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Histoire du droit français
Le droit féodal
Le droit féodal (généralités, sources) Le droit public Le droit privé
Le droit féodal est l'ensemble de règles relatives les unes au régime des terres, les autres à la condition des personnes, mais se rattachant toutes à une organisation particulière de la propriété foncière (Féodalité). Le droit féodal ne comprend pas seulement ce qui concerne les fiefs proprement dits ou terres nobles; les règles qui gouvernent les censives (tenures roturières) y sont aussi comprises. Du reste, les limites précises du droit féodal n'ont jamais été bien déterminées. On y fait ordinairement rentrer, mais à tort, tout le régime seigneurial. L'existence des droits seigneuriaux, ou du moins de beaucoup d'entre eux, aurait pu se comprendre même dans une société qui n'aurait pas connu le contrat d'inféodation.

Les origines du droit féodal ne peuvent pas être fixées d'une manière précise, parce qu'il s'agit d'institutions qui se sont lentement développées. Toute la période qui s'étend de la décadence de l'empire romain jusqu'à la formation de la monarchie française au Xe siècle peut être considérée comme employée à la préparation de ce régime. En revanche, en France du moins, il s'est écroulé d'une manière brusque dans la nuit du 4 août 1789, lorsque la Constituante, dans un mouvement d'enthousiasme, décréta l'abolition des privilèges. Mais le droit féodal, représenté par quelques-unes de ses principales institutions, subsiste encore dans diverses parties de l'Europe, notamment en Angleterre (îles Anglo-Normandes).

Au temps où il était en vigueur en France, le droit féodal a fait l'objet d'études nombreuses. Les jurisconsultes qui s'y sont adonnés portent le nom de feudistes. Voici les principaux : Charles Dumoulin (Molinaeus), qui a publié en 1539 un commentaire devenu rapidement célèbre sous le titre De Feudis, de l'ancienne coutume de Paris. Ce traité est une attaque directe contre la féodalité. Après la mort de Dumoulin, d'Argentré y répondit par ses Commentaires sur la coutume de Bretagne qui contiennent un véritable plaidoyer pour les institutions féodales, écrit avec verve. Après ces deux grands jouteurs vinrent les érudits qui se mirent à étudier curieusement les institutions de leur province, comme Chantereau le Febvre à Paris, Denis de Salvaing dans le Dauphiné et Pierre Hévin en Bretagne, tous trois du XVIIe siècle, et, au siècle suivant, N. Brussel, auditeur des comptes, qui donna un Nouvel Examen à l'usage des fiefs, livre précieux à consulter aujourd'hui. Puis, les simples commentateurs comme Guyot (Traité des fiefs, 1738, 7 vol. in-4), Hervé (Théorie des matières féodales et censuelles; Paris, 1785, 8 vol. in-42) et, enfin, Henrion de Panssey, le dernier des feudistes, qui laissa inachevées ses Dissertations féodales dont deux volumes seulement parurent en 1789. Pour la période des origines, signalons Hauteserre, en latin Alteserra (De origine feudorum; Toulouse, 1643) et Montesquieu (Esprit des lois). 

Presque toutes les coutumes françaises contiennent un ou plusieurs titres relatifs aux fiefs. La plupart des anciens « bons coustumiers » qui ont entrepris d'écrire sur le droit français avant la rédaction officielle des coutumes, depuis Pierre des Fontaines et Philippe de Beaumanoir jusqu'à Jacques d'Ableiges et Bouteiller, se sont occupés plus ou moins longuement des fiefs et du droit féodal. On peut signaler, parmi les monuments les plus importants du droit féodal d'origine étrangère, les Libri feudorum, compilation lombarde des XIe et XIIe siècles, les deux Miroirs de Saxe et Miroir de Souabe du XIIIe siècle et les Assises de Jérusalem qui furent en quelque sorte le code de l'Orient latin, mais qui, sous leur forme moderne, appartiennent à une époque relativement récente. 

