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L'Étolie

L'Étolie, Aetolia, est une contrée de l'ancienne Grèce. Elle était située au Nord du golfe de Corinthe, à l'Est de l'Acheloüs qui la séparait de l'Acarnanie, au Sud. de l'Epire et des cantons montagneux peuplés par les Athamanes, les Dolopes et les Dryopes, à l'Ouest des pays des Locriens Ozoles, des Doriens et des Maliens. Les limites ont varié selon les époques. L'Etolie classique mesurait environ 3000 km². On y distinguait deux parties : la Vieille Etolie et l'Etolie Epictète ou acquise. La première s'étendait le long de la côte, depuis l'Acheloüs jusqu'à l'Evenus, et, dans l'intérieur, jusqu'en face de la cité acarnanienne de Stratus et jusqu'à Thermum; c'était le noyau du pays, autour duquel des annexions avaient groupé les autres districts : ceux de la côte orientale de l'Evenus à la Locride, les montagnes du Nord. Il ne semble pas d'ailleurs que cette division, dont on ignore l'origine, fût le résultat d'une conquête proprement dite, mais plutôt d'une extension du nom de l'Etolie à des populations qui se fédérèrent avec les anciens Etoliens de Calydon et de Thermum. D'après Strabon, le promontoire Antirrhium marquait la frontière de l'Etolie et de la Locride; mais celle-ci comprenait à une époque plus ancienne plusieurs cités à l'Ouest de ce promontoire.

La Vieille Etolie, entre l'Acheloüs et l'Evenus, était une plaine fertile appelée Paracheloïtis; elle était bornée au Nord par une ligne de hauteurs qu'on appelait mont Aracynthus au Nord de celle-ci et des lacs Hyria et Trichonis se développait une seconde plaine aboutissant à l'Acheloüs en face de Stratus. Tout le reste du pays était montagneux, occupé par des montagnes boisées, coupées d'étroits ravins et de vallées isolées les unes des autres. Ces montagnes continuaient au Sud-Est le massif du Pinde; aucune route ne les traversait. Les principales étaient : au Nord, le Tymphreste sur les versants duquel campaient les Dryopes; au Nord-Est, le Bosni rattaché au mont OEta, d'où descendait l'Evenus; au Sud-Ouest de l'OEta, le Corax, la plus haute montagne de l'Etolie, au dire de Strabon, le long de laquelle un défilé menait aux Thermopyles. C'est par là que passa, en 191, le consul Acilius Glabrio, marchant sur Naupacte. Le Corax se prolongeait au Sud par le Taplicassus, dont les contreforts plongeaient sur le golfe de Corinthe, près de Macynia. Là jaillissaient des sources fétides, qui valaient peut-être leur sobriquet aux Locriens Ozoles et qu'on disait empoisonnées par les corps de Nessus et des autres Centaures; à l'Ouest du Taplicassus était le mont Chalcis ou Chalceia, dominant la ville du même nom, près de l'Evenus. Dans la Vieille Etolie, le mont Aracynthus s'allongeait au Sud-Est de l'Acheloüs à l'Evenus, au Sud des lacs Hyria et Trichonis; au Nord-Est de Thermum s'élevait le Panaetolium où les Etoliens tenaient leurs assemblées fédérales; entre Pleuron et le lac Trichonis, le mont Curium, peut-être l'ancien séjour des Curètes

Le fleuve étolien était l'Evenus; mais une grande partie des eaux du pays allaient à l'Achéloüs et à ses deux principaux affluents : le Campylus et le Cyathus. Celui-ci déversait les eaux des deux lacs étoliens. Ces lacs, situés au Nord du mont Aracynthus et communiquant l'un avec l'autre, s'appelaient Trichonis (lac d'Apokouro) et Hyria (lac de Zygos); le second est aussi désigné par les noms de Hydra, Conope et Lysimachie. On trouvait dans la plaine d'Etolie d'autres petits lacs ou lagunes : Cynia et Uria, près de la mer; de Calydon, etc. 

Les plaines étaient bien cultivées et on y récoltait du blé; sur les pentes des collines, du vin et des olives. On y élevait des chevaux, presque aussi renommés que ceux de Thessalie. En revanche, les districts montagneux étaient presque sauvages ; la population vivait de la chasse; on y trouvait des ours et même des lions, dit Hérodote.

Les principales localités citées par les historiens anciens sont : dans la Vieille Etolie, entre la mer et le mont Aracynthus, Calydon, Pleuron, Olenus, Pylène et Chalcis, les cinq cités connues d'Homère; puis Halicyrna, Elaeus, Paeanium ou Phana, Proschium, Ithona, Conope (ensuite Arsinoé) et Lysimachia; ces deux dernières sur le lac Hyria ; - au Nord du mont Aracynthus, Acrae, Metapa, Pamphia, Phyteum, Trichonium, Thestienses, Thermum; - dans l'Etolie Epictète, sur la côte, Macynia et Molycria; dans l'intérieur, le long de la Locride, Potidanie, Crocyleium, Teichium, AEgitium; dans le centre du pays, Gallium, OEchalia, Agrinium; sur l'Acheloüs, Aperantia chez les Agréens, Ephyra.

