mais par son tour d'esprit positif et goguenard il met en fuite tout idéal, toute élévation d'âme et de coeur. Les autres seraient plus indulgents s'ils n'étaient dégoûtés d'abord de sa grossiéreté : ils sont choqués de cette verve et de cette culture latine et grecque qui débordent sans se pénétrer et s'amalgamer. Rabelais peut être par moments le
mets des plus délicats, comme le dit La Bruyère,
mais il manque absolument de délicatesse. Il plaît trop à d'autres qui
tombent dans un excès opposé. Ils grandissent Rabelais outre mesure :
c'est un Homère gaulois; Gargantua et Pantagruel Ces exagérations après coup s'éloignent
toutes plus ou moins du vrai et solide jugement porté sur Rabelais
par ses contemporains. Ils n'ont vu (ils avaient raison) dans son livre
qu'une peinture satirique de la société du temps, politique, religieuse,
aristocratique, bourgeoise; peinture énergique et toute mêlée d'audaces
grossières, mais sans parti pris. Le parti pris, au contraire, se voit
clairement dans La Boétie, l'ami de Montaigne,
auteur du Contr'un ou de la Servitude volontaire Le XVIe
siècle se clôt sur un écrivain hors du commun dont la plume est presque
sans rivale parmi les moralistes français. Il y avait eu déjà des auteurs
excellents : Montaigne commence la série des
grands écrivains. II parle de lui-même dans tout son livre des Essais Calvin, Amyot, Rabelais, Montaigne, voilÃ
les points culminants de la langue comme de l'éloquence française au
XVIe siècle. Au-dessous l'on trouverait
le méthodique Charron, l'auteur de la Sagesse,
qui se croyait l'héritier de Montaigne, et fut sans le vouloir le
patriarche de nos esprits forts; le prolixe et amusant Brantôme,
gaulois surtout par la licence, mais portant la marque visible de la double
influence italienne et espagnole;
les prédicateurs de la Ligue, enfants de
Paris,
ayant à leur tête l'audacieux Boucher; les auteurs de la Satire Ménippée Le XVIIe siècleLe XVIIe siècle a été pour la littérature française un époque merveilleuse, qui commence à avec Malherbe, Mathurin Régnier et Guez de Balzac, et, passant par les deux périodes les plus brillantes, celle de la jeunesse ou de Descartes, de Corneille, de Pascal, et de Molière, et celle de la maturité ou de Boileau, de Racine, de La Fontaine, de Sévigné, de Bossuet, et de Bourdaloue, achève sa verte et vigoureuse vieillesse avec La Bruyère,Fénelon, et Massillon.Première période
(1610-1660).
Les
genres.
Le roman, après
avoir contribué par l'Astrée Misérable est l'épopée.
Malgré les sujets modernes et nationaux, elle n'a rien de national ni
de moderne : asservie à l'imitation inintelligente de l'Enéide Au contraire, le théâtre
s'organise et donne des chefs-d'oeuvre. Au début, confusion et inégalité,
avec Hardy, qui continue à produire. Racan, Ã
défaut de dramatique, met de la poésie dans la pastorale.
Vers 1630, le public a pris goût au théâtre, et Rotrou,
Du Ryer, Scudéry, Corneille,
Tristan
apparaissent. Leur aîné,
Mairet, apporte les
règles des trois unités, qu'il emprunte aux Italiens
et donne pour les règles des anciens; Chapelain,
puis d'Aubignac l'aident à les imposer. Le
triomphe des règles assure celui de la tragédie;
la pastorale, puis la tragi-comédie
s'éliminent. Rotrou a mis de la fantaisie, du lyrisme dans la folle intrigue
tragi-comique; Pierre Corneille,
dans la tragi-comédie du Cid La prose a été réglée par Balzac,
qui coule des lieux communs de
morale et de politique
dans une large phrase oratoire : sa pensée ne remplit
pas sa forme. Mais
Descartes, dans son Discours
sur la Méthode, montra que la langue
française permettait de traiter les sujets philosophiques Deuxième période
(1660-1715).
Les
genres.
La comédie
se dégage et atteint son apogée avec Molière,
dont les chefs-d'oeuvre sont : le Misanthrope Dans la tragédie, la politique de Corneille
est délaissée. L'amour s'y substitue comme matière
tragique. Quinault offre l'analyse du sentiment tel qu'il peut éclore
dans la vie artificielle de la cour.
