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Histoire de la Corrèze
jusqu'en 1900
[Géographie de la Corrèze].
La partie basse du département de la Corrèze a été occupée dès le Paléolithique; les haches en silex trouvées sur quelques plateaux des environs de Brive (station de Chez-Pourret, plateau de Bassalair), les fouilles faites dans plusieurs grottes naturelles en fournissent la preuve. Ces grottes sont situées la plupart dans le vallon de Planche-Torte, commune de Brive; une des plus riches se trouve dans la vallée de la Corrèze, entre Brive et Malemort. Les ossements du renne attestent que les premiers habitants des environs de Brive ont coexisté avec une faune bien différente de la faune actuelle. 

La période néolithique est représentée par de rares haches en pierre polie, trouvées sur divers points du département.

Une vingtaine de dolmens, d'assez nombreuses tombelles éparses dans les trois arrondissements, ont vu l'aurore des temps historiques.

Les premiers peuples du Limousin dont on peut retrouver quelques traces dans les annales de l'histoire furent les Galls ou Gaëls, qui occupaient le centre, le sud-est et l'est de l'ancienne Gaule, à laquelle ils donnèrent leur nom; on les retrouvait encore en Grande-Bretagne, en Irlande et dans les îles environnantes. Seulement, tandis qu'en Gaule les traces de leur langue, des divers autres aspects de leur culture, de leurs noms de personnes et de lieux ont disparu, en l'Irlande et en Écosse la population et la langue gaéliques n'ont subi que de légères altérations.

D'autres peuples celtiques sont venus, en effet, se mêler successivement aux Galls de la Gaule. En particulier, Du VIIe au IVe siècle avant notre ère, un groupe de population parlant les langues dites Britonniques, auquelsappartenaient les Gallois, les Bretons et, dans la région qui nous occupe, les Gaulois. 

La tribu gauloise qui habitait la Corrèze au moment de la conquête romaine était celle des Lemovices ou Limousins. Le territoire qu'elle occupait se trouvait plus étendu que celui de l'ancienne province du Limousin; il empiétait sur les départements actuels du Lot et du Cantal au sud-est et de la Dordogne à l'ouest. Cette configuration, qui fut celle de la cité romaine et, suivant toutes les vraisemblances, celle de la cité gauloise, n'a été modifiée à son détriment qu'à l'époque carolingienne.

Lorsque César, à la tête de ses légions, marcha à la conquête de la Gaule, il rencontra la plus énergique résistance chez ces populations que le sentiment du danger avait rassemblées et unies en une seule coalition. Vercingétorix, nommé généralissime, opposa à la tactique romaine une indomptable énergie et une bravoure qui étonnèrent ses ennemis. Mais, s'étant laissé enfermer à Alésia, il fut obligé de se rendre à César, qui, moins grand que son rival, le fit, charger de chaînes et en orna son triomplie. Vercingétorix, digne d'un meilleur sort, fut étranglé à Rome en 46 avant J.-C. Les Lemovices avaient envoyé 10,000 guerriers au secours d'Alésia; leur chef, Sedullix, fut une des victimes de cette journée, qui décida du sort de la Gaule.

Le Cadurque Luctère, échappé au désastre d'Alésia, alla s'enfermer dans Uxellodunum, ville aujourd'hui détruite, qui occupait, selon quelques archéologues, l'emplacement  du Puy d'Issolud (commune de Vayrac, dans le Lot); Luctère, assiégé par César, fut enfin obligé de se rendre au proconsul, qui fit couper les mains à tous ceux qui avaient porté les armes.

Après la conquête romaine, la Gaule tout entière ayant été partagée en provinces, la Corrèze fit partie de l'Aquitaine jusqu'au Ve siècle.

La religion de ce pays, comme dans toute la Gaule, était ce que l'on conviendra d'appeler la religion druidique, qui pratiquait notamment les sacrifices humains. Auguste défendit ces sacrifices par un décret rendu en 14 avant J.-C. L'empereur Claude; à son tour, abolit le culte et le sacerdoce des Druides. Mais les décrets sont impuissants à détruire une croyance. Les Druides se cachèrent au fond des bois, où les suivaient leurs adeptes. 

