-
-
«
Le Lapin Blanc mit ses lunettes. "S'il plaît à votre Majesté, demanda-t-il,
par où dois-je commencer?"
"Commencez
par le commencement, dit, d'un ton empreint de gravité, le Roi, et continuez
jusqu'à ce que vous arriviez à la fin; ensuite, arrêtez-vous. »
(Lewis
Carroll,
Alice
au Pays des merveilles). |
La théorie du
big
bang (ou gros boum) est la la théorie cosmologique
actuellement admise. Elle repose sur le constat de l'expansion de l'univers,
qui conduit à admettre que si l'on remonte dans le passé, n'importe quelle
distance
actuelle a dû à un certain moment être nulle (en théorie) ou du moins
beaucoup plus petite. A cette époque - c'est-à -dire il y a 13,82 milliards
d'années - l'univers connaissait de hautes densités et températures,
puisque la matière et l'énergie contenues aujourd'hui dans un volume
donné étaient alors concentrées dans un volume
beaucoup plus petit. Ainsi, une des plus belles découvertes du XXe
siècle aura été celle du lien qui existe entre les objets les plus petits
que l'on puisse étudier, les
particules élémentaires,
et l'objet le plus grand accessible à l'étude, l'univers lui-même. Ce
lien ce sont les hautes énergies-:
l'étude des interactions des particules nécessite des énergies très
élevées, et les énergies les plus élevées que nous connaissons existaient
au début de l'évolution de l'univers.
Le big bang
Ni l'expansion de l'univers, ni même le début
de cette expansion, ne sont assimilables à une explosion, malgré ce que
suggère le terme big bang. Cette onomatopée a été utilisée ironiquement
en 1949 par l'astrophysicien Fred Hoyle ,
un détracteur de la théorie de l'expansion cosmique pour la dénigrer.
Une explosion aurait été une projection fulgurante de la matière dans
l'espace, mais ici c'est de l'expansion de
l'espace lui-même dont on parle, d'une dilatation dans le temps de toutes
les distances (et partant de tous les volumes). Dilatation continuée encore
de nos jours.
Si l''instant où cette expansion a commencé
est parfois désigné comme instant du big bang, il convient de noter que
l'expression peut cette fois encore être trompeuse. Les modèles cosmologiques,
basés sur la théorie des la relativité générale d'Eisntein
et mis en oeuvre par la théorie de l'expansion, envisagent une date, t
= 0, à laquelle toutes les distances devaient être nulles et à partir
de laquelle est définie la chronologie cosmique. Mais, dès que l'on s'interroge
sur le conditions physiques qui auraient pu régner alors, on rencontre
la même impossibilité que l'orsqu'on veut, en mathématiques, faire une
division par zéro. Ce qui apparaît comme un faux problème, lorsqu'on
remarque que les phénomènes étudiés aux
très petites échelles d'espace et de temps, relèvent des principes de
la physique quantique (relations d'indétermination de Heisenberg ),
qui interdisent une définition précise de durées et de distances au
dessous d'une certaine échelle. Il s'ensuit que (dans l'état actuel des
connaissances)
que parler de l'expansion de l'univers n'a de sens qu'Ã partir d'une date
de l'ordre de t = 10-43 s, la date t =
0 n'ayant plus dès lors qu'un statut d'hypothèse,
si ce n'est de fiction.
Le Grand débat.
Dès les années
1912-1914, Vesto Slipher
(1875-1969) a constaté que les galaxies présentaient
le plus souvent un décalage vers le rouge de leur lumière. A cette époque
où l'on ne connaissait ni la nature exacte des galaxies ni leur distance,
ce décalage du spectre
des galaxies pouvait alors s'interpréter comme l'expression d'un effet
Doppler. Depuis Copernic ,
la Terre avait certes quitté le centre de l'univers, cette place revanant
plutôt au Soleil. Le Soleil était-il le centre
de notre Voie lactée et la Voie lactée le centre de l'univers. On pouvait
encore le penser, et cet éloignement systématique des galaxies
que semblait signifier cet effet Doppler pouvait même appuyer cette idée.
Dans les années suivante, la question de la place de notre Galaxie dans
l'univers et l'échelle de celui-ci a donné lieu à ce qu"on a appelé
le Grand débat, divisant les astronomes en deux camps. D'un côté,
les uns rangés derrière Harlow Shapley
(1885-1972), défendaient l'idée que la Voie lactée
était tout l'univers; les autres, rangés derrière Heber Curtis
(1872-1942), pensent que l'univers s'étend bien au-delà . Dès 1924, les
évaluations des distances des galaxies, via l'étude des céphéides
dans celle-ci, par Edwin Hubble (1889-1953)
permet de trancher en faveur des partisans de Curtis. Il devient de moins
crédible que nous soyons au centre de l'univers : le rougissement de la
lumière des galaxies va devoir trouver une autre explication. A ce moment,
nous sommes à l'aube d'une seconde révolution copernicienne, celle-ci
d'une ampleur inédite.
La loi de Hubble
Les recherches de
Hubble, travaillant en collaboration avec Milton Humason (1891-1973)
à l'observatoire du mont Wilson puis à celui du mont Palomar, ajoutées
aux données spectroscopiques recueillies antérieurement, ont permis Ã
Hubble de montrer, en 1929 que :
1° les
galaxies lointaines semblent bien s'éloigner de la Terre;
2° la vitesse
v
de récession (ou d'éloignement) est proportionnelle à la distance d
de la galaxie à la Terre. Les deux grandeurs v et d peuvent
être déterminés par les observations. La tendance des données suggère
la simple relation de proportionnalité :
v = H0 x d
H0
est appelée la constante de Hubble et vaut, selon les estimations actuelles
70 km/s/MPc ( = 70 kilomètres par seconde par mégaparsec). Le mégaparsec
(Mpc) est une unité de distance : 1 Mpc = 1 million de parsecs (pc) et
1 parsec correspond à 3,26 années-lumière.
