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Histoire des Pyrénées-Atlantiques
jusqu'en 1900
[Géographie des Pyrénées-Atlantiques].
Les populations primitives ont laissé différentes traces de leur passage sur le territoire du département : mégalithes (grandes pierres brutes), habitations lacustres, armes en silex, ustensiles de bronze, etc. A l'époque où commence l'histoire positive, il était occupé depuis longtemps par un des peuples les plus puissants de l'Europe, déjà refoulé à cette époque par les invasions des Ligures et des Gaulois. C'étaient les Ibères, qui, après avoir dominé sur toute l'Espagne et le pays situe des Pyrénées à la Garonne et au Rhône, n'occupaient plus que le voisinage des montagnes, mêlés ailleurs aux tribus envahissantes sous le nom de Celtibères ou Aquitains. Les Basques sont d'une implantation plus ancienne encore. 

C'est l'an 56 avant notre ère qu'eut lieu la première rencontre entre les Romains et les Aquitains. Vaincus dans une grande bataille par un des lieutenants de César, P. Crassus, les Aquitains durent se soumettre. Ils ne fournirent aucun contingent à la grande levée de Vercingétorix, et, en 51, César vint avec deux cohortes visiter pour la première fois l'Aquitaine ou Novempopulanie, qui renouvela sa soumission.
Lorsque Auguste établit la division territoriale des Gaules, les Celtibères se soulevèrent en voyant l'Aquitaine s'agrandir jusqu'à la Loire et les unir dans une même province avec des tribus qui n'étaient de la même origine qu'eux. Ils furent vaincus par Messala dans le Bigorre; mais un magistrat d'Hasparren, Vérus, alla au nom de ses concitoyens trouver Auguste a Rome, et, s'il ne put obtenir l'autonomie administrative des Neuf-Peuples (les principaux peuples aquitains ou celtibères étaient au nombre de neuf, d'où le nom de Novempopulanie donné, après Auguste, aux habitants des pays qui avaient d'abord formé l'Aquitaine), il parvint du moins à les faire séparer au point de vue des impôts, et une perception spéciale fut établie à Lectoure. Ce fut seulement quatre siècles plus tard que la Novempopulanie forma une province absolument distincte.

Ces faits ne sont connus que par deux ou trois inscriptions, dont la plus importante fut trouvée à Hasparren même au XVIIe siècle et placée plus tard sur la porte de l'église. Elle est ainsi conçue (nous la donnons avec ses fautes grammaticales et prosodiques) :
Flamen item, duumvir, quaestor, pagique magister, Verus, ad Augustum legato munere functus, Pro Novem optinuit populis sejungere Gallos.
Urbe redux, genio pagi hanc dedicat aram.

« Le prêtre Verus, duumvir, questeur, président du district, député vers Auguste, a obtenu la séparation des Neuf-Peuples d'avec les Gaulois. A son retour de Rome, il dédie cet autel au génie du lieu. »

Trois voies romaines traversaient le pays : deux franchissaient les Pyrénées : l'une à l'Imus Pyrenaeus (Roncevaux), l'autre au Summus Pyrenaeus (le Somport, à l'ouest du pic, du Midi d'Ossau); la troisième, longeant la chaîne, conduisait de Bordeaux à Toulouse par Dax.

Les noms des Beneharnenses, des Iluronenses et des Osquidates ne sont cités qu'assez tard par les géographes anciens; leurs cités, Beneharnum et Iluro, devinrent, lors de l'apparition du christianisme au IVe siècle, les diocèses de Lescar et d'Oloron; quant à Bayonne (Lapurdum?), qui conserve des vestiges de murailles romaines, elle figure pour la première rois parmi les cités en 587.

De 407 à 409 arrivent les Vandales, les Alains, les Suèves. Les villes de la Novempopulanie sont brûlées, « tout est ravagé, rien, rien n'est épargné, dit saint Jérôme, par ce fleuve dévastateur »; suivent les Wisigoths, auxquels les Romains abandonnent, en 419, la seconde Aquitaine. Ils s'établissent dans la Novempopulanie, se partageant les terres décumanes et les nombreux domaines abandonnés.