Histoire de l'Etolie 

Les légendes font état d'un peuple qui aurait d'abord vécu dans ces parages : celui des Curètes, et la plaine entre l'Acheloüs et l'Evenus se serait appelée Curetis. Auprès d'eux auraient des Lélèges et des Hyanthes; ces derniers peut-être venus de Béotie, comme les Curètes de l'Eubée. Si l'on suit ces traditions, vint ensuite un second ban, originaire soit du Péloponnèse occidental, soit d'Aetolus, fils d'Endymion,frère d'Epéus, roi d'Elide, et auraient été une branche des Epéens de la vallée du Pénée (Elide), envahirent la plaine de Calydon et subjuguèrent les Curètes. Ceci serait arrivé six générations avant la guerre de Troie ; vers le XIIIe siècle av. J.-C., Aetolus fonda, dit-on, la ville de Calydon, qui reçut le nom de son fils et devint la capitale des envahisseurs, tandis que les Curètes se concentraient autour de Pleuron, leur ancienne capitale, au pied du mont Curium. De longues guerres se poursuivirent entre les deux peuples; mais les Etoliens prévalurent et, au temps de la guerre de Troie, leurs princes régnaient à Fleuron aussi bien qu'à Calydon; l'Iliade le dit de Thoas. Peut-être la conquête eut-elle lieu au temps du fabuleux roi de Calydon, OEneus, qui fut en guerre avec Pleuron, tandis que, plus tard, son frère, Thestius, y régna. Tous ces récits sont, du reste, fort controversables. Il semble seulement que les Etoliens aient été un des principaux peuples de la Grèce archaïque et un des plus belliqueux. Un cycle de légendes les célèbre. Le principal héros est Méléagre, le grand épisode la chasse du sanglier de Calydon. A la guerre de Troie, la roi étolien Thoas conduisit 40 vaisseaux équipés par les cités de Pleuron, Calydon, Olenus, Pylône et Chalcis. Soixante années après la guerre de Troie, une partie des Eoliens chassés de Thessalie (en même temps que les Béotiens) vinrent s'établir dans la plaine étolienne autour de Pleuron et de Calydon. Ce canton fut dès lors nommé Elide. D'après Ephore, ce serait cette invasion qui aurait expulsé ou subjugué les Curètes. Il serait très possible en effet que l'origine des Etoliens dût être cherchée de ce côté, plutôt que du côté du Péloponnèse. La légende de l'origine éléenne des Etoliens se serait formée après coup pour expliquer et légitimer l'invasion des Etoliens en Elide. Cette invasion coïncida avec celle des Doriens. Les chefs héracides de ceux-ci s'allièrent avec le chef étolien Oxylus, passèrent le détroit de Corinthe à son point le plus resserré; les Etoliens s'établirent dans la plaine du Pénée, noyau de I'Elide, qui fut leur lot dans la conquête. 

Depuis lors des rapports subsistèrent entre l'Elide et l'Etolie, mais il semble que le pays du Nord ait décliné. On ignore son histoire pendant des siècles. Tandis que la Grèce maritime et le Péloponnèse se civilisent et progressent, l'Etolie demeure stationnaire. On la retrouve au temps de la guerre du Péloponnèse aussi sauvage qu'à l'époque homérique.

Thucydide cite les Etoliens et leurs voisins, Locriens Ozoles et Acarnanes, comme retenant les rudes mours de l'âge barbare. A cette époque, il existait en Etolie des groupes assez distincts : les Etoliens proprement dits dans la Vieille Etolie et trois principales tribus dans la région montagneuse : les Apodotes, les Ophiones, les Eurytanes; la plus nombreuse était la dernière, la plus rude aussi; son langage était inintelligible aux Grecs. Ceux-ci, cependant, reconnaissaient bien les Etoliens pour leurs parents, et Thucydide ne les range pas parmi les Barbares. Leur ancien renom, leur connexion avec les Eléens du Péloponnèse n'étaient pas oubliés. Chacun des principaux groupes se répartissait entre de nombreux villages. Ceux-ci n'étaient pas fortifiés, malgré les habitudes de brigandage des Etoliens. L'organisation paraît avoir été à peu près celle du régime patriarcal; les tribus étaient à peu près indépendantes et ne s'unissaient pour une action commune qu'en cas de danger. Ces montagnards étaient très braves et particulièrement habiles dans le maniement des armes de trait.
Les Etoliens proprement dits occupaient la Vieille Etolie. A l'Est, dans les montagnes autour de Naupacte, confinant aux Locriens Ozoles, vivaient les Apodotes, auxquels Polybe refuse le nom d'Hellènes. Au Nord de ceux-ci, les Ophiens ou Ophiones, auxquels se rattachaient les Bosniens et les Calliens, tribus secondaires établies sur les pentes du mont OEta et atteignant presque le golfe Maliaque; le chef-lieu des seconds était Gallium. Les Eurytanes étaient au Nord des Ophiones, près du mont Tymphreste; ils possédaient au pied de ce mont la ville d'OEchalie; Strabon dit qu'ils avaient un oracle d'Ulysse.

Au Nord-Ouest de l'Etolie et près du territoire d'Ambracie, étaient les Agréens; ceux-ci formèrent longtemps un peuple à part; ils avaient encore leurs rois au temps de la guerre du Péloponnèse. On leur rattachait au Sud les Apérantes, dont le chef-lieu Aperantia était au bord de l'Acheloüs. Ultérieurement une partie des tribus épirotes, les Dolopes, et même les Athamanes, les Tymphéens furent agrégés à l'Etolie (Epire), mais c'est à une époque où la ligue étolienne s'étendait bien au delà des limites de l'Etolie.