Cette relation, appelée
loi
de Hubble, indique que les étoiles et les galaxies
éloignées s'éloignent de nous à une vitesse de 70 km/s pour chaque
mégaparsec de distance. Mais on notera que le terme de constante appliqué
à H0 est quelque peu trompeur : H, le paramètre
qu'il conviendrait d'utiliser dans la loi de Hubble est variable dans le
temps et H0 est seulement sa valeur aujourd'hui.
-
Loi
de Hubble. - Ce graphique montre la relation linéaire qui existe entre
la vitesse de récession des galaxies lointaines (déduite du décalage
vers le rouge de leur lumière), en ordonnée, et leur distance (évaluée
notamment en utilisant des "chandelles standard" telles que les céphéides
ou les supernovae), en abscisse. Une telle relation implique une expansion
de l'univers. Le taux de cette expansion est donné approximativement par
la pente H0 de la droite.
(Crédit : John Cub). |
La loi de Hubble
décrit un comportement moyen des galaxies à grande échelle. Par exemple,
une galaxie à 100 Mpc (déterminée par sa taille et sa luminosité) s'éloigne
généralement de nous à une vitesse de v = H0 x
d = 70 x 100 = 7000 km/s. Cette vitesse pouvant varier en raison des interactions
avec les galaxies voisines. Inversement, si une galaxie s'éloigne de nous
à une vitesse de 100 000 km/s en fonction de son décalage vers le rouge,
elle est à une distance : d = v / H0 = 10 000 / 70
= 143 Mpc. Ce dernier calcul est approximatif car il suppose que le taux
d'expansion était le même il y a 5 milliards d'années qu'aujourd'hui.
Les modèles du
big bang.
La
relativité générale et l'univers.
La théorie de la
gravitation (relativité générale) d'Einstein
(1879-1955), énoncée en 1915, établit la relation entre la courbure
de l'espace-temps et la présence de masses dans cet espace. Appliquée
à l'univers dans son ensemble, moyennant, un certain nombre d'hypothèses,
elle permet d'établir un certain nombre d'équations, formant ce que l'on
appelle des modèles d'univers, et permettant de définir la géométrie
globale de l'univers et son évolution.
Quand Hubble formula sa loi observationnelle
de récession des galaxies, plusieurs de ces modèles théoriques avaient
été élaborés et pouvaient fournir uneexplication
au décalage vers le rouge du spectre des galaxies. Einstein, le premier,
avait construit un modèle d'univers. Il s'agissait du modèle d'un univers
fini et illimité (analogue à trois dimensions de la surface d'une sphère),
rendu stable (d'une stabilité très précaire, en fait) par la présence
d'un paramètre 0,
appelé
la constante cosmologique, posé comme non nul dans les équations et jouant
le rôle d'une compensation de l'effet attractif de la gravitation. En
1922, cependant, Alexander Friedman et d'autres (Arthur Eddington, notamment)
montraient que la résolution des équations de la relativité générale,
en posant =
0 (
'n'a pas de valeur contrainte par les équations, comme c'est
le cas, par exemple, en mathématiques
pour une constante d'intégration) pouvaient mener à d'autres conclusions
: l'univers pouvait aussi être en expansion (l'espace se dilate indéfiniment
dans le temps) ou en contraction (une phase de contraction peut suivre
la phase de d'expansion).
Georges Lemaître (1894-1966) montra de
son côté que dans un univers en expansion, les galaxies lointaines devaient
avoir leur lumière d'autant plus décalée vers le rouge qu'elles
étaient distantes de l'observateur, et cela quelle que soit la position
de l'observateur dans l'univers (exit l'effet Doppler : le
centre d'expansion n'existe pas, et la Terre n'occupe donc pas une
position privilégiée au centre de tout). La reconnaissance
de la contribution théorique de Lemaître à cette question fait ajourd'hui
parler de la Hubble-Lemaître, plutôt que de la
loi de
Hubble tout court.
Lemaître pensait aussi qu'en remontant
dans le temps, la matière était plus concentrée dans l'espace et qu'elle
avait dû occuper, au tout début de l'expansion cosmique un très petit
espace. La physique des particules n'était pas alors suffisamment avancée
pour aller plus loin, mais cette théorie, dite de l'atome primitif, peut
être vue comme un ancêtre de la théorie actuelle du big bang.
Structure et dynamique
de l'univers.
L'expansion
cosmique.
En résumé, les
travaux théoriques et les observations astronomiques des années 1920-1930,
permettent de se faire Ce modèle donne deux informations :
• L'expansion
est constatée par tous les observateurs de l'univers, peu importe où
ils se trouvent.
• L'expansion est
celle de l'espace. Elle affecte la longueur d'onde de la lumière émise
par les galaxies éloignées qui s'en trouve étirée. Cela rend la lumière
plus rouge à l'observateur - un phénomène appelé redshift cosmologique.
Le redshift cosmologique n'est mesurable que pour les galaxies éloignées
de plus de 50 millions d'années-lumière.
-
Une
analogie parlante fait comparer l'expansion de l'univers du gonflage d'un
ballon. Des points marqués sur la surface du ballon représentent
les galaxies, et l'enveloppe du ballon représente l'espace-temps à quatre
dimensions (relativité). Lorsque le ballon est gonflé, chaque point "voit"
les autres points s'éloigner. Quant à la lumière, elle voit sa longueur
d'onde augmenter avec la dilatation de l'espace (redshift cosmologique).
