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Le droit grec

Caractères généraux.
Le droit grec n'a pas eu le développement complet, systématique qu'a eu le droit romain. Si les Grecs ont montré en beaucoup de points, surtout dans le droit commercial, plus de sens pratique que les Romains, ils n'ont su ni dégager des principes, ni arriver par une méthode rigoureuse à des déductions logiques. Leur droit n'est pas devenu une science. Cette infériorité tient à beaucoup de raisons. Il n'y a jamais eu de droit grec unique s'il y a un fonds commun, chaque ville a cependant ses lois propres. Dans beaucoup d'Etats, par exemple à Sparte, la législation est restée purement coutumière.Dracon et Solon n'ont donné à Athènes que des codes embryonnaires et, sauf quelques essais insuffisants de révision, il n'y a pas eu dans cette ville de codification officielle. Aussi n'y a-t-il pas d'enseignement juridique. C'est à peine si nous connaissons un véritable jurisconsulte, Théophraste. Les logographes, praticiens sans considération, ne nous donnent pas une haute idée de leur science. Il n'y a nulle part de magistrats qui aient pu avoir une action analogue à celle des préteurs romains. La justice est rendue presque partout par des juges jurés, des héliastes sans responsabilité, sans éducation, accessibles à toutes sortes d'influences, devant qui on peut tronquer et dénaturer les textes de lois, qui ramènent trop aisément les points de droit à des questions de fait et d'intention, qui n'ont pas de jurisprudence constante.

Sources.
C'est surtout l'insuffisance des matériaux juridiques, jointe à la multiplicité des législations, qui rend très difficile l'étude du droit hellénique. En l'absence de codes, de traités méthodiques, il faut le reconstituer avec des documents de toutes provenances et de valeur très inégale qu'on peut diviser en deux groupes, les textes des auteurs et les inscriptions. Les principaux auteurs à utiliser sont, pour les sources grecques. 

Orateurs - Démosthène, dans ses discours politiques pour le droit public, dans ses plaidoyers civils pour le droit criminel et le droit civil; Isée, dont les onze plaidoyers et les fragments sont le document le plus important pour le droit successoral; Lysias, important pour le droit criminel; Isocrate, qui fournit peu au droit civil; Eschine, dont le discours contre Timarque donne plusieurs lois de Solon et la législation sur les attentats aux moeurs; Antiphon, Andocide et Lycurgue, dont les discours se rapportent surtout au droit criminel; Hypéride, dont le discours contre Athénogène traite de la vente. 

Philosophes, moralistes et rhéteurs : Platon, dont le Traité des Lois reproduit en grande partie le droit attique; Aristote, qui fournit des notions importantes sur le droit public et le droit privé de tous les Etats grecs et en particulier d'Athènes, de Sparte et de la Crète dans la Rhétorique, la Politique, l'Economique, les Problèmes, l'Etat des Athéniens et les fragments de ses traités sur les constitutions de cent cinquante-huit villes grecques; Théophraste, dans un fragment de son Traité des Lois, relatif à la vente; Plutarque, qui donne des renseignements précieux dans ses petits traités de morale et dans ses biographies de Lycurgue, de Lysandre, d'Agésilas, d'Agis et de Cléomène, de Solon; Diogène Laërce dans ses biographies des philosophes; la collection des rhéteurs grecs; Dion Chrysostome, dans ses discours; Philostrate, dans ses vies des sophistes et d'Apollonius de Tyane, Elien.

Historiens : Hérodote (détails sur le droit civil de Sparte); Thucydide (détails sur le droit public et international); Xénophon (détails épars dans les Helléniques, les traités sur la république de Sparte et la république d'Athènes, l'Economique); Ephore (détails sur le droit civil de la Crète); Héraclide du Pont; Polybe; les auteurs d'Atthides, Kleidemos, Phanodemos, Androtion, Philochore; Diodore de Sicile (détails sur les lois de Solon, de Zaleucus, de Charondas). 

Poètes : Homère, pour les institutions sociales primitives; Euripide (quelques allusions à des points de droit); Aristophane, important pour le droit public et civil d'Athènes

Lexicographes, scoliastes et compilateurs de l'ère chrétienne, importants parce qu'ils ont connu les manuscrits et les oeuvres de l'époque antérieure; Athénée, Stobée, les lexiques de Pollux, d'Hésychius, d'Harpocration, d'Aristophane de Byzance, de Photius, de Zonaras, les lexiques anonymes, les commentaires d'Eustathe sur Homère, les scoliastes de Démosthène, d'Eschine, d'Aristophane, de Thucydide, de Platon. Parmi les sources latines, il y a Plaute et Térence dans leurs pièces imitées de comédiesgrecques, Cicéron, Valère Maxime, Gaïus. Les inscriptions, matériaux authentiques, ont complètement renouvelé l'étude du droit grec sur tous les points; la découverte la plus importante a été celle de la loi de Gortyne en Crète, qui renferme tout un code de droit civil crétois. Enfin on peut encore citer les papyrus gréco-égyptiens, dont le nombre s'accroît sans cesse, pour le droit gréco-égyptien.