L'Etolie commence à jouer un rôle dans l'histoire de la Grèce au temps de la rivalité de Sparte et d'Athènes et de la guerre du Péloponnèse. A la fin du Ve siècle, nous trouvons les tribus établies dans le territoire que nous avons défini, réunies en une confédération; dès ce moment et jusqu'à la fin de son histoire, il convient plutôt d'employer le terme de ligue étolienne que celui d'Etolie. Cette ligue ou confédération, dont nous étudierons plus loin l'organisation, était encore assez faible et réduite à la défensive. Ses principaux adversaires étaient ses voisins d'Acarnanie et d'Achaïe, probablement en butte à des brigandages qui entretinrent une hostilité séculaire. Les Etoliens n'avaient même pas accès sur la mer dont les séparaient à l'Ouest les marécages des bouches de l'Acheloüs; à l'Est, la cité de Naupacte occupée par les Messéniens, alliés d'Athènes et celle de Molycria. Ils ne prirent d'abord pas parti dans la querelle d'Athènes contre Sparte. Mais leurs sympathies étaient pour les Péloponnésiens contre les Athéniens, alliés des Acarnanes, leurs ennemis. La guerre éclata bientôt. Les Messéniens de Naupacte persuadèrent le général athénien Démosthène de tenter la conquête de l'Etolie, dont le succès eût assuré la prépotence athénienne dans la Grèce centrale. L'expédition échoua; les hoplites athéniens, cernés par les fantassins légèrement armés de l'Etolie, furent mis en déroute; un corps spartiate vint ensuite aider les Etoliens. Ceux-ci s'emparèrent de Molycria qui leur ouvrit l'accès de la mer, mais ne purent s'emparer de Naupacte. Ils ne prirent plus part à la lutte. On trouve seulement des mercenaires étoliens en Sicile. Ils guerroyaient contre leurs voisins d'Acarnanie. En 394, les Etoliens étaient bien faibles encore, car les Achéens s'étaient emparés de Calydon et les Acarnanes le leur disputaient. Naupacte était également au pouvoir des Achéens. Ceux-ci appelèrent à leur aide Agésilas qui vint et vainquit les Acarnanes. Les Etoliens grandirent par la protection de Thèbes. Ils s'allièrent à elle comme les Phocidiens et les Locriens contre les Spartiates. En 367, Epaminondas chassa les garnisons achéennes de Naupacte et de Calydon, et même de Dymé, ville d'Achaïe alliée aux Etoliens. Ceux-ci prirent ainsi pied sur le golfe de Corinthe. Ils profitèrent-aussi de la révolution suivante, par laquelle la Macédoine acquit l'hégémonie en France.

Les Etoliens combattaient avec Philippe à Chéronée; ils y gagnèrent Naupacte que les Achéens leur avaient repris et que le roi de Macédoine leur restitua définitivement. La politique macédonienne était de diviser les Etats grecs et de favoriser les petits; elle fut très favorable aux Etoliens, presque inconnus, peu dangereux et formant une confédération et non une nation centralisée. Sous le règne d'Alexandre ils attaquent l'Acarnanie et enlèvent la ville d'OEniades dont ils expulsent les habitants. Alexandre les menaça de dissoudre leur ligue et ils lui envoyèrent une ambassade pour l'apaiser. D'autre part, ils s'entendaient avec son lieutenant Antipater. A partir de cette époque, ils prennent le dessus sur les Acarnanes et les oppriment; la partie occidentale était incorporée à la ligue. De même, au Nord, le pays des Dolopes. Dans la période d'anarchie qui suivit la mort d'Alexandre, les Etoliens manoeuvrèrent habilement. Entrés dans la ligue des Athéniens, des Thessaliens, des Illyriens et des Thraces contre Antipater, ils se retirèrent avant la bataille de Crannon (322). Pourtant Antipater et Cratère envahirent leur pays. Ils se retirèrent dans les montagnes et bientôt Antipater dut se retirer pour combattre Eumène et Perdiccas (321). Ils s'établirent même en Thessalie, d'où Polysperchon les chassa (319). Ils donnèrent asile aux exilés grecs fuyant les vengeances des Macédoniens. Ils devenaient redoutables. Cassandre, pour les tenir en échec, reconstitua la ligue béotienne et releva Thèbes (316). Plus tard, il excita les Acarnanes qui occupèrent la place d'Agrinium dans l'Etolie Epictète (305-304). Ennemis de Cassandre, les Etoliens s'allièrent à Antigone, à qui leur assemblée vota des secours (304). Ils furent très menacés par Philippe, lieutenant de Cassandre, après la bataille d'Ipsus (300). Ils ne furent pas abattus pourtant. En 290, ils sont maîtres du Parnasse et de Delphes et bataillent contre Démétrius Poliorcète, maître de la Macédoine. Vaincus, ils sont délivrés par Pyrchus, roi d'Epire, et deviennent maîtres de la Phocide. Ils occupaient également la Locride Ozole. Enfin, en 288, ils sont délivrés d'une rivalité dangereuse par Antigone Gonatas, qui dissout la première ligue achéenne. L'anarchie était complète dans la péninsule, et les Etoliens avaient beau jeu pour s'agrandir. En 281, une coalition dirigée par Sparte les accuse d'avoir labouré le champ sacré de Cirrha et commence contre eux une nouvelle guerre sacrée. Ils en sortent victorieux et s'emparent de la forte place d'Héraclée de Trachinie (280). Ils supportent le choc de l'invasion gauloise et, après sa retraite, s'attribuent le mérite de l'avoir refoulée. Ils racontent qu'ils ont vengé le sac de leur ville de Callium parle massacre de 40,000 Gaulois et pris la part principale à la défense du temple de Delphes. Ils dédient à Apollon un trophée et une statue de l'AEtolia et celles de leurs généraux dans cette guerre. La ligue étolienne commémore ce succès qu'elle s'attribue par l'institution des jeux sôtèria. La possession de Delphes fait de la ligue une des grandes puissances de la Grèce. Elle a pris le patronage du temple et de l'assemblée amphictyonique, si désiré jadis par Philippe de Macédoine. Elle a absorbé les suffrages des petites peuplades du Parnasse, de l'Oeta et de la Thessalie. Au conseil, sur 17 voix, on en compte 5 aux Etoliens, 2 aux Delphiens, 2 aux Phocidiens, 1 aux Locriens, contre 1 aux Béotiens, 1 aux Athéniens, 1 aux Epidauriens; dans un autre, les Etoliens ont 4 voix sur 11, les Phocidiens 2; avec leurs alliés de Delphes et de Phocide, les Etoliens sont maîtres du conseil. Ils administrent le sanctuaire de Delphes et utilisent à leur avantage son ascendant. En somme, vers 275, la ligne étolienne domine la Grèce du Nord. La Macédoine est affaiblie; la ligue achéenne se reconstitue lentement et les cités de l'Ouest, Dymé et Patras, sont alliées aux Etoliens, de même que l'Elide. A la mort de Pyrrhus (272), Alexandre le Molosse partage l'Acarnanie avec la ligue étolienne. Celle-ci s'étend alors au Nord jusqu'au Sperchius ou au mont Othrys, englobant les peuplades de l'OEta et du Parnasse, les Locriens, les Phocidiens, les Acarnanes du Sud. Elle a l'accès de la mer Ionienne ait elle s'allie étroitement avec les Céphallé niens dont elle favorise la piraterie. Par Delphes et Héraclée elle commande les routes d'accès de la Grèce. C'est l'apogée de la puissance étolienne.