Racine, Ã
l'aide des anciens, remonte à l'amour passionné, et offre d'admirables
tableaux poétiques, où l'histoire et la légende, artistement évoquées,
encadrent les fureurs et les crimes de l'amour; sans changer la forme tragique
que Corneille avait constituée, gardant l'action rapide et l'analyse serrée,
il a trouvé dans la passion de l'amour le moyen de rendre à l'oeuvre
dramatique le caractère pathétique et touchant que la tragédie française
semblait perdre.Andromaque, Iphigénie et
Phèdre
rappellent les plus belles productions de l'Antiquité
grecque Dans la prose, le roman se resserre et se raffine avec Mme de La Fayette, dont l'analyse est pénétrante et originale. Puis il évolue, à travers des oeuvres médiocres, mémoires apocryphes et prétendues histoires, vers une peinture plus particulière des moeurs et des milieux, remplaçant peu à peu l'analyse par la sensibilité. Sous le roman héroïque ou noble vit toujours le roman réaliste et satirique avec Furetière, et, tout à la fin du règne, avec Le Sage, qui donne ses premières esquisses de moeurs. Deux genres neufs se développent, appropriés
au goût du siècle pour l'observation morale : les maximes et les portraits.
La
Rochefoucauld, dans ses Maximes, recherche l'amour-propre de
l'homme dans toutes ses actions. Les Pensées L'éloquence religieuse manifeste la puissance
de l'esprit chrétien avec Bossuet, plus poète et plus philosophe, Bourdaloue,
plus exclusivement moraliste et analyste, Fénelon,
avec son
Télémaque Cependant, la vie intense du catholicisme
et le talent de quelques ecclésiastiques ont conquis pour un temps Ã
la littérature les provinces de la théologie
et de la controverse. Bossuet fait lire au monde
les sévères discussions de son Histoire des variations et de ses Avertissements
aux protestants Si les historiens, les Dupleix, les Mézeray, les Daniel, ne donnent rien que de médiocre, les hommes d'action, les femmes même laissent des mémoires intéressants. La Rochefoucauld, Mlle de Montpensier, Mme de Motteville, Louis XIV même, Mme de La Fayette, Fléchier, Mme de Caylus, sont à lire : le cardinal de Retz les domine tous par la vie de ses récits et la profondeur de ses portraits. Saint-Simon regarde et n'écrit pas encore. Le talent de la conversation, développé par la vie de société, produit une littérature épistolaire riche et exquise. Parmi les lettres de Racine, de Fénelon, de Bussy-Rabutin, de Saint-Evremond, se distinguent celles de deux femmes, la raisonnable Mme de Maintenon, et surtout la vive, intelligente et ardente Mme de Sévigné, dont la correspondance a pris place parmi les chefs-d'oeuvre du siècle. Enfin, il faut faire une place dans la littérature de ce temps aux Contes que publia Charles Perrault en 1697. Ce Perrault est le dernier de quatre frères dont le second, Claude, est le célèbre architecte de la colonnade du Louvre. C'est lui qui souleva, à l'Académie française, le fameux débat sur les Anciens et les Modernes. Il publia d'abord des vers dans différents recueils à la mode, et donna ainsi les Souhaits ridicules et Peau d'âne. Puis il laissa la poésie pour la prose, et fit paraître séparément, puis réunit en 1697 les Contes, sous le nom de son fils, Agé de dix ans. Qui ne connait le Petit chaperon rouge, la Belle au bois dormant, etc.? - Ces contes n'ont pas été inventés par Perrault. Ils couraient de bouche en bouche, et font partie du folklore européen. Mais c'est une singulière fortune pour Perrault que de les avoir pour ainsi dire fixés dans une forme définitive, et d'y avoir pour toujours attaché son nom. La transition
vers le XVIIIe siècle.
Le XVIIIe siècleAvant la Révolution.La poésie, le théâtre. Si la littérature française passe pour être plus amoureuse d'esprit que de poésie, plus jalouse de l'art de bien dire que de celui de faire des vers, c'est le XVIIIe siècle qui lui a fait cette réputation. Ce siècle a été partout le règne de la prose, mais surtout en France. La veine de la poésie y a été tarie plus tôt qu'ailleurs : les sources nouvelles y ont jailli plus tard aussi. Tout ce qu'il y a d'imagination au XVIIIe siècle est à peu près contenu dans les limites du théâtre, qui n'était pas encore le domaine banal d'une foule désoeuvrée sans aucun lien d'idées, de goût et de culture intellectuelle. Pour rendre justice à Voltaire, poète
dramatique, et au public qui le favorisait, qui l'applaudissait, qui finit
même par s'atteler au char de ce triomphateur, il ne faut pas seulement
le comparer à Corneille et à Racine, et mesurer ce qui lui manque pour
atteindre à la taille de ces grands artistes du théâtre et des vers.