Formation du droit.
A l'origine il y a partout un droit coutumier aristocratique qui a été coordonné, à différentes époques selon les villes, par des législateurs plus ou moins légendaires, tels que Lycurgue, Zaleucus, Charondas, Pittacus, Philolaüs, qui font presque tous passer leur oeuvre pour une inspiration divine. Jusqu'à l'époque historique, la codification et la rédaction des coutumes, généralement demandée par le parti démocratique, est encore confiée à des législateurs, par exemple, pour Athènes, à Dracon et à Solon. Mais, à partir du VIe siècle, c'est le peuple qui exerce le pouvoir législatif soit pour faire de nouvelles lois, soit pour réviser les anciennes; les projets de lois, avant d'être soumis au peuple, sont préparés par les sénats et des commissions législatives (nomographes à Sparte, Samos); à Athènes il y a d'abord la procédure compliquée de la nomothésie : au début de chaque année il y a un examen des lois, une épichéirotonie; si on propose de nouvelles lois, elles sont soumises à l'examen et au vote d'un tribunal de nomothètes choisis parmi les héliastes. En outre, les archontes thesmothètes examinent chaque année s'il y a dans les lois des dispositions contradictoires ou inutiles; s'ils jugent certaines modifications nécessaires, ils les soumettent au sénat qui remet encore la décision définitive à des nomothètes. Enfin tout citoyen peut opposer à un décret du peuple qu'il juge contraire à une loi existante la grafh paranomwn intentée devant les héliastes. Les Athéniens ont donc essayé de confier sinon l'exercice au moins le contrôle du pouvoir législatif à leurs tribunaux, mais, en fait, cette garantie s'est trouvée insuffisante parce que d'une part le corps des juges est presque identique au corps des citoyens et que d'autre part les décrets du peuple ont constamment empiété sur les lois. A Sparte, à l'époque historique, c'est le sénat et non le peuple qui a le dernier mot en matière législative. 

Passons maintenant à l'exposition des principales règles du droit civil, en laissant de côté l'organisation de la justice et des tribunaux.

Droit civil

Droit des personnes réelles. 
A. Non libres. 
L'esclavage est un des fondements de la société grecque. Il se recrute : 

1° par la naissance d'enfants d'esclaves dans la maison de maître; 2° par là vente des enfants qui est probablement permise dans beaucoup de villes jusque sous l'empire romain; Solon n'a permis à Athènes que la vente de la fille séduite; 3° par l'exposition des enfants qui appartiennent à ceux qui les recueillent; 4° par la vente des métèques et des affranchis qui ne satisfont pas à leurs obligations, et, au moins à Athènes, des étrangers qui usurpent le droit de cité; 5° par la vente des débiteurs insolvables, autorisée dans tous les pays grecs, sauf à Athènes où depuis Solon elle n'est permise qu'à l'égard du prisonnier de guerre qui, racheté, ne rembourse pas le prix de rachat ; 6° par l'application du droit de la guerre; 7° par la piraterie et le vol des hommes libres; 8° par le commerce avec les pays barbares. 
L'esclave n'a pas de personnalité civile, pas de mariage légal, peut être torturé pour fournir un témoignage; cependant la loi lui accorde, au moins à Athènes, une certaine protection; il est soumis aux tribunaux ordinaires pour ses délits et crimes, défendu contre les mauvais traitements par la grafh udrews, par le droit qu'il a en certains cas de demander à être vendu à un autre maître. Il peut amasser un pécule. Au-dessus des esclaves, il y a des colons, les serfs de la glèbe, dont l'histoire intéresse surtout le droit public; on en trouve dans beaucoup d'Etats, à Syacuse les Callicyriens, à Cyrène les Libyens; à Sparte les Hilotes, à Argos les Ornéates, à Corinthe, les Cynophiles; à Epidaure les Conipodes; à Sicyone les Corynéphores; à Héraclée du Pont, les Maryandiniens et les Bithyniens; en Thessalie les pénestes; en Crète les Mnoïtes, les Aphamiotes, les Clarotes. Ils sont généralement propriétaires, doivent des redevances fixes, ne peuvent être vendus en dehors du pays. A Gortyne, en l'absence d'héritiers, ils sont appelés à la succession du maître.