La ligue étolienne avait grandi sans rencontrer d'adversaires sérieux dans la période d'anarchie du commencement du IIIe siècle av. J.-C. Mais ces adversaires apparurent au milieu du siècle; au Nord, la Macédoine se releva sous Antigone Gonatas et devint la puissance prépondérante de la péninsule balkanique; au Sud, la ligue achéenne fédéra les principaux peuples du Péloponnèse. Désormais les Etoliens sont condamnés à une lutte incessante dans laquelle ils auront le dessous. A la mort d'Alexandre le Molosse, ils veulent s'annexer la partie de l'Acarnanie qui échut à l'Epire. Le roi de Macédoine, protecteur de la régente d'Epire Olympias, les en empêche (vers 260). D'un autre côté apparaissent les rois d'Egypte, les Ptolémées. Maîtres de la mer, ceux-ci interviennent dans les affaires de la Grèce. Ptolémée Philadelphe occupe les îles de la mer Egée et les côtes d'Asie Mineure; son successeur, vers 250, se déclare protecteur de la ligue achéenne et d'Athènes. Contre l'Egypte, le roi de Macédoine, Antigone, s'allie aux Etoliens. Ceux-ci envahissent le Péloponnèse en 243 et reviennent les années suivantes. En Laconie, ils enlèvent, dit-on, 50,000 périèques; les villes arcadiennes entrent dans la ligue étolienne, Tégée, Mantinée, Orchomène, Phigalie. Mais ces succès sont éphémères; quand les Maliens veulent entrer en Achaïe, Aratus leur inflige à Pellène un véritable désastre. Mais sur mer les Etoliens remportent des avantages considérables; l'occupation de Naupacte et l'entrée dans leur ligue de l'île de Cephallénie leur avaient donné une marine redoutable; ils s'étaient fait la main sur mer par la piraterie, comme sur terre par le brigandage, et de la mer Ionienne passent dans la mer Egée, où Antigone leur promettait un morceau de l'Ionie. Timarque brûle les navires des Ptolémées en Asie Mineure; il s'empare de Samos qu'il pille. L'île de Céos, celle de Téos entrent dans la ligue étolienne qui acquit probablement alors Lysimachie sur l'Hellespont et peut-être Chalcédoine (vers 240).

L'alliance macédonienne avait été très profitable, néanmoins, à la mort d'Antigone (239), les Etoliens l'abandonnent; ils s'allient, contre son successeur Démétrius II, à la ligue achéenne. Cela leur permet d'annexer le Sud de la Thessalie, Achaïe Phthiotide et Thessaliotide avec les places de Thèbes, Thaumacos, Pharsale, Larissa, Cremaste; le reste de l'Acarnanie avec Leucade et Ambracie; la ligue béotienne tombe dans leur dépendance pour une vingtaine d'années. Sauf l'Attique et l'Eubée, ils réunissent dans leur Etat fédéral toute la Grèce centrale. Mais cet Etat n'est plus homogène; il comprend des peuples qui, sans cesse, feront effort pour en sortir, les Thessaliens et les Béotiens. La Macédoine les y aidera. Dans le Péloponnèse, l'Elide et la Messénie sont alliées et même quelques villes arcadiennes, mais elles n'ajoutent aucune force à la ligue. Momentanément alliés aux Achéens, les Etoliens sont contre eux pour Cléomène, roi de Sparte; mais les Achéens et les Macédoniens les réduisent à la défensive; Mantinée se rallie aux Spartiates; la Messénie est hésitante et il faudra y guerroyer en 220; seule l'Elida reste fidèle à sa vieille amitié pour l'Etolie. La ligue, sur le continent, a atteint ses limites; elle est tenue en échec, au Nord-Ouest, par l'Epire tantôt alliée, tantôt hostile aux Illyriens, et, de ce côté, es Acarnanes remuent toujours; l'armée fédérale est battu chez eux par les Illyriens. Au Nord-Est, la Macédoine est décidément hostile depuis l'annexion de la Thessalie. En 228 apparaissent des ambassadeurs romains. Victorieuse des lllyriens, la république romaine offre son alliance contre l'ennemi commun. Ce seront, pour la ligue étolienne, de dangereux amis; prise entre eux et la Macédoine, elle périra dans la lutte. Déjà son rôle est fini dans le Péloponnèse. Une lutte décisive est engagée entre Sparte et la ligue achéenne. La ligue étolienne refuse l'alliance offerte par Aratus; celui-ci s'adresse à la Macédoine, et le résultat dela bataille de Sellasie n'est pas seulement l'abaissement de Sparte : Antigone Doson est le maître de la Grèce.