Le droit féodal n'était pas exclusivement coutumier. Les Libri feudorum contiennent un certain nombre de constitutions impériales de Frédéric Ier, de Henri VI et de Frédéric II. En France même, il y eut des ordonnances royales ou établissements assez nombreux. Les plus connues sont l'Assise au comte Geffroy, texte breton de 1185, la convention passée en 1240 par Philippe-Auguste avec quelques-uns de ses grands vassaux, la déclaration de saint Louis pour l'Anjou et le Maine (mai 1246) et l'ordonnance de 1275 sur l'amortissement.

Sources du droit féodal

A l'époque féodale, le droit romain et du droit coutumier ont été les principales sources du droit. Il y avait aussi  comme autres sources du droit, établissant une certaine unité dans la diversité infinie des coutumes : les ordonnances royales, le droit canonique, les chartes des communes et les arrêts de règlement des parlements et des cours souveraines. 

Territorialité du droit.
Avec le régime féodal, le système de la personnalité du droit (Le droit à l'époque franque) prit fin pour faire place au système opposé de la territorialité du droit. Au lieu que chaque individu continuât à être régi par sa loi nationale, la règle s'établit que, sur chaque territoire, tous les habitants devraient se soumettre à la loi locale.

Pays coutumiers et pays de droit écrit. 
Il n'en résulta pas cependant l'unité législative de la France. Bien au contraire, la France se trouva comme coupée en deux fractions distinctes au Nord, les pays de coutumes, au Midi, les pays de droit écrit ou de droit romain. Cela s'était fait naturellement et par la force des choses. Dans le Midi, le nombre des Romains étant plus considérable que celui des Germains, le droit romain avait été le plus souvent invoqué par les plaideurs et appliqué par les juges : il avait fini par l'emporter complètement et par éliminer tout à fait le droit de la minorité. Au Nord, le résultat inverse s'était produit; le droit germanique, qui formait la loi de la majorité, s'imposa à tous sous la forme nouvelle de coutumes territoriales, avec les modifications que les usages locaux, les moeurs et les habitudes y avaient apportées.

Cette distinction apparaît en germe dans l'édit de Pistes de 864; elle est nettement établie dès le cornmencement du XIIIe siècle.

Ligne de démarcation.
La ligne de démarcation entre les deux zones est assez difficile à déterminer. Il est inexact que ce soit la Loire, comme on l'a prétendu à tort. On a dit avec plus de raison que les pays de droit écrit correspondaient aux pays de langue d'oc et les pays de droit coutumier aux pays de langue d'oïl.

Ce qu'on peut dire de plus précis, c'est que la séparation entre les deux régions était figurée par une ligne brisée allant de l'île d'Oléron pour aboutir au pays de Gex, en passant au nord de la Saintonge et du Périgord, s'abaissant en Auvergne qu'elle coupait en deux parties très inégales, pour remonter ensuite le long du Forez, et côtoyer le Lyonnais, le Mâconnais et la Bresse. Dans la région coutumière il y avait certaines enclaves de droit écrit l'Alsace et quelques villes de l'Auvergne.

Lorsqu'au XVe siècle les parlements seront installés en province, on pourra dire que les pays de droit écrit sont ceux qui se trouvent dans le ressort des parlements de Toulouse, Bordeaux, Grenoble, Aix et Pau; et les pays coutumiers ceux qui sont dans le ressort des parlements de Paris de Dijon, de Rouen, de Rennes, de Metz, de Dôle, de Douai et de Nancy.

[Cependant, dans le parlement de Paris, quatre petits territoires faisaient partie des pays de droit écrit : le Lyonnais, le Beaujolais, le Mâconnais et le Forez.]
Régime des deux zones
Il reste quelques observations importantes à faire sur le régime de nos deux zones :
1° Dans les pays de droit écrit, le droit romain était en vigueur, non comme loi promulguée, mais comme coutume. C'était la grande coutume du midi. 