B. Etrangers.
Il faut distinguer les étrangers ordinaires qui régulièrement n'ont aucun droit, aucune garantie légale, saut dans les cas que nous verrons dans le droit international et les métèques.

C. Affranchis.
Il y a plusieurs modes d'affranchissement :

1° du vivant du maître, soit gratuitement, soit moyennant le pécule de l'esclave, par une déclaration devant témoins, dans un lieu public, tribunal, autel, temple, théâtre, ou une inscription sur un registre public, souvent moyennant une taxe; 2° par le testament du maître; 3° par offrande, et vente à une divinité (Dionysos, à Naupacte; Asclépios, à Elatée; Athéna, à Daulia; Apollon, à Delphes); le dieu sert d'intermédiaire pour le versement au maître du prix offert par l'esclave qui jouit ainsi de garanties précieuses, de la publicité donnée à l'acte, des serments échangés, de la protection du dieu devenu son patron ; 4° par l'intervention de l'Etat qui procède à des affranchissements, soit individuels, soit en masse d'esclaves, soit publics, soit privés pour récompenser ou obtenir des services militaires on augmenter le nombre des citoyens. Mais il n'y a que dans ce dernier mode d'affranchissement que l'affranchi devient citoyen; dans les autres cas il devient simplement métèque ou isotèle.
A Sparte cependant, il y a plusieurs classes intermédiaires entre l'affranchi et le citoyen; les moqwnes , issus sans doute de pères spartiates et de mères hilotes, peuvent arriver à la cité. D'autre part, le maître peut apporter à l'affranchissement toutes sortes de restrictions, imposer à l'affranchi différentes obligations, celle de rester auprès de lui pendant un certain nombre d'années ou jusqu'à sa mort, celle de ne se marier qu'avec son autorisation, de lui laisser son héritage s'il meurt sans enfants; il peut lui demander tous les services qui constituent dans le droit romain les operae. En dehors de ces conventions particulières, on sait mal quelles sont les obligations de l'afranchi envers l'ancien maître; il doit le prendre comme patron (prostaths), l'aider en cas de besoin; le patron hérite de l'affranchi et de ses enfants s'ils ne laissent pas de descendants légitimes; il a contre l'affranchi ingrat une action privée (dikh apostasiou) l'affranchi condamné redevient esclave; mais le patron, battu en justice, perd ses droits sur l'affranchi qui devient métèque libre. 

D. Citoyens. 
On est citoyen soit de naissance, soit par décret du peuple. On est citoyen de naissance à deux conditions :
1° il faut être issu d'un père et d'une mère qui possèdent le droit de cité, soit dans la même ville, soit dans deux villes qui jouissent entre elles de l'épigamie. Cette règle ne s'est établie définitivement qu'à l'époque historique et à Athènes depuis Solon; auparavant le droit était beaucoup moins rigoureux; mais toutes les villes sont devenues de plus en plus sévères à l'égard de toutes les catégories d'enfants étrangers (noqoi), comme le prouvent les nombreuses expulsions d'étrangers opérées à Athènes où on alla en 346 jusqu'à interdire absolument les mariages entre citoyen et étrangère ou entre étranger et citoyenne;

2° à Athènes et sans doute dans beaucoup d'autres villes il faut en outre que les parents aient été liés par un mariage ou un concubinat légal. 

Comme condition préalable de ces deux unions, il y a la puberté de l'homme et de la femme dont l'époque varie selon les villes; pour la femme, c'est en général douze ans; le mariage est prohibé à l'infini dans la ligué directe descendante ou ascendante, autorisé entre frères et soeurs consanguins. Les formes du mariage légal sont : l'eggunsis ou célébration des fiançailles par le tuteur légal de la fille (kurios) ou l'attribution judiciaire (epidikasia) de la fille épiclère par le magistrat (à Athènes l'archonte) au plus proche parent; l'introduction de la femme dans la phratrie du mari et généralement la constitution d'une dot par son tuteur. Il n'y a pas d'autres solennités obligatoires. Ce mariage se dissout soit par la mort, soi par la réduction en esclavage ou en captivité de l'un des conjoints, soit par le divorce. Dans le concubinat légal, c'est sans doute l'homme qui donne une dot à la femme. Les enfants issus de ces deux formes de mariage sont introduits dans la phratrie du père et par suite dans la cité. L'enfant né de toute autre union est bâtard. En fait on l'introduit souvent dans la phratrie avec la complicité des autres parents, et le père a encore la ressource de le légitimer par une adoption. Mais en droit il est exclu du culte de la famille, de la succession ab intestat, n'a droit qu'à des legs (noqeia) qui ne doivent pas dépasser une certaine somme (1000 drachmes à Athènes), est, pour les droits civils, assimilé au métèque. C'est donc à la possession du droit de cité complet qu'est attachée la jouissance de tous les droits civils. On les perd par une condamnation à l'exil perpétuel; mais l'exil temporaire et l'atimie n'enlèvent pas le droit de propriété, à moins qu'il n'y ait eu en même temps la confiscation des biens.