En 472, toute la Gaule méridionale appartenait à leur roi Euric, arien fanatique qui persécuta les catholiques. Son fils Alaric, plus tolérant, s'occupa surtout de l'organisation du pays, fit ouvrir des routes et creuser des canaux. C'est également lui qui fit rédiger par Anien le code dit Théodosien, publié à Agde en 506, qui fut plus tard le droit écrit du Languedoc et de l'Aquitaine. Mais Alaric, dont les possessions s'étendaient jusqu'à la Loire, se trouvant en contact avec les Francs, Clovis détruisit en 507, à la bataille de Vouillé, la domination wisigothique dans l'Aquitaine.

Dès lors, les cités de Béarn et d'Oloron, dont les évêques avaient figuré en 506 au concile d'Agde, firent partie de l'un ou de l'autre des royaumes des Francs, selon l'ordre des partages; les cités furent administrées par des comtes, les évêchés et les églises attribués à des seigneurs austrasiens. En 566, les deux cités furent données par Chilpéric en cadeau du matin des noces à la reine Galswinthe; après le meurtre de la princesse, elles passèrent à sa soeur, la célèbre Brunehaut, femme de Sigebert, roi d'Austrasie.

A la fin du VIe siècle, les Vascons encore païens, chassés du versant méridional des Pyrénées, se précipitèrent sur la Novempopulanie, et battirent en 581 le duc Bladaste; mais, battus à leur tour, ils abandonnèrent les plaines, acceptèrent pour chef le duc Génialis, d'origine franque (606) et se cantonnèrent dans les vallées connues plus tard sous les noms de Labourd, Soule et Basse-Navarre.

En 630, Caribert II prit le titre de roi d'Aquitaine.

En 688, Eudes, duc d'Aquitaine, possédait, sous la suzeraineté à peu près nominale des rois francs, presque toute la partie gauloise de l'ancien royaume des Wisigoths. En 721, il défit devant Toulouse, sa capitale, les Sarrasins déjà maîtres de Narbonne.

En 731 arrive une nouvelle incursion des Sarrasins, qui ravagent toute l'Aquitaine. Battus en 732 par Charles Martel et le duc Eudes, les débris de leur armée furent détruits, suivant la tradition, dans les plaines de Lanne-Mourine, en Bigorre. La lutte entre les ducs d'Aquitaine et les Carolingiens ne laissa ni trêve ni repos à ce malheureux pays jusqu'à sa complète soumission aux Francs.

En 773, Charlemagne porta la guerre en Espagne; au retour, l'arrière-garde de son armée, commandée par Roland, fut écrasée, le 15 août 778, à Roncevaux par les Vascons espagnols. En 810, il en eût été de même de l'armée de Louis le Débonnaire, alors roi d'Aquitaine, s'il n'avait eu la prudence de saisir comme otages les femmes et les enfants des Vascons; mais, en 822, au retour d'une nouvelle expédition franque en Espagne, les Sarrasins réunis aux Vascons vinrent de nouveau attendre l'armée franque à Roncevaux et massacrèrent jusqu'au dernier les envahisseurs.

Le royaume d'Aquitaine, fondé en 778 par Charlemagne, eut un siècle de durée. En 877, son dernier roi, Louis le Bègue, monta sur le trône de France, et l'Aquitaine perdit son semblant d'autonomie.

Vers l'an 840 commencèrent les incursions des Vikings, qui, à plusieurs reprises, saccagèrent la contrée, occupèrent Bayonne et furent pendant près d'un siècle la terreur du pays. Enfin, vers 980, Sanche-Guillaume, duc de Gascogne, remporta sur eux une brillante victoire, qui délivra l'Aquitaine.

