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Les grandes structures
de l'univers

Aperçu
La vision la plus simple que l'on puisse donner du cosmos à très grande échelle, celle qu'en donnent les modèles cosmologiques du big bang, est celle d'un gaz composé de galaxies qui en seraient comme les molécules. Dans ce gaz de galaxies, il n'y a ni concentration en certains endroits, ni direction privilégiée, chacun y vit sa vie, se déplaçant à sa vitesse dans une direction quelconque de l'espace. Là encore, l'image de l'agitation moléculaire d'un gaz semble pouvoir s'imposer. Une hypothèse d'homogénéité et d'isotropie à la quelle recourent les modèles mathématiques qui décrivent l'univers dans son ensemble, connue sous le nom de principe cosmologique. L'image la plus lointaine que l'on ait de l'univers, celle que dessine la distribution du fond diffus cosmologique, témoin de la distribution de la matière peu après le big bang, atteste de la pertinence de cette hypothèse.

Cependant, un constat doit être fait : les observations montrent que la répartition des galaxies n'est pas aussi homogène que cela. Elles se regroupent à l'intérieur de longues concentrations, appelées filaments, et laissent entre ces filaments d'immenses espaces pratiquement déserts, les grands vides. Les filaments, qui ne représentent que 10% de l'espace, constituent ainsi un réseau compliqué, une sorte de toile d'araignée tri-dimensionnelle, elle-même hiérarchisée en regroupements plus petits : les régions de rencontre de plusieurs filaments sont ainsi particulièrement riches en galaxies, et représentent des superamas. Dans les superamas, les galaxies peuvent encore se regrouper en troupeaux plus petits : nuages et amas* de galaxies.

A cause de la vitesse finie de la lumière, les objets les plus lointains sont les témoins du passé de l'univers. Le fond diffus cosmologique, tapisserie de fond de l'univers observable, dont il marque la limite extrême, donne l'image de l'univers quelques centaines de milliers d'années seulement après le big bang. L'univers local est quant à lui représentatif de l'univers d'aujourd'hui, c'est-à-dire quelque chose comme douze à quatorze milliards d'années après le big bang. Entre la forte homogénéité et isotropie initiale et la hiérarchisation actuelle de la matière, il n'y a donc pas contraction, mais plutôt le signe d'une évolution au cours du temps de la distribution de la matière.

La gravitation est le moteur de cette évolution. Les petites fluctuations initiales dans la distribution de la matière ont été les germes autour desquels la matière soumise à son propre poids s'est concentrée progressivement. Pour rendre compte de la morphologie actuelle des grandes structures, les seules galaxies observables ne suffisent pas. Il convient cependant d'invoquer un surplus de matière qui ne peut pas être sous forme d'étoiles ou de gaz composé de matière ordinaire (le big bang n'en a pas fabriqué assez). On doit recourir à une hypothèse supplémentaire : la présence de très grandes quantités de matière, qui ne rayonnement, mais dont la masse, ou plutôt la densité est dix fois supérieure environ, à celle de la matière ordinaire. On désigne cette composante sous le nom de matière sombre. Celle-ci se manifeste à l'échelle des amas par ses effets dynamiques (distribution des vitesses des galaxies dans les amas, effets sur la concentration de gaz très chaud dans les amas, grands mouvements d'ensemble des amas eux-mêmes ou flux cosmiques) et par des effets optiques (mirages gravitationnels et cisaillement cosmique).
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Amas de galaxies dans le Centaure.

Un univers bien rangé


Mise en ordre
Si l'on peut supposer que l'univers à très très grande échelle est homogène, sa trame devient apparente sur des échelles comprises entre 100 et 300 millions d'années-lumière. Un premier niveau de structuration qui se présente sous une forme qui ne se laisse pas aisément décrire, au demeurant. Les astronomes parlent ainsi de murs, de filaments, de feuillets ou de crêpes, etc. pour désigner la morphologie des concentrations de galaxies, et de structure en mousse, en éponge, en toile d'araignée, etc., pour évoquer la trame même de l'univers.

Des mots dont la signification n'est pas neutre, et qui renvoient à des théories de formation des grandes structures distinctes. Actuellement, même si par endroits des concentrations en feuillets semblent bien exister, pour l'essentiel, aussi bien pour des raisons observationnelles que théoriques, les astronomes favorisent l'idée de des concentrations en filaments, qui forment donc un réseau en toile d'araignée tri-dimensionnel.

