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Les étoiles doubles
et la masse des étoiles
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Les astronomes ont su déterminer les orbites des étoiles binaires dès les premières années du XIXe siècle. A partir de l'instant où ils ont également été capables de mesurer les parallaxes de quelques étoiles proches, et partant d'en calculer la distance - un tournant marqué par la détermination en 1838, par Bessel, de la parallaxe de 61 Cygni (Cygne) -, il leur a été possible de commencer à calculer les masses des étoiles. La méthode qu'ils vont suivre est simple et facile à comprendre, mais le progrès qu'elle représente est considérable. D'abord au point de vue des concepts, car cela va représenter la première application de la loi d'attractionuniverselle de Newton hors du Système solaire, ensuite, tout bêtement, au point de vue de la connaissance des étoiles : les systèmes binaires restant encore aujourd'hui le seul moyen d'accès fiable à ce paramètre fondamental qu'est pour une étoile sa masse.
L'étude des étoiles doubles a été le point de départ de l'extension à tout l'univers des lois de la gravitation universelle et de l'affirmation de le généralité absolue du coefficient d'attraction qu'elles renferment; depuis que le premier Savary l'a démontrée par le fait, deux mathématiciens célèbres, Darboux et Halphen, répondant à une question académique posée par Bertrand, ont fait voir d'une façon tout à fait générale et abstraite que :
« Une force centrale qui, agissant sur une particule matérielle lui fait décrire une conique, a nécessairement la même expression que la force de la gravitation de Newton ».
Les astronomes se sont ainsi trouvés en droit de comparer les systèmes stellaires doubles entre eux et au Système solaire.
 
La méthode
Soient donc rapportés à des unités déterminées de masse, de longueur et de temps :
M, et M' les masses de deux étoiles,
r le demi grand axe de l'orbite stellaire,
P la durée de la révolution,
On aura pour tous les systèmes doubles et d'après la troisième loi de Képler :
r3 / (P² (M+M')) = Cte.
Soient, par rapport aux mêmes unités :
m la masse du Soleil,
m' la masse de la Terre,
R le demi grand axe de l'orbite terrestre,
T la durée de l'année sidérale,
on aura, par suite de l'universalité de la loi de gravitation,
r3 / (P² (M+M')) = R3 / (T² (m+m'))
équation qui donne une relation entre les éléments d'un système stellaire quelconque et ceux du Système solaire.

Soit maintenant D la distance de l'étoile au Soleil rapportée à la même unité, cette équation pourra s'écrire :

(r/D)3 / (P² (M+M')) = (R/D)3 / (T² (m+m'));
or, r/D = (a") = demi grand axe de l'orbite stellaire, exprimé en secondes d'arc, et R/D= p = parallaxe de l'étoile, exprimée en secondes d'arc; on a donc :
(M+M') / (m+m') = (a"/p)3 / (P/T)²
d'où cet énoncé remarquable :
Le rapport de la masse totale d'un système stellaire double, à la somme des masses du Soleil et de la Terre est égal au quotient du cube du rapport du demi-grand axe à la parallaxe exprimé en secondes, par le carré du rapport de la durée de révolution du système à celle de l'année sidérale.
Choisissons maintenant les unités et prenons pour unité de masse, la somme des masses du Soleil et de la Terre (m+m' = 1), unité de longueur, celle du demi grand axe de l'orbite terrestre (R = 1), unité de temps, la durée de l'année sidérale (T = 1), la relation précédente prendra la forme simple :
(M+M') = (a"/p)3 / p²,
et l'énoncé ci-dessus se réduira au suivant :
La masse totale d'un système stellaire double est égale au quotient du cube du rapport de son demi grand axe à sa parallaxe, exprimée en secondes par le carré de sa durée de révolution exprimée en années.
Comme la parallaxe d'une étoile est le quotient du demi grand axe (a") exprimé en secondes par le même demi grand axe a exprimé en unités astronomiques, la relation précédente peut encore s'écrire :
(M+M') = (a)3 / P²,
et le théorème précédent s'énoncer :
La masse totale d'un système stellaire double est égale au quotient du cube de la longueur de son demi-grand axe par le carré du temps de sa révolution.
Sous cette forme, d'ailleurs moins pratique, l'analogie avec les lois du Système solaire est beaucoup plus évidente.

On peut donc peser les étoiles de même que l'on a pesé les planètes; et, dans les deux cas, les seuls éléments qui interviennent réellement dans la mesure sont les angles et le temps.

La détermination de la masse des binaires spectroscopiques introduit une complication, car les caractéristiques de l'orbite, déterminées sur la base de la mesure des vitesses radiales, qui sont les projections de vitesses réelles sur la ligne de visée. Partant, les dimension réelles de l'orbite ne sont connues qu'à un facteur sin i près (i étant l'inclinaison du plan de l'orbite par rapport à la ligne de visée). Cela admis, le reste est simple. Reprenons l'équation donnée plus haut : r3 / (P² (M+M')) = R3 / (T² (m+m')) et désignons par a la distance r exprimée en unités astronomiques, par M + M' la masse totale mesurée avec m+m' comme unité et supposons P exprimé en fractions d'année sidérale. Il viendra :

M+M' = 1/p². a3,
d'où
(M+M').sin3 i = 1/p².(a.sin i)3
de sorte que (a sin i) étant connu en unités astronomiques, on aura la valeur de (M +M') sin3 i; la méthode spectroscopique ne donne donc qu'une fraction de la masse totale. mais l'inclinaison i, différant évidemment toujours un peu de 90°, on peut, avec une approximation suffisante, remplacer le premier membre par M + M' et écrire :
(M+M') = 1/p².(a.sin i)3
Appliquée aux étoiles b du Cocher et a de la Vierge, qui ont été parmi les premières à avoir été reconnues comme binaires spectroscopiques, cette formule donnait pour M + M' aux astronomes de la fin du XIXe siècle : 4,5 et 2,5. Avec ce résultat, ils pouvaient conclure que quoique les systèmes binaires soient en apparence très différents des systèmes ordinaires par les faibles dimensions dimensions de leurs orbites et la petitesse de leur période, leurs masses n'en sont pas moins absolument comparables aux leurs et, par suite, à celle du Soleil.

Les binaires spectroscopiques, qui de surcroît sont des binaires à éclipses se sont avérées très précises, car il est possible d'en connaître l'inclinaison de l'orbite. Ces objets ont ainsi été le principal outil employé par les astronomes du XXe siècle pour comparer les masses qu'ils en déduisaient avec les modèles numériques d'évolution stellaire. Ils sont en particulier à l'origine de l'établissement de la relation masse-luminosité (empirique) valable pour un grand nombre d'étoiles.

En 2004, pour la première fois, la masse d'une étoile a pu être mesurée directement sans qu'il soit nécessaire qu'elle possède un compagnon. La méthode utilisée a fait appel à la déflexion de la lumière par le champ de gravitation de cet objet (effet de microlentille gravitationnelle, constaté dès 1993, lorsqu'elle s'est interposée devant une étoile du Grand Nuage de Magellan).

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© Serge Jodra, 2004. - Reproduction interdite.