.
-

L'escrime
Aperçu
Moyen âge et Renaissance
 Temps modernes

L'escrime, « c'est l'art de donner sans jamais recevoir ». Cette définition que Molière met dans la bouche de la Nicole s'applique à l'escrime de tous les temps. Les Romains tenaient en honneur l' « armatura » et s'exerçaient contre des pieux, comme nos escrimeurs modernes tirent au mur.

L'escrime du Moyen-âge n'avait presque rien de commun avec celle de nos jours; on se servait de larges et lourdes épées, en frappant de taille; on parait avec le bras gauche, armé du bouclier, ou avec la dague; les duels, d'autant plus fréquents qu'ils étaient fréquemment imposés par l'autorité judiciaire, comme « combats de Dieu », étaient presque toujours mortels, le vainqueur achevant au poignard le vaincu. L'escrime n'était alors que l'art de tuer. Nous savons que Paris possédait dans le seul quartier du Marais, « sept escrémisseurs » ( = maîtres d'escrime) en 1292. Le premier traité d'escrime qui eut de l'influence fut celui de l'italien Marozzo en 1536. Les Espagnols introduisirent l'usage d'une longue et fine lame et vers le milieu du XVIe siècle, à l'épée lourde, espadon, lansquenette, braquemart, succéda en France la rapière effilée. Règlementée par la Boëssière, illustrée par le chevalier de Saint-Georges, l'escrime française était dès lors créée; les maîtres d'armes la perfectionnèrent peu à peu, se transmettant en outre certaines « bottes secrètes », qui permettaient de mettre à mal son adversaire selon toutes les règles de l'art. 

Le fleuret révolutionna et rénova l'escrime et les duels devinrent moins meurtriers. On raconte qu'un jour le chevalier de Saint-Georges répondit à un maître d'arme insolent qui lui demandait :

« où il perchait ».
« - A l'arche Marcon; j'y serai demain matin à six heures. »
Le maître s'y étant rendu, Saint-Georges lui fit sauter l'arme des mains au premier coup; puis, faisant apporter par son serviteur une brassée de fleurets, il se procura le plaisir de les briser successivement sur le dos de son adversaire.

On se trouve aujourd'hui en présence de deux méthodes rivales : l'italienne et la française (la seule pratiquée en compétition). Les armes même diffèrent; le fleuret italien étant plus long et plus souple que le français et fixé par sa coquille à la main du fleurettiste; le fleuret français, dont la garde consiste, en deux anneaux, dessinant un 8, saute au contraire facilement des mains. 

« Le système moderne de l'escrime napolitaine est basé sur les anciens principes du jeu de la spada lunga (longue rapière), mais il proscrit tout mouvement inutile du corps, ainsi que les parades de la main gauche. En somme, il est plus simple que le système français et, quoique moins brillant pour le jeu du fleuret, il convient peut être mieux à l'épée. Mais les mouvements fréquents et excessifs du poignet, qui sont l'action dominante dans un jeu où le bras est constamment tendu, ne sont praticables qu'avec des épées montées à l'ancienne mode des rapières, pourvues de quillons, d'une garde en coupe, d'un pas d'âne, de manière à permettre au tireur de réformer un ou deux doigts et le pouce autour du talon de la lame. Les écoles allemandes et espagnoles n'ont pas complètement abandonné ces épées-là. » (Egerton Castle.)
Si nombreux qu'aient été les assauts, même à fleuret démoucheté, entre les maîtres des deux pays, il est impossible d'affirmer la supériorité de l'une ou l'autre méthode. Beaucoup plus mouvementée, comprenant des changements de main, des appels, des bonds, des cris, tout un jeu de scène émouvant, l'escrime italienne fait ressortir le jeu classique, correct, maître de lui, sobre de gestes de l'escrime française. L'italienne est plus agressive la française est plus habile à la parade et à la riposte. L'escrimeur français en garde plie à peine sur les jambes; l'italien s'asseoit sur les jarrets et parfois se rase à terre complètement, pour laisser passer l'arme de l'adversaire au-dessus de lui.