Le Christianisme fut apporté notamment par Saint Martial, premier évêque de Limoges, qui fut l'apôtre de la foi nouvelle dans l'Aquitaine, au IIIe siècle. La tradition lui attribue de nombreux miracles opérés à Tulle et dans les environs. Elle constate, en outre, le martyre, aux portes de Brive, de sainte Ferréole, et, dans la ville même, celui de saint Martin, noble espagnol qui venait y renverser les restes du paganisme. Malgré les persécutions des empereurs, le nombre des prosélytes alla toujours augmentant. Au IVe siècle, saint Martin prêcha aussi dans la Corrèze, et la cause du Christianisme fut gagnée dans cette partie de la Gaule.

A l'époque des invasions germaniques, la Corrèze fut d'abord envahie et saccagée par les Vandales et les Alains, puis par les Wisigoths. Ceux-ci, qui étaient ariens, une branche du Christianisme, non contents de ravager le pays, persécutèrent les Catholiques. En 507, Clovis, roi des Francs, appelé par les évêques du Midi, marcha contre les persécuteurs et les défit complètement à la bataille de Vouillé, près de Poitiers, en tuant de sa propre main leur roi Alaric.

La Corrèze tomba au pouvoir du vainqueur; au partage de la monarchie, elle fit partie du royaume de Paris, qui avait pour roi Caribert; puis, à la mort de ce dernier, elle passa sous la domination de Chilpéric, roi de Soissons.

En 584, un fils naturel de Clotaire, Gondovald, revenu de Constantinople pour faire valoir ses droits sur l'Aquitaine, se fit proclamer roi à Brive par les nombreux partisans que la crédulité ou le goût des aventures avait attachés à sa cause. Mais il ne porta pas loin ce titre; les soldats de Gontran, roi de Bourgogne, l'ayant poursuivi, l'assiégèrent à Lugdunum Convenarum (Saint-Bertrand-de-Comminges, en Haute-Garonne) et le précipitèrent du haut d'un rocher.

La Corrèze fut, plus tard, ravagée par les Sarrasins et réunie à l'Aquitaine sous les ducs Hunald et Waïfre, qui firent à Charles Martel et à Pépin le Bref une longue guerre, terminée seulement sous Charlemagne.

L'empereur établit alors dans le pays des comtes ou gouverneurs, qui furent les chefs des grandes familles féodales de Ségur, de Turenne, de Ventadour et de Comborn. Il plaça la Corrèze dans le royaume d'Aquitaine, qu'il donna de son vivant à son fils Louis le Débonnaire. Celui-ci, à son avènement au trône, en 814, abandonna l'Aquitaine à son fils Pépin Ier, mort à Poitiers en 838. Pépin II, fils de Pépin Ier, fut proclamé roi d'Aquitaine par les seigneurs du pays, qui aspiraient à une nationalité indépendante. Charles le Chauve, par le traité de Saint-Benoît-sur-Loire, en 845, lui céda l'Aquitaine, à condition qu'il reconnaîtrait sa suzeraineté. Pépin, s'étant révolté en 850, fut défait par Charles, qui, en 853, le fit enfermer à Senlis.

Les Vikings, profitant de ces troubles, envahirent le pays, qu'ils pillèrent et incendièrent. Raoul de Bourgogne les attaqua et les défit à la sanglante bataille d'Estresses, près de Beaulieu.

A l'avènement de Hugues Capet au trône de France, les comtes de Poitiers et de Toulouse, rêvant les grandes destinées de ce dernier, se déclarèrent indépendants et entraînèrent à leur suite les principaux seigneurs de la Corrèze, qui méconnurent l'autorité royale jusqu'au moment du mariage de Louis VII le Jeune avec Aliénor d'Aquitaine, en 1137.

En 1152, le concile de Beaugency ayant prononcé le divorce des deux époux, Éléonore, devenue libre, épousa quelque temps après Henri Plantagenet, qui, en 1155, devint roi d'Angleterre. La Corrèze passa alors au pouvoir des Anglais. En 1202, les barons du Poitou et d'Aquitaine s'étant soulevés contre Jean sans Terre, appelèrent à leur secours Philippe Auguste, qui le chassa d'Aquitaine.

La Corrèze appartint à la France jusqu'au 12 mars 1259, époque à laquelle Louis IX, par scrupule de conscience, conclut avec Henri Ill d'Angleterre un traité par lequel il restituait à ce prince le Quercy, le Limousin, l'Agenais et une partie de la Saintonge. Mais en 1294, les Anglais furent presque entièrement chassés de la Guyenne, et la Corrèze repassa sous la coupe des rois de France.