Source
: Openstax. |
Le
principe cosmologique.
À grande échelle,
on pense que l'univers est à la fois isotrope et homogène. Isotrope signifie
qu'il devait avoir les mêmes propriétés dans toutes les directions;
homogène signifie que la matière et l'énergie
y étaient, dans les premiers temps, réparties partout de la même façon.
Un univers isotrope et homogène est dit lisse.
L'hypothèse d'un
univers lisse est étayée par une étude automatisée de la distribution
à grande échelle des galaxies menée dans les années 1980 et 1990. Cependant,
avant même que ces données ne soient collectées, l'hypothèse d'un univers
lisse a été utilisée par les théoriciens pour simplifier les modèles
d'expansion de l'univers. Cette hypothèse d'un univers lisse est parfois
appelée le principe cosmologique.
Les
paramètres-clés des modèles de Friedman.
Les modèles de
Friedman (ou de Friedman-Lemaître, pour rendre ici encore justice à la
contribution de ce dernier cosmologiste) sont des solutions des équations
de la relativité générale, lorsqu'on prend pour postulats :
1) le principe
cosmologique;
2) l'existence, dans
le passé, d'un instant où tout ce qui constitue l'univers actuel était
concentré dans une région de l'espace indéfiniment petite.
Selon la théorie générale
de la relativité, un moyen important de caractériser
l'état de l'univers consiste à utiliser la métrique de l'espace-temps
:

Dans cette équation,
où d désigne une variation infinitésimale de la variable qui
suit immédiatement (notation de Leibniz ),
c
est la vitesse de la lumière, a est un facteur d'échelle (une
fonction du temps) et d
est l'élément (infinitésimal) de longueur de l'espace. En coordonnées
sphériques (r, , ),
cet élément de longueur peut s'écrire :
-
où k est une constante
qui décrit la courbure de l'espace. Selon le signe de cette constante,
l'univers sera dit ouvert, fermé ou plat :
• k =
0 univers plat
• k > 0 univers
fermé, comme une sphère
• k < 0
univers ouvert, comme une hyperbole
Si l'on considère le
facteur d'échelle a, cette métrique fait également la distinction
entre les univers statiques, en expansion et en contraction :
• a =
1 univers statique
• da/dt > 0 univers
en expansion
• da/dt < 0
univers en contraction
Le facteur d'échelle
a et la courbure k sont déterminés à partir de la théorie de la relativité
générale. Si nous traitons l'univers comme un gaz de galaxies de densité
et de pression p, et supposons k = 0 (un univers plat), alors le facteur
d'échelle a est donné par :

où G est la constante
de gravitation universelle. (Pour la matière ordinaire, nous nous attendons
à ce que la quantité
+ 3p soit supérieure à zéro). Si le facteur d'échelle est positif (a
> 0), la valeur du facteur d'échelle "décélère" (d²a / dt²
< 0), et l'expansion de l'univers ralentit avec le temps.
Si le numérateur
est inférieur à zéro (d'une manière ou d'une autre, la pression de
l'univers est négative), la valeur du facteur d'échelle «-s'accélère
» et l'expansion de l'univers s'accélère avec le temps. On pense que
l'univers a connu au moins deux accélérations de ce genre au cours de
son histoire :
La première, Ã
laquelle on a donné le nom d'inflation, se serait produite au tout début
de l'expansion cosmique. Pour de nombreux chercheurs l'hypothèse d'un
tel épisode d'expansion exponentielle
est la manière la plus simple d'expliquer l'état actuel de l'univers
(notamment son homogénéité). La deuxième phase d'accélération est
celle que l'univers connaît actuellement (et depuis les tout derniers
milliards d'années).
La chronologie cosmique
Aux premiers temps de
l'expansion cosmique, toute la matière et toute l'énergie qu'il contient
aujourd'hui de façon très diluée était concentrée dans un volume beaucoup
plus petit. L'univers primordial était d'autant plus dense et d'autant
plus chaud que l'on remonte dans le passé. Autrement dit, son histoire
au fil du temps est donc à la fois celle d'une dilatation de l'espace
et d'un long refroidissement. L'évolution de ces conditions physique donne
alors la clé de la succession d'événements qui vont se produire.
Ajoutons que pour
décrire quantitativement les conditions de l'univers primordial , il convient
de se souvenir de la relation entre l'énergie thermique moyenne
de la particule (E) dans un système de particules en interaction et la
température d'équilibre (T) de ce système :
E = kB.T
où kB est la constante de Boltzmann.
Dans les conditions
de température extrême de l'univers primordial, les énergies des particules
atteignaient ainsi des valeurs inimaginables.
Les nucléons se
forment à des énergies approximativement égales à la masse au repos
d'un proton, soit 1000 MeV. La température correspondant à cette énergie
est donc :
T = 1000
MeV / 8,62.1011 MeV.K-1
= 1,2.1013 K
Des températures de
cette valeur ou plus existaient dans la première seconde de l'univers
primordial. Une analyse similaire peut être effectuée pour les atomes.
Les atomes se forment à une énergie égale à l'énergie d'ionisation
de l'hydrogène à l'état fondamental (13
eV). La température effective pour la formation d'atomes est donc :
T = 13 eV
/ 8,62.105 eV.K-1
= 1,6x 105 K
L'ère de Planck.