Son successeur Philippe V achève son oeuvre par la dislocation de la ligue étolienne. Une première guerre (220-217), appelée guerre sociale, est désastreuse pour la ligue. Le roi de Macédoine a pour alliés les Achéens et les Epirotes; les Etoliens ne tirent à peu près rien des Illyriens et des Spartiates. Le prétexte de la guerre fut religieux; on voulait affranchir du patronage étolien le temple de Delphes et la ligue amphictyonique. Philippe prend Thèbes en Phthiotide; en 219, Ambracie est enlevée; la guerre est portée en Acarnanie; les Macédoniens conquièrent Phoiteiaa, Métropolis, OEniades; ils passent l'Acheloüs et pénètrent en Etolie; le pays est ravagé, la place de Conope prise, la capitale fédérale Thermum mise à sac. Cette attaque imprévue du roi de Macédoine porta un coup presque mortel aux Etoliens; tous les trésors accumulés dans leur ville, produits de pillages séculaires, tombèrent au pouvoir du vainqueur; leurs sanctuaires mème furent incendiés pour venger leurs sacrilèges à Dium et à Dodone. La suite de la guerre fut aussi nuisible. En 218, le roi de Macédoine soumet l'Elide, occupe les villes de Triphylie, Lépréon, Hypana, etc.; il chasse la garnison étolienne de Phigalie et détermine la défection des Messéniens. La paix conclue en 217 coûte aux Etoliens la Béotie, la Phocide, l'Acarnanie et la Messénie. Quelques années plus tard, la guerre recommence. Les Romains, menacés par l'entente de la Macédoine et d'Hannibal, font une diversion en Grèce. Valerius Laevinus promet aux Etoliens l'Acarnanie et le Sud de l'Epire jusqu'à Corcyre (211). En effet, il prend Aeniade, Nasos en Acarnanie, Anticyre en Phocide et les leur remet. Mais il occupe Egine pour son compte. Philippe groupe autour de lui les Achéens, les Epirotes, les Acarnanes et de plus les Eubéens, les Locriens et les Phocidiens. Seuls les Eléens marchent avec la ligue étolienne que secourront plus tard les Messéniens et les Lacédémoniens. Le roi de Macédoine soulève les Thessaliens; il prend Echinos, sur le golfe Maliaque, malgré les efforts du chef étolien Dorimachos et du chef romain Sulpicius Galba. En 208, défaite de l'armée fédérale qui se réfugie à Lamia; en 207, Oponte est enlevé aux Etoliens, Chalcis aux Romains. Tous les pays à l'Est du Parnasse sont occupés par les Macédoniens qui font des incursions en Etolie dont une seconde fois la capitale Thermum est dévastée par Philippe. Enfin, en 205, abandonnés par Rome, les Etoliens acceptent une paix qui réduit à peu près la ligue à l'ancien territoire de l'Etolie. Le roi de Macédoine négocie au nom des Béotiens, des Epirotes, des Thessaliens, des Acarnanes, des Phocidiens, des Locriens qui sont détachés de la ligue et passent sous le protectorat macédonien. Philippe enlève les places maritimes de Lysimachie et Céos, probalement aussi Téos (204). La ligue étolienne est donc réduite à l'Etolie proprement dite avec la Dolopie, l'Amphilochie, un lambeau de la Locride Ozole et l'île de Céphallénie.

L'alliance romaine qui avait coûté si cher aux Etoliens ne leur apporta guère de compensations, lorsque, débarrassés d'Hannibal, les Romains humilièrent la Macédoine et lui enlevèrent le protectorat des cités grecques. Philippe offrit aux Etoliens Pharsale et Larisse en Thessalie s'ils voulaient rester neutres (199). Ils refusèrent et furent attaqués au Nord en Dolopie et à l'Est par la Phocide. Mais Titus Quintius Flamininus fit évacuer la Phocide et la Locride, et les Etoliens envahirent la Thessalie au Sud, tandis que les Romains opéraient au Nord. En 197, leur cavalerie contribua à la victoire de Cynoscéphale; mais la politique romaine n'était pas de reconstituer une puissante fédération des Grecs du Nord. Flamininus empêcha Philippe de rendre à la ligue les places de la Thessalie méridionale. Les commissaires sénatoriaux refusent même Pharsale et Leucade; ils proclament la liberté des divers peuples et cités délivrés de la Macédoine. des Magnètes, des Perrhèbes, des Thessaliens à qui ils donnent presque toute la Phthiotide sauf Thèbes et Pharsale; les Phocidiens et les Locriens sont déclarés libres et ne rentrent dans la ligue que sur le pied d'égalité avec les Etoliens. Renvoyés de Flamininus au Sénat et réciproquement, les Etoliens réclament en vain.