En 819, il est fait mention pour la première fois d'un vicomte de Béarn, simple lieutenant des comtes de Gascogne. Ces vicomtes se rendirent peu à peu indépendants, et, lorsque le comté de Gascogne eut été réuni au duché, leur seigneur direct ayant disparu, ils surent se faire oublier. Vers la fin du XIe siècle, ils obtinrent, en raison de services rendus, l'abandon par le comte de Poitiers, duc de Gascogne, des droits de gîte, derniers vestiges de leur sujétion. Dès lors le vicomte de Béarn devint possesseur d'une véritable souveraineté, ne devant hommage à personne, ayant droit de justice, battant monnaie; et lorsque plus tard Louis Xl se rendit eu pèlerinage à Notre-Dame de Sarrance, le roi fit baisser l'épée de France à son entrée en Béarn, «-n'étant plus dans son royaume ». Cette petite souveraineté, à laquelle avaient
été adjoints le territoire d'Orthez et la Soule, fut, au Moyen âge, le coin de terre le mieux administré, le plus libre et le plus heureux de toute la France et probablement de l'Europe.

Les fors de Béarn sont célèbres à juste titre. Le premier en date, celui d'Oloron (1080), renouvelé en 1290, est un des plus anciens textes connus écrits en langue romane. Il serait trop long d'analyser ici ces chartes, qui firent de la souveraineté de Béarn un petit état constitutionnel, où le chef, par droit héréditaire, n'était reconnu seigneur de Béarn qu'après avoir prêté serment à ses sujets de respecter leurs libertés, et qui administrait le pays avec l'aide de la cour maïour.

Les seigneurs de Béarn furent tous de vaillants hommes de guerre et d'habiles politiques. Gaston IV prit une part brillante à la première croisade. Revenu en Béarn en 1099, il publia le for de Morlaàs, et réunit à sa souveraineté le pays de Mixe et d'Ostabat, puis alla guerroyer en Espagne contre les Maures. Ce fut lui qui fonda, vers 1120, le célèbre hôpital de Sainte-Christine de Somport en Aragon, et celui de Gabas dans la vallée d'Ossau, pour le service des voyageurs et des pèlerins. Il fut tué en 1130 dans une rencontre avec les Maures; quatre ans plus tard, son fils Centulle V périssait à la bataille, de Campodoliente, sous les murs de Fraga.

La petite-fille de Centulle V, la vicomtesse Marie, pupille du roi d'Aragon, ayant eu, en 1171, la faiblesse de prêter hommage à son tuteur pour la terre de Béarn, les Béarnais se soulevèrent et se choisirent un autre seigneur. Après l'assassinat de ce prince et de son successeur, qui n'avaient pas observé les « fors » du pays, les Béarnais reconnurent pour vicomte l'un des enfants de la vicomtesse Marie, qui avait épousé Guillaume de Moncade, baron catalan. Cet enfant, Gaston VI le Bon, vit son règne troublé par la guerre des Albigeois. En 1211, il porta secours au comte de Toulouse; excommunié pour ce fait en 1214, il se retira de la ligue des seigneurs du Midi et fut absous par le pape Son frère, Guillaume-Raymond, lui succéda en 1215; mais ce ne fut qu'en 1220 qu'il fut reconnu comme seigneur de Béarn, à la condition d'établir
douze jurats de cour maïour perpétuels et héréditaires qui rendraient la justice de concert avec lui; il dut également s'engager à ne faire aucune levée de soldats sans l'avis des trois ordres de Béarn.

Son petit-fils, Gaston VII, « moult vaillant homme aux armes », dit Froissart, régna de 1229 à 1290, et laissa la réputation d'avoir été bon et fidèle aux Béarnais et terrible à ses ennemis. Presque toujours allié des Français, il passa sa vie à batailler contre les Anglais, possesseurs du duché de Guyenne.

