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Les Hélodermes
Hélodermidés ou Trachydermiens
Tableau récapitulatif.
Duméril et Bibron avaient placé, à côté des Varans un singulier reptile américain au corps couvert de gros tubercules, figurant, pour ainsi dire, une série de clous. 
Ce Saurien, l'Héloderme, présente des particularités anatomiques telles que les zoologistes actuels l'ont à juste titre retiré de la famille des Varanidées et en ont formé le type d'un groupe distinct, celui des Hélodermidés ou Trachydermiens.

Chez les Trachydermiens le corps est couvert de tubercules coniques plus ou moins saillants, disposés par séries transversales, presque toujours séparées les unes des autres par des scutelles granuleuses; le revêtement dermique de la tête et celui des parties supérieures du corps contiennent des corpuscules caractéristiques du tissu osseux. Le ventre est protégé par des plaques un peu plus grandes que les tubercules des flancs. Les membres sont assez courts, massifs et n'ont pas cette longueur que l'on voit chez les Varans. La langue est assez large, non échancrée, non protractile. Les dents, qui sont coniques, sont appliquées sur le bord interne des mâchoires.
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Monstre de Gila (Héloderme).
Monstre de Gila (Heloderma suspectum), en Arizona. Photo : Gary Stoltz.

Cet groupe des Trachydermiens a dû être divisé, dans un premier temps, en deux sections ; la première, qui ne comprend que le genre Héloderme, est caractérisée par des dents creusés d'une rainure longitudinale assez profonde; dans les genres Xénosaure, Lépidophyme, Cricosaure, qui rentraient dans la seconde division, les dents ne sont pas sillonnées. Par la suite, le groupe a été réduit aux seuls Hélodermes, dont on distingue deux espèces, le Lézard perlé (Heloderma horridum) et le Monstre de Gila (H. supectum). Les autres genres ont été placés dans des ordres ou à des familles différents. Les Cricausaures et les Lépidophymes sont rangés parmi les Lacertoïdes, par exemple, et les Xénosaures définissent une famille distincte de Varanoïdes.

Les Hélodermes

La forme générale des Hélodermes les rapproche un peu des Varans; ils sont cependant beaucoup plus lourds, plus massifs. La tête, large et tronquée en avant, est recouverte de tubercules plus grands que ceux qui protègent les autres parties du corps; le museau est épais; les dents présentent au bord interne de leur face antérieure un sillon très net, semblable à ce que l'on voit chez certains Serpents venimeux. Les parties supérieures de l'animal sont teintées d'un brun marron relevé de petites taches d'un beau jaune; des anneaux d'un jaune d'or se voient sur les membres et sur la queue; la face inférieure présente des taches jaunâtres se détachant sur le fond qui est d'un brun de corne.

Moeurs, habitudes, distribution géographique. 
Ce Saurien, dont la taille dépasse un mètre chez quelques individus, habite exclusivement la zone chaude qui s'étend du revers occidental des montagnes du Mexique jusqu'aux rivages de l'océan Pacifique; il n'a jamais été rencontré sur la côte du golfe mexicain. Ses conditions d'existence le continent dans les localités sèches et chaudes, telles que les contours de Jamiltepec, Juchitan, Tehuantepec, etc. Il est d'autant plus difficile d'observer les moeurs de l'Héloderme que cet animal, grâce à la vie sédentaire que lui imposent ses habitudes semi-nocturnes, échappe à une investigation suivie. Ajoutons que la frayeur extrême qu'il inspire aux populations qui le côtient n'a pas peu contribué à laisser son histoire dans l'obscurité. La démarche de ce reptile est excessivement lente et embarrassée, ce qu'expliquent, du reste, le peu de longueur et l'épaisseur relative des membres, aussi bien que le manque de flexibilité des articulations. Chez les individus très vieux ou chez les femelles avant la ponte, le ventre acquiert un grand développement et traîne sur le sol, difformité qui ne laisse pas d'ajouter encore sa singularité.

« L'Héloderme, écrit Sumicharst, est un animal terrestre dans toute l'acception du mot, et son organisation est en rapport avec son genre de vie. Sa queue ronde et pesante ne pourrait en aucune manière lui servir d'instrument de natation, et ses doigts trop courts et épais ne sauraient lui permettre de grimper aux arbres. Aussi n'est-ce pas dans le voisinage immédiat des rivières ou dans l'épaisseur des forêts qu'il faut chercher ce reptile, mais plutôt dans les endroits secs, à la lisière des bois ou dans les anciens défrichements, dont le sol est couvert de débris végétaux, de troncs pourris et de graminées. Pendant la saison sèche, de novembre à mai, on rencontre très rarement ce reptile, qui ne se laisse voir avec quelque fréquence que dans les temps de pluies:

Le corps de l'Héloderme exhale une odeur forte et nauséabonde. Quand l'animal est irrité, il s'échappe de sa gueule une bave gluante et blanchâtre, sécrétée par des glandes salivaires très développées. Si on le frappe dans ce moment de colère, il finit par se renverser sur le dos, ce qui fait dire aux Indiens, comme un précepte à suivre en pareille circonstance qu'il faut toujours attaquer le Escorpion en face, parce qu'il pique en arrière. Cette manoeuvre singulière, que l'Héloderme répète chaque fois qu'il est menacé, est accompagnée de sifflements profonds, aspirés avec force du gosier, et qui donnent une sécrétion abondante de la salive gluante dont nous avons parlé. »

L'Héloderme est un animal nocturne; pendant la journée il se cache dans quelque trou qu'il s'est de préférence creusé au pied d'un arbre et y demeure immobile, enroulé sur lui-même. Il ne sort que le soir pour se mettre en chasse; sa nourriture se compose d'insectes, de lombrics, de myriapodes, de petits batraciens; il ne dédaigne pas les matières à demi corrompues. (E. Sauvage / Duméril et Bibron / A.E. Brehm).