De nos jours, on utilise en compétition trois armes, le fleuret, qui est une arme d'estoc, c'est-à-dire avec laquelle on porte la touche avec la pointe, le sabre,  qui est une arme d'estoc, de taille et de contre-taille (coups portés aussi avec le tranchant et de dos de la lame), et l'épée, arme d'estoc, mais dont les règles permettent des  assauts plus riches que ceux utilisant le fleuret. L'escrime au fleuret, féconde en feintes, en roueries, en finesses, prépare cependant au combat à l'épée, même si nombre d'épéistes compétents affirment qu'il est préférable de ne s'exercer qu'à l'escrime à l'épée directement, en négligeant le fleuret. 

Science noble, l'escrime est  un sport qui exige de la souplesse, de la vitesse, un oeil exercé, une décision vive et du sang-froid. Dans les assauts, d'une durée de 12 minutes, le vainqueur est celui qui a boutonné le plus grand nombre de fois son rival; tout coup d'épée est bon; mais le fleurettiste ne doit frapper qu'entre la clavicule et les hanches. La validité des coups est signalée par un dispositif électronique : allumage d'une lampe verte ou rouge selon le cas.

Principes généraux de l'escrime.
Cet art ou cette science n'est avant tout qu'un code factice, qu'un « diagramme abstrait de l'escrime » et dont les applications absolues au jeu de l'épée sont loin d'être possibles, car dans un duel elles deviennent beaucoup plus chanceuses que dans un assaut courtois. En effet, dans un combat à l'épée, les coups et les parades à employer doivent encore être réduits en nombre, les mouvements doivent être plus sobres, les attaques moins fournies à fond. Mais la connaissance des temps y acquiert, par contre, une bien plus grande importance, de même celle de la mesure. Le tireur, ayant son épée à la main, se tient assis sur les jambes, la droite en avant, la pointe du pied un peu en dehors ; la jambe gauche soutenant un peu plus le poids du corps est également pliée, le pied gauche transversalement posé à plat, les deux talons d'équerre. Le torse est effacé; le bras droit demi-tendu, la main à hauteur de la pointe du sternum, la pointe de l'épée menaçant le visage de l'adversaire ; le bras gauche est levé, arrondi, de telle sorte que la main gauche soit à la hauteur de la tête. Ainsi placé, le tireur est en garde. Pour se mettre en garde, le tireur qui est rassemblé, c.-à-d. debout, les deux talons d'équerre se louchant, les deux mains abaissées, la pointe de l'épée à terre, fait un certain nombre de mouvements décomposés en sept temps, au bout desquels il se trouve en garde. La garde motive : la ligne, l'engagement, la position de la main. La ligne haute est celle suivant laquelle se produisent les attaques de l'adversaire passant au-dessus de la main du tireur; la ligne basse, celle suivant laquelle elles se produisent en dessous. La ligne de dehors regarde la partie droite du corps, de beaucoup la plus étroite, étant donnée la position du corps; la ligne de dedans regarde la partie gauche, la plus large.

Les attaques se produisant suivant ces quatre lignes, il suffit donc, en principe, de quatre parades à leur opposer. Mais chacune de ces quatre parades se double, suivant la position de la main quand on la prend, les ongles étant en dessus ou en dessous. Le même principe s'appliquant aux attaques, il y a donc huit manières d'attaquer et de parer qui, multipliées par les deux lignes, donnent seize manières différentes, Chaque attaque ayant sa parade correspondante, ces deux actions portent le même nom. Ces huit attaques et parades sont :

1 ° Prime. C'est le premier mouvement que fait l'escrimeur attaqué au moment où il tire l'épée du fourreau pour frapper ou se couvrir. L'épée est alors verticale, la pointe en bas; la main à hauteur du visage a ses ongles tournés en dessous. C'est là la garde de prime donnant lieu à une attaque, la pointe plongeante; à une parade, la pointe basse et permettant deux ripostes, une fournie droite, l'autre en coupant par-dessus le fer.

2° Seconde. C'est le second mouvement que l'on fait naturellement pour venir se couvrir si l'adversaire a trompé la parade de prime; on abaisse le poignet et le coude, la pointe de l'épée tournée à droite, en bas, les ongles en dessous.

3° Tierce. Troisième mouvement; si la parade de seconde est trompée, l'épée ennemie menace dans la ligne extérieure et haute ; on tient son épée la pointe plus haute, les ongles en dessous, l'avant-bras horizontal pouvant riposter ou attaquer dans la ligne basse.

4° Quarte. Quatrième mouvement à opposer à l'épée ennemie qui revient menacer la ligne haute intérieure ; le tireur tient son épée presque horizontale, la pointe un peu haute, les ondes en dessus, menaçant son adversaire dans la ligne intérieure.