La famille, le genos, comprend au sens large toutes les personnes qui, nées d'une union légale, descendent d'un groupe par le mariage et les enfants adoptifs. Mais abstrac-tion faite de quelques anciennes familles aristocratiques et sacerdotales, telles que les Eupatrides à Athènes, qui gardent leur organisation primitive, leur cohésion, forment chacune une sorte de corporation avec le culte d'un héros, des sacrifices, des fêtes, des assemblées, des biens, des fonctionnaires, un arcwn, un trésorier, des epimélètes, le lien de la gentilité, à l'époque historique, est partout fort relâché. A Athènes par exemple, dès Dracon, le droit de poursuivre la vengeance d'un meurtre est réservé à quelques parents et en matière de succession la gens n'a que des droits très restreints. Le père de famille n'a qu'une autorité très faible. Il est le tuteur légal de sa femme jusqu'à sa mort, de ses filles jusqu'à leur mariage, de ses garçons jusqu'à leur majorité. Il peut les donner en adoption, leur choisir un tuteur testamentaire; à partir de leur majorité il n'a presque plus de droits sur eux, ne peut leur demander que le respect, une pension alimentaire. L'adoption ne peut être rétractée que d'un commun accord, sauf en Crète, où le père a le droit de rétractation, moyennant le paiement d'une indemnité à l'adopté. Il peut chasser son fils, même majeur, de la maison paternelle, par la procédure de l'apokeruxis, déclaration publique qui doit sans doute être autorisée par une sentence judiciaire. Cette mesure équivaut à une exhérédation. Le fils majeur doit élever un tombeau à son père. Pour toute violation des obligations dont il est tenu envers son père, il y a contre lui une action publique (kakwsis gonewn). II peut provoquer son interdiction judiciaire pour faiblesse d'esprit.

II y a trois sortes d'adoption : 

1° du vivant de l'adoptant; 2° par un testament qui laisse en même temps à l'adopté tout ou partie de l'héritage; 3° par l'introduction posthume dans la famille du défunt d'un fils adoptif à qui les proches parents reconnaissent ainsi le titre d'héritier. 
Dans le premier cas il y a soit déclaration publique, soit présentation de l'adopté à la phratrie. Ne peut adopter que celui qui peut tester, c.-à-d. un homme, majeur, et à la condition qu'il n'ait pas d'enfant mâle, ou, s'il en avait un, qu'il l'ait renié; cependant on peut adopter un fils illégitime, même quand il y a déjà des enfants légitimes. On peut adopter un garçon ou une fille, mais gêné ralement en choisissant l'adopté parmi les plus proches parents. Quand le père aune fille épiclère, il doit lut fiancer son fils adoptif, soit de son vivant, soit par testament. On peut substituer par testament un héritier, fils adoptif, au fils naturel pour le cas où il mourrait avant sa majorité. Il faut, pour adopter un enfant, la permission de son tuteur s'il est mineur, et, s'il est majeur, son propre assentiment. L'adopté sort de sa famille naturelle, conserve cependant son lien de parenté avec ses parents maternels, entre dans la famille de son père adoptif, y reste même après la sur venance d'enfants naturels, ne peut disposer lui-même de la fortune laissée par son père adoptif, ni rentrer dans sa famille naturelle que s'il laisse un enfant naturel dans sa famille adoptive.

Il y a deux sortes de tutelles, la tutelle des mineurs, garçons et filles, et la tutelle perpétuelle des femmes. Le père est le tuteur naturel des mineurs (epitropos ); à sa mort il peut y avoir trois sortes de tuteurs : les tuteurs testamentaires choisis par le père dans son testament, à sa guise, mais généralement parmi ses amis et ses proches parents; les tuteurs légitimes, les plus proches parents, et les tuteurs datifs, choisis soit par le peuple, soit par le magistrat chargé des tutelles (à Athènes, l'archonte éponyme). Il peut y avoir aussi des tuteurs honoraires. Les tuteurs, en nombre variable, sont chargés de l'éducation et de l'entretien du pupille, le représentent en justice, ont les pouvoirs les plus larges dans l'administration de sa fortune, peuvent ou la faire fructifier eux-mêmes ou la louer en bloc, moyennant une, garantie hypothécaire. L'âge de la majorité varie selon les villes; à Athènes, c'est dix-huit ans. Les actions relatives à la tutelle sont pendant la minorité les actions publiques intentées pour mauvais traitement du pupille et désobéissance à la loi pour ce qui concerne la location des biens, après la majorité l'action privée de tutelle.

