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Les communes au Moyen âge
Les habitants et l'administration
des communes
Aperçu Origine des communes Les chartes Organisation Propagation Fin des communes
On peut s'étonner que nous n'ayons rien dit encore ni de la condition des habitants dans la commune, ni de l'organisation de la municipalité; c'est qu'à notre avis ce n'était pas là, comme on l'a trop souvent répété, qu'on pouvait trouver ce qui constituait l'essence même de la commune. La condition de la personne morale, de la seigneurie collective ainsi nommée était pour ainsi dire indépendante de la condition des individus qui la composaient et des rouages de son organisation. Il y avait du reste à cet égard la plus grande variété.

Plusieurs des plus anciennes associations communales semblent bien avoir été formées par des serfs et si l'acquisition de la commune eut pour premier résultat d'améliorer leur situation, d'abolir les charges les plus odieuses du servage, la mainmorte et la taille à merci, il n'est pas sûr qu'ils aient été toujours et complètement affranchis. A Laon, à Compiègne, à Senlis, on voit persister longtemps encore après l'octroi de la charte de commune des charges serviles telles que le chevage ou la capitation et le formariage. Dans la plupart des villes la commune fut à l'origine une association, une conjuration, une confédération, consacrée par un serment mutuel ; c'est là ce qui constitua la commune jurée. La plupart des chartes montrent la persistance de ce caractère de la commune, contiennent des dispositions relatives à la solidarité des membres, et font mention de ce serment qu'ils doivent tous prêter. 

« Tous les hommes de la commune s'aideront de tout leur pouvoir. » (Senlis.) 

« Chacun des hommes de la commune gardera fidélité à son juré, viendra à son secours, lui prêtera aide et conseil. » (Abbeville.)

Mais tandis que certaines communes sont des associations ouvertes, que plusieurs pratiquent même le compelle intrare, obligent tous les habitants, nobles, ecclésiastiques, serfs mêmes, à prêter le serment de commune; d'autres, au contraire, sont étroitement fermées, requièrent de ceux qui veulent en faire partie des conditions d'âge et de fortune, excluent les nobles, les ecclésiastiques, les serfs, les malades, les bâtards et même parfois les ouvriers, si bien que dans certains cas la commune devait ne se composer que d'une minorité des habitants de la ville. Mêmes différences quant aux droits et aux devoirs des habitants. Dans certaines communes, ils sont appelés à participer au gouvernement de la ville dans de grandes assemblées populaires, nommées parlements dans les villes du Midi, y nomment leurs représentants, consentent les impôts, acclament ou repoussent les propositions qui leur sont faites; dans d'autres, au contraire, la majorité n'a aucune part à l'administration qui est au pouvoir d'une classe aristocratique souvent oppressive. C'est donc se tromper que de considérer trop souvent l'organisation communale du Moyen âge comme un régime démocratique. Dans la plupart des communes, au contraire, le régime a été essentiellement aristocratique, la classe des « gros bourgeois », composée des riches commerçants, a presque partout exercé seule le pouvoir et durement opprimé la classe des artisans qui constitua ce que l'on appela d'ordinaire « le commun».