Exaspérés, ils tentèrent alors une autre alliance, celle du roi de Syrie, Antiochus; l'avis de Thoas les y décida malgré les sages conseils de Phaeneas (192). Ils allaient combattre à la fois la ligue achéenne, maîtresse du Péloponnèse, la Macédoine et Rome. L'écrasement était certain. Au début ils eurent quelques succès, la prise de Démétriade, l'invasion de la Thessalie. En 191, Manius Acilius les refoule et s'empare d'Héraclée, tandis que Philippe soumet la Thessalie, le pays des Magnètos et prend Lamia et Démétriade. En 190, perte de Naupacte et d'Amphissa. En 189, ils furent soumis par Fulvius Nobilior. Il faut implorer la paix; la médiation d'Athènes et de Rhodes la fait obtenir. Les Etoliens reconnaissent la suprématie du peuple romain dont ils seront les alliés en cas de guerre offensive et défensive; ils perdent les villes prises par les Romains depuis l'arrivée en Grèce de Flamininus, les villes admises dans l'amitié du peuple romain, c.-à-d. la Locride, la Phocide, les districts du golfe Maliaque, de plus Amphilochie, Ambracie qui deviennent indépendantes, OEniades, rendue aux Acarnanes, Céphallénie qui fut soumise ensuite par les Romains, Pleuron qui reçut une garnison achéenne : la ligue achéenne s'étendait sur le Péloponnèse entier et recevait de plus Héraclée. A partir de 189, la ligue étolienne n'existe plus que de nom et ne joue plus aucun rêle en Grèce. Les plus vaillants de ses fils ont été livrés aux Romains après la défaite d'Antiochus. A l'intérieur, les querelles sociales sont très violentes; riches et pauvres se massacrent. Lors de la guerre de Persée, on songe à secouer le joug; les partisans de Rome, aidés par un corps de troupes romaines, égorgent 550 patriotes. Ils vont féliciter Paul Emile après Pydna (168). Tous ceux des Etoliens dont les sentiments paraissent suspects sont déportés en Italie. La ligue est formellement dissoute.

Plus tard, quand la Grèce fut réduite en province romain, l'Etolie fut annexée à I'Achaïe . Ses villes fournirent une partie de la population de Nicopolis. Au temps de Strabon, elle était presque dépeuplée; elle gardait encore ses moeurs rudes, n'étant traversée par aucune route, sauf le long de la côte. Sous Constantin, L'Étolie fut comprise dans la Nouvelle-Epire et fit partie de la préfecture d'Illyrie. Après la prise de Constantinople par les Latins, Théodore l'Ange, de la famille impériale grecque, forma une principauté indépendante dans l'Épire et l'Étolie; mais la discorde s'étant mise entre ses descendants, le sultan Amurat II s'empara du pays en 1432; Scander-Beg chassa un instant les Turcs de l'Etolie, et il la laissa en mourant aux Vénitiens; mais ceux-ci ne purent la conserver, et elle retombe bientôt sous le joug ottoman. A la fin du XVIIIe siècle, une population étolienne, les Souliotes, opposa une héroïque résistance aux agressions d'Ali-Pacha mais ce n'est que lors de l'insurrection de 1821 que l'Etolie recouvra son indépendance. Aujourd'hui I'Étolie fait partie de la Grèce.

La Ligue étolienne

La ligue étolienne est avec laligue  achéenne le type de ces Etats fédéraux qui tentèrent de grouper les forces des Grecs dans la dernière époque de leur histoire indépendante. La souveraineté appartenait au peuple réuni en assemblée. Les assemblées du peuple étaient ordinaires on extraordinaires. L'assemblée ordinaire se tenait annuellement après l'équinoxe d'automne sur le Panaetolicum, la longue colline située en face de la capitale Thermum. Après les deux invasions de Philippe (219 et 207), elle fut transférée quelque temps à Naupacte: Les assemblées extraordinaires se tenaient dans les principales villes, Héraclée, Lamia, Hypata; en général auprès des Thermopyles, parce qu'elles se confondaient avec celles de la ligue amphictyonique. L'assemblée ordinaire se réunissait de plein droit, à date fixe, sans convocation; elle désignait les magistrats fédéraux, avait seule le droit de paix et de guerre. Toutes les questions pouvaient y être traitées. Les assemblées extraordinaires étaient convoquées par le conseil fédéral; celui-ci indiquait le motif de la convocation; si les villes ne le jugeaient pas suffisant elles ne s'y rendaient pas; on tenait à ne se déranger que pour des raisons sérieuses. Les assemblées tenues près des Thermopyles et assimilées à celles du conseil amphictyonigne (on les appelle pylaïques) avaient les mêmes prérogatives que les assemblées ordinaires ou panétoliques. Dans l'assemblée le peuple joue un rôle actif; mais on ignore comment il était réglé, selon quel mode s'exerçait le droit de suffrage. Il est probable qu'il y eut des changements dans le cours du IIIe et du IIe siècle. A côté de l'assemblée fonctionnait le conseil des apoclètes présidé par le stratège; ce conseil fixait l'ordre du jour de l'assemblée du peuple; en son absence, il représentait une sorte de conseil d'État, exerçant avec les stratèges le pouvoir exécutif. Il existait aussi un conseil plus vaste, le Sénat (Boulè) où chaque cité nommait un nombre de délégués proportionnel à sa population. Ce Sénat fédéral était une sorte d'assemblée représentative exerçant une partie des pouvoirs de l'assemblée générale du peuple dont il préparait les travaux. On le consulte dans les cas graves lorsqu'on ne peut attendre l'assemblée du peuple. Il était fort nombreux puisqu'en 167 dans l'Etolie amoindrie on massacre 550 sénateurs hostiles à Rome et on déporte les autres. L'assemblée générale comprend donc trois éléments 1° le conseil d'Etat permanent de la ligue, présidé par le stratège assisté de l'hipparque, du secrétaire et des apoclètes; 2° le Sénat fédéral qui expédie les affaires, est consulté en l'absence du peuple et eut même, au moins à de certains moments, une autorité supérieure à celle du peuple, passant outre à son refus; 3° le peuple des cités confédérées. Le congrès formé par la collaboration de ces trois éléments a les pouvoirs les plus étendus; les élections de magistrats ont lien à l'assemblée annuelle d'automne; les questions de paix et de guerre sont débattues là ou bien dans une assemblée pylaïque. Les ambassadeurs étrangers sont présentés au peuple et lui parlent; l'assemblée nomme aussi les ambassadeurs de la ligue, détermine l'étendue de leur mandat, décerne des honneurs ou des privilèges aux princes et aux cités amies ; elle veille à ce que les membres de la ligue remplissent leurs devoirs fédéraux ; elle contrôle les affaires intérieures des alliés ou des sujets. Les décrets de la ligue étolienne étaient déposés dans les archives de la capitale, à Thermum, et aussi dans un des sanctuaires les plus vénérés, à Delphes, parfois à Olympie; on en trouve aussi des transcriptions à Calydon.