Les femmes sont soumises toute leur vie à la tutelle du kurios; qui est pour les filles d'abord le père, à sa mort les frères ou les tuteurs ou les plus proches parents, pour les femmes leur mari, pour les veuves leurs plus proches parents ou leurs fils. La femme ne peut généralement pas s'obliger sans son tuteur; à Athènes, elle s'oblige librement jusqu'à concurrence de la valeur d'un médimne d'orge. Elle a presque partout, outre sa dot, ses biens propres; à l'époque historique il y a de moins en moins communauté de biens entre époux; à Gortyne, elle a la moitié des acquêts. Elle ne petit tester. Du reste il y a beaucoup de différences, selon les villes, dans la situation légale de la femme. A Sparte, par exemple, elle a beaucoup plus de droits qu'ailleurs.

Droit des personnes morales

Les Grecs ont fait l'usage le plus large de l'association. Nous trouvons toutes les formes de sociétés possibles, sociétés funéraires, commerciales, de banque, d'exploitation de mines; sociétés de publicains, d'artistes dramatiques, d'entrepreneurs; sociétés religieuses, thiases, orgéons, éranés. Elles peuvent toutes posséder, vendre, acheter, ester en justice. La liberté d'association est le droit commun; l'Etat demande seulement qu'on ne fasse rien contre ses lois et ses intérêts.

Droit des choses

On distingue en général dans la Grèce, comme à Rome, les choses communes (koina), les choses sacrées (iera), les choses publiques (dhmosia) et les choses privées (idia). On distingue encore entre les biens apparents et non apparents. Le droit de propriété est généralement complet, sauf les restrictions d'ordre politique qu'y apportent certaines villes, par exemple à Sparte et ailleurs l'interdiction de vendre le lot héréditaire, ailleurs la défense d'acquérir plus d'une certaine étendue de terre. La propriété foncière, réservée aux citoyens majeurs, n'est accessible aux étrangers que par la concession du droit appelé Egkthsis ghs kai oikis. On distingue, comme à Rome, la propriété de la possession, mais sans en tirer d'autres conséquences juridiques. Nous trouvons les droits d'usufruit et d'usage, la plupart des servitudes. Il n'y a pas de modes solennels, comme à Rome, pour l'acquisition et la transmission de la propriété; la tradition (paradosis) n'emporte pas par elle-même translation de la propriété. Il n'y a pas d'usucapion au sens romain; cependant la prescription, qui est généralement de cinq ans, peut servir d'exception contre une revendication et, partant, fonder un droit de propriété. Il y a dans beaucoup de cas (héritages, biens confisqués) adjudication par l'autorité judiciaire. Les principaux autres modes d'acquisition de la propriété sont : 

