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La langue phénicienne
Le phénicien était une langue afrasienne, appartenant au rameau cananéen des langues sémitiques. Peu de textes de cette langue nous sont parvenus; ce sont des inscriptions  et des médailles. Les opinions relatives à la nature et à l'origine du phénicien sont très variées : Saint Jérôme, dans son Commentaire sur Isaïe, disait que la langue de Canaan, qu'il assimilait à l'hébreu, tenait le milieu entre l'hébreu et l'égyptien; Bochart donnait comme appartenant aux Phéniciens tous les mots hébreux qu'il citait dans sa Géographie sacrée; Adelung pensait que la langue des Cananéens des bords de la Méditerranée, c. -à-d. celle des Phéniciens, se partageait en deux dialectes, celui de Palestine et celui de Syrie; selon Heeren, les Phéniciens et les Arabes parlaient des dialectes dérivés d'un même idiome, et pouvaient se comprendre mutuellement. 

Aujourd'hui il est admis que le phénicien était très proche de l'hébreu; que les deux idiomes, selon toute vraisemblance, n'en avaient formé qu'un seul à l'origine, mais qu'ils s'écartèrent ensuite l'un de l'autre, par l'effet des circonstances diverses dans lesquelles les Phéniciens et les Juifs furent placés; que les trois quarts des mots phéniciens des inscriptions se retrouvent dans l'hébreu; que, si l'on voit dans ces inscriptions une partie seulement des pronoms et des conjugaisons des Hébreux, l'unique cause en est peut-être dans l'insuffisance des textes phéniciens arrivés jusqu'à nous; que les relations commerciales ont introduit dans le phénicien certains mots syriaques, arabes, coptes, etc., qui ne se trouvent pas dans la Bible, ou qui n'y ont pas le même sens; qu'on y rencontre enfin, non seulement des mots dérivés, mais encore des racines, qui n'existent plus ou n'ont jamais existé dans l'hébreu, à moins que les livres religieux, par lesquels s'est transmise cette dernière langue, ne contiennent pas tous les vocables du peuple qui la parlait. 

Quoi qu'il en soit, les navigateurs phéniciens portèrent leur langue dans les divers pays qu'ils visitèrent et colonisèrent : en Afrique elle devint la langue carthaginoise, et l'on en a retrouvé aussi les traces à Malte, bien que la langue maltaise soit d'abord à rapprocher de l'arabe, et même en Espagne.

Les dialectes.
Le nombre de textes phéniciens connus se monte à plusieurs milliers. On y distingue trois dialectes principaux :

Le giblite ou dialecte du pays de Byblos, qui est le dialecte phénicien qui se rapproche le plus de l'hébreu;

Le sidonien, le dialecte le plus important et le plus répandu, que l'on peut considérer comme le type classique de la langue;

Le punique ou carthaginois, dont le foyer fut Carthage et qui florit dans les grands établissements phéniciens de la côte septentrionale d'Afrique, dont cette cité fut la capitale historique. Il ne reste d'autres textes de cette langue que quelques inscriptions peu déchiffrables, trouvées à Malte, en Sicile et sur l'emplacement même de Carthage, des mots ou des noms propres cités par les auteurs anciens, mais dont l'orthographe est vraisemblablement défigurée, des médailles de Carthage, enfin un monologue de dix vers et plusieurs phrases détachées dans le Paenulus de Plaute. II n'est pas certain, d'ailleurs, que l'alphabet romain ait pu transcrire exactement les mots puniques, ni que les fautes que Plaute aurait pu commettre n'aient pas été augmentées par les copistes. Des explications peu satisfaisantes des citations faites dans le poète latin ont été données par Bochart, puis par Bellermann, orientaliste allemand. Des mots qu'on a déchiffrés avec certitude, on peut seulement conclure l'affinité de la langue punique avec le phénicien dont elle est issue. Ceux dont on n'a pas trouvé le sens appartiennent peut-être à la langue libyenne, dont certaines expressions auraient pénétré dans la langue des Carthaginois. Le punique était encore parlé en Afrique au temps de Saint Jérôme et de Saint Augustin; il s'était étendu en Numidie et en Mauritanie. Mais après la ruine de Carthage, foyer intellectuel des cananéens occidentaux, la décomposition rapide de son idiome donna naissance à deux nouveaux dialectes :

Le néo-punique, dont les monuments appartiennent à la région nord-africaine et datent de la fin de la République romaine, ainsi que du Temps de l'Empire ; c'est un jargon profondément corrompu, qui est au phénicien classique comme le çabien aux autres dialectes araméens, car ses altérations phonétiques ont tout à fait le même caractère;

Le liby-phénicien de l'Espagne méridionale, dont nous ne savons que très peu de chose, car ce que nous en possédons se réduit à quelques légendes de monnaies frappées sous la République romaine.

L'écriture alphabétique.
Les traditions de l'Antiquité attribuaient  aux Phéniciens l'invention de l'écriture. On sait que c'est faux, mais au moins sont-ils effectivement les vrais inventeurs de l'écriture alphabétique. Les seize lettres que Cadmus avait portées, disait-on, de Phénicie en Grèce, sont identiques pour le nombre et analogues pour la forme avec celles de l'alphabet hébraïque connu sous le nom de samaritain. L'analyse des textes phéniciens fournit plusieurs alphabets; car chaque lettre offre, selon l'époque et l'emplacement des textes, des variantes assez notables. 

Livrés presque exclusivement au commerce, les Carthaginois paraissent avoir eu néanmoins une certaine littérature. Selon Pline, il y avait des bibliothèques à Carthage. Columelle parle d'un ouvrage écrit par Magon sur l'agriculture, et que D. Silanus traduisit en latin. Salluste mentionne des livres puniques qui avaient appartenu à Hiempsal, roi de Numidie. Un Périple du navigateur Hannon était suspendu dans le temple de Baal à Carthage; ce que nous avons en grec sous ce  nom est sans doute une traduction ou un extrait de l'ouvrage original. On sait qu'il y eut dans l'école grecque un philosophe carthaginois : il s'appelait Asdrubal chez lui, et Clitomaque à l'étranger.

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