C'était le droit romain de Justinien, dont les compilations avaient force obligatoire. En cas de divergence entre le Digeste, le Code et les Novelles, on donnait la préférence au recueil le plus récent, aux Novelles à l'égard du Code, au Code par rapport au Digeste.

2° Dans les pays de droit écrit, le droit romain n'était pas le seul droit appliqué. Il y avait à tenir compte des coutumes locales qui étaient assez nombreuses (800 à 1000). On peut citer comme exemples les statuts de Provence et la coutume de Bordeaux. En outre, pour les matières féodales, le droit romain étant muet, il fallait suivre les règles du droit féodal, contenues dans les libri feudorum, recueil du droit féodal lombard qui, arrêté dans son texte définitif à l'école de Bologne, formait un appendice du Corpus juris civilis.

3° Dans les pays de droit coutumier le droit romain recevait une double application :

a) Certaines matières, telles que les obligations et les contrats, étaient régies par le droit romain.

b) Lorsque sur une question la coutume était muette, d'après les uns, il fallait recourir à la coutume voisine ou à la coutume de Paris : d'après d'autres, il fallait appliquer le droit romain considéré comme ratio scripta, raison écrite.

Du droit coutumier.
L'histoire du droit coutumier se divise en deux périodes distinctes La première s'étend de ses origines jusqu'à l'ordonnance de Montil-les-Tours qui prescrit la rédaction officielle de toutes les coutumes de France (1453). La seconde commence de 1453 pour finir à la Révolution française.

Première période du droit coutumier
Coutumes non écrites. - Pendant cette première période, le droit coutumier n'est pas constaté officiellement; il y a bien, sur les coutumes les plus importantes, des écrits de praticiens, mais ce sont là des oeuvres privées, sans aucun caractère obligatoire.

Inconvénients. - Le grand vice du système législatif de cette époque consistait donc dans l'incertitude de la coutume. Le rôle du juge ne se bornait pas seulement à dégager dans chaque procès le point de fait; il fallait encore, une fois établi le point de fait, qu'il recherchât sur cette question quel était l'état de la coutume.

Moyens de constatation de la coutume. - La constatation de la coutume se faisait par différents moyens. 

1° Il y avait d'abord la connaissance personnelle du juge.

2° Lorsque la coutume était obscure ou muette, les plaideurs pouvaient recourir au duel judiciaire.

3° Le procédé le plus usuel était le témoignage recueilli dans les enquêtes par turbe. Chaque partie amenait des témoins pris parmi les praticiens de l'endroit. Ils délibéraient ensemble, puis déclaraient qu'ils tenaient ou non telle coutume pour existante. L'unanimité des voix était nécessaire pour que la turbe se prononçât dans tel sens. Au XIVe et au XVe siècle, l'usage s'établit qu'il fallait le témoignage concordant de deux turbes composées chacune de dix témoins.

Deuxième période du droit coutumier. 
La rédaction officielle des coutumes a été prescrite sous Charles VII par la fameuse ordonnance de Montil-les-Tours en 1453. Bien que cette ordonnance appartienne par sa date à notre période, comme la rédaction des coutumes n'a été opérée réellement que sous la période suivante, à partir du XVIe siècle, c'est à ce moment que nous en parlerons en détail.

Du droit romain.
Enseignement du droit romain en Italie. Ecole de Bologne.
L'enseignement du droit romain n'avait jamais disparu en Occident, ainsi que l'a démontré Savigny, dans son Histoire du droit romain au Moyen âge. Mais il prit un éclat nouveau au XIe siècle dans la célèbre école de Bologne. C'est là que les compilations de Justinien, réunies avec d'autres textes sous le nom de Corpus juris civilis, furent étudiées avec soin par des docteurs fameux. C'est de là, comme d'un foyer de lumière juridique, que des professeurs illustres partirent pour aller enseigner en France le droit romain de Justinien.