En procédant ainsi, on arrive trop sûrement à condamner et le poète
et son public. Voltaire eut le tort de se dresser au théâtre une tribune;
il en fit beaucoup moins un art qu'une puissance. De là les maximes, les
beaux vers ambitieux, la philosophie Voltaire a laissé à Corneille la fécondité
des plans, qu'il appelait complication; il n'a pas voulu ou il n'a pas
pu emprunter à Racine ses développements sur les passions humaines; il
ne lui restait plus qu'à simplifier, à précipiter l'action. Des situations
peu développées, un drame abrégé, des couleurs
locales mieux observées, voilà le caractère de son
théâtre;
une scène mobile comme son imagination, un pathétique pressé d'arriver
au but comme l'auteur, voilà son originalité. Voltaire, qui avait aussi
l'a cour de son art, essaya de toutes les nouveautés auxquelles le théâtre
de son temps pouvait se prêter. Il estima, non sans raison, que la simplicité
antique était elle-même nouvelle, et il s'en approcha dans une certaine
mesure quand il donna Oedipe, et surtout Oreste. Brutus
montra aux contemporains de Louis XV les moeurs
d'un peuple républicain que Voltaire avait vues sur le théâtre d'Addison.
La conception terrible du parricide sur la scène, essayée souvent par
Voltaire, avec le spectacle d'une apparition qui était également un souvenir
du théâtre anglais, donna naissance à Sémiramis. Une conception
analogue, plus forte encore, mais gâtée par un caractère faussement
philosophique, tel est le fond de Mahomet. Une imitation timide
de l'Orient dans l'Orphelin de la Chine, et quelques souvenirs heureux
de la chevalerie dans Tancrède, ont fait naître sous la plume
facile de Voltaire deux tragédies dont
la littérature française garde le souvenir. Mais ses chefs-d'oeuvre sont
ceux où il s'est moins souvenu de son rôle et davantage de son art, Zaïre Les effets de terreur poussés aussi loin
que possible par Crébillon dans
Atrée,
et les complications puissantes de Rhadamiste On peut dire que le miroir dont parle Molière,
et dans lequel il reproduisait l'image de la société, était brisé et
que les poètes comiques du XVIIIe siècle
en recueillirent les morceaux pour y surprendre quelques images isolées
du monde changeant qui passait devant eux. Destouches
le plus sage et aussi le plus froid, y saisit un jour le Glorieux;
Lesage, qui avait plus de verve, dessina la figure vivante de Turcaret Les deux poètes comiques les plus originaux
de cette époque sont Marivaux, qui commence
avec le siècle, et Beaumarchais,
auteur du Barbier de Séville La poésie
pure a peu de souvenirs à conserver. Mettons à part Voltaire et Jean-Baptiste
Rousseau : ce dernier, brillant versificateur, a des strophes et quelquefois
des pages où l'on croit sentir le souffle du génie, mais il n'a pas une
ode entière. Voltaire, même avec sa Henriade La
prose.
Avant Voltaire, et comme pour l'annoncer, Fontenelle essaya de tout, même de la poésie : ses Idylles, esquisses agréables et galantes, sont si peu des oeuvres poétiques, qu'on peut n'en pas parler sans faire de lacune dans l'histoire des vers. Mais il y attrait un vide dans presque toutes les branches de la littérature, si Fontenelle n'y avait pas sa place. Histoire, religion, philosophie : il a touché à tout avec des hardiesses discrètes, particulièrement dans la Pluralité des mondes et dans l'Histoire des oracle, Ses Éloges des Académiciens lui donnent un rang considérable parmi ceux qui, à partir de ce temps, et sur ses traces, ont entrepris de vulgariser dans le monde les connaissances scientifiques. Mais l'esprit de Fontenelle est une première épreuve imparfaite de celui de Voltaire : il y manque surtout le grand bon sens et la simplicité. La carrière de Voltaire se divise en deux parties comme le siècle même, et il en a réfléchi à peu près les tendances dans l'une et l'autre. Ses ouvrages les plus originaux et les plus parfaits appartiennent à la première. Ce sont les Lettres sur les Anglais qui apportèrent à la France le nom de Shakespeare, celui de Newton, et une première idée du gouvernement représentatif; l'Histoire de Charles XII, un autre fruit de l'exil, mais exempt de toute amertume, modèle de narration élégante et rapide; le Siècle de Louis XIV, conception neuve, qui embrasse dans l'histoire d'un siècle la peinture des moeurs et le mouvement des esprits aussi bien que le récit attachant des événements politiques, chef-d'oeuvre de l'écrivain dans cette prose claire et vive qui fait de lui notre dernier maître classique. Le meilleur ouvrage de la seconde période est l'Essai sur les moeurs, qui devait précéder le Siècle de Louis XIV, introduction téméraire à un ouvrage qui est un monument de raison. De belles pages et la pensée légitime
du progrès s'accompagnent de la thèse qui attribue au christianisme
tous les maux de l'humanité racontés avec complaisance. Aucun des livres
d'histoire ou de polémique antichrétienne de cette seconde époque n'aurait
survécu, s'il n'avait été protégé par une gloire plus justement acquise.
