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Conception

Dans les traités de psychologie et de logique classiques, le mot conception présente un sens variable et désigne une fonction de l'esprit tantôt plus, tantôt moins étroitement définie. On oppose d'abord la conception à la perception, et alors la conception embrasse toute sorte de représentations, soit abstraites, soit concrètes, mais en l'absence de l'objet : en ce premier sens la mémoire et l'imagination, aussi bien que la faculté des concepts et les opérations logiques qui s'y rapportent, relèvent de la conception. 

D'autre part on oppose la conception au jugement, et alors la conception est l'acte de penser ou se représenter une chose sans en rien affirmer ni nier. C'est, en particulier, le point de vue adopté par la Logique de Port-Royal -

"On appelle concevoir, dit la Logique de Port-Royal, la simple vue que nous avons des choses qui se présentent à notre esprit, comme lorsque nous nous représentons un Soleil, une Terre, un arbre, un rond, un carré, la pensée, l'être, sans en former aucun jugement exprès. Et la forme par laquelle nous nous représentons ces choses s'appelle idée." 
Il faut remarquer que, selon les vues de Descartes (IVe méditation), la conception prise en ce sens ne s'applique pas seulement à une idée d'objet, de qualité ou d'action, mais encore à une énonciation même, si on se borne à concevoir la relation de l'attribut et du sujet qui est exprimée dans cette proposition, sans rien affirmer touchant le vrai ou le faux de cette proposition. 

Enfin, on peut appeler du nom de conceptions les seules idées abstraites, ou généralement les idées (concepts), par opposition aux représentations sensibles et images : en ce sens on conçoit, ou, comme disaient Descartes et Bossuet, on entend l'âme, on ne l'imagine pas; on entend de même le triangle, c. -à-d. sa nature, son essence

Ainsi, la conception, c'est la faculté de former des idées, par opposition à celle de les assembler en jugements, et à celle d'assembler les jugements en raisonnements. C'est dans l'ordre logique seulement que la conception est la première des opérations de l'esprit; car nos idées ne nous sont pas données d'abord isolées les unes des autres; les premières perceptions de l'enfant, toutes confuses qu'elles puissent être, embrassent à la fois deux termes inséparables dans la réalité, le sujet et l'attribut, le lait et sa douceur, les objets avec leurs formes et leurs couleurs, et constituent ainsi de vagues jugements. Les logiciens l'appellent aussi faculté de simple appréhension, et c'est en ce sens que Reid a traité ce sujet dans ses Essais sur les facultés de l'esprit humain (Essai IV).

Reste que si les logiciens distinguent concevoir, juger et raisonner, il est certain que l'acte de concevoir ou entendre ne va pas dans l'esprit sans le fait de juger, puisque concevoir le triangle c'est se représenter et remarquer quelque chose qui appartient à sa nature et qui doit en être affirmé; la même chose n'a pas lieu quand on imagine simplement un triangle, ou quand on le perçoit. Sur la question de savoir si le général peut être conçu, si l'absolu est concevable et si l'inconcevabilité du contraire peut servir de criterium absolu du vrai.

Dans les habitudes de langage de la philosophie moderne, conception se dit plus spécialement des notions a priori formées par la raison, et est alors opposé à perception. Nous percevons les corps, leurs propriétés, notre propre existence; nous concevons la distinction fondamentale du bien et du mal, le rapport nécessaire des effets aux causes, etc.(P. Souquet / B-E).

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Dictionnaire Idées et méthodes
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