Lorsqu'on remonte
le fil du temps, l'univers apparaît plus dense et plus chaud. Les modèles
cosmologiques, qui reposent sur la théorie de la relativité générale
(ou théorie de la gravitation d'Einstein), permettent de
s'approcher autant que l'on veut de l'instant t = 0, qui correspont Ã
l'instant où toute longueur mesurée dans l'espace devient nulle. Un obstacle
sérieux apparaît cependant : à de très petites échelles d'espace et
de temps, (au moment, où tout l'espace qu'englobe actuellement l'univers
observable était 10-20 plus petit qu'un
noyau atomique), les lois qui s'appliquent à l'univers macroscopique -
les principes mêmes de la relativité générale - perdent leur pertinence.
C'est la théorie quantique qui régit le monde, une théorie qui
ne dit rien de ce que peut être l'univers dans sa globalité. Pour savoir
ce qui se passe à proximité de l'instant t = 0, il faudrait disposer
d'une théorie qui combine à la fois la quantique et la relativité générale,
autrement dit d'une théorie de la gravitation quantique.
Il existe actellement de nombreuses pistes permettant d'élaborer une telle
gravitation quantique, mais on manque encore d'évidence observationnelle
ou expérimentale qui permettrait de dire sur laquelle de ces pistes il
conviendrait de s'engager.
La limite au-delÃ
de laquelle une telle théorie serait nécessaire se situe vers t = 10-43
s après la date t = 0 s définie par les seuls modèles cosmologiques.
t = 10-43 s , dit temps (ou durée) de
Planck, en référence au physicien Max Planck ,
initiateur de la physique quantique, ne correspondant pas à une date précise,
mais plutôt à une échelle de temps. Il est possible de définir de la
même façon (à partir d'une analyse dimensionnelle des diverses constantes
fondamentales,
h, c, G, kB), une longueur de
dite de Planck, une température, une énergie, une masse de Planck, etc.
L'ensemble constituant l'échelle de Planck. C'est cette échelle que sont
définies à l'heure actuelle les conditions initiales de l'histoire cosmique.
La physique, dans
son état d'élaboration actuel, peut prétendre parler de ce qui se passe
après t = 10-43 s, mais elle ignore encore
ce qui se passe au cours de la période, ordinairement appelée l'ère
de Planck, qui, dans le contexte des modèles cosmologiques, s'étendrait
de t = 0 s à t =10-43 s. Pour tout dire,
il se pourrait même qu'en l'occurence la notion de période, ou d'intervalle
de temps n'ait pas de sens. Le temps, et l'espace perdent à cette échelle
leur consistance. La physique telle qu'on l'a connaît n'est pas opérante
"avant" cette limite appelée parfois mur de Planck.
A partir du mur de
Planck, on peut dire au moins trois choses :
• La gravitation
est distincte des autres interactions : les équation des modèles cosmologiques
sont applicables.
• L'univers est
en expansion.
• La température
de l'univers est d'environ T = 1032 K (température
de Planck), autrement dit l'énergie moyenne par particule est de l'ordre
de 1019 GeV.
L'ère de la grande
unification.
A partir du moment
où la gravitation s'affirme comme une interaction particulière, le contenu
de l'univers consiste en une masse de quarks et de leptons se transformant
les uns dans les autres de sorte qu'il n'y a alors aucune distinction entre
les deux familles des particules. D'autres particules, beaucoup plus massives,
ont pu aussi exister à cette époque, se formant et se détruisant librement.
L'étude de ces trois interactions unifiées est dévolue aux théories
dites de grande unification et l'on nomme ère de la grande unification
l'époque de l'histoire cosmique qui s'étend entre t = 10-43
s et t = 10-36 s environ. A cette date,
la température de l'univers est tombée à 1029
K.
On attend des théories
décrivant la grande unification des interactions (ou de toute autre théorie
pouvant s'appliquer aux tout premiers instants de l'expansion cosmique),
qu'elle puisse rendre compte de ce qui peut être observé aujourd'hui,
lorsque les énergies en jeu et les températures correspondantes descendent
à un niveau testable en laboratoire. Dans les théories de grande unification,
le passage de l'univers tel qu'il était au sortir de l'ère de Planck
à l'univers actuel se fait en plusieurs étapes, qui physiquement correspondent
à des transition de phase (changement d'état de la matière), qui dans,
dans les représentations mathématiques, s'expriment par des brisures
de symétrie. L'interaction qui régit la grande unification, par suite
du refroidissement de l'univers, est ainsi appelée à se différencier,
par ces étapes, des autres interactions à l'oeuvre dans l'univers actuel
via les diverses particules qui leur correspondent : l'interaction nucléaire
forte se distinguant d'abord de l'interaction dite électrofaible, celle-ci
laissant ensuite la place à l'interaction nucléaire faible et à l'interaction
électromagnétique.
-
Etapes
de la séparation des interactions fondamentales au cours de l'histoire
cosmique.
Les
données chiffrées sont des ordres de grandeur, qui peuvent d'ailleurs
différer selon
le
modèle cosmologique considéré. La succession de ces étapes est ponctuée
par les transitions
de
phase causées par le refroidissement de l'univers primordial.
Le
sort de l'antimatière.
Les théories de
grande unification ont aussi une autre caractéristique : elles permettent
de comprendre pourquoi l'univers actuel, et autant qu'on puisse le savoir,
est composé presque exclusivivement de matière, alors que les théories
admises pour rendre compte de la situation actuelle dans l'univers (le
modèle standard des particules) prévoit qu'il
devrait exister autant de particules que d'antiparticules, et en particulier
autant de baryons que d'antibaryons. De la même façon que la conservation
de la charge éléctrique est une loi d'airain de la physique de l'univers
actuel, la consevation du nombre baryonique apparaît comme impérative.