Quoi qu'il en soit ces concentrations de galaxies ont pour corollaire l'existence d'immenses régions d'où elles sont pratiquement absentes. Les diamètres de ces grands vides s'échelonnent sur des distances de quelques dizaines de millions d'années-lumière à quelques centaines de millions d'années-lumière. Les plus grandes de ces cavités, l'image de cet abîme de 300 millions d'années-lumière de diamètre, que les astronomes ont repéré dans la constellation du Bouvier, prennent parfois le nom de supervides.


L'amas de l'Hydre.

Les superamas
Ce qui rend difficile l'identification de la morphologie exacte de la trame cosmique, c'est en partie la densité variable des plus grandes structures. Là où se rencontrent plusieurs filaments (ou plusieurs feuillets, etc.), la concentration des galaxies est plus élevée, et fait apparaître des structures plus aisément identifiables, et qui semblent comme alignées en chaînes. Ce sont elles qui prennent le nom de superamas. Les superamas renferment couramment de plusieurs milliers de galaxies. Exemples : Pegasus-Pisces A, Horologium-Reticulum, Hydra-Centaurus (Grand Attracteur), Concentration de Shapley, etc.

Les amas
Dans les superamas, les galaxies peuvent encore se regrouper en dizaines, voire en centaines de troupeaux plus petits : nuages et amas de galaxies, dont l'effectif peut aller de quelques dizaines à quelques centaines de galaxies, groupées à l'intérieur de quelques dizaines de millions d'années-lumière.

La galactodiversité - Les amas de galaxies sont très divers. Les plus riches tendent à avoir une concentration plus grande en leur centre, où trônent des galaxies elliptiques géantes (les spirales se trouvant en périphérie, selon un principe dit de ségrégation morphologique), et peuvent rivaliser avec les superamas, en révélant éventuellement des sous structures; les plus pauvres sont généralement plus homogènes. Mais le Groupe Local, auquel appartient la Voie Lactée, qui ne contient que quelques dizaines de galaxies, possède déjà deux pôles de concentration, qui sont aussi deux spirales, l'un autour de notre Galaxie, l'autre autour de M 31, la galaxie d'Andromède. Certains amas, très compacts, répertoriés par Hickson en 1982, ne comptent qu'une poignée de galaxies qui interagissent fortement les unes sur les autres : Quintet de Stéphan (Pégase), HCG 87 (Capricorne), Sextet de Seyfert, NGC 6027. Les amas de galaxies pourront ainsi être classés selon leur morphologie, leur richesse, leur concentrations, la distribution de leurs membres les plus brillants, etc.

Le Quintet de Stéphan, dans la constellation de Pégase.
 
La classification proposée par George Abell (vers 1955) est fondée sur la richesse des amas, elle-même déterminée par le comptage de galaxies dans un rayon donné :
Classe
nombre de galaxies
Classe
Nombre de galaxies
0
30 - 49
3
130 -199
1
50 - 79
4
200 - 299
2
80 -129
5
> 300
La classification de Rood et Sastry (1971) prend en compte la distribution des membres les plus brillantes de l'amas, et conduit aux catégories suivantes :
cD - Amas dominé par une galaxie géante cD, située en son centre. Ex. : A2029, A2199. B - Amas dans lequel deux galaxies dominent (binary), et sont le centre de deux nuages de galaxies de plus petite dimension. Ex : Coma. L - Amas très allongé (linéaire). Ex.: Perseus. F - Amas en forme de crêpe (flattened). Ex. : IRAS 09104+4109.
C - Simple concentration de galaxies. I - Amas de distribution irrégulière. Ex. : Hercules
La classification de Bautz et Morgan (1970), ne reconnaît pour sa part que trois types d'amas, classés de I à III :
I - Amas dominé par une galaxie géante cD. II - Amas dans lequel on peut rencontrer une galaxie cD, mais aussi d'autres galaxies elliptiques géantes. III - Amas dans lequel il n'y a pas de galaxie dominante.
Tableau réalisé d'après les indications recueillies sur le Site de Wiliam Keel.
La distance typique entre deux galaxies dans un amas est de 5 millions d'années-lumière. Cela correspond grosso modo à 200 fois le diamètre moyen d'une galaxie. Un chiffre à comparer à celui qui mesure la proximité de deux étoiles à l'intérieur d'une galaxie : dans ce cas, la distance vaut des dizaines de millions de fois leur diamètre. Même dans les plus dilués des amas, les galaxies sont encore beaucoup plus rapprochées entre elles que ne le sont, proportionnellement, les étoiles à l'intérieur d'une galaxie. Il s'ensuit que, contrairement à ce qui se passe avec les étoiles qui n'ont pratiquement aucune chance de se rencontrer, les galaxies peuvent très bien entrer en collision les unes avec les autres. Et si ce n'est pas le cas, les rapprochements sont tels que les effets gravitationnels (effets de marées) induits par leur proximité aura une influence non négligeable sur leur morphologie et leur évolution.


