 |
D'une
façon générale, le nom de Corbeaux peut être
appliqué à deux genres de Passeriformes
de taille moyenne ou de dimensions assez fortes, aux ailes
allongées, à la queue droite ou légèrement
arrondie, aux pattes robustes, largement scutellées sur le tarse,
au bec plus ou moins bombé à la base,
comprimé sur les côtés et recouvert du côté
du front par des plumes roides qui cachent en partie
ou complètement les ouvertures nasales. Cela correspond aux espèces
de Corvidés du genre Corvus (les Corbeaux
proprement dits, les Corneilles, les Freux et les Choucas), et à
celles du genre Pyrrhocorax (les Choquards et les Craves)
Les Corbeaux proprement
dits ne diffèrent des Corneilles que par des caractères
de très faible importance. On peut dire seulement qu'ils sont en
général de taille plus forte que les Corneilles, qu'ils ont
le bec plus épais, les pattes
plus robustes, le plumage d'un noir plus brillant.
Les Grands Corbeaux.
Le Corbeau ordinaire
ou Grand Corbeau (Corvus corax), que l'on confond souvent avec la Corneille
noire (Corvus corone), est de taille beaucoup plus forte que cette dernière
et mesure environ 67 cm de long. Il porte ordinairement, dans le jeune
âge, un costume d'un noir mat, et à l'âge adulte une
livrée
d'un noir brillant, avec des reflets verts et pourprés, particulièrement
accusés chez le mâle; cependant quelques individus ont les
teintes foncées de leur plumage plus ou
moins fortement mélangées de roux, de gris ou de blanc, ou
deviennent de véritables albinos. Ceux-ci ont les yeux
rouges, tandis que les individus normaux ont les yeux d'un gris clair,
d'un bleu noirâtre ou d'un brun foncé suivant l'âge,
les pattes et le bec noirs.
L'aire d'habitat
de cette espèce est extrêmement vaste
et comprend l'Europe ,
une grande partie de l'Asie septentrionale et le nord de l'Amérique ;
toutefois, dans notre pays, les Grands Corbeaux sont beaucoup moins répandus
que dans d'autres contrées et ne sont sédentaires que dans
quelques localités, où ils nichent tantôt sur des arbres
élevés, tantôt sur des rochers escarpés ou des
tours en ruine. Les nids, fort grands, sont construits avec des branches
ou des brindilles et tapissés de brins d'herbe,
de lichens, de filaments d'écorce
et de laine. Ils renferment, dès le commencement
de mars, des oeufs oblongs, d'un bleu verdâtre,
irrégulièrement tachés de brun et au nombre de trois
à six par couvée. Les petits sont tellement voraces que les
parents ont assez à faire de leur apporter des insectes,
des souris, des débris de charognes et même de petits oiseaux.
Vers la fin de mai ils sont capables de prendre leur volée, mais
ils restent jusqu'en automne sous la surveillance de leurs parents.
Les Grands Corbeaux
(Corvus corax L.) sont omnivores et se nourrissent de fruits
et de graines aussi bien que de chair morte ou
de proies vivantes. Non contents de rechercher les insectes,
les vers et les limaces, ils pillent les nids
des autres Passeriformes et des Oiseaux
de mer, font la chasse aux Gélinottes, aux Perdrix et achèvent
les Lièvres blessés.
-
Grand
corbeau.
Les Corbeaux, sous
le rapport du développement des facultés intellectuelles,
peuvent disputer le premier rang aux Perroquets.
Pris jeunes, ces oiseaux s'apprivoisent aisément;
ils arrivent même à imiter les cris des animaux
domestiques et à prononcer quelques mots, mais ils ne sont pas toujours
des commensaux très agréables, en raison de leur propension
au vol et de leurs instincts carnassiers. Sur
les bords de la mer, en Islande ,
en Laponie et au Groenland
ou dans la chaîne de la sierra Nevada, en Espagne ,
les Grands Corbeaux forment des troupes nombreuses, tandis que dans les
plaines cultivées de l'Europe
centrale et occidentale ils vivent plutôt par couples ou en petites
familles dont chacune semble avoir son domaine.
Sur le sol, ces oiseaux
s'avancent ordinairement à pas lents, le torse relevé, les
ailes
un peu écartées du corps, et c'est seulement lorsqu'un danger
les menace qu'ils perdent de la dignité de leurs allures et se mettent
à sautiller gauchement. Leur vol est puissant
et bien soutenu, et souvent on les voit planer sans efforts en décrivant
de grands cercles. En traversant les airs ou lorsqu'ils se rassemblent,
ils font entendre des croassements dont le
ton varie assez pour que les anciens devins
aient cru pouvoir en tirer des pronostics. En outre les mâles, dans
la saison des amours, ont un babil plus varié que celui des Pies.