Les magistrats fédéraux qui géraient les affaires en temps normal étaient le stratège et ses assesseurs, l'hipparque et le secrétaire d'Etat. Ils étaient désignés par le sort, mais probablement entre un très petit nombre de candidats et avec approbation du peuple. Ils entraient en charge au deuxième mois delphique, vers l'équinoxe d'automne, et c'était là le début de l'année étolienne que l'on nommait par le nom du stratège. Le stratège présidait le conseil des apoclètes; il était le chef militaire faisant les levées, contrôlant le recrutement des mercenaires fait en Etolie par les princes étrangers; il commandait en temps de guerre; il concourt à toutes les négociations, représente la ligue vis-à-vis de l'étranger; les magistrats des villes lui rendent compte de leurs actes qu'il examine en conseil des apoclètes. On a pu dresser une liste de la plupart des stratèges depuis 249 jusqu'en 168; les principaux furent Scopas, élu deux fois, Phoenas, élu deux fois, Thoas (de Trichonie), élu quatre fois, Alexandre de Calydon, élu trois ou quatre fois, Pantaléon de Pleuron, élu trois fois, etc. Il n'y a pas d'exemple que le même ait été stratège deux ans de suite. Le roi Attale de Pergame et plus tard Antiochus reçurent le titre de stratèges. Le conseil des apoclètes partageait le pouvoir exécutif avec le stratège; élu par l'assemblée, il avait une autorité considérable; il recevait les ambassadeurs étrangers, dirigeait les négociations, discutait avec les alliés les contingents qu'ils fourniraient à la ligue, veillait à l'exécution des décrets. Le cas échéant il se formait en comité secret. Il eut une influence décisive sur la déclaration de guerre aux Romains; c'est lui qui la rendit fatale, malgré le Sénat qui obligeait le peuple à recevoir les ambassadeurs romains. Ce conseil devait être assez nombreux, car la section déléguée près d'Antiochus comptait trente des apoclètes. De temps en temps fonctionnait une magistrature extraordinaire, celle des nomographes; ceux-ci étaient chargés d'inscrire définitivement dans la législation étolienne les lois votées par le peuple et de les faire placer dans les archives; il ne s'agit que des lois les plus importantes : la loi sur les dettes votée en 205, les lois qui modifiaient la constitution intérieure de la ligue ou ses relations avec l'étranger. Quant aux partis qui divisaient l'Etolie, il ne semble pas qu'aucun ait accaparé le pouvoir longtemps; nous voyons se succéder à la stratégie Scopas et son adversaire, Alexandre de Calydon, plus tard alterner Thoas, l'adversaire, et Lyciscus, l'ami des Romains.

Il nous reste à voir quelle était la condition des membres de la ligue. Une cité y entrait, soit de son plein gré, soit après une guerre; le premier cas se présenta pour Ambracie, l'Amphilochie, la Malide; le second pour la ligue béotienne et Médéon. Il y avait toutes sortes de distinctions dans le régime des villes fédérées; chacune, au moment de son accession, recevait une loi détaillée qui en réglait les conditions et déterminait celles de son organisation nouvelle. Nous avons un décret de ce genre, rendu lorsque les villes thessaliennes de Melitaea et de Peraea se séparèrent l'une de l'autre sans cesser de faire partie de la ligue. Les citoyens des villes fédérées deviennent de plein droit citoyens étoliens; on est à la fois citoyen de l'Etat fédéral et de sa cité, mais d'abord de l'Etat. Les citoyens d'une ville de la ligue prise par l'ennemi, qui se réfugient sur le territoire de la ligne, reçoivent une sorte de droit de cité personnel. Un moyen efficace d'accroître l'influence de la ligue était de donner le droit de cité étolien dans des villes étrangères; on y formait ainsi des colonies dévouées à leurs protecteurs. Les Romains qui suivaient une politique analogue obligèrent les Etoliens à y renoncer (196). La ligue protège les cités qui en font partie. Celles-ci datent leurs années par l'indication du stratège étolien, fournissent des contingents militaires, des contributions pécuniaires proportionnelles à leur population. Dans chaque cité, des magistrats, archontes ou stratèges, s'occupent des rapports avec le pouvoir central dont ils sont les représentants. Les cités ont leur monnaie autonome, leurs assemblées locales où elles nomment leurs délégués au Sénat fédéral, décident si elles se rendront aux assemblées extraordinaires, débattent d'avance les questions qui seront traitées au congrès annuel de Thermum, élisent leurs propres magistrats. Les membres péloponnésiens (Elide, Messénie) avaient une très grande indépendance; les éphores messéniens prétendaient juger devant leurs tribunaux un chef étolien. D'autres cités sont un peu moins libres, mais elles gardent leurs magistrats, leur budget particulier, peuvent contracter des emprunts ; le pouvoir central se contente de contrôler leur administration financière. Il semble qu'elles fassent souveraines sur leur territoire, la ligue n'intervenant que pour régler les contestations qui s'élevaient entre ses membres, par exemple pour déterminer leurs frontières. Sans doute une grande partie des agrandissements de la confédération étolienne furent dus à la guerre; mais il ne faudrait pas en conclure que ces Etats aient été opprimés.