Une simulation numérique de l'univers local
(Source : Max-Planck-Institut für Astrophysik).

L'univers local

La Voie lactée, appartient ainsi à un modeste amas d'une trentaine de membres, le Groupe Local. Plusieurs autres amas de galaxies analogues se rencontrent au voisinage de ce Groupe local. Les plus proches et les plus accessibles sont dans les constellations de la Vierge (Amas Virgo), de la Chevelure de Bérénice (amas Coma), de la Grande Ourse (Groupe de M 81) et du Sculpteur (Groupe du Sculpteur), situés à plusieurs centaines de millions d'années-lumière de nous. 

Ces amas forment un premier ensemble d'amas, appelé le nuage des Chiens de Chasse. Lui-même, réuni à d'autres condensations d'amas similaires, appartient au Superamas de la Vierge ou Superamas local, dont il occupe une position périphérique. 
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Superamas de l'univers local.
Superamas de l'univers local. 
Représentation dans un cube de 650 millions d'années-lumière de côté.

Ci-dessous : Gros plan sur le Vide local (Local void). Notre Voie lactée (Milky way) se situe en bordure de cette région pratiquement dépourvue de galaxies et aussi en périphérie d'une région beaucoup plus dense, l'amas de la Vierge (Virgo), lui-même à l'extrémité d'un superamas de galaxies bien plus vaste, le Grand attracteur (Great attractor). Face à ce dernier, un autre superamas de galaxies, Perseus-Pisces, borde le Vide local. Plus loin sont les superamas Coma et Hercules. Cette représentation tri-dimensionnelle de l'univers local (sur des distances de l'ordre de 600 millions d'années-lumière) a été publiée en 2019. Crédit: R. Brent Tully (U. Hawaii) et al.
Le Vide local et les superamas de galaxies voins de la Voie lactée.

Le Superamas local, pris en sandwich entre deux supervides, est relativement plat et a une forme allongée (quelque chose de mixte entre le feuillet et fragment de filament, en somme...). Il apparaît comme l'un des noeuds d'une chaîne de superamas, qui, tous mis ensemble (et en n'oubliant pas d'y ajouter la trentaine de grands vides (supervides) de plus de cent millions d'années lumière de diamètre qui bordent ces concentrations), forment ce qu'il est convenu d'appeler l'univers local.

L'étude des vitesses des galaxies dans cet univers local a permis d'identifier une vaste flux, qui  a servi, en 2014, a définir une vaste structure, dont le superamas de la Vierge fait partie, et auquel ses découvreurs (R. Brent Tully, Hélène Courtois, Yehuda Hoffman et Daniel Pomarède) ont donné le  nom de Laniakea (« le ciel immense », en hawaien). Cet ensemble regroupe 100,000 galaxies réparties dans un espace de 520 millions d'années-lumière de diamètre.
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Le superamas Laniakea.
Les contours de Laniakea, défini à partir des flux de galaxies dans l'univers local. 
Ci-dessous les "familles cinématiques" dans le superamas Laniakea. Plusieurs supermas classiques sont notés (Hercules, Shapley, Ophiuchus, Norma, Centaurus, Hydra,
Perseus-Pisces, Virgo). Le superamas local est représenté en vert, le Grand Attracteur en orange, 
le filament Pavo-Indus (Paon-Indien) en pourpre et les structures incluant le mur Antlia (Machine pneumatique) et le nuage Fornax-Eridanus (Fourneau-Eridan) en magenta.
(Source : Nature, 4 septembre 2014).

Le superamas Laniakea.


Rouages
La face obscure de l'univers

Pendant longtemps, les astronomes ont buté sur la manière dont avait pu se faire cette évolution. Quel mécanisme invoquer pour parvenir à quelque chose qui ressemble à l'univers actuel? La réponse à cette première question est assez simple : la seule force connue capable de s'exercer à l'échelle de l'univers la gravitation. D'où le cadre dans lequel se sont élaborées les théories : celui de l'instabilité gravitationnelle. Les petites inhomogénéité présentes dans le fond diffus sont devenues peu à peu des centres d'accumulation pour la matière, et ont grandi au point de fabriquer les concentrations actuelles. Reste que si l'on ne considère que les galaxies que l'on peut observer, cela ne marche pas. L'univers n'est pas assez vieux pour que les structures que l'on observe aujourd'hui aient eu le temps de s'être formées. Il faut plus de gravitation, et donc il faut ajouter de la matière, beaucoup de matière.