La raison de Voltaire pouvait faiblir ou être
aveuglée par la passion et par les incidents du combat; ce qui ne vieillit
jamais chez lui, c'était l'esprit. Les contes en prose de Candide Dans la meilleure partie du XVIIIesiècle,
Montesquieu
occupe la seconde place. Ses
Lettres Persanes La troisième placé appartient sans contestation à Buffon, qui est par sa naissance, comme par son esprit et son style, de l'époque sereine encore de ce siècle. Dès 1749, il n'avait plus rien à attendre de la gloire et de l'admiration de ses contemporains, et les premiers volumes de son Histoire naturelle avaient produit la plus vive sensation en France et en Europe. Le reste de sa vie, consacré à son grand ouvrage, offre jusqu'à la fin et jusqu'à ses Epoques de la Nature, le merveilleux spectacle d'un esprit calme, maître de lui-même, confiant dans la science et dans l'avenir, au milieu d'une époque de troubles et de combats. La belle époque littéraire et philosophique de Voltaire, de Montesquieu et de Buffon eut aussi son moraliste dans Vauvenargues, qu'il ne faut pas trop accuser d'avoir été indulgent pour les passions humaines, qu'il faut plutôt louer d'avoir noblement cherché à les concilier avec la loi morale, à les tourner au profit des généreux penchants. J.-J. Rousseau
est le plus grand écrivain de la seconde moitié de ce siècle. Mais quel
est l'ouvrage de Rousseau qui puisse être appelé un monument? Est-ce
le Discours sur les lettres, ou le Discours sur l'inégalité
des conditions, deux paradoxes académiques où sont contenus en germe
tous les sophismes qu'il développa plus tard? Est-ce la Nouvelle
Héloïse Si Rousseau
n'a écrit que des chapitres, Diderot n'a écrit
que des pages. C'est le caractère du temps. L'intérêt du moment, la
passion présente, la nécessité du combat faisaient prendre la plume.
Tour à tour déiste,
athée,
partisan de la Providence, mais toujours fougueux
dans ses idées, et se dispersant, se prodiguant lui-même d'abord pour
subvenir à ses besoins, puis pour entretenir son succès, curieux de toutes
choses, de la philosophie, du théâtre,
des arts, des métiers, Diderot est le patriarche
des journalistes avant les journaux; un vif intérêt le suit partout où
il se porte; mais il ne peut fixer ni lui même, ni ses recteurs; il est
tout plein de brillantes théories, et c'est dans la pratique qu'il échoue.
Les Salons les Lettres à Mlle Voland ne sont ses meilleurs
ouvrages que parce qu'ils devaient être des ébauches. Son collaborateur
dans l'Encyclopédie La Révolution.