Les glossateurs. - Le véritable fondateur de l'école de Bologne est Irnérius, qui enseigna dans cette ville de 1088 à 1125. De son temps son renom de jurisconsulte était considérable, il était appelé « lucerna juris », « flambeau du droit ». Le temps n'a pas terni cette réputation. Son mérite a surtout consisté à développer l'oeuvre des jurisconsultes qui l'avaient précédé, les prébolonais, en trouvant pour l'enseignement du droit romain une méthode nouvelle.

Il est le chef d'une secte de jurisconsultes, connus, dans l'histoire, sous le nom de glossateurs. Ils procédaient par voie d'interprétation minutieuse des textes du Corpus juris civilis; ils en donnaient une explication qu'ils mettaient en marge ou entre les lignes; ces explications étaient dites gloses marginales ou gloses interlinéaires. Leur oeuvre comprenait en outre les casus et les summae. Les casus étaient les espèces, visées par les textes, que les jurisconsultes reconstituaient; les summae étaient des résumés des recueils de Justinien, titre par titre.

Le vice fondamental de cette méthode était de ne pas éclairer l'étude des textes par l'histoire et la littérature.

Parmi les principaux glossateurs nous citerons :

1° Les disciples directs d'Irnérius, ses successeurs immédiats, que l'on désigne sous le nom des quatre docteurs : Bulgarus, Martinus Gosia, Jacobus et Hugo.

2° Placentin, qui enseigna le droit romain à Montpellier, en 1182.

3° Enfin, Accurse (1182 à 1260), auteur de la grande glose, qui était le résumé du travail des jurisconsultes qui l'avaient précédé, augmenté du résultat de ses propres études. Cette oeuvre eut un immense succès, à tel point qu'on cessa de consulter le texte original pour s'en tenir à la glose qui en était le commentaire.

Les postglossateurs. - Après Accurse, l'enseignement du droit romain entre dans une voie nouvelle. Les postglossateurs se préoccupent moins de l'interprétation exégétique que de construire des théories et de dégager les principes généraux. C'est la méthode dialectique ou scolastique.

Le plus célèbre de ces jurisconsultes est Bartole (1314 à 1357). Après lui, on doit citer son principal disciple, Balde (1327 à 1406).

Enseignement du droit romain en France.
L'enseignement du droit romain rencontra en France de l'hostilité de la part du roi de France et de la part des conciles. Le roi de France craignait que l'empereur d'Allemagne, qui se posait en successeur des empereurs romains, ne réclamât un droit de suzeraineté sur le royaume de France, à raison de ce fait que le droit romain était pratiqué et étudié en France. Les conciles étaient opposés à l'étude du droit romain qui aurait pu porter préjudice à l'étude du droit canonique. Sur la prière du roi de France, le pape Honorius III interdit l'enseignement du droit romain à l'Université de Paris qui dépendait du Saint-Siège (1220). Le droit romain fut professé à Orléans, à Montpellier et à Toulouse.

Les plus célèbres professeurs de l'école française du XVIe siècle furent : Jacques de Révigny, précurseur de Bartole, Pierre de Belleperche qui devint chancelier et Johannes Faber. Ils avaient répudié la méthode exégétique des glossateurs pour s'en tenir au système dialectique ou dogmatique.

Ordonnances royales.
Le pouvoir législatif sous les Capétiens. 
Avec le régime féodal le pouvoir législatif s'était démembré comme les autres attributs de la souveraineté. Il était donc exercé par chaque seigneur dans l'étendue de sa seigneurie; le roi de France l'exerçait en qualité de seigneur haut justicier sur les domaines qui dépendaient directement de lui. Mais, de bonne heure, le roi prit l'habitude de soumettre le texte de ses ordonnances aux principaux barons du royaume, et d'obtenir d'eux leur adhésion, de façon à rendre ces ordonnances exécutoires sur l'étendue de leurs domaines, et ainsi à les faire appliquer, par un procédé indirect, mais sûr, dans tout le royaume.