1° La succession. Sont appelés d'abord les descendants, les fils naturels ou adoptifs et à leur défaut seulement (sauf en Crète où elles ont une demi-part) les filles; la représentation a lieu à l'infini, en ligne directe, par souches, mais dans chaque branche, à égalité de degré, les fils sont préférés aux filles, les descendants par les fils à ceux par les filles. Quand le défunt n'a laissé qu'une fille, elle est épiclère ou patroïoque, c.-à-à. qu'elle ne recueille la fortune que pour la transmettre à ses enfants; en général le père la marie de son vivant ou par testament à un de ses plus proches parents; s'il n'a pas disposé d'elle, les parents sont appelés par la loi, dans l'ordre de la parenté, d'abord le neveu, puis l'oncle et les cousins germains, à se faire adjuger par le magistrat l'héritière et l'administration de la succession, mais avec la faculté de céder leur droit au second appelé. A Athènes, la femme mariée antérieurement, qui devient épiclère, peut être contrainte au divorce pour épouser le plus proche des ayants droit; dans le droit crétois, elle se délivre de toute obligation en cédant la moitié des biens. S'il y a plusieurs épiclères, elles sont réparties entre les parents. A Athènes et dans d'autres villes, les parents doivent épouser les épiclères sans fortune ou les doter. Après les descendants, la loi, sans s'arrêter aux ascendants, appelle les collatéraux, d'abord la descendance du même père avec préférence des frères et des neveux sur les sieurs et les nièces, puis la descendance de l'aïeul paternel, oncles, tantes, cousins germains jusqu'aux enfants de cousins inclusivement, puis la descendance de la mère, puis celle de l'aïeul maternel; on revient ensuite au plus proche parent du côté paternel; à défaut de parents, il y a soit attribution de l'héritage par le magistrat au citoyen qui veut continuer le culte domestique, soit dévolution à la gens, ou, comme en Crète, à la tribu. L'héritier en ligne directe a la saisine légale (Embateusis); les autres doivent demander un envoi en possession (lhxis); nul n'est tenu de rester dans l'indivision; il y a rapport; chaque héritier n'est tenu des dettes que pour sa part; l'égalité des partages est la règle, sauf quand un testament a établi la dispense du rapport au profit de l'un des successibles ou attribué à l'aîné des enfants un préciput (presbeia).
2° Les donations entre-vifs ou à cause de mort et les testaments. 
Nous avons peu de renseignements pour les donations poux lesquelles aucune forme n'est prescrite; on ne sait jusqu'à quelle somme elles peuvent s'élever quand il y a des descendants directs. Le testament, très ancien dans les pays doriens, n'a été réglementé à Athènes que par Solon; il est généralement rédigé par écrit et remis en présence de témoins à un dépositaire; peuvent seuls tester les citoyens majeurs, sauf les débiteurs de l'Etat. II y a trois formes principales de testament : dans la première, le père fixe simplement les parts de ses enfants, établit parfois une substitution pupillaire, et fait quelques legs; dans la deuxième, en l'absence d'héritiers directs, il peut épuiser tout son actif par des legs; dans la troisième, il institue et adopte en même temps un héritier choisi généralement parmi les plus proches parents et en fait son gendre, s'il y a une épiclère. On peut rattacher aux donations la dot, La constitution de dot, sans être absolument obligatoire, sauf en Crète où elle constitue un avancement d'horie, est d'un usage général. Elle est constituée par le tuteur de la fille ou de la veuve. Il  n'y a pas de chiffre légal, sauf en Crète. Elle est donnée ou promise. La propriété des biens dotaux appartient toujours à la femme qui peut les aliéner avec l'autorisation du tuteur. Le mari en a la jouissance pendant la durée du mariage et si elle est d'une somme d'argent, la garantit par une hypothèque spéciale sur ses biens. En cas de dissolution au mariage par divorcé ou mort du mari, s'il y a des enfants, la femme peut ou bien rester dans la maison du mari et alors sa dot passe à ses enfants, ou bien retourner chez son tuteur, en reprenant ses biens. Si elle meurt la première, la dot revient à celui qui l'a constituée, ou aux enfants, s'il y en a; pour la restitution de la dot il y a l'action dike proikos et pour la réclamation des fruits de la dot, à titre d'aliments, il y a la dikh sitou

3° Les obligations, soit volontaires, soit involontaires.
Les premières dérivent du seul consentement des parties, revêtent toutes formes possibles. Il n'y a pas de formalités indispensables; celles que nous trouvons servent seulement à la preuve, par exemple la rédaction d'écrits déposés entre les mains d'un tiers, qui peuvent servir de titres exécutoires, se céder et se négocier, la présence de témoins, le serment du débiteur; on exige seulement que le consentement soit libre, que la convention ait un objet licite; elle tient lieu de loi aux parties, doit être exécutée de bonne foi. Nous trouvons toutes les clauses et modalités possibles des obligations, les dommages et intérêts pour inexécution de l'engagement (ta diafora ), le terme, la demeure (uperhmeria), la solidarité passive, la clause pénale (ta Epitimia); comme modes de l'extinction des obligations, outre le paiement, la sommation de recevoir (proklhsis), la remise, la cession de biens, la novation, la délégation. Les payements se font généralement par l'intermédiaire des banquiers qui emploient surtout la délégation et la compensation. Les obligations involontaires résultent des délits et des quasi-délits. II y a pour la réparation d'un dommage quelconque, l'action, au simple quand il est involontaire, au double quand il est volontaire. On se décharge de toute responsabilité en abandonnant l'esclave ou l'animal, auteur du dommage. Comme sûretés, il y a les contrats accessoires, le cautionnement (egguh) où le créancier peut s'attaquer immédiatement à la caution, l'obligation de celle-ci ne durant généralement qu'un an; le gage (enecura) soit conventionnel, soit judiciaire; le contrat pignoratif ou vente à réméré (prasis epi lusei) qui, au fond, est un prêt, mais qui, dans la forme, comprend deux actes, une vente avec faculté de rachat et une location immédiate consentie par l'acheteur au vendeur; l'antichrèse; l'hypothèque, toujours conventionnelle, qui n'est jamais dispensée d'inscription; l'hypothèque de la femme mariée et celle du mineur ont le nom spécial d'apotimhma; il y a des secondes hypothèques. 