Durant tout le XVIIIe siècle, la littérature forme un grand courant qui aboutit aux innovations politiques. Arrivée au seuil des assemblées et au pied de la tribune, elle y abdique pour ainsi dire; elle s'absorbe et se perd dans le grand mouvement qui entraînait l'État, pour reparaître indépendante du torrent, maîtresse d'elle-même et transformée, aux premières années du XIXesiècle. Cependant, à l'exception des trois ou quatre années les plus orageuses, cet intervalle de dix ou quinze ans ne fut pas entièrement vide. Les lettres, reculant un instant devant l'apparition de la barbarie, invoquèrent le droit d'asile, soit dans quelque sanctuaire privilégié, comme ce cercle d'amis appelé la Société d'Auteuil, soit dans la solitude, sous la mansarde studieuse de Bernardin de Saint-Pierre, soit même au théâtre, sous les auspices de la gaité, qui est la denière à perdre ses droits dans le naufrage des libertés. Ce reste de littérature est comme un dernier regain du siècle qui finit; mais il fallait Iui faire sa place à part, à cause du temps où il se produisit et du contraste qu'il présente, soit avec le siècle qu'il vient achever, soit avec les terribles jours dont il eut le spectacle. Douceur, modération, probité de l'âge d'or, pureté de moeurs, tendresse de sentiments, voilà ce qui respire dans les oeuvres de Delille, de Ducis, d'Andrieux, de Collin d'Harleville. Après avoir adouci pour notre scène élégante quelques-unes des sauvages fiertés de Shakespeare avec Ducis, après avoir égayé le théâtre, spirituellement avec Andrieux, plus franchement avec Louis Picard, non sans une pointe de sensibilité avec celui de Collin, la poésie française suivit ces modestes et honnêtes talents dans la retraite où ils attendirent de meilleurs temps. Delille, le prince de la versification, habile à mettre en vers les délassements de la société et les loisirs du coin du feu, comme dans le poème de l'Imagination, et même à faire verser quelques larmes pas trop amères et surtout vite séchées sur les malheurs d'une époque lamentable, comme dans la Pitié, voilà le modèle de cette poésie agréable, surtout descriptive, où il y a plus d'esprit et d'industrie que de vraie beauté. Deux prosateurs sont les témoins de cette
époque révolutionnaire. Le premier, héritier ingénieux de ce que le
XVIIIe siècle avait conservé de bonnes
traditions, et surtout du goût épuré de Voltaire,
enseigna avec finesse, quelquefois avec émotion, non seulement l'histoire,
mais le métier des lettres : c'est La
Harpe, dont le Cours de littérature
fut classique. Bernardin
de Saint-Pierre, disciple de Rousseau,
eut le secret de son coloris, sinon de son éloquence, et conserva le respect
du style, les traditions de l'art, au milieu de la tourmente. II en fut
récompensé par la gloire d'avoir écrit Paul et Virginie Les lettres, durant les années les plus ardentes de la Révolution, gardèrent le silence ou furent un instruments politique une arme au milieu de la mêlée des assemblées et des journaux. Par un contraste inévitable, ce qu'on appelle la littérature de l'Empire n'a été que l'essai d'un art, d'un passe-temps intellectuel, sans action et sans puissance dans la société. Cette absence de liberté et de pouvoir social ne fut pas même compensée par un peu d'innovation et de liberté littéraire. A la crainte d'exercer de l'influence sur le monde, on ajoutait celle de briser les formes et les traditions faussement classiques du siècle précédent. Ce n'est pas que cette époque demeurât stérile pour la littérature; mais le vrai mouvement littéraire était pour ainsi dire en dehors de l'Empire. Il vivait à l'écart, ou à l'étranger, ou en exil, avec Joseph de Maistre, Chateaubriand, et Mme de Staël. Par des torts réciproques, cette séparation entre les lettres et le pouvoir fut presque complète : elle était sans doute nécessaire même à la littérature, pour l'habituer à ne s'adresser qu'à l'intelligence, à redevenir un art, tout en gardant une puissance légitime. La renaissance de l'art, tel est le caractère éminent du XIXe siècle. De grands talents ont été victimes de la lutte entre la puissance publique et les lettres; mais la littérature y a gagné, et elle a consolé par la gloire ceux qui en ont souffert. Parmi les autres
écrivains du XVIIIe siècle, il faut encore
citer : Mlle Delaunay, et Saint-Simon
dont les Mémoires obtinrent une célébrité méritée; Barthélemy,
qui écrivit le Voyage du jeune Anacharsis en Grèce Le XIXe siècleIl est commode de diviser l'histoire de la littérature française au XIXe siècle en trois périodes aux limites indécises.La première, qui occupe une grande partie de la première moitié du siècle, est la période romantique, dont on peut trouver les racines chez Rousseau. Les initiateurs du romantisme, Chateaubriand (Atala, René) et Mme de Staël furent aussi les précurseurs de la renaissance qui suivit la stagnation momentanée produite par la période révolutionnaire; ce réveil littéraire fut dû aussi à l'infuence des chefs-d'oeuvre des littératures anglaise et allemande. Chateaubriand qui défendit le christianisme et leMoyen âge, intronisa le "moi" dans la littérature, renouvela l'imagination française. Quant à Mme de Staël, qui initia ses contemporains à des beautés jusque-là méconnues, elle fit prévaloir l'inspiration sur la discipline, exalta la vie sentimentale. La seconde période a été qualifiée de réaliste puis de naturaliste. Leromantisme ayant été dévoré par ses ardeurs, une réaction se fit dans le tempérament moral du siècle, qui répudia le lyrisme, la fantaisie, et voulut réduire l'art à ne plus être qu'une anatomie du réel. Cela dura une trentaine d'années. Puis, dans le dernier quart du XIXe, siècle, de nouvelles tendances se sont fait jour, d'où procédèrent tout d'abord une renaissance du roman psychologique et surtout de nouvelles conceptions de la poésie. Cette troisième, que l'on pourrait prolonger jusqu'au seuil de la Première Guerre mondiale, est en fait difficile de la définir par un mot unique, et, si ce qu'on appelle le symbolisme en caractérise certaines tendances, elle a pour trait essentiel la libre diversité de l'art. Le théâtre.