On a montré cependant que, dans le cadre des théories de grande unification,
lors de la première transition de phase, une première rupture de symétrie
conduisait à la formation d'un infime excès de matière (de baryons)
par rapport à la formation d'antimatière (par exemple, les désintégrations
de kaons neutres ne produisent que légèrement plus de matière que l'antimatière).
Ainsi, dans le cours ultérieur de l'expansion cosmique (vers t = 10-2
s
pour les baryons et vers quelques dizaines de secondes pour les électrons)
, alors que l'essentiel de la matière présente se sera annihilée au
contact de l'antimatière, un résidu infime de matière va survivre et
constituer toute la matière encore présente aujourd'hui.
L'épisode inflationnaire
Dans la théorie
initiale du big bang, l'interaction forte se différencie de l'interaction
électrofaible à ce moment, par un processus appelé transition de phase,
et l'univers entre directement dans l'ère dite électrofaible. Aujourd'hui,
la plupart des cosmologistes s'accordent à intercaler ici (au moment de
la transition de phase) un épisode très particulier, appelé inflation,
et pendant lequel l'espace se dilate monstrueusement (d'un facteur d'au
moins 1026) pendant un très court
laps de temps (entre t = 10-36
et t = 10-32
s environ).
L'hypothèse de l'inflation,
développée dans les années 1980 par Alan Guth, Andrei Linde, Paul
Steinhardt, et d'autres, vise à rendre compte, notamment, de l'homogénéité
à grande échelle de l'univers actuel. Les conditions qui règnent Ã
des points très distants de l'univers sont très similaires. Cela ne peut
se comprendre que si lesdits points ont pu, à un moment donné, homogénéiser
ces conditions. L'information a dû circuler entre ces points pour que
l'accord se fasse. Or, il existe une limite à la vitesse à laquelle l'information
peut circuler et si l'on considère les caractéristiques actuelles de
l'expansion, les conditions où toutes les parties de l'univers auraient
pu être assez proches pour s'homogénéiser ne se sont jamais rencontrées.
L'univers est à la fois trop grand et trop jeune pour cela. En introduisant
au tout début de l'histoire cosmique une un fulgurant épisode d'expansion,
dont effet a été éloigner démesurément des parties de l'univers liées
auparavant entre elles, on règle la question, et on répond d'ailleurs
aussi à d'autres questions auxquelles le modèle initial du big bang semblait
incapable de répondre.
Les premières théories
inflationnaires, qui ont vu le jour dès les années 1980, plaçait l'épisode
au moment de la première transition de phase connue de l'univers, le franchissement
du mur de Planck. Mais des difficultés nouvelles sont apparues qui ont
conduit à chercher les conditions nécessaires au processus dans les transitions
de phase ultérieures. La seule possédant les caractéristiques requises
est la transition entre l'ère de grande unification et l'ère électrofaible.
L'ère électrofaible.
Au sortir de l'épisode
inflatoire, vers t = 10-32 s, la température
est de l'ordre de T = 1027 K. L'interaction
forte se distingue de l'interaction électrofaible, dont sont appelées
à se différencier un peu plus tard l'interaction électromagnétique
et l'interaction nucléaire faible. La masse-énergie de l'univers est
alors dominée par les quarks et les gluons et par les photons créés
en quantité gigantesque au sortir de l'inflation. De nombreuses particules
exotiques, telles que les bosons Z°,
W±,
dont les masses sont de l'ordre de 100 GeV/c², sont également créées,
au moins jusqu'Ã t = 10-12 s. A partir
de ce moment, la température devient insuffisante pour que le processus
se poursuivent : les bosons Z et W encore présents se désintègrent,
permettant l'expression de l'interaction faible. L'univers entre dans une
nouvelle ère en connaissant une nouvelle transition de phase.
L'ère des quarks.
Les lois qui gouvernent
l'univers à partir de t = 10-12, soit
quand la température est de l'ordre de 1015
K et l'énergie de l'ordre de 150 GeV, s'expriment désormais comme dans
l'univers actuel, c'est-Ã -dire via les quatre interactions fondamentales
actuellement à l'oeuvre : l'interaction gravitationnelle qui définit
la géométrie et l'évolution globales de l'univers à partir de son contenu,
et les interactions forte, faible et électromagnétique qui agissent de
façon prédominante entre les constituants de l'univers.
A ce moment, l'univers
est essentiellement rempli de quarks interagissant entre eux par
un échange de gluons, ainsi que de leptons et de photons. La température
est encore trop élevée (et, partant, l'agitation thermique des particules
trop importante) pour que la force nucléaire forte
permette l'assemblage des quarks. Cela change quand la température descend
en dessous de 10-12 K, vers t = 10-6
ou t = 10-5 s.
L'ère hadronique.
La
transition-quarks-hadrons.
La température
de 10-12 K correspond à l'énergie (autour
de 150 MeV) de liaison des hadrons, c'est-à -dire des particules formées
de deux ou trois quarks. Les quarks libres disparaissent : ils sont
désormais confinés dans les hadrons (baryons, mésons). C'est la transition
quarks-hadrons.
Les
termes de l'équilibre.
L'univers est constitué
de leptons (muons, taus, électrons) et de hadrons (tels que les protons,
les neutrons et les mésons). La production de paires de particules
et l'annihilation des paires de particules se produisent avec la même
facilité, de sorte que les photons restent en équilibre thermique :
+ 
e- + e+ [ photon
+ photon électron
+ positon ]
+ 
p + [
photon + photon
proton + antiproton ]
+ 
n +
[ photon + photon
neutron + antineutron ]
Le nombre de protons
est maintenu approximativement égal au nombre de neutrons par les interactions
avec les neutrinos électroniques.
e
+ n e
- + p [
neutrino + neutron
électron + proton ]
e
+ p e+
+ n [ antineutrino
+ proton positon
+ neutron ]
Cela dure jusqu'Ã ce
que l'abaissement de la température rompe l'équilibre et que la proportion
des neutrons, légèrement plus massifs que les protons, diminue.