L'administration des communes.
Les organes de l'administration des communes présentaient une grande variété. On a longtemps répété que ce qui caractérisait la commune, c'était d'avoir des magistrats périodiquement élus par les habitants. Il n'en est rien. Dans beaucoup de communes et non des moins puissantes, les magistrats furent longtemps nommés à vie par le seigneur. Parfois le corps des magistrats se recrutait lui-même par cooptation. Ces anomalies s'expliquent par ce fait que souvent les organes gouvernementaux des villes sont antérieurs à la formation des communes. On entrevoit dans plusieurs d'entre eux d'anciennes institutions transformées et adaptées. Il en est ainsi par exemple de l'échevinage, ancien tribunal local de l'époque carolingienne, dont les membres, les échevins (scabini), sont devenus dans certaines villes les magistrats municipaux, tandis que dans d'autres, à Saint-Quentin, à Laon, à Noyon, ils ont gardé un caractère seigneurial qui a fait de l'échevinage une espèce d'institution mixte à la fois féodale et communale. Dans d'autres villes les administrateurs étaient les jurés (jurati; dans le Sud-Ouest, jurats). On a voulu aussi leur faire une place dans la théorie des origines et on les a fait  dériver, un peu hypothétiquement, des anciens administrateurs des propriétés communes. Ailleurs on les nomme des pairs, et le terme implique ici une conception féodale. Il est rare que les chartes nous renseignent sur le recrutement de ces collèges de magistrats; nous entrevoyons qu'ils possédaient souvent leurs charges à vie, que presque toujours ils appartenaient aux mêmes familles (les lignages et paraiges échevinaux des villes de l'Est), que parfois ils se recrutaient par cooptation, et enfin, mais non pas à l'époque primitive, qu'ils étaient élus d'après des règles presque toujours assez compliquées. A la tête étaient la ou les maires (il y en avait deux dans certaines villes) ou mayeurs dans les communes du Nord. Ce magistrat paraît, dans plusieurs villes du moins, avoir préexisté lui aussi à l'organisation communale; il semble qu'on soit assez souvent en droit d'y reconnaître un officier seigneurial, caractère qu'il a conservé dans quelques localités, à Saint-Quentin par exemple. A Tournai le prévot (prepositus) eut le même rôle et devint le chef de la municipalité. A Autun, le vierg, ancien viguier, du duc de Bourgogne devint également à la longue un magistrat municipal.

Dans certaines communes l'organisation municipale était beaucoup plus complexe. A Rouen, par exemple, et dans les villes de l'Ouest et du Sud-Ouest où se propagèrent les Etablissements de Rouen, la commune possédait un grand conseil de cent pairs, d'où émanait un autre conseil de vingt-quatre jurés, qui se subdivisait à son tour en deux petits conseils, l'un de douze jurés, l'autre de douze conseillers. Dans les communes du midi de la France, les magistrats municipaux étaient appelés consuls ou conseillers (consiliarii); leur nombre variait de deux à six ou même davantage, parfois ils gouvernaient seuls, parfois ils étaient associés à d'autres collèges de magistrats. Ils étaient d'ordinaire élus par un parlement, c.-à-d. par une assemblée générale des habitants à laquelle ils devaient soumettre certaines de leurs décisions. A Toulouse, ces magistrats, dont la réunion formait le chapitre (capitulum), étaient nommés capitularii, d'où l'on a tiré capitouls, d'où le nom de Capitole donné à l'hôtel de ville que l'on a rapproché plus tard de prétendues traditions de l'Antiquité. En Provence, où l'organisation du consulat s'était d'abord développée, elle fut remaniée plus tard à l'imitation de celle des cités italiennes auxquelles on emprunta même au XIIIe siècle, l'institution singulière du podestat (potestas), espèce de dictateur, investi de tous les pouvoirs, mais qui devait être étranger à la commune.

Dans la plupart des villes les magistrats municipaux avaient pour auxiliaires des fonctionnaires, des officiers municipaux. Les principaux étaient : le receveur municipal nommé dans les textes « argentier », « dépensier », « trésorier », dans le Midi « clavaire », le « clerc de la commune » que nous appelons aujourd'hui secrétaire de la mairie et qui remplissait aussi les fonctions de greffier du tribunal de la commune; au-dessous d'eux se trouvaient en nombre variable d'autres « clercs » ou commis, des « sergents », huissiers et officiers de police, des guetteurs, des portiers, etc.

Dans les communes importantes on voit aussi fonctionner, à côté des magistrats municipaux, pour assurer les divers services, des espèces de commissions ou de comités composés de bourgeois ou d'anciens magistrats. Tels sont par exemple les paiseurs, espèce de juges de paix chargés de concilier les partis avant procès, les gard'orphènes, chargés de la tutelle et de l'administration des biens des orphelins; on trouve encore des commissions analogues chargées de veiller aux travaux publics, à l'entretien des fortifications et surtout de répartir les impôts. Souvent aussi les corporations avaient une part du gouvernement municipal. Dans la plupart des communes elles participaient aux élections, dans quelques autres elles arrivèrent à se faire attribuer une part effective sinon de l'administration au moins du contrôle de l'administration.(A. Giry).

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