Un mouvement de réaction se produisit pourtant lorsque Rachel commença à interpréter les tragédies de Corneille et de Racine; mais la Lucrèce de Poissard et la Virginie de Latour Saint-Ybars n'obtinrent qu'un succès éphémère. Casimir Delavigne tenta de concilier les systèmes romantique et classique dans Marino Faliero, dans les Enfants d'Edouard et dans Louis XI. Pendant ce temps, Eugène Scribe augmentait chaque jour l'énorme recueil de ses comédies ou, pour mieux dire, de ses vaudevilles. Quand, il s'avéra que le drame romantique avait bien fait son temps. De nouveaux venus se sont attachés à bien saisir la réalité contemporaine et à la rendre avec une forte exactitude. Alexandre Dumas, qui poursuit son oeuvre, crée un théâtre où l'étude fournit tous les matériaux, où la logique les met en oeuvre, où personnages et événements sont asservis à la démonstration d'une thèse. Émile Augier n'a pas la vigueur, l'éclat, la rectitude un peu tendue de Dumas, mais ses pièces ont un jeu plus libre, une carrure plus large, et il y met sans doute plus d'humanité. Becque, pour sa part, se rapproche le plus possible de la nature et répudie ce qu'il restait encore de conventionnel chez Dumas et Augier. Puis, après les violences systématiques du Théâtre-Libre, voici une nouvelle génération d'auteurs dramatiques qui donnent au naturalisme une germe plus souple ett introduisent dans la comédie autant d'analyse morale qu'elle peut en admettre. Le roman.
Après que la vague romantique fut passée, le roman accuse toujours davantage ce caractère positif et analytique que lui avaient déjà imprimé les ancêtres du réalisme. Il devient un instrument d'enquête. Gustave Flaubert, chez lequel il y a beaucoup d'un romantique, est naturaliste par son impersonnalité (Madame Bovary). Bien inférieur à Balzac pour la richesse et la puissance, il le surpasse commee artiste, et sa perfection d'écrivain lui fait une place à part. Edmond et Jules
de Goncourt unissent au goût de l'exactitude
scientifique une sensibilité nerveuse qui se marque par leurs raffinements
et leurs contorsions, mais dont ils tiennent leur singulière aptitude
à rendra la vie elle-même dans son actualité flagrante.
Emile
Zola (Thérèse Raquin A la fin du siècle, le roman continue d'être le plus riche des genres littéraires; tour à tour psychologique ou physiologique, individuel ou social, oeuvre d'imagination ou d'analyse, étude de moeurs ou de caractères. les romanciers l'accommodent à toutes les formes. chacun d'eux suivant son tempérament propre et sans qu'aucune de ces formes évince Ies autres. Outre ces maîtres dans l'art du roman
que l'on vient de nommer, nous devons
mentionner leurs contemporains : Benjamin
Constant, Etienne de Sénancourt,
Eugène
Sue (Les Mystères de Paris La poésie.