A sa mort, la vicomté, de l'avis des États de Béarn, passa à Roger-Bernard III, comte de Foix, mari de Marguerite, fille de Gaston VII. Une autre fille de Gaston, Constance, qui avait épousé le comte d'Armagnac, ayant revendiqué une nouvelle part dans la succession de son père, tout le XIIIe et le XIVe siècle furent occupés par les guerres et les procès des comtes de Foix et des comtes d'Armagnac.

Les successeurs de Roger-Bernard se mêlèrent activement tantôt aux guerres de Navarre, tantôt aux guerres de France; Gaston Phoebus (1343-1391), le plus célèbre d'entre eux, fut un des plus grands capitaines du XIVe siècle. Beau-frère de Charles le Mauvais, roi de Navarre, il fut soupçonné, à Paris, de liaison avec les ennemis de l'État, emprisonné au Châtelet, puis relâché. Il alla alors guerroyer en Prusse contre les païens, revint en France, délivra la famille royale assiégée dans la ville de Meaux par les Parisiens révoltés réunis aux Jacques, battit ensuite complètement son ennemi héréditaire, le comte d'Armagnac, et, l'ayant fait prisonnier ainsi qu'un grand nombre de seigneurs du Midi, tira plus d'un million de livres de leurs rançons qui le rendirent le plus riche seigneur de France.

Grâce à la réputation de vaillance et d'habileté de Gaston Phoebus, le Béarn, placé entre les Français et les Anglais, fut le seul coin de la France où l'on vécut alors en paix (La Guerre de Cent ans). Chacun des ennemis craignait de mécontenter le riche et puissant seigneur, qui ne voulait pas prendre parti, et l'on évitait avec soin tout semblant d'hostilité; enfin, sur la promesse du roi de France de lever le séquestre du Bigorre et de lui rendre ce comté auquel il avait droit, Gaston se déclara ouvertement pour les Français, et, en 1377, Charles le Sage le nomma lieutenant général du gouvernement du Languedoc malgré l'opposition des princes du sang, habitués à piller cette riche province.

Terrible à ses heures, meurtrier d'Arnaud de Béarn, son parent, meurtrier, involontaire il est vrai, de son propre fils (1582), Gaston Phoebus était, dit un contemporain, « un homme fort juste, l'un des plus braves et des premiers capitaines de son temps, et il gouverna ses états et le Languedoc avec beaucoup de bonne grâce et l'amour des peuples »; si bien que lorsque Charles VI le révoqua de son gouvernement pour y mettre le duc de Berry, son oncle, les peuples du Languedoc se soulevèrent; le duc de Berry fut battu en 1381 dans la plaine de Revel, mais le cardinal d'Amiens ménagea un accord entre les deux parties, et Gaston, « ayant pitié du dégât du pays pour sa querelle particulière, » mit le duc de Berry en possesslon du Languedoc.

En 1391, Gaston Phoebus mourut subitement à deux lieues d'Orthez, au retour d'une chasse à l'ours. Mathieu de Foix, vicomte de Castelbon en Catalogne, qui lui succéda, laissa en 1398 la souveraineté de Béarn à sa soeur Isabelle, femme d'Archambault de Grailli, captal de Buch, sénéchal des Anglais en Guyenne. Celui-ci quitta le parti de l'Angleterre, donna ses enfants en otages au roi de France et obtint la mise en possession de cette riche succession. Il resta fidèle à la France jusqu'à sa mort (1412), et son fils Jean devint capitaine général du roi en Languedoc et en Guyenne. Jean, mêlé à toutes les guerres de la France, fut comblé de bienfaits par Charles VII, qui lui fit rendre enfin le comté de Bigorre, mis sous séquestre par Philippe le Bel et dont la succession était en litige depuis 139 ans.

En 1457, son fils, Gaston IV, lui succéda. Fidèle à la cause française, il enleva Mauléon aux Anglais, réduisit Dax, et, en 1451, réuni au célèbre comte de Dunois, parvint à s'emparer de Bayonne. En 1458, il fut créé pair de France; nommé par Louis XI, en 1463, capitaine général des troupes envoyées dans le Roussillon, il s'empara de ce comté. Reconnu héritier du royaume de Navarre, il mourut en 1471, laissant la réputation d'un magnifique seigneur, « affable, populaire et droicturier ».