Ainsi, l'univers n'est pas seulement constitué de matière lumineuse et visible (étoiles, planètes, gaz, poussières...). Il contient aussi de très grandes quantités de matière sombre. Dans notre seule galaxie, la quantité de matière sombre est déjà dix fois supérieure à celle rassemblée par les étoiles et les grands nuages de gaz et de poussière qui sillonnent l'espace interstellaire. Et c'est à peu près la même chose ailleurs, même si c'est à quelques nuances près selon les échelles considérées...

Comme, par définition, on ne peut pas voir la matière sombre, son existence est toujours déduite de ses effets gravitationnels. La matière sombre révèle sa présence de nombreuses manières. A l'échelle des galaxies, par exemple, elle explique la forme de la courbe de rotation des galaxies spirales. A l'échelle des amas, ses effets sont encore plus marquants. Certains, purement dynamique comme dans le cas des galaxies spirales, peuvent relever dans une large mesure d'une approche classique (théorie de la gravitation newtonienne), d'autres font intervenir des déformations de l'espace-temps, qui se manifestent par divers effets optiques, et qui s'abordent dans le cadre exclusif de la relativité générale.

Effets dynamiques

Distribution des vitesses des galaxies dans les amas.
Fritz Zwicky avait constaté dès 1922, que les galaxies de Coma avaient des vitesses de déplacement trop élevées si l'on cherche à les expliquer par l'effet gravitationnel imputable à la masse des galaxies observées. Cela peut s'expliquer si l'on fait l'hypothèse que la dynamique de l'amas n'est pas encore stabilisée. Et c'est en partie pour cette raison qu'il a fallu attendre plusieurs décennies, et des progrès notables de la physique des particules, pour que l'hypothèse de matière sombre soit favorisée. La masse de matière sombre que l'on peut déduire de la dispersion des vitesses des galaxies dans les amas est concordante avec les autres méthodes de détermination.
Effets sur la concentration de gaz très chaud dans les amas.
Les satellites munis d'instrument d'observation dans le domaine X (Einstein, Rosat, XMM Newton, Chandra, notamment.) ont mis en évidence la présence de grandes masses de gaz très chaud dans lequel sont immergés les amas de galaxies. La très haute température de ce gaz aurait conduit à une rapide dispersion si une très grande quantité de matière sombre n'était pas également présente pour assurer le confinement de ce gaz.

La concentration de gaz chaud dans lequel
est immergé l'amas de Coma, témoigne de la
présence de grandes quantités de matière sombre...
(Source : Nasa / Imagine the Universe).
Flux cosmiques
L'isotropie du fond du ciel permet de repérer par rapport à lui les déplacements absolus de la Terre, et même de notre Galaxie. Il est ainsi apparu, non seulement que la Galaxie, mais aussi les galaxies, les amas proches et même au moins superamas, se dirigeaient tous dans la direction de la constellation de l'Hydre, à la vitesse de 627 km/s. La cause de cette ruée collective est attribuée à l'existence, très loin de nous, d'une énorme concentration de matière, baptisée le Grand Attracteur, et vers laquelle nous tombons purement et simplement. Mal placé, derrière les régions les plus opaques de la Voie lactée, cette grande structure est difficilement observable, mais on y reconnaît un superamas de plus. Ainsi, tous l'espace est-il sillonné par de grands mouvements d'ensembles des amas et superamas de galaxies, selon des "lignes de force", qui traduisent une organisation de la matière sombre à grande échelle assez comparable à celle de la matière lumineuse.
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Le flux de Hubble

La géographie des flux cosmiques se déduit de l'analyse des vitesses d'un très grand nombre de galaxies. Seule la composante radiale de ces vitesses est mesurable, par l'effet Doppler. La configuration en 3D du flux est ensuite l'objet d'une reconstitution dans laquelle, il convient d'introduire diverses corrections. L'une tient par exemple à ce qu'aux mouvements d'ensemble qui définissent les flux s'ajoutent les vitesses individuelles des galaxies, mais la principale correction correspond à l'effet de l'expansion de l'univers. Plus une galaxie est éloignée, et plus sa lumière est décalée vers le rouge, un redshift cosmologique de nature différente de l'effet Doppler, mais qui du pur point de vue observationnel ne s'en distingue pas.