Enoncé des principales ordonnances.
Parmi les ordonnances les plus importantes de cette époque nous citerons

1° L'ordonnance de Saint Louis sur le règlement des arts et métiers existant à Paris au XIIIe siècle. Cette ordonnance, préparée par Etienne Boileau, prévôt de Paris, n'était autre chose que la réunion des usages en vigueur dans chaque profession.

2° L'ordonnance de Philippe-Auguste relative au douaire coutumier (1214).

3° L'ordonnance de Montil-les-Tours rendue sous Charles VII en 1453 et prescrivant la rédaction officielle des coutumes.  En outre, cette ordonnance réglementait la composition, la compétence et la procédure des diverses juridictions.

4° L'ordonnance de Blois du mois de mars 1498, rendue à la suite d'une assemblée de notables tenue à Blois, sous Louis XII, sur la réforme de la justice et l'utilité générale du royaume.

Droit canonique.
Le droit canonique est arrivé à son apogée à l'époque étudiée ici. Les sources en sont toujours : les coutumes, les décisions des conciles et les décrétales des papes.

Chartes des villes.

Les chartes des villes offrent aussi une source juridique importante, tant au point de vue du droit administratif qu'au point de vue du droit privé.

On les classe ordinairement en trois catégories :

1° Les chartes des communes, par lesquelles les seigneurs accordent l'autonomie municipale à une ville. On en rencontre surtout dans le Nord; citons comme exemple celle de Laon, la plus ancienne (1118).

2° Les statuts municipaux, dans le Midi, véritables codes publiés aux XIIe et XIIIe siècles. Tels sont les statuts de Toulouse, d'Arles et de Montpellier.

3° Les chartes de franchises, qui accordent, non l'autonomie municipale, mais des libertés civiles. Exemple : la Charte de Lorris en Gâtinais.

Les livres de droit à l'époque féodale

Les recueils de droit pour la période féodale sont, par ordre d'importance : 1° Les coutumiers; 2° Les documents judiciaires ; 3° Les recueils de droit féodal; 4° Les ouvrages de droit romain ; 5° Les recueils de droit canonique.  Nous consacrerons un paragraphe spécial à chacun de ces monuments.

Coutumiers.
Les coutumiers sont des oeuvres privées comprenant une exposition d'ensemble des règles coutumières, et destinées à servir de guide aux praticiens et aux juges.

Les plus importants coutumiers sont par ordre de date :

Le Conseil à un ami de Pierre de Fontaines, bailli de Vermandois (1253), composé sur la demande de Saint Louis pour l'éducation de son fils. L'auteur se propose de faire connaître la coutume du Vermandois, mais son ouvrage n'est en majeure partie que la traduction du Code de Justinien dont il emprunte le plan.

Les Etablissements de Saint Louis (1270). - Cet ouvrage a été longtemps regardé comme une oeuvre officielle, une sorte de code édicté par Saint Louis. La critique  a démontré que c'était là une oeuvre purement privée d'un compilateur. Les premiers chapitres du livre premier reproduisent l'ordonnance de Saint Louis supprimant le duel judiciaire et un règlement de la Prévoté de Paris; les autres chapitres reproduisent un coutumier de l'Anjou et du Maine. Le livre II est emprunté à une ancienne coutume de l'Orléanais. Cet ouvrage contient de nombreuses références au droit romain et au droit canonique.

Le livre de Jostice et de Plet, qui appartient à la deuxième moitié du XIIIe siècle, 1260 environ. L'auteur en est inconnu; il est à présumer que c'est un recueil de notes de quelque professeur ou de quelque étudiant de l'école de droit d'Orléans. Il renferme la coutume de l'Orléanais, du droit romain et du droit canonique. Mais pour le droit romain, il prend pour guide, non le Code de Justinien, comme Pierre de Fontaines, mais le Digeste.