Son fils aîné, marié à Madeleine de France, était mort laissant un fils encore mineur, François Phoebus, qui, placé sous la tutelle de sa mère, fut, à la mort du roi Jean d'Aragon, proclamé roi de Navarre par les États réunis à Tudela. Il fit son entrée à Pampelune, mais il mourut à 16 ans, et sa soeur Catherine, qui lui succéda (1485), épousa, sur l'avis de la cour de Béarn et malgré l'opposition de Louis XI et de la faction des Gramont, Jean d'Albret, l'un des plus riches seigneurs du midi de la France.

Autant la reine Catherine était intelligente et énergique, autant Jean d'Albret était faible et indécis. Grâce à son ineptie, le royaume de Navarre leur fut enlevé (1512) par le roi d'Aragon, et les seigneurs de Béarn ne gardèrent de leur royaume que le titre de roi et la Basse-Navarre, située sur le versant septentrional des Pyrénées.

Henri d'Albret Ier de Béarn et IIe de Navarre leur succéda en 1516. Élevé par son aïeul, Alain d'Albret, il devint l'un des hommes les plus remarquables du XVIe siècle. En 1521, il fit, avec l'aide de François Ier, une tentative infructueuse pour recouvrer sors royaume de Navarre. Allié de la France, il combattit à côté du roi à la bataille de Pavie. En 1527, il épousa Marguerite de Valois, soeur de François ler. Dès lors il se retira dans sa souveraineté, et sa femme, la Marguerite des Marguerites, attira à la cour du Béarn les savants, les théologiens, les poètes qui penchaient vers les idées des réformés. Henri s'occupa surtout des affaires du Béarn, édicta, de l'avis de la cour maïour, de sages règlements, et plus tard fit reviser les fors et publier un for général, accepté par la cour et confirmé par lui.

Henri d'Albret avait perdu tous ses enfants mâles; il ne lui restait qu'une fille, Jeanne d'Albret, héritière de tous ses domaines. Charles-Quint et François Ier avaient des visées sur cette riche proie, et, en 1542, le roi de France la maria malgré sa protestation au duc de Clèves. Jeanne étant encore une enfant, le mariage fut nominal, et le duc de Clèves ayant quitté le parti de François Ier, le mariage fut cassé. Henri emmena aussitôt sa fille en Béarn, et là, avec l'assentiment des États, il lui fit épouser, en 1548, Antoine de Bourbon, duc de Vendôme, premier prince du sang. Peu après, Marguerite mourut au château d'Audos.

Jeanne d'Albret perdit successivement, par accidents, ses deux premiers fils. Le 3 décembre 1553, au château de Pau où elle était venue malgré l'hiver faire ses couches, elle donna naissance à un fils qui plus tard fut le roi de France Henri IV. Henri d'Albret voulut prendre lui-même la direction de l'enfance de son petit-fils. Henri, confié aux soins d'une robuste nourrice, fut élevé avec les petits paysans; cette éducation rustique contribua à lui donner cette rondeur et cette bonhomie moqueuse qui ont fait de lui un des personnages les plus populaires de l'histoire de France.

Henri d'Albret mourut à Hagetmau, le 25 mars 1555, regretté de ses sujets, estimé de ses ennemis. Jeanne d'Albret et son mari ayant prêté serment devant les États furent aussitôt reconnus comme souverains du Béarn.

Nous n'avons pas ici à parler de la conjuration d'Amboise ni des faits généraux de l'histoire de France auxquels prit part Antoine de Bourbon. Brave, mais faible et flottant, Antoine se fit protestant et redevint catholique. Il mourut aux Andelys en 1562, d'une blessure reçue au siège de Rouen.