Le
découplage des neutrinos.
L'ère hadronique
se termine vers t = 1 s. La température est alors tombée à 1010
K, qui correspond à une énergie de l'ordre de 1 Mev. L'univers est peuplé
de protons et de neutrons, de neutrinos, d'électrons et de photons. Les
neutrinos cessent d'interagir avec la matière baryonique et forment le
rayonnement cosmologique de neutrinos (un rayonnement à T = 2 K qui reste
encore à détecter). Le rapport neutrons/protons s'établit vers ce moment
autour d'environ 1/6; l'espace correspondant à ce qu'est devenu aujourd'hui
l'univers observable (rayon de 13 à 14 milliards d'années-lumière)
a un rayon d'environ 10 années-lumière.
L'ère leptonique.
Entre t = 1 s et
t = 100 s, la température est divisée par dix environ; l'énergie moyenne
des particules passe ainsi de 1 MeV Ã 100 keV. Les photons sont encore
suffisamment énergétiques pour produite des paires électrons-positons.
Quand cet équilibre thermique s'achève, une population de deutons (paires
proton-neutron) commence à grandir. C'est le début de la nucléosynthèse
des éléments légers.
La nucléosynthèse
primordiale.
Depuis la formation
des nucléons, il se formait déjà des deutons ou noyaux du deutérium
(D ou 2H), mais il existait un équilibre
entre cette réaction de synthèse, et la réaction inverse correspondant
à sa photodésintégration de cet isotope-:
p + n
D + 
C'est donc seulement
vers t = 100 s environ, que le refroidissement (c'est-Ã -dire l'abaissement
de l'énergie moyenne des photons) commence à inhiber la réaction de
photodésintégration. La réaction qui correspond à la synthèse d'un
noyau de deutérium à partir d'un proton et d'un neutron devient dominante
: il se forme plus de deutérium qu'il ne s'en détruit.
On donne le nom de
nucléosyntèse
primordiale aux processus qui s'amorcent alors, c'est-dire à la formation
des noyaux atomiques. Cela ne concerne que quelques noyaux légers (deutérium,
hélium produit dans les étoiles, mais en quantité insuffisante, et en
partie lithium, béryllium et bore). La plupart des noyaux atomiques étant
synthétisés bien plus tardivement dans le coeur des étoiles ou au cours
de phénomènes tardifs liés à l'évolution stellaire, ou par les effets
de la collision de noyaux lourds présentents dans le milieu interstellaire
avec les particules de haute énergie du rayonnement cosmique (phénomène
de spallation).
La
formation du deutérium.
Le deutérium qui
commence à être produit des premières dizaines de secondes va bientôt
pouvoir se lier aux deux types de nucléons présents : s'il se lie Ã
un proton, cela produit des noyaux d'hélium-3 (3He)
:
D
+ p
3He + 
Si le deuton se lie
a un neutron, on obtient un noyau de tritium (T ou 3H)
:
D + n
T + 
Le noyau de tritium
a une demie-vie d'une douzaine d'années, mais sur les brefs intervalles
de temps envisagés ici, il peut être considéré comme stable.
Il est à noter que
les mêmes mécanismes se déroulent au coeur des étoiles. Mais dans ce
cas, la transformation du deutérium en tritium et en hélium-3 consomme
le deutérium au fur et à mesure qu'il est synthétisé, si bien qu'au
final les étoiles ne peuvent pas injecter de deutérium dans l'univers.
La situation est différente dans l'univers primordial, du fait même du
refroidissement rapide qui s'y observe : les conditions pour que les réaction
de formation du tritium et de l'hélium-3 disparaissent avant que tout
le deutérium synthétisé par la fusion des protons et des neutrons ait
été consommé. Il y a donc un résidu de deutérium qui va survivre jusqu'Ã
notre époque.
La
formation de l'hélium-4.
A ce stade plusieurs
réactions nucléaires de synthèse des notyaux d'héium-4 (4He)
sont encore possible par deux voies, selon les espèces impliquées :
Soit, donc, Ã partir
de l'hélium-3 :
3He
+ n 4He
+
3He
+ 3He
4He + 2p + 
Soit à partir du tritium
:
T + T
4He + 2n;
T+D
4He + n;
T + p
4He + 
La
formation du lithium-7 et du Bérylium-7.
La formation des
noyaux d'éléments comprenant 5 nucléons (lithium-5, hélium-5) pourrait
être attendue ici. Mais ces isotopes sont beaucoup trop instables (demie-vie
de l'ordre de 10-21 s), et l'on peut dire
la même chose pour les noyaux à 8 nucléons (le béryllium-8 a une demie-vie
de 7 .10-17 s environ). De plus, l'abaissement
de la température rend de plus en plus difficiles les réactions de nucléosynthèse.
On a cependant encore :
T
+ 4He
7Li + ;
3He
+ 3He
7Be +
7Be
+ e-
7Li + 
Au final, l'abondance
calculée de ces différents éléments se révèle bien en accord, comme,
avec les observations des abondances estimées dans l'univers actuel. C'est
un argument supplémentaire en faveur de la cosmologie du big bang.
L'univers dominé
par la matière.
L'âge
des ions.