Pendant la guerre de Cent ans, la Corrèze affirma hautement son attachement à la France; elle eut à supporter le poids de cette terrible guerre.

En 1335, Philippe le Bel visita Brive, qu'il fit fortifier ainsi que plusieurs autres villes de la région. Le 26 août 1346, la France éprouvait le désastre de Crécy, dont l'influence devait se faire sentir dans le Midi. En effet, le 1er novembre de la même année, les Anglais s'emparaient de Tulle, d'où le duc d'Armagnac les expulsait quelques jours après.

La défaite de Poitiers (19 septembre 1356), suivie du  traité de Brétigny (18 mai 1360), replaça la Corrèze sous la domination anglaise.

Sous Charles V, Du Guesclin assiégea les Anglais dans Ussel et les chassa de la vicomté de Ségur. A peine les Anglais étaient-ils installés à Tulle qu'ils en furent expulsés par les habitants des campagnes voisines.

Mais, en 1574, Brive accueillit le duc de Lancaster, frère du prince Noir, et résista aux sommations du duc de Bourbon, qui parut peu de temps après devant ses murs. Les Français attaquèrent la ville, la prirent et en décapitèrent les principaux magistrats, près de la porte Barbecane, qui avait donné passage aux Anglais et qui fut murée.

Plus tard, les Brivistes firent oublier leur moment de faiblesse en chassant les garnisons anglaises des châteaux qu'elles occupaient dans le bas Limousin.

La guerre d'embuscade, employée contre les Anglais, seconda les armes françaises. Le prince Noir, usé par les fatigues, mourut en 1376, et son père, Édouard III, le suivit un an après dans la tombe. Charles V mourait lui-même en 1380, après de nouveaux succès remportés sur ses ennemis.

L'élan ne se ralentit pas, et, malgré les calamités du règne de Charles VI, les Anglais n'obtinrent dans la Corrèze aucun succès important; sous le règne de Charles VII, ils durent se retirer devant le roi triomphant et ses braves capitaines, parmi lesquels se distingua Dunois. Charles VII vint visiter le Limousin en 1441.

La Ligue du Bien-public, cette dernière lutte de la féodalité impuissante contre le pouvoir royal, ne trouva pas d'écho dans le Limousin (1465). Deux ans auparavant, Louis XI avait visité cette province et séjourné à Brive, à Donzenac et à Uzerche, acclamé par la population; il avait en même temps rétabli à Brive et à Uzerche les assises de la sénéchaussée du Limousin, qui avaient été transférées à Tulle sans autorisation royale.

Sous Charles Vlll, Louis XII et François Ier, un calme profond régna dans la Corrèze. Mais, sous Henri II, le Protestantisme s'y étant répandu, y fit plusieurs adeptes, parmi lesquels Henri de la Tour, vicomte de Turenne, dont l'influence était grande dans le pays; Argentat, Beaulieu et Uzerche suivirent sa cause. Biron, Coligny et Henri de Navarre, qui devait être plus tard Henri IV, répondirent à l'appel d'Henri de la Tour, devenu lui-même, en 1591, duc de Bouillon.

Les Protestants, sous la conduite des princes de Condé et de Coligny, ayant été défaits, le 15 mars 1569, à la sanglante bataille de Jarnac, dans l'Angoumois, par le duc d'Anjou, qui fut plus tard Henri III, les vaincus se retirèrent dans le Limousin. Ils occupèrent Lubersac, Juillac, Saint-Bonnet-la-Rivière; Coligny s'empara de Beaulieu et livra cette ville au pillage. Quelques années après, Tulle fut prise d'assaut par La Morie, maître de camp du vicomte de Turenne.

A dater de cette époque commence une suite continuelle de surprises et d'escarmouches qui durèrent pendant tout le règne d'Henri Ill. Une famine cruelle se fit sentir en Limousin. Brive fut prise, le 24 juin 1577, par le duc de Biron; un mois après, un autre chef protestant, Vivans, y commit d'abominables excès. Mais le 22 novembre 1589, Brive, qui s'était déclarée pour Henri IV, repoussa victorieusement une attaque des Ligueurs. Henri IV, en pacifiant la France, rendit la tranquillité à ces contrées; héritier par son grand-père de la vicomté de Limoges, il la réunit à la Couronne.

Sous Louis XIII, quelques seigneurs mécontents se révoltèrent en 1628; mais Richelieu, qui venait de prendre La Rochelle, leur prouva que le temps des rébellions était passé.