Jeanne d'Albret, qui venait d'abjurer le catholicisme, devint alors l'appui du parti protestant; très instruite, très énergique, mais ayant les défauts de ses qualités, elle voulut imposer à ses sujets ses nouvelles croyances et donna lieu ainsi à des luttes violentes. Tour à tour vaincue et victorieuse, chassée de ses états par Terride et les catholiques, rétablie par Montgomery et les protestants, elle fut mêlée activement à toutes les guerres religieuses du XVIe siècle. Les seigneurs catholiques du Béarn et de la Basse-Navarre avaient soutenu l'armée royale française de Terride contre Jeanne : cette conduite les rendit odieux au pays, et, lorsqu'en 1570 la reine abolit dans ses états l'usage public de la religion catholique et décréta la mise en régie des biens ecclésiastiques, la déclaration de cette grave mesure fut accueillie par les Béarnais avec une indifférence complète.

En 1572 Jeanne mourut à Paris, où elle négociait le mariage de son fils avec Marguerite de Valois, soeur du roi Charles IX. Henri était à Chaunay lorsqu'il apprit la mort de sa mère; il vint à Paris, où eut lieu son mariage. Peu après, pour échapper au massacre de la Saint-Barthélemy, il abjura, puis, ayant réussi à fuir, il se mit à la tête du parti protestant. A partir de cette époque, l'histoire d'Henri est celle de la France.

Henri confia la régence de ses états à sa soeur Catherine. L'édit de Nantes avait établi la tolérance en France en faveur des protestants, mais en Béarn la tolérance n'existait plus pour les catholiques, et c'était par une grâce spéciale que la reine Marguerite avait pu assister, avec un nombre déterminé de personnes, aux offices catholiques dans l'intérieur du château de Pau. Quand Henri IV rétablit l'exercice public du culte catholique dans la souveraineté du Béarn (1599), deux évêques furent nommés, et douze paroisses ayant des curés appointés sur le domaine furent attribuées aux catholiques.

En 1607, Henri IV, qui avait réuni ses domaines particuliers à la Couronne, déclara que les souverainetés du Béarn et de la Navarre resteraient indépendantes de la Couronne de France, et qu'elles continueraient à avoir un gouvernement séparé. Un conseil d'État fut installé à Pau, et un secrétaire d'État de Navarre et de Béarn dut résider à Paris auprès du roi, Henri IV, assassiné en 1610, laissa la couronne à Louis XIII mineur. Le conseil de régence, hostile aux protestants, accueillit favorablement les réclamations des évêques de Béarn, qui demandaient la mainlevée des biens ecclésiastiques et qui
faisaient valoir, avec raison, qu'en Béarn et en Navarre le nombre des catholiques était beaucoup plus considérable que celui des protestants. L'affaire s'envenima peu à peu, si bien qu'en 1619 le conseil du roi ayant donné mainlevée des biens ecclésiastiques de Béarn, le conseil de Béarn, se fondant sur la souveraineté du pays, refusa d'enregistrer l'édit royal. Louis XIII partit alors de Paris avec une armée, se rendit à Pau, rétablit les États sur l'ancien pied, et sans coup férir unit la souveraineté de Béarn à la France. L'union ayant été proclamée, il n'usa pas de rigueur contre ce pays, qui avait été le soutien fidèle de son glorieux père, et refusant d'écouter les demandes des parlements de Toulouse et de Bordeaux, il créa à Pau le parlement de Navarre, qui exista jusqu'en 1789.
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Personnages célèbres

XVIe siècle. - Gabriel de Gramont, mort en 1534, fut ambassadeur de France à Rome. - Henri IV (1553-1610), roi de Navarre en 1572, de France en 1589, né au château de Pau. - Henri de Sponde (1568-1643), né à Mauléon, savant érudit. De famille calviniste, il abjura et devint évêque de Pamiers. Il a continué les Annales ecclésiastiques de Baronius. - Bernard d'Etchepare, curé et poète basque; ses poésies, publiées en 1545 à Bordeaux, forment un des premiers livres imprimés en langue basque. - Nicolas de Bordenave (1530-1601), historien; son manuscrit : Histoire de Béarn et de Navarre (1.51.7-1572), a été édité en 1873 par l'archiviste Paul Raymond, dans la collection de la Société de l'Histoire de France.