5° Quinte. Cinquième mouvement pour se couvrir le flanc gauche ; l'épée abaissée est tenue les ongles de côté un peu en dessus, le pouce franchement en dessus; la parade a pour effet de rabattre l'épée ennemie vers la terre laissant les deux lignes hautes à découvert. 

 La parade de quinte est difficile et dangereuse à prendre; dans le duel, il n'en faut user qu'avec la précaution de rassembler la jambe droite en arrière pour ne pas recevoir le coup d'épée dans la cuisse, et cela fait perdre un temps. La parade de prime est de même peu employée pratiquement.

6° Sixte. Sixième mouvement couvrant le côté droit; le tireur tient son épée la pointe haute, menaçant la ligne extérieure de son adversaire, la main ayant les ongles en dessus.

7°Septime. Septième mouvement couvrant la ligne intérieure; le tireur pour cela abaisse la pointe de l'épée en dedans en lui faisant décrire un demi-cercle de droite à gauche, la main ayant les ongles en dehors, un peu en dessus; la parade de septime constitue un demi-cercle.

8° Otave. Huitième mouvement couvrant la ligne extérieure; l'épée est presque verticale, la pointe en bas, la main ayant les ongles en dedans et un peu en dessous.

Les deux lignes d'engagement les plus ordinaires sont en quarte et en sixte. L'engagement n'implique pas la condition nécessaire du contact de la lame avec fer adverse; c'est seulement la manière dont elle est placée par rapport à lui, dont elle est croisée avec lui. Croiser le fer, c'est ce qu'on appelle engager l'épée. 
« L'importance de l'engagement est énorme. Il couvre celui qui le prend bien et découvre l'adversaire. Pour bien prendre l'engagement, il faut passer au plus près du fer opposé et ne point faire un large mouvement, mais, au contraire, un mouvement très serré et très souple tout à la fois, et saisir rapidement, mais sans rudesse, l'épée opposée, sans hésitation, sans tâtonnement, d'une main qui ne vacille point, mais qui, lestement, colle l'épée à l'épée adverse. » (V. Mauroy).
L'attaque la plus simple est le coup droit; il est fourni dans la ligne d'engagement même, sans chasser le fer ennemi, par une botte poussée à fond, avec opportunité. Il demande à être fait avec vitesse et à-propos. La seconde attaque est le dégagement; il se fait en passant l'épée d'une ligne dans une autre sous celle de l'adversaire, dont elle trompe l'opposition ou parade simple. Quand le dégagement se fait par-dessus l'épée ennemie, il constitue un coupé. Le double dégagement ou doublé est un double dégagement fourni sur l'épée ennemie, qui cherche à rencontrer votre épée en dégageant elle-même. Cette parade constitue un contre. Il y a moins de contres que d'attaques et de parades, quatre au lieu de huit; les plus-usités sont ceux de quarte, de sixte et de tierce; le contre de prime ne se prend plus guère. L'action de menacer dans une ligne avant de passer dans une autre se nomme une feinte. Les feintes doivent se faire le bras allongé, par des mouvements du poignet; leur nombre n'est pas limité; les coups les plus usuels qu'elles dessinent sont :  une-deux, une-deux-trois, doublé, doublé dégagé, coupé dégagé.

Pour pousser une attaque à fond, on doit fournir le coup final comme les feintes, mais en se fendant, c.-à-d. en portant le corps en avant, par une rapide progression du pied droit, la jambe gauche étant tendue et le pied gauche restant en place. Quand on se fend, le bras gauche retombe naturellement, la main en bas, et quand on se relève, il se relève en même temps pour servir de contre-poids. Les feintes se font aussi en marchant pour gagner en distance sur l'adversaire; il faut marcher bien couvert, l'épée en ligne, chaque pas en avant répondant à un temps de feinte. Reculer s'appelle rompre et doit se faire par les mêmes principes. La marche se fait le pied droit avançant le premier, le pied gauche le suivant à un temps de distance; quand on rompt, c'est le contraire qui se produit.