Quoi qu'il en soit, c'est dans la poésie lyrique que se signala d'abord la génération des romantiques : Lamartine, qui ne sait que son âme, ou plutôt qui, sans ni même la savoir, l'exhale en effusions soudaines et presque involontaires, le plus naturellement, le plus spontanément poète entre ses contemporains; Victor Hugo, le chef d'école, le rénovateur de la langue et de la versification, génie puissant, fécond, divers, brillant peintre du monde extérieur, profond interprète de l'âme et de la conscience, incomparable par sa richesse d'invention verbale; Vigny, grave et méditatif, qui exprime sa personnalité, sans se mettre en scène, par des svmiboles épiques ou dramatiques; Musset, qui chante la passion toute chaude encore, la crie, au moment même, dans sa douloureuse ferveur; Sainte-Beuve, enfin, qui applique d'abord à la poésie la curiosité d'un moraliste et crée l'élégie psychologique. Se dégageant du subjectivisme romantique (Gérard de Nerval), Leconte de Lisle affecte l'impassibilité, réprime, dans ses amples tableaux du genre humain à travers les âges, toute émotion personnelle qui altérerait ou violerait la majesté de l'art. Après lui, l'école du Parnasse, auquel ont le ratache (ainsi que Théodore de Banville, José-Maria de Hérédia, etc.) se signale par un respect superstitieux de la forme. Ancien romantique devenu Parnassien, Théophile Gautier proposa pour unique objet de la poésie la représentation du monde visible. Sully Prud'homme, pour sa part, exprime son âme en psychologue qui met la poésie au service de l'analyse; François Coppée décrit avec un soin minutieux les réalités familières. Quant à Baudelaire, ce qu'il y a de plus caractéristique chez lui, c'est-à -dire sa mysticité sensuelle, en fera, vingt ans après sa mort; un initiateur du symbolisme - conception de la poésie opposée à celle du Parmasse. Tandis que les Parnassiens rendaient avec une exacte précision des formes sensibles, les jeunes poètes inventèrent une forme d'art plus musicale que pittoresque, et prétendirent, non pas exprimer ce qui se délinit, mais évoquer et suggérer ce qui est indéfinissable. Le naturalisme avait fait banqueroute. Rimbaud, Verlaine et Mallarmé, en attendant Apollinaire avaient désormais emboîté le pas à Baudelaire et annonçait un âge nouveau pour la poésie. En marge de la
littérature.
Ainsi, l'histoire,
qu'a vivifiée Chateaubriand, prend un
éclat jusqu'alors inconnu. Elle est, romantique avec Augustin
Thierry, qui la colore de son imagination et l'anime de sa svmpathie;
son Histoire de la conquête de l'Angleterre par les Normands est
un modèle de narration
dramatique. Romantique encore, avec Michelet,
qui fait vivre l'histoire sous nos yeux;
qui la vit lui-même, et pour lequel, à vrai dire, elle est une sorte
de confession lyrique. Guizot, méthodique et
hautain, veut en assujettir les accidents à l'austère fixité de lois
générales; son Histoire générale de la civilisation en Europe
et ses autres ouvrages sont des monuments d'histoire philosophique. Thiers
y applique son lucide esprit de praticien. Renan
par sa Vie de Jésus et Taine par son Histoire
de la littérature anglaise ainsi que par ses ouvrages sur les arts,
sont ceux qui ont le plus attiré l'attention. Mais on doit aussi nommer
Sismondi
et Henri Martin, qui, comme Michelet, ont écrit les histoires générales
de France En archéologie, le XIXe
siècle brille par les travaux de Letronne,
de Raoul-Rochette, de Beulé, de Belloguet, de
de Rivière, de Lartet et de Quatrefages. Champollion,
en trouvant la manière de déchiffrer les hiéroglyphes,
jeta une vive lumière sur l'antique Egypte En philosophie Les diverses branches des sciences naturelles
ont servi de sujet à des écrivains de talent, tels que Lamarck,
Jussieu,
Cuvier,
Lacépède,
Candolle,
Latreille,
Etienne
et Isidore Geoffroy Saint-Hilaire,
Duméril
et Alcide d'Orbigny. Elie
de Beaumont, Beudant et Dufrénoy se sont
occupés de minéralogie; Lavoisier a traité
la chimie; Thénard, Gay-Lussac,
Berthollet,
Despretz,
Pasteur,
Berthelot,
Chevreul et Dumas se sont adonnés
à la physique et à la chimie. La littérature médicale a été enrichie
par les ouvrages de Bichat, de Broussais,
de Corvisart, de Magendie,
de Trousseau, de Claude
Bernard, de Broca et de beaucoup d'autres. Les sciences
mathématiques L'économie politiqueet