XVIIe siècle. - Antoine III de Gramont, maréchal de France en 1641, se distingua sous les règnes de Louis XIII et de Louis XIV. - Pierre de Marca (1594-1662), né à Gan; savant historien et homme politique, archevêque de Paris, ministre d'État. - Jean-Paul baron de Lescun (1576-1621), célèbre chef protestant; député des églises réformées de Béarn près le Conseil du roi, il se signala par son attitude violente. Obligé de fuir, il tenta de soulever les protestants, fut pris, condamné à mort et exécuté à Bordeaux. - Arnauld Oihénart ou Oyhénart, historien, né à Mauléon, mort vers 1675. - Jean de Gassion (1609-1647), illustre homme de guerre, né à Pau. Maréchal de France à 34 ans, il mourut d'une blessure reçue au siège de Lens. - Bernard Renaud d'Elissagaray, ou Renau d'Eliçagaray (1652-1719), célèbre ingénieur, né à Bayonne, inventa des galiotes à bombes (1680) et coopéra à presque tous les sièges entrepris sous le règne de Louis XIV. - Duvergier de Hauranne (1581-1643), abbé de Saint-Cyran, né à Bayonne. Ami de Jansénius, il fut un de ses plus ardents défenseurs.

XVIIIe siècle. - Cyprien Despourrins (1698-1759), né à Accous, a écrit en dialecte béarnais de charmantes poésies, qui sont encore populaires. - Pierre Jéliotte, né à Lasseube (1715-1788), célèbre chanteur. - Théophile Bordeu  (1722-1766), né à Izeste, célèbre médecin. Ses travaux sur les eaux minérales ont été souvent réimprimés. - Bertrand Pelletier (1761-1797), chimiste, né à Bayonne. Ses travaux firent beaucoup avancer la métallurgie et les arts industriels.

XVIIIe et XIXe siècle. - Pierre-Bernard Palassou (1745-1830), savant naturaliste, né à Oloron. - Joseph-Dominique, comte Garat (1749-1833), avocat et publiciste, né à Bayonne. Élu député aux États généraux, puis à la Convention, il devint ministre de la justice. Sous l'Empire, il fut nommé comte et sénateur. - Pierre-Jean Garat (1764-1823), neveu du précédent, né à Ustaritz, ne se rendit pas moins célèbre par son talent de chanteur que par sa fatuité. - Le comte François Cabarrus (1752-1810), né à Bayonne, habile financier, releva les finances de l'Espagne et fut nommé ministre. Sa fille devint la célèbre Mme Tallien. - Pierre de Saint-Cricq (1772-1854), né à Arance. Économiste distingué et homme politique. - Jean-Isidore, comte Harispe (1768-1855), né à Baïgorry, se distingua dans les guerres des Pyrénées occidentales, et prit ensuite part à toutes les guerres de l'Empire. Général de division en 1810, il fut nommé maréchal de France en 1851. - Jean Bernadotte (1763-1844), né à Pau, engagé volontaire à 17 ans, devint maréchal de France, fit les campagnes de la République et de l'Empire et fut élu roi de Suède (1818) par les États de ce royaume.

XIXe siècle. - Jean Laffitte (1767-1844), célèbre banquier et homme politique, né à Bayonne; prit une grande part à la révolution de 1850 et fut un moment président du conseil des ministres. - Gustave-François-Xavier de Ravignan (1795-1858), célèbre prédicateur, né à Bayonne. - Ségalas (1792-1875), chirurgien, né à Saint-Palais. - Le cardinal Lavigerie (1825-89), primat d'Afrique, né à Bayonne. - Léonce Détroyat (1829-1898), publiciste, né à Bayonne. - Gaston Lacaze, célèbre botaniste, né à Bagès, commune de Béost, près de Laruns. - Xavier Navarot (1799-1862), poète béarnais, né à Oloron. - Charles Floquet (1828-1896), homme politique de la troisième République, né à Saint-Jean-Pied-de-Port. - Charles Chesnelong (1820-1899), homme politique sous le second Empire et la troisième République, né à Orthez, etc. 