Les Grecs ont eu un système de publicité remarquable : à Athènes, l'affichage des contrats de ventes foncières pendant soixante jours et une sorte de transcription sur un registre pour le paiement d'un droit de mutation du centième; dans beau coup d'autres villes, un affichage du même genre, la présence de magistrats à la vente, un dépôt ou une transcription des actes sur des stèles, à Ténos un registre véritable des ventes, à Ténos et à Mykonos un registre des constitutions de dot; dans beaucoup d'endroits, la publicité des hypothèques, surtout du IVe au IIe siècle av. J.-C., au moyen d'enseignes (oroi), placées sur les champs on les édifices et portant les noms du débiteur et du créancier, l'objet de l'hypothèque, le montant de la créance. L'intérêt de l'argent est élevé, généralement un pour cent par mois; il est encore plus élevé en matière de prêt mari time. Il n'y a pas de taux légal.

Les principaux contrats sont :

1° la vente (wnh kai prasis) parfaite par le seul échange des consentements, translative de propriété, mais seulement du jour où l'acheteur a payé le prix; avec emploi d'arrhes qui sont à la fois le signe du consentement et un moyen de dédit; avec l'assistance et l'autorisation du tuteur pour les mineurs et les femmes, en faveur desquels il y a possibilité de rescision pour lésion; le vendeur fournit presque toujours des garants, en nombre variable, tantôt solidaires pour le tout, tantôt ayant chacun une responsabilité différente, et souvent interviennent à la vente quelques autres personnes pour renoncer à leurs droits; 2° le louage temporaire, bail à loyer (misqwsis), de durée variable, généralement de dix ans, avec un produit moyen pour les terres de huit à douze pour cent; 3° le bail perpétuel, emphytéose, surtout pour les biens des temples et des corporations; 4° le prêt de consommation (daneismos ); 5° la prêt à usage (Crhsis); 6° le dépôt (parakataqhkh); 7° le contrat d'entreprise ou le louage d'ouvrage (ergoladeia); 8° le mandat; 9° la transaction (apallagh). Parmi les contrats commerciaux et maritimes, signalons la société (koinwnia) pour affaires isolées ou entreprises suivies, travaux publics, banques, mines, mais toujours en participation; le louage des navires (naulon), le prêt à la grosse aventure.
Procédure
Les actions privées ou civiles, prescrites généralement au bout de cinq ans, sont soit sujettes à estimation, quand le montant de la condamnation doit être déterminé par les juges, soit non sujettes à estimation; elles sont soit pénales pour obtenir une réparation pécuniaire, soit non pénales et parmi ces dernières il y a les diadikasiai qui tendent à attribuer à une personne un droit (héritage) ou une obligation (lithurgie). Citons parmi les actions pénales les actions apostasiou (contre l'affranchi ingrat), blabhs (réparation d'un dommage), aikias et biaiwn  (contre-coups et violences), kakhgorias (pour insultes verbales), klophs (pour vol), epitrophs (comptes de tutelle), exoules (action qui correspond aux actions romaines unde vi et iudicati); parmi les actions non pénales, les actions destinées à sanctionner les droits, contrats et obligations que nous avons vus, et en outre, les actions eis emfanwn katastasin qui correspond à l'action romaine ad exhibendum, eis dathtwon  aip.airesin (action en partage) et les actions particulières relatives aux mines, au commerce et aux sociétés. 

Voici les actes principaux de la procédure athénienne : citation en justice devant témoins; réception et affichage de la plainte par le magistrat; dépôt par les deux parties des frais de justice (prutaneia), acquis à l'Etat, mais remboursés par le perdant au gagnant; instruction faite devant l'arbitre, au moyen surtout de la preuve testimoniale, des dépositions des esclaves obtenues par la torture, du serment des parties, et souvent de très longue durée, sauf pour les affaires commerciales, de mines et les actions dotales où le délai est d'un mois; comparution devant les héliastes; débat sur le fond quand il n'y a ni exception (paragrafh), ni question préjudicielle (diamarturia); paiement par le demandeur condamné au défendeur d'une indemnité appelée épobélie (le sixième de la somme réclamée); exécution du jugement abandonnée au gagnant qui emploie la saisie, et, s'il le faut, l'action iudicati qui frappe le débiteur récalcitrant d'une amende envers l'Etat, égale au montant de la condamnation principale. On peut appeler des arbitres publics aux héliastes, mais contre le jugement des héliastes, il n'y a que des voies de recours extraordinaires, L'opposition, en certains cas, à un jugement rendu par contumace, la rescision du jugement pour nullité de citation ou condamnation d'un témoin pour faux témoignage.