Pendant la Fronde (1648), la princesse de Condé se réfugia à Turenne pour y organiser la guerre civile. En apprenant que les troupes du prince Thomas de Savoie venaient d'entrer à Brive, le duc de Bouillon marcha sur cette ville et s'y fit livrer cent cinquante chevaux du prince de Savoie avec la plupart de ses hommes d'armes.

Le 8 mai 1758, Charles Godefroy, duc de Bouillon, vendit la vicomté de Turenne à Louis XV.

Les événements de la Révolution n'eurent pas dans le département sauvage et montagneux de la Corrèze un bien grand retentissement. Le décret qui organisa le département fit de Tulle le chef-lieu et excita d'abord la jalousie de Brive qui se considérait comme devant plus justement devenir le chef-lieu du bas Limousin; mais cette question ne souleva pas grandes difficultés. 

Après cette époque, les révolutions de 1830 et de 1848 ne trouvèrent pas d'écho dans la laborieuse et patiente population de la Corrèze; la guerre de 1870 n'eut aussi qu'un contre-coup lointain dans le département dont les habitants économes vivaient dans une modeste aisance, grâce aux travaux d'agriculture qu'ils n'ont jamais négligés.
(A. Joanne).
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Personnages célèbres nés en Corrèze

Outre les illustres familles de Ventadour, de Noailles, de Ségur, de Pompadour, des Cars et de Turenne, dont les membres se sont distingués à presque toutes les époques de l'histoire de France, le département de la Corrèze a donné naissance à plusieurs hommes célèbres, parmi lesquels nous citerons :

Ebles et Bernard de Ventadour, deux des plus illustres troubadours de la langue d'oc (XIIe siècle).

Maurice Bourdin, né près d'Uzerche, antipape sous le nom de Grégoire VIII, fut renversé par Calixte II, qui le tint en prison jusqu'à sa mort (1122).

Pierre Roger, pape d'Avignon de 1342 à 1352 sous le nom de Clément VI, et son neveu, pape de 1370 à 1378, sous le nom de Grégoire XI, nés au château de Maumont (commune de Rosiers). Grégoire XI rétablit à Rome l'autorité du Saint-Siège.

Jean-Baptiste Treilhard, homme politique et jurisconsulte, né à Brive en 1742, mort à Paris en 1810. Ses restes reposent au Panthéon.

Pierre-Georges Cabanis, médecin et philosophe, né à Salagnac, commune de Cosnac, en 1757, mort à Paris, en 1808. Membre du Conseil des Cinq-Cents, puis du Sénat, il fit partie de l'Institut dès sa création.

Le baron Boyer, chirurgien, né à Uzerche, en 1757, mort en 1855.

Étienne Aubert, né au village de Monts (commune de Beyssac), et élu pape en 1352, sous le nom d'Innocent VI. Il mourut à Avignon en 1362.

Étienne Baluze, célèbre érudit, né à Tulle en 1630, mort à Paris en 1718. En 1667, il fut nommé bibliothécaire de Colbert, et, en 1670, professeur de droit canon au Collège royal, aujourd'hui appelé Collège de France. Un de ses ouvrages, l'Histoire généalogique de la maison d'Auvergne, publiée en 1708, lui attira la disgrâce royale.

Jean-François Marmontel, né à Bort le 11 juillet 1723, mort le 31 décembre 1799. Il fut poète, auteur dramatique, critique, historiographe de France et membre de l'Académie française.

Pierre-André Latreille, né à Brive le 29 novembre 1762, mort à Paris le 6 février 1833. Naturaliste célèbre, ses savantes études lui valurent le titre de membre de l'Académie des sciences et de professeur au Jardin des Plantes de Paris.

Le maréchal Brune naquit à Brive le 13 mai 1763, et mourut, assassiné à Avignon, le 2 août 1815, par les royalistes. Il prit part aux campagnes de la Révolution et de l'Empire.

Le cardinal Dubois, naquit à Brive le 6 septembre 1636, et mourut à Versailles le 10 août 1725. Devenu, pendant la minorité de Louis XV, premier ministre du duc d'Orléans dont il avait été le précepteur, il fut nommé, grâce à son crédit, archevêque de Cambrai.

Charles-Philibert, comte de Lasteyrie du Saillant, agronome, industriel, philanthrope, publiciste, né à Brive en 1759, mort à Paris en 1849; il établit en 1812, dans cette dernière ville, la première imprimerie lithographique..

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