La nucléosynthèse
primordiale se termine vers t = 1000 ans, quand l'énergie moyenne est
trop faible pour permettre le fusion de nouveaux noyaux. De même, les
photons n'ont plus suffisamment d'énergie pour continuer la production
d'électrons-positons, de sorte que les électrons et les positons s'annihilent
en photons seulement. Mais cette énergie est encore trop grande pour que
les électrons (de charge électrique négative) puissent se lier aux noyaux
(de charge électrique positive). Il n'y a donc pas encore d'atomes véritables
(c'est-à -dire neutres) dans l'univers. Le rayonnement règne encore en
maître, qui empêche leur formation. Seulement existent des ions positifs
d'éléments nouvellement formés, baignant au milieu d'électrons de positons,
de protons et de photons.
L'âge
des atomes.
Cependant, l'ère
du rayonnement, qui commandait jusque là au devenir de l'univers, touche
à sa fin. L'expansion de l'univers se poursuit, et partant son refroidissement.
Quelques dizaines de milliers d'années s'écoulent. La température de
l'univers tombe en dessous de 105 K ( =
100 000 K). La préminence relative du rayonnement est de plus en plus
incertaine, et bientôt, alors même qu'il existe encore dix mille millions
de photons pour seul proton, la matière commence à prendre la main sur
son évolution. C'est l'avènement de l'ère de la matière. Les photons
n'ont plus l'énergie suffisante pour s'opposer à la rencontre des noyaux
atomiques et des électrons. Corrélativement, on assiste à la dilution
inéluctable de la "soupe" (un plasma) de protons et d'électrons libres
qui interceptaient les photons et les empêchait de se propager sur de
longues distances. Vers la date t = 380 000 ans, c'en est fait. Les atomes
et les photons vont désormais chacun suivre son propre chemin : les atomes,
électriquement neutres, ne diffusent pas le rayonnement efficacement comme
les protons et les électrons l'avaient fait pendant qu'ils étaient séparés.
Dans tout l'espace, matière et rayonnement ont été découplés (= séparés).
Le
fond diffus cosmologique.
Les photons vont
pouvoir se propager sur de très longues distances sans jamais se
cogner à une particule de matière. Ce qui signifie que l''espace devient
transparent. Ces photons, issus de l'univers primordial, témoins intacts
de l'état de l'univers tel qu'il était environ 380 000 après le début
de l'expansion, peuvent être captés et étudiés de nos jours (soit Ã
t = 13,82 milliards d'années) : ils constituent ce qu'on appelle le rayonnement
cosmologique (de photons), fond diffus cosmologique ou rayonnement micro-onde
cosmologique (en anglais, CMB = Cosmic Microwave Background).
Ce rayonnement fossile,
dont l'existence et les caractéristiques avaient été prédites dès
1948 par George Gamow ,
a été découvert en 1965, par Arno Penzias et Robert Wilson qui testaient
des antennes de communication et qui ont détecté un bruit de fond dû
à un rayonnement dont les longueurs d'onde étaient de l'ordre du centimètre
(domaine micro-ondes du spectre électromagnétique). Le spectre
thermique observé correspondait bien à celui qui était attendu d'une
courbe du corps noir à une température T = 2,7 K. C'est ce que l'on considère,
par abus de langage, comme l'actuelle température de l'univers. Elle était
de quelques milliers de kelvins lors du découplage et le niveau atteint
aujourd'hui est la conséquence directe de la poursuite l'expansion de
l'univers pendant tout ce temps.
-
Cartographie
du fond diffus cosmologique réalisée à partir des données recueillies
par le satellite Planck. - Cette carte représente les différences de
températures, dites anisotropie (la température varie de 600 microkelvins
entre le zones bleues, plus froides, et rouges,plus chaudes), mesurées
dans toutes les direction du ciel au moment où l'univers à cessé d'être
opaque à la lumière. Ces anisotropies sont interprétées comme les indications
des fluctuations de la densité de la matière à cette époque. C'est
sur elles que jouera ultérieurement la gravitation pour conduire vers
la formation des galaxies et des grandes structures de l'univers.
(Source : © ESA / Planck Collaboration). |
Pour le reste, le
rayonnement cosmologique apparaît comme une photographie inaltérée de
l'état l'univers au moment de son émission. Les analyses montrent son
aspect global identique dans toutes les directions (il n'y a pas
de direction privilégiée dans l'univers) conformément aux modèles cosmologiques.
En revanche il existe de très faibles fluctuations spatiales dans la température
mesurée, appelées anosotropies, qui témoignent de faibles irrégularités
dans la densité de la matière lors du découplage. L'étude de ses anisotropies,
depuis les années 1990, n'a cessé de confirmer et de préciser les paramètres
des modèles cosmologiques. On y voit, après la récession des galaxies,
l'abondance des éléments légers (deutérium, hélium, lithium), la troisième
argument fort en faveur de la théorie du big bang.
Les
âges sombres.
Les anisotropies
du rayonnement cosmologique et les irrégularités dans la distribution
de matière dans l'univers primordial qu'elles traduisent apportent des
informations considérables sur les tout premiers temps de l'histoire cosmique.
Mais la distribution de la matière telles qu'elle est au moment du découplage
est aussi déterminant pour le futur de cette histoire. En effet, les atomes,
libérés de la tyrannie des photons, passent sous celle, désormais très
exclusive, de la gravitation. Peu à peu, sous l'action de la force d'attraction,
des masses de matière vont se rassembler, pour former étoiles et galaxies.
Les petites inhomogénéités de la densité de matière qui existent lors
du découplage (elles se trahissent part de très petites fluctuations
spatiale de température dans le rayonnement cosmologique) sont accentuées
par la gravitation (plus il y a de densité de masse et plus la gravitation
est forte et active).