Droit international

II n'existe pas à l'époque primitive; l'étranger est alors un ennemi, sauf quand il est protégé par le lien spécial de l'hospitalité. Contre tout dommage il y a le droit de représailles (sula). Mais peu à peu s'est établi un état de paix régulier; la guerre ne commence alors que par une déclaration formelle; les villes se lient par des traités d'alliance offensive et défensive, s'accordent les unes aux autres pour leurs nationaux des droits plus ou moins étendus, l'épigamie, le droit d'acquérir la propriété foncière, la sécurité pour les personnes et les biens, c. -à-d. la renonciation au droit de représailles (asulia) et quelquefois même par un traité de sympolitie la jouissance complète des droits civils et politiques. Souvent elles établissent des tribunaux d'arbitrage ou choisissent une ville tierce comme arbitre. On trouve aussi de véritables traités de commerce (sumbola). Enfin une ville se choisit souvent dans une autre, un hôte, un proxène chargé de soutenir les intérêts de ses nationaux. Il y a généralement, dans les villes, un magistrat chargé de rendre la justice aux étrangers, à Athènes l'archonte polémarque.

Droit criminel

On ne connaît bien que celui d'Athènes. Il n'a pu devenir une science précise et est resté beaucoup trop dur. Les causes de cette infériorité sont les mêmes que pour le droit civil et il faut tenir compte en outre de la confusion établie entre la justice et la politique, de l'exercice direct de la justice criminelle par le peuple, du dangereux système des peines appréciables, de l'insuffisance et de l'imprévoyance du code pénal qui donnent aux juges le droit de suppléer au silence dit texte, c.-à-d. de créer des délits, de la théorie de l'intimidation comme but principal de la condamnation, de la jalousie et des soupçons d'une démocratie qui prodigue les sentences de mort, d'exil et surtout les confiscations, du sentiment exagéré qu'ont les Athéniens de la légitimité de la vengeance individuelle ou collective et par lequel ils aboutissent à assimiler la tentation de délit au délit, les complices aux auteurs, à établir la rétroactivité de certaines lois. Il faut cependant reconnaître qu'Athènes a réalisé quelques améliorations; si le citoyen n'a pas de recours contre l'Etat, il est protégé contre les autres citoyens; il n'y a plus ni torture, ni talion à l'égard des hommes libres; la loi est égale pour tous les délinquants. Les accusations publiques (grafai) peuvent être intentées par tout citoyen; les peines pécuniaires profitent en général à l'état; l'accusateur qui se désiste ou n'obtient pas le cinquième des voix encourt une amende de mille drachmes et une atimie partielle; la famille peut transiger dans là cas de meurtre involontaire. Les actions criminelles revêtent plusieurs formes, la docimasie, les demandes de redditions de comptes (euqunai), la dénonciation et la prise de corps en cas de flagrant délit (endeixis, apagwgh), la révélation (apografh), la délation, surtout pour les délits fiscaux (fasis), la dénonciation directe devant le peuple ou le sénat (eisaggelia). Les peines sont la mort, l'atimie ( = privation des droits civils et politiques), l'exil, la confiscation, les amendes. Les actions tirent leurs noms des délits. Voici les principaux : 

1° contre l'Etat et les institutions nationales, la trahison, le dommage causé au peuple ou à la démocratie par tromperie, manquement à une promesse par un attentat quelconque, l'abus commis dans l'exercice d'une ambassade (parapresdeia), la présentation d'un décret illégal (grafh paranomwn), l'émission de fausse monnaie, l'usurpation du droit de cité, les dettes à l'égard du trésor et des temples, les fraudes en matière d'impôt, les violations des lois sur les céréales, sur l'exploitation des mines, la corruption des fonctionnaires, des orateurs, des héliastes, le péculat, la concussion, la mauvaise gestion des affaires publiques, la lâcheté, la désertion en guerre; 

2° contre la religion nationale, l'impiété, la magie

3° contre les personnes, l'homicide volontaire ou involontaire ou excusable, l'empoisonnement, l'avortement, les blessures volontaires, les violences, les sévices exercés par les enfants sur leurs parents, par les tuteurs sur leurs pupilles; 

4° contre la propriété, l'incendie, le vol; 

5° contre les moeurs. (Charles Lécrivain).

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