Toxicité
L'Héloderme est le seul Saurien  venimeux. Il est intéressant de voir comment ce sujet a préoccupé les premiers naturalistes qui on ététudié cet animal :

D'après Bocourt, Hernandez 

« est le premier qui, en 1561, ait donné une description de l'Héloderme, dont voici les particularités les plus intéressantes : il est connu au Mexique sous le nom d'Acastelopon; sa longueur totale est de deux empans; les pattes sont courtes; la langue est rouge et bifide; le dessus de la tête est recouvert de granulations dures et de couleur jaune. La femelle a les membres postérieurs et le bout de la queue annelés de brun; le corps présente des bandes transversales de la même couleur. Ce Saurien, appelé Escorpion par les créoles espagnols, habite les terres de Quanhnahuac (Cuernavaca?); est craint des indigènes autant que les gens d'origine européenne et, quoique très redouté, on ne peut cependant affirmer que sa morsure donne la mort. »
Dans une communication faite à l'Académie des sciences de Paris en 1875, Sumichrast note de spn côté que 
« les indigènes considèrent la morsure de l'Héloderme comme excessivement dangereuse et la redoutent à l'égal de celle des serpents les plus venimeux. On m'a cité, ajoute Sumichrast, à l'appui de cette prétendue propriété malfaisante, un grand nombre d'accidents survenus à la suite de morsures. Sans donner, du reste, le moindre crédit aux récits que j'ai recueillis des indigènes, je ne suis pas absolument éloigné de croire que la bave visqueuse qui s'écoule de la gueule de l'animal dans les moments d'excitation ne soit douée d'une âcreté telle qu'elle ait pu, introduite dans le métabolisme, y occasionner des désordres dont la gravité aura été sans doute fort exagérée. »
Börsch pendant son séjour au Mexique a pu se procurer un Héloderme vivant. Pour savoir si, selon l'opinion généralement répandue, la morsure de cet animal est dangereuse, il chercha à l'irriter en lui présentant un Lézard vivant. L'Héloderme mordit au doigt Börosh et l'un des expérimentateurs; la blessure, qui saigna, fut très douloureuse, mais guérit avec assez de rapidité.

Sumichrast a fait également des expériences qui démontrent péremptoirement que la morsure de l'Héloderme n'est pas aussi inoffensive qu'on le croit généralement et nous ne pouvons mieux faire que de citer ici, d'après F. Bocourt, une note concernant ces expériences :

« Je suis maintenant porté à croire, écrivait le regretté Sumichrast, que la croyance populaire qui attribue à l'Héloderme des propriétés vénéneuses n'est pas sans fondement. Je fils mordre une poule sous l'aile par un individu encore jeune et qui, depuis longtemps, n'avait pris aucune nourriture. Au bout de quelques minutes, les parties voisines de la blessure avaient `pris une teinte violette; les plumes de l'oiseau étaient hérissées; tout son corps éprouvait un tremblement convulsif; il ne tarda pas à s'affaisser sur lui-même; au bout d'une demi-heure environ, il était étendu comme mort, et de son bec entrouvert s'échappait une bave sanguinolente. Aucun mouvement ne semblait indiquer l'existence, si ce n'est une légère secousse qui agitait de temps en temps l'arrière de son corps. Au bout de deux heures, la vie sembla renaître peu à peu, l'oiseau se releva sur le ventre, sans toutefois se tenir debout et ayant toujours les yeux fermés. Il demeura ainsi près de douze heures, au bout desquelles il finit par s'affaisser de nouveau sur lui-même et expira.

 Un gros chat, que je fis mordre à l'une des pattes de derrière, ne mourut pas; mais, immédiatement après avoir été mordu, la patte enfla considérablement, et pendant plusieurs heures le chat ne cessa de pousser des miaulements qui indiquaient une vive douleur; il ne pouvait se tenir debout et resta pendant toute une journée étendu à la même place sans pouvoir se relever et complètement hébété. 

Quoique ces expériences soient insuffisantes pour prouver que la morsure de l'Héloderme est véritablement venimeuse, elles me paraissent assez concluantes pour faire admettre qu'elle ne laisse pas de causer de très rapides et profonds désordres dans l'économie des animaux qui en sont l'objet. La cannelure que l'on observe aux dents de ce reptile n'offre-t-elle pas une analogie réelle avec le système dentaire des Ophidiens venimeux, dont l'Héloderme se rapproche encore par la mollesse de mouvement qui caractérise les Serpents, organisés pour saisir leur proie à l'affût et non à la course?

Je ne doute pas que des expériences, faites avec des individus adultes et nouvellement pris, ne produisent des effets beaucoup plus terribles que ceux qu'a pu occasionner la morsure d'un individu jeune et affaibli par une captivité de près de trois semaines. »

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Dictionnaire Les mots du vivant
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