Les grandes structures
cosmiques observable aujourd'hui commence à se former à partir de nouveaux
objets apparus à petite échelle : les étoiles, réunies en galaxies,
elles mêmes regroupées en amas et superamas. La physique à l'oeuvre
dans l'univers primordial se retrouve désormais principalement au niveau
des étoiles, au coeur desquelles les réactions de fusion nucléaire poursuivent
les processus de nucléosynthèse. On appelle parfois âges sombres, la
période de l'histoire cosmique qui s'étend entre la fin du découplage
(époque pendant laquelle l'énergie moyenne des photons correspondait
à une lumière rouge vif) et le moment où les toutes premières étoiles
ont commencé à émettre dans l'espace leurs premiers photons correspondant
à de la lumière visible. Dans l'intervalle, l'univers n'aurait paru sombre
que pour des yeux humains, le rayonnement cosmologique qui le sillonnait
et le rayonnement déjà émis par les masse de matière en contraction
appartenaient à la partie infrarouge du spectre, ou au domaine radio (émission
à 21 cm de l'hydrogène neutre).
Le
temps des étoiles et des galaxies.
Les premières étoiles
on commencé à briller quelques centaines de millions d'années après
de le début de l'expansion cosmique et peu à peu s'est dessinée l'image
de l'univers structuré qui s'offre à nous aujourd'hui. Les étoiles sont
assemblées en
amas stellaires de quelques dizaines
à quelques dizaines de milliers d'étoiles. Ces amas, les étoiles qui
en sont issues le plus souvent et qui se sont ensuite dispersées, ainsi
que d'immenses masses de matière interstellaire, qui forment le réservoir
de matière pour de futures étoiles, forment des ensembles encore plus
vastes : les galaxies, qui comptent typiquement des
centaines de milliards d'étoiles. Les galaxies-elles-mêmes ne sont sont
pas isolées dans l'espace, on les rencontrent réunies en petits groupes
ou en groupes plus importants, les amas de galaxies, qui peuvent compter
plusieurs centaines de membres. Les amas de galaxies se regroupent à leur
tour en amas d'amas (ou superamas), qui eux-mêmes forment un réseau tridimensionnel
d'imenses filaments, laissant entre eux de gigantesques espaces apparemment
vides de toute matière ( Les
grandes structures cosmiques).
Les toutes premières étoiles ne se sont
pas entourées de planètes. Il n'y avait de
disponible,au moment de leur formation, que de l'hydrogène et de l'hélium.
Mais les plus massives de ces étoiles, qui ont,
à la fois eu une évolution très rapide (quelques
millions d'années) et ont synthétisé en leur sein ou lors de leur explosion
en supernova de nombreux éléments lourds, les ont
dispersés dans l'espace. Après quelques petits milliards d'années, des
étoiles moins massives, ont aussi expulsé des éléments lords (tels
que le carbone) au moment où elles ont atteint leur stade de géante
rouge. Ainsi, chemin faisant, le
millieu interstellaire
a cessé d'être constitué de gaz d'hydrogène et d'hélium pur : il s'est
enrichi en nouveaux éléments, assemblés en molécules à l'origine d'une
chimie souvent étonnamment riche, ou condensés en poussières.
Les conditions de formation des étoiles
qui ont continué à se former à partir de cette
matière première ont changé. Les étoiles se sont formées à partir
de l'accumulation de matière à l'intérieur de sombre cocons constitués
de gaz et de poussière. La matière s'accumulant autour d'une étoile
naissante a formé un disque de plus en plus plat à l'intérieur duquel
des accumulations secondaires de matière ont commencé à grandir-:
les poussières qui le constituait au départ se sont assemblées pour
former des bloc solide plus gros, ces blocs se sont ensuite peu à peu
collé les uns aux autres, formant un objet de plus en plus massif, un
planète, qui a éventuellement conservé, par son attraction, un peu du
gaz interplanétaire qui l'entourait. Ainsi des systèmes planétaires
ont-il plus apparaître. La première planète hors du Système
solaire (planète extrasolaire ou exoplanète) a été été découverte
autour de l'étoile 51 Pegasi (Pégase) en 1995 par
Michel Mayor et Didier Queloz (qui ont reçu pour cela le prix Nobel de
physique en 2019). Un quart de siècle plus tard on connaissait plus de
4000 exoplanètes (dans plus de 3000 systèmes planétaires), et l'on estime
aujourd'hui qu'il pourrait en exister des milliards dans notre seule galaxies.
Matière sombre
et énergie sombre.
La
matière sombre.
Dès 1933, Fritz
Zwicky ,
qui avait mesuré les vitesses des galaxies dans l'amas de Coma (Chevelure
de Bérénice), observait qu'elles ne s'expliquaient qu'en admettait
une masse de matière dans cet amas supérieure à celle qu'on pouvait
déduire des observations. Un résultat passé relativement inaperçu.
Cette discordance pouvait provenir d'un manque de sensibilité des
observations. Mais dans les années 1970, Vera Rubin
a montré que la courbe de rotation des galaxies spirales
(c'est-à -dire la vitesse de révolution de leurs étoiles en fonction
de leur distance au centre des galaxies auxquelles elles appartiennent)
ne correspondaient pas à celle que l'on pouvait attendre quand on évaluait
la masse de ces galaxies et la répartition de cette masse en ne considérant
que la masse des étoiles (et de la matière interstellaire) visibles.
Un raisonnement sommaire, à partir de l'application de la troisième loi
de Képler laisse déjà penser que la courbe de rotation aurait dû
décroître avec la distance alors qu'en réalité elle reste plate. De
grandes quantités de matière, que