Les autres Corbeaux
qui habitent l'Inde ,
la Palestine, l'Egypte ,
les Canaries ,
l'Australie, la Tasmanie,
la Chine ,
Madagascar ,
l'Afrique
tropicale et méridionale et les îles Hawaii et qui figurent
dans les catalogues ornithologiques sous
les noms de Corvus umbrinus Sund., C. leptonyx Peale., C. coronoides Vig.
et Horsf ( = Corbeau d'Auustralie), C. culininatus Sykes, C. torquatus
Less. ( = Corbeau à collier), C. scapulatus Daud., C. havaiensis
Peale., ne diffèrent guère par leurs moeurs du Grand Corbeau
d'Europe .
Les Corneilles.
La Corneille noire
(Corvus corone L.) ne mesure que 50 ou 54 cm de long à l'âge
adulte et porte une livrée noire avec des
reflets violets, principalement sur les ailes. La
livrée est la même dans les deux sexes, mais les jeunes, avant
la première mue, n'offrent pas les reflets
brillants que l'on observe chez les adultes. Ceux-ci sont d'ailleurs sujets
à certaines anomalies de plumage. On rencontre,
par exemple, des individus qui sont d'un noir fuligineux uniforme, d'autres
qui sont d'un noir profond avec les ailes grises ou roussâtres, d'autres
qui passent au roux, au gris isabelle ou au blanc roussâtre, d'autres
enfin qui sont de vrais albinos. Cette espèce
habite l'Europe
et une partie de l'Asie, notamment le Nord-Ouest de l'Inde ,
la Sibérie
et la Chine .
Elle est sédentaire en France
et niche, en mars et en avril, dans les bois et les vergers, sur des arbres
peu élevés. Son nid se compose d'une
charpente de branches sèches, d'un lit
d'écorces, de racines
et d'herbes quelquefois cimentées avec de
l'argile et, à l'intérieur, d'une couche de laine,
de poils, de mousse et
de chiffons sur laquelle reposent les oeufs, au
nombre de cinq à six par couvée.
Ces oeufs, d'un bleu verdâtre, maculés de vert olive, de vert
foncé et de brun noirâtre, sont couvés par la femelle
seule, mais les deux parents nourrissent et soignent les petits, qu'ils
défendent avec courage en cas de danger.
-
Corneille
noire ou Corbé
(Corvus
corone).
Lorsqu'ils sont capables
de voler, les jeunes n'abandonnent pas la vie de famille, et en automne
ces petites troupes se réunissent à d'autres pour constituer
des bandes nombreuses qui s'abattent dans les champs et au milieu desquelles
on voit souvent des Corneilles mantelées (Corvus cornix). Ces oiseaux
ne picorent pas seulement des graines, comme on le croit généralement,
ils recherchent encore et surtout les insectes
et les vers; ils dévorent les restes de charognes et font aussi
la chasse aux petits rongeurs. Au printemps,
il est vrai, les Corneilles pillent parfois les nids
d'autres oiseaux; elles commettent quelques dégâts dans les
champs récemment ensemencés et ce n'est pas sans raison qu'on
les accuse de poursuivre et d'achever les Lièvres et les Perdrix
blessés.
La Corneille grise
(Corvus tristis) et sa très proche cousine la Corneille mantelée
(Corvus cornix L.) que l'on a souvent considérées comme de
simples variétés locales de la Corneille noire (Corvus corone),
se reconnaissent à leur plumage d'un gris
cendré sur le corps et d'un noir intense sur la tête,
les ailes et la queue. Elles
sont répandues principalement en Suède ,
en Norvège ,
dans certaines régions de la Russie ,
en Hongrie ,
en Turquie et dans l'Asie septentrionale; mais on la rencontre aussi en
France ,
surtout dans les départements du Nord. leurs moeurs et leur régime
sont exactement ceux de la Corneille noire, avec laquelle on les trouve
souvent associées.
Les Freux.
Les Freux (Corvus
frugilegus) se reconnaissent, au moins à l'âge adulte, à
leur face dénudée, le front, la base du bec
et la région voisine des yeux étant dégarnis de plumes.
Ils ont d'ailleurs des formes plus sveltes que les Corneilles, le bec un
peu plus allongé et leur plumage est toujours
d'un noir uniforme, à reflets bleus et pourprés. On n'en
connaît que deux espèces, le Freux ordinaire, ou Freux des
moissons (Corvus ou Trypanocorax ruglegus L.) qui se trouve dans toute
l'Europe ,
dans le centre de l'Asie et dans le nord-ouest de l'lnde, et le Freux de
la Chine
(Corvus ou Trypanocorax pastinator Gould), qui se rencontre depuis la Sibérie
jusqu'au Japon .
Ce sont des oiseaux éminemment sociables
et qui, dans les endroits où ils se sentent protégés,
forment des colonies extrêmement nombreuses. Il nichent sur les grands
arbres
et pondent tantôt des oeufs verdâtres,
fortement maculés de brun, tantôt des oeufs d'un blanc pâle
et à peine tacheté. Leur nourriture se compose de vers,
d'insectes, de graines
et de fruits. Dans certains cas ils peuvent causer
de sérieux dommages dans les champs récemment ensemencés,
mais en général ils se rendent plutôt utiles en prenant
des vers blancs et d'autres larves dans les prairies et les terres labourées.