Dans les attaques, il est souvent utile, quand on ne peut tromper l'épée ennemie, de forcer l'entrée, soit par un battement, soit par un coulé, soit par un froissement, soit par une pression, soit par un double engagement. Le battement est l'action de frapper l'épée ennemie dans sa partie faible avec le fort de la sienne, le bras raccourci; puis le bras s'allonge et le coup droit ou le dégagement se fait quand l'épée est ainsi maîtresse du passage. Le coulé est l'action de glisser doucement son épée le long du fer ennemi, sans perdre le contact; puis on fournit rapidement le coup droit ou le dégagement, etc. Le coulé ne peut être employé que contre un adversaire mal couvert dans la ligne d'engagement. 

Le froissement est « une poussée brusque et coulante que le tireur en garde donne de sa pointe contre la pointe de l'épée opposée, en prolongeant sa pression d'une manière glissante jusque près du talon de l'épée ainsi froissée [...]. C'est, en quelque sorte, une pression suivie d'un coulé. » 
La pression consiste à presser le faible de l'épée ennemie, en tenant le bras raccourci, pour l'écarter et pouvoir passer. 

Le double engagement consiste en deux engagements précipités dans les deux lignes, peur revenir à la première ligne d'engagement et tromper l'adversaire sur la vraie position de l'épée.

Les attaques sa déjouent de quatre manières : par la retraite, par les parades, par les coups d'arrêt, par les coups de temps, La retraite consiste à rompre sans parer et à éviter ainsi le coup. Mais cet expédient n'est bon que pour apprendre à marcher en arrière, c. -à-d. à rompre et à acquérir le juste sentiment de la mesure. La mesure est la distance à laquelle le coup d'épée peut atteindre le corps de l'adversaire; en dehors de la mesure, tout coup est inutile; en dedans, il est difficile à fournir faute de place.pour frapper avec l'épée, ce qui oblige à caver la main, c.-à-d. à la sortir de la ligne, pratique peu académique et dangereuse.

Les parades se divisent en oppositions, c.-à-d. celles qui se prennent directement en croisant le fer ennemi sans changer de ligne, et en contres, qui se prennent en dégageant. Les demi-cercles ont été définis plus haut. Les parades donnent lieu aux ripostes, coups simples ou composés, portés de pied ferme à l'adversaire, dont l'épée vient d'être écartée de la ligne par la parade. La riposte parée donne lieu à une contre-riposte de l'adversaire. La durée de ces actions s'appelle une passe ou une phrase. Nous avons déjà dit que les attaques réitérées par le tireur avant qu'il ne se relève et se remette en garde sont des remises ou remises de main. Le jeu académique ne les admet guère. 

Un coup d'arrêt est un coup d'épée donné de pied ferme par le tireur sur un adversaire qui l'attaque en se fendant découvert, soit qu'il cave la main ou pour quelque autre condition défectueuse de départ, telle que l'attaque le bras raccourci. Le coup d'arrêt est dons simplement l'action par laquelle on laisse tomber sur son épée tendue un adversaire qui est parti pour ne pas toucher et dont le coup passera. Cette action s'appelle tendre et ne doit pas donner lieu à un coup fourré (coup des deux veuves en langage de duellistes), car ce serait alors celui qui est  attaqué qui aurait manqué de coup d'oeil. Jusqu'au commencement du XIXe siècle, on employait beaucoup ce coup d'arrêt avec les voltes. 

Par contre, le coup de temps est un coup droit fourni sur un adversaire qui prépare mal son attaque, soit en faisant ses feintes trop larges ou trop lentes, soit en se disposant à partir découvert et le bras court. On le gagne alors en temps, en vitesse. On appelle lier l'épée exercer une pression enveloppante sur l'épée de l'adversaire tenue par lui, le bras long, horizontale et basse; on insinue la sienne en opposant le fort au faible de sa lame pour le toucher sous le coude ou en quarte basse, vieille pratique qui fournissait jadis le coup dit flanconnade. Au liement d'épée,. on oppose la parade en cédant, c.-à-d. sans réagir contre le liement, mais  en agissant mollement, pour ramener l'épée ennemie dans la même ligne, comme par une parade circulaire exécutée avec le fort de l'épée, la pointe demeurant stationnaire.

L'escrime comptant près de 12 000 coups, feintes et parades, il est superflu d'en vouloir donner ici un aperçu plus approfondi : d'ailleurs, plus qu'en aucun autre sport un bon maître est indispensable. (C. Meillac / Maurice Maindron).

.


[Histoire culturelle][Arts][Jeux et sports]
[Aide]

© Serge Jodra, 2008. - Reproduction interdite.