 « En effet, observe Marcel Dubois, il ne faut pas appliquer nos idées modernes à l'appréciation de ces temps, ni croire que l'assimilation du vaincu au vainqueur ait été une condition nécessaire pour que celui-ci pût accorder l'égalité à ses nouveaux administrés. D'abord vainqueurs et vaincus étaient Grecs et sentaient mieux que jamais la valeur de ce titre commun. Et puis le vainqueur n'avait point à s'occuper de gagner la faveur des villes soumises; il lui suffisait de favoriser dans chacune d'elles un parti qui prenait la haute main et expulsait les opposants. Quiconque était mécontent du nouvel ordre de choses quittait la cité. Les exilés pensaient beaucoup moins à accuser les Etoliens envahisseurs que le parti auquel ils devaient la domination. En un mot, l'opposition n'était pas apaisée ni soumise par le temps, mais supprimée par l'exil : et dans ce temps de perpétuelles discordes, le vainqueur étranger n'était point l'obligé, mais le bienfaiteur du parti qui l'avait appelé. "
Ceci nous amène à une dernière question fort controversée. La ligue étolienne s'est-elle constamment appuyée sur l'une des grandes factions qui divisaient les cités grecques?

On a soutenu qu'elle avait été, dans la Grèce du IIIe et du IIe siècle, le protagoniste du parti démocratique ou populaire, tandis que la ligue achéenne aurait défendu la cause aristocratique; nous rappelons qu'à cette époque les aristocrates sont les riches, les démocrates les pauvres. L'histoire de la ligue étolienne se confondrait donc avec celle du parti démocratique en Grèce. Dubois a combattu cette opinion assez répandue et appuyée par Fustel de Coulanges et Petit de Julleville. Les faits sont assez confus. D'une manière générale, l'élément démocratique eut plus d'influence en Etolie qu'en Achaïe; cela est manifeste au moment de la guerre contre Rome, puis vers 168, tandis qu'en Epire, au contraire, les aristocrates ont le dessus. Au dehors, on voit à plusieurs reprises le parti démocratique appeler les Etoliens. Mais, d'autre part, ceux-ci sont les ennemis de Philippe de Macédoine qui favorise à peu près partout la démocratie dans les cités grecques. Les luttes entre riches et pauvres furent violentes en Etolie comme dans le reste de la Grèce; les pauvres n'eurent pas toujours le dessus. En somme, il nous est bien difficile, à plus de deux mille ans de distance, de nous rendre un compte exact des divisions politiques en Grèce, dans une période aussi troublée; d'une ville à l'autre, les groupements différaient, et dans l'ensemble on était divisé entre patriotes, amis de Rome, amis de la Macédoine, aussi bien qu'entre riches et pauvres. La ligue étolienne fut une fédération des peuples montagnards de la Grèce du Nord, comme la ligue achéenne une fédération des Etats du Péloponnèse. Ses progrès et sa décadence furent dus à la situation politique générale. Elle grandit à la fin du IVe et au début du IIIe siècle, pendant l'anarchie où s'annihilait la puissance macédonienne; elle déclina quand les rois de Macédoine furent redevenus forts et eurent relevé la ligue achéenne. Tandis que celle-ci ne fut jamais qu'une association protégée par l'étranger, Macédoine ou Rome, la ligue étolienne fut réellement un Etat libre, assez puissant, la dernier des Etats grecs indépendants. Sa défaite par Philippe, son écrasement par les Romains, marquent la fin de l'autonomie grecque. (A.-M. B.).
 
 
 

Numismatique

A l'encontre de la plupart des villes anciennes des autres contrées grecques, aucune des villes étoliennes n'eut de monnayage autonome et municipal. Il n'existe pas non plus de monnaies fédérales de l'Etolie avant Alexandre le Grand; mais, à la suite de l'invasion des Gaulois en 279, la ligue étolienne frappa, avec la légende générique AITÔLÔN, de magnifiques médailles qui portent, d'un côté la tête d'Aetolos ou celte d'Héraklès, et de l'autre une figure symbolique, tantôt assise sur un monceau de boucliers, tantôt debout appuyée sur sa lance. Dans ce dernier cas, on a affaire au héros chasseur Aetolos qu'on a parfois identifié avec Méléagre; la figure assise, en costume de chasse, est Aetolia dont la statue avait été consacrée par les Etoliens dans le sanctuaire d'Apollon à Delphes, en mémoire de leur victoire sur les Gaulois. (E. B.).
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Dictionnaire Territoires et lieux d'Histoire
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