la philosophie La critique, enfin, de dogmatique et rationnelle qu'elle avait été jusque-là , devient explicative, comparative, se renouvelle par le sens historique, par la psychologie. par la physiologie même. Après Villemain, elle a pour principal représentant Sainte-Beuve, plus exact et plus curieux, qui en fait je ne sais quelle "herborisation", une sorte d'histoire naturelle, où la sagacité du savant s'allie à la délicatesse de l'artiste. A partir de la seconde moitié du XIXe siècle, la critique domine tout le développement de la littérature française. Elle est représentée par Taine et par Renan. Où Renan met ses scrupules de casuiste, ses ironies de dilettante; Taine porte la candeur brutale d'un géomètre. A la fin du siècle, il y a eu comme une restauration du dogmatisme classique, qui se renouvelle et peut-être se dément lui-même en appliquant la méthode évolutive, mais ce qui domine, c'est l'impressionnisme, et l'impressionnisme repousse toute doctrine et tout système. Terminons en citant les noms de Charles Blanc, Théophile Gautier, Edmond About, Paul de Saint-Victor, Léon Delaborde, Vitet et Delécluze, qui se sont particulièrement occupés de critique de beaux-arts; et Delécluze, Fétis, Hector Berlioz, Fiorentino et Scudo, de matières musicales. (NLI). Le XXe siècleLa littérature française du XXe siècle se caractérise par une richesse et une diversité exceptionnelles, reflétant les bouleversements sociaux, politiques et culturels de son époque. Des avant-gardes littéraires aux mouvements philosophiques, en passant par l'engagement politique et la recherche de nouvelles formes narratives, elle continue d'exercer une influence majeure sur la littérature mondiale.L'irruption de
la modernité.
Le
surréalisme.
L'absurdité de
l'existence.
Le
théâtre de l'absurde.
Le Nouveau roman
et la littérature expérimentale
L'Oulipo.
La littérature
engagée et la diversité.
La
littérature féministe.
La fin du XXe
siècle et la littérature contemporaine.
Des auteurs comme J. M. G. Le Clézio et Patrick Modiano, Annie Ernaux, prix Nobel de littérature en 2008, 2014 et 2022, respectivement, contribuent à la reconnaissance internationale de la littérature française contemporaine. Le Clézio, ouvert aux horizons lointains, Modiano, avec ses récits sur la mémoire et l'oubli, Ernaux dont l'oeuvre essentiellement autobiographique est le prétexte d'une radiographie de la société, illustrent la profondeur et la complexité des thèmes abordés par les écrivains français. La fin du XXe
siècle et la littérature contemporaine.
Des auteurs comme
J.
M. G. Le Clézio et Patrick Modiano, Annie
Ernaux, prix Nobel de littérature en 2008, 2014 et 2022, respectivement,
contribuent à la reconnaissance internationale de la littérature française
contemporaine. Le Clézio, ouvert aux horizons lointains, Modiano, avec
ses récits sur la mémoire et l'oubli, Ernaux dont l'oeuvre essentiellement
autobiographique est le prétexte d'une radiographie de la société, illustrent
la profondeur et la complexité des thèmes abordés par les écrivains
français.
Le
postmodernisme.
Le
minimalisme.
L'autofiction.
Le
réalisme social et urbain.
Le
néo-romantisme.
La
littérature numérique et hypertexte.
La littérature francophoneOn nomme littérature francophone l'ensemble des oeuvres littéraires écrites en langue française (intégrant éventuellement des éléments créoles) par des auteurs originaires de pays ou de régions où le français est parlé, en dehors de la France métropolitaine. Cette littérature très diverse reflète les réalités et les sensibilités des communautés francophones à travers le monde. Elle s'est forgée en grande partie dans un contexte colonial ou post-colonial, et aborde souvent les thèmes de l'identité, de la diaspora et la quête de soi, de la mémoire, de la décolonisation, et de la confrontation entre les cultures locales et la culture française.Littérature francophone
d'Afrique.
La
négritude.
Post-indépendance.
Littérature
francophone du Maghreb.
Au Maroc et en Tunisie, des écrivains comme Driss Chraïbi (Le Passé simple) et Albert Memmi s'intéressent aux questions d'identité, de modernité et de colonisation. Littérature des
Caraïbes francophones.
Les
Antilles françaises.
Littérature francophone
d'Asie (Vietnam).
Littérature francophone
en Europe
Suisse.
Littérature francophone
du Canada (Québec).
Littérature
autochtone.
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