La composante cosmologique du décalage spectral des galaxies correspond à ce que les astronomes appellent le flux de Hubble. Pour en évaluer la contribution, ils doivent connaître la distance des galaxies qu'ils étudient. Les différents indicateurs utilisés cessent d'être fiables au-delà de quelques centaines de millions d'années-lumière. Une échelle qui marque donc la limite de l'étude possibles des flux cosmiques, mais qui correspond encore, estime-t-on en général, à la manifestation de flux. "L'immobilité", autre expression du principe cosmologique, ne devrait donc possiblement se manifester qu'à des échelles supérieures.

Effets optiques
Mirages gravitationnels
On sait, dans le contexte de la relativité générale, que la présence d'une masse modifie autour d'elle la courbure de l'espace. La lumière qui suit toujours le plus court chemin possible va donc infléchir son cours en fonction de cette courbure. C'est sur ce principe que reposent les mirages gravitationnels, ou effets de lentilles gravitationnelles, qui de la même façon que les lentilles ordinaires utilisées en optique sont capables de déformer de diverses façons les images des objets dont la lumière nous parvient, ou d'en amplifier l'intensité.

A l'échelle cosmique, les mirages gravitationnels s'observent quand une grande concentration de matière, associée à une galaxie ou à un amas de galaxies s'interpose sur le chemin de la lumière émise par un objet (galaxie, quasar ou amas) plus lointain. L'analyse de l'image ainsi transformée permet de déduire la masse et la distribution spatiale de la structure qui engendre le mirage. On peut ainsi déceler les grosses concentrations de matière sombre, même si on ne voit pas ou peu les galaxies qui lui sont associées. Le cas du mirage causé par l'amas Abell 2218 (dans la constellation du Dragon) est le plus connu. Les images de galaxies en arrière plan forment des arcs entourant les zones les plus denses de l'amas.


Abell 2218. Crédit : Andrew Fruchter (STScI) et al., WFPC2, HST, NASA.

Cisaillement cosmique
Le cisaillement cosmique (cosmic shear) ou cisaillement gravitationnel est encore un effet de mirage, mais qui concerne des effets de lentille plus faibles (weak lensing), et qui doit être étudié à une échelle encore plus grande, et abordé d'un point de vue statistique. L'idée sur laquelle repose cette approche qui commence à connaître un certain succès, consiste à supposer dans un premier temps qu'en l'absence de toute distorsion gravitationnelle, les galaxies lointaines devraient s'orienter aléatoirement dans l'espace. Mais l'observation de distorsions, justement, d'orientations privilégiées çà et là (des écarts qui ne représentent qu'un pourcentage infime), montre qu'il existe des concentrations de matière sombre en abondance et dont la distribution peut être reconstituer.
Les grandes structures et le contenu de l'univers

La connaissance de la distribution de la matière tracée dans l'espace et dans le temps par les grandes structures cosmiques (amas et superamas) fournit l'un des plus sûrs moyens de préciser la géométrie globale de l'univers. Parce qu'une fraction notable de la matière renfermée dans ces structures est sous forme de gaz diffus à plusieurs millions de degrés, qui peut être observé grâce à sa puissante émission dans le domaine X du spectre. C'est ainsi que deux études d'amas de galaxies dans le domaine X publiées au printemps 2004, ont pu fournir d'une part la meilleure évaluation actuelle de la densité de matière dans l'univers, et d'autre part l'absence de variation de la densité d'énergie sombre sur une longue portion de l'histoire cosmique.

La première étude, menée pendant une douzaine d'années à partir des enregistrement réalisés par le satellite X Rosat, et de mesures de redshifts obtenus avec les grands télescopes de l'ESO, a d'abord débouché sur la publication un vaste catalogue de plus de 400 amas intitulé Reflex (Rosat-Eso flux limited X-ray). Il a été possible de déduire de ce catalogue une valeur densité  de matière comprise entre 27% à 43% de la densité critique. Des chiffres conformes à ce que suggéraient déjà d'autres moyens d'investigation et qui représentent une amélioration de la fiabilité de cette fourchette de valeurs.

L'autre étude, qui concernait cette fois 26 amas de galaxies scrutés à l'aide de l'observatoire spatial X Chandra, a permis de reconstituer l'évolution de la densité d'énergie sombre. Cette énergie, principale contribution à la densité de l'univers et responsable de l'accélération de l'expansion, a été mesurée sur des distances comprises  entre un et huit milliards d'années-lumière. Cela a permis de remonter dans le temps à une époque où l'univers était encore en phase de décélération, et de suivre ensuite les effets de l'énergie sombre après le début de accélération. Les résultats sont cette fois compatibles avec une constance de cette mystérieuse énergie, ce qui la rendrait assimilable à la constante cosmologique jadis introduite par Einstein dans les modèles cosmologiques. 

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