Histoire après 1789. 
Le département des Basses-Pyrenées (devenu en 1969 le département des Pyrénées-Atlantiques) date, comme presque tous les autres, de l'an 1790 il fut formé du Béarn et de trois provinces, toutes trois fort petites, qui relevaient de la Gascogne et qui, basques en réalité et aussi peu gasconnes ou françaises que possible (en dehors de la ville de Bayonne), s'appelaient Labourd, Navarre et Soule. Le Béarn fournit, plus ou moins, les deux tiers de la surface de la nouvelle circonscription administrative, et la « Gascogne basquaise » donna le reste.

Ni Béarnais, ni Basques n'entrèrent de bon gré dans le moule départemental et dans la nouvelle unité française : ils protestèrent fort vivement; les Basques surtout, du moins ceux de la basse Navarre, au nom de leur « indépendance » : et, de fait, le roi de France s'appelait bien roi de France et de Navarre. Ils refusèrent d'envoyer leurs députés à Paris à la réunion des Etats généraux; mais ils n'étaient pas de force, il fallut se soumettre, « leur protestation s'étant perdue dans le tourbillon qui entraillait tous les esprits ».

Depuis que le pays est constitué en départements, la différence radicale de ses deux éléments de population, disons linguistiques, est loin d'avoir entièrement disparu. Il y a toujours, dans le contrée, des Basques à l'Ouest, des Béarnais à l'Est, ceux-ci trois à quatre fois plus nombreux que ceux-là.

Outre sa participation à l'histoire générale de la France, on peut citer, parmi les quelques faits qui lui sont particuliers : le séjour de Napoléon Ier au château de Marrac, voisin de Bayonne, en 1808 : c'est là qu'il arracha leur abdication  à Charles IV, roi d'Espagne, et à son fils Ferdinand VII, et qu'il octroya la couronne des Espagnes à son frère Joseph; l'invasion anglo-hispano-portugaise en 1814; le siège de Bayonne, qui résista victorieusement et ne se rendit qu'après l'armistice; la bataille d'Orthez perdue par Soult, le 27 février, contre l'armée coalisée; le passage de l'armée qui conquit l'Espagne en 1823, d'Irun au Trocadéro; les nombreux séjours de la cour impériale à Biarritz et l'entrevue de Napoléon III avec Bismarck; enfin, et surtout, car, en réalité, c'est là le plus important, l'émigration qui a jeté au XIXe siècle plus de 80.000 Béarnais et Basques, peut-être bien 100.000, en divers pays du monde, principalement en Argentine et en Uruguay, et, à un bien moindre degré, au Brésil, au Chili, à Cuba, aux Etats-Unis, en Algérie; sans rien dire de l'émigration à l'intérieur, notamment vers Bordeaux et vers Paris. 

Un autre fait d'importance, c'est l'invasion pacifique des étrangers et, en moins grand nombre, des Français: en tant que malades, vers les Eaux-Bonnes et les Eaux-Chaudes; en tant que malades aussi ou convalescents, vers les villes d'hiver, telles que Pau, enfin, en tant que baigneurs en mer à Biarritz, Saint-Jean-de-Luz, Hendaye et toutes les anses de la rive océanique. Cette « invasion » a fortifié le pays, qu'anémiait l'émigration; elle lui a permis de ne presque pas diminuer de population malgré le départ de tant d'expatriés; enfin elle y a popularisé la langue française, jadis presque inconnue dans la contrée, et qui marche à partir de cette époque à la conquête générale du pays. (A. Joanne).

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