Freux.
Les Choucas.
Les Choucas sont
représentés en Europe
par une espèce, le Chouca des tours (Corvus
monedula L., Grolle, Monedula turriumn ou Choucas gris de Daubenton). Ils
mesurent de 34 à 40 cm de long à l'âge adulte et portent
une livrée noire, glacée de vert
et de pourpre sur les parties supérieures du corps et recoupée
sur le cou par un croissant grisâtre. Cette
espèce est commune dans l'Europe occidentale pendant la belle saison
et se trouve aussi en Algérie
et en Tunisie ,
tandis qu'elle est remplacée dans l'Europe orientale et en Asie
par une variété à collier blanc (Corvus monedula var.
collaris Drum.).
-
Un
Chouca ou Corneille-de-tour
(Corvus
monedula).
En France ,
quelques Choucas séjournent pendant toute l'année, mais le
plus grand nombre émigre à l'automne et ne revient qu'au
printemps suivant. Les Choucas nichent dans les clochers ,
dans les tours en ruine, dans les crevasses des rochers ou plus rarement
sur les arbres, et pondent des oeufs
colorés de la même façon que ceux des Corbeaux ordinaires.
Ce sont des oiseaux omnivores qui dans certains
cas peuvent devenir nuisibles en pillant les champs de céréales
ou en saccageant les nids de petits oiseaux, mais qui, en temps ordinaire,
rendent de réels services à l'agriculture en faisant la chasse
aux Mulots et aux Campagnols et en ramassant les vers blancs dans les sillons
creusés par la charrue.
Les Chocards et
les Craves.
Les Chocards et
les Craves appartiennent au genre Pyrrhocorax,
très proche du genre Corvus :
Les
Chocards.
Les Choquards ou
Chocards, dont on ne connaît qu'une seule variété (Pyrrhocorax
alpinus V. ou Pyrrhocorax graculus), sont propres aux montagnes de l'Europe
centrale et méridionale et facile à distinguer des
Corvidés
ordinaires pour leur bec grêle et conformé
à peu près comme celui des Merles.
Comme beaucoup de Corvidés, ils portent
une livrée d'un noir brillant, à reflets verdâtres,
mais ils ont les pattes colorées en rouge
vermillon. On les voit parfois en hiver dans les plaines et les vallées,
mais leur séjour habituel est sur les cimes des Alpes, des Pyrénées
et des Apennins, à une altitude de 3 à 4000 m au-dessus du
niveau de la mer. Ils se nourrissent de semences, de baies,
de mollusques, d'insectes,
de petits oiseaux qu'ils surprennent et auxquels
ils fendent le crâne. Parfois même ils poursuivent les Lièvres
blessés par les chasseurs ou se repaissent de la chair des Chamois
tombés dans les précipices.
Les
Craves.
Les Craves (Pyrrhocorax
pyrrhocorax, Fregilus Cuvier ou Coracia Brisson) ressemblent aussi aux
Corbeaux ordinaires par leur plumage noir, à reflets verts et pourprés,
mais en diffèrent par leurs formes plus sveltes, par leur bec
grêle, légèrement arqué, par leurs tarses grêles
et colorés chez l'oiseau vivant en rouge
vermillon, de même que les doigts et les
mandibules.
Une variété se trouve dans les Alpes, les Pyrénées,
les montagnes de la Provence ,
de l'Espagne
et des îles Canaries, dans la chaîne de l'Oural et dans celle
du Caucase ,
en Chine
et dans les montagnes de l'Abyssinie ,
et une autre sous-espèce, fort voisine de la première (P.
p. himalayans Gould), vit dans l'Himalaya.
Dès les premiers
jours du printemps, les Craves construisent dans les crevasses des rochers
les plus inaccessibles leurs nids qui sont formés,
dit-on, de foin, de brindilles et de mousse et
qui renferment de trois à cinq oeufs d'un
blanc jaunâtre pointillés de brun. Pendant toute la saison
des amours et pendant qu'ils élèvent leurs jeunes, ces oiseaux
ne cessent de vivre en bonne harmonie avec leurs semblables et se montrent
toujours prêts à les secourir et à les défendre.
Chaque matin, en troupes nombreuses, les Craves quittent les rochers où
ils ont passé la nuit et viennent s'abattre dans les localités
où ils sont sûrs de trouver les Insectes
et les Arachnides qui constituent leur principale
nourriture et qu'ils saisissent adroitement en fouillant le sol ou en retournant
les pierres avec leur bec effilé. Doués
d'une intelligence exceptionnelle, comme la plupart des Corvidés,
ces oiseaux s'apprivoisent aisément et se montrent très attachés
à leurs maîtres. On peut même leur laisser une certaine
liberté et les habituer à revenir à un signal d'appel.
(E.Oustalet).
Crave.
|
|