La Coutume de Beauvoisis par Philippe de Beaumanoir (1283). C'est Sans contredit le coutumier le plus considérable de cette époque. Il est de beaucoup supérieur aux autres parce qu'il ne se borne pas à un simple exposé des règles coutumières, il en cherche la raison et il s'attache à en dégager le principe directeur. Idées élevées, logique très serrée, style remarquable par sa concision et sa netteté, telles sont les qualités de cet ouvrage. L'auteur développe des théories très libérales et très avancées pour son époque au point de vue du respect de la liberté individuelle. Chose curieuse, cet ouvrage n'eut aucun succès au XIIIe et au XIVe siècles parce que l'auteur, bien que s'inspirant du droit romain, ne le cite ni ne le paraphrase jamais. Ce n'est que plus tard, au XVIIe et au XVIIIe siècles, que son mérite fut reconnu.

[Montesquieu en parlant de ce coutumier dit « l'admirable ouvrage de Beaumanoir »; Esprit des lois, t. XXVI, chap. XV. Au livre XXVIII, Montesquieu y renvoie presque à chaque page de ses notes].
Ajoutons que Beaumanoir avait été successivement bailli de Clermont-en-Beauvoisis, sénéchal de Poitou et de Saintonge, bailli de Vermandois, de Touraine et de Sens.
Les Coutumiers normands. Les coutumiers normands sont au nombre de deux :
a) Le très ancien coutumier de Normandie, comprenant deux parties : la première composée à la fin du XIIe siècle et la seconde dans la première moitié du XIIIe siècle.

b) Le grand coutumier de Normandie, d'un auteur inconnu, au XIIIe siècle, Oeuvre remarquable, dont le succès fut tel qu'elle fut consultée comme un recueil officiel et invoquée à ce titre devant les tribunaux.

La Somme rurale de Jean Bouteillier au XIVe siècle. Cet ouvrage ne reproduit pas le droit d'une province déterminée. Il expose, en langage rural, c'est-à-dire en langue vernaculaire ou vulgaire (par opposition au latin), l'ensemble des règles du droit romain appliquées devant les tribunaux séculiers et leurs principales différences avec les coutumes. Ce livre fut très répandu et très apprécié à son époque.

La très ancienne coutume de Bretagne, de la première moitié du XIVe siècle, d'un auteur inconnu. Cet ouvrage fut appliqué comme un texte officiel.

Le grand coutumier de France ou coutumier de Charles VI, oeuvre de plusieurs auteurs, qui reçut sa forme définitive au XIVe siècle, de Jacques d'Ableiges, bailli de Saint-Denis et d'Evreux.


Documents judiciaires.
Parmi les documents judiciaires les plus importants nous citerons :

1 ° Le Recueil des arrêts de l'échiquier de Normandie qui contient des arrêts depuis 1207.

2° Les Olim, ou recueil des arrêts du parlement de Paris de 1254 à 1318.

Les Notoriétés; on entend par là des exposés de règles coutumières considérées comme en vigueur, après les enquêtes par turbes. Il faut connaître en particulier le recueil intitulé : « Coutumes tenues toutes notoires et jugées au Châtelet de Paris » (XIVe siècle).

Recueils de droit féodal.
 Les principaux recueils de droit féodal sont :
1° Les Libri ou Consuetudines feudorua, recueil de coutumes féodales; rédigé en Lombardie par différents auteurs et à différentes époques (du XIe au XIIIe siècle). Ils avaient trouvé place dans le Corpus juris civilis à côté des compilations de Justinien.

Les Assises de Jérusalem. - C'est un recueil de jugements rendus par les tribunaux de la Palestine ou de Chypre pendant l'occupation des lieux saints par les Croisés, au XIIe et au XIIIe siècles. Il contient la jurisprudence de la Cour des barons, ou haute Cour présidée par le roi, et celle de la Cour des bourgeois ou basse Cour, pour les procès entre roturiers, présidée par le vicomte de Jérusalem.

Ouvrages de droit romain.
Textes de la compilation de Justinien. 
Les glossateurs connaissaient tous les recueils de la compilation de Justinien : le Digeste, le Code, les Novelles, les Instituts.

En ce qui concerne le Digeste, ils se servirent du manuscrit écrit au VIIe siècle par des copistes grecs et connu sous le nom de littera pisana ou lectio florentina (la légende raconte qu'il aurait été trouvé à Amalfi, en 1135, par Lothaire Il, qui le donna à la ville de Pise. De là il aurait été transporté, plus tard, en 1504; à Florence où il est encore conservé); mais ils en donnèrent une nouvelle édition appelée lectio vulgata.

Pour des raisons restées obscures, les glossateurs avaient divisé le Digeste en trois parties : le digestum vetus, du livre 1er au titre Il du livre 24; l'infortiatum, du titre II du livre 24 au livre 38; et le digestum novum, du livre 39 au livre 50.

Ouvrages d'interprétation
Comme ouvrages d'interprétation, il suffira de rappeler ceux d'Irnerius, la grande glose d'Accurse, les travaux de Bartole, et, en France, ceux de Jacques de Révigny, de Belleperche et de Jean Faber.

Recueils de droit canonique.
Nous rencontrons tout d'abord, entre 1012 et 1022, un ouvrage publié par l'évêque de Worms, Burchard, sous le titre de Liber decretorum ou Decretum.

Puis, à la fin du XIe siècle, ou au commencement du XIIe, on trouve deux recueils attribués à Yves de Chartres; l'un, intitulé Panormia sive liber decretorum, est un résumé de droit canonique; l'autre, sous le nom de Decretum, est un recueil de nombreux documents.

Enfin, à partir du Xlle siècle, commence une série de publications qui, réunies et coordonnées, formeront, par antithèse au Corpus juris civilis, le Corpus juris canonici.

Corpus juris canonici.
D'après ce qui précède, le Corpus juris canonici peut être défini comme le code de droit canonique, ayant reçu sa forme dernière à la fin du XVe siècle et composé d'une longue suite de documents publiés depuis le XIe siècle.

Ces documents sont par ordre de date :

Le Decretum Gratiani, appelé aussi Concordia discordantium canonum (1150). Il contenait non seulement des textes méthodiquement disposés, mais aussi un exposé dogmatique et critique du droit canonique. Cet ouvrage jouit d'une très grande autorité. Il fut étudié avec soin à l'école de Bologne et donna lieu de la part de ses docteurs à de nombreuses gloses comme les recueils de Justinien.

Les Décrétales de Grégoire IX (1234). C'est un recueil de décrétales rédigé par Raymond de Pennaforte sur les ordres du pape Grégoire IX. Il comprenait toutes les décrétales qui avaient été rendues depuis la publication du décret de Gratien et qu'on appelait extravagantes, parce qu'elles n'étaient pas contenues dans ce recueil, extra decretum vagantes. Les décrétales de Grégoire IX étaient divisées en cinq livres. Elles furent adressées par le pape aux universités de Paris, de Bologne et de Salamanque.

Le Liber Sextus, ainsi appelé parce qu'il était destiné à s'ajouter comme un sixième livre aux décrétales de Grégoire IX. Ce recueil, composé sur l'ordre de Boniface VIII, et publié en 1298, contient les décrétales des papes depuis 1234.

Les Clémentines, recueil de décrets des conciles et des décrétales, rédigé sur les ordres du pape Clément V, et adressé par lui, en 1313, à l'université de Paris et à celle d'Orléans.

5° Deux collections d'extravagantes : les extravagantes du pape Jean XXII (1325); et les extravagantes communes, comprenant des décrétales des papes depuis Urbain IV (1261), jusqu'au pape Sixte IV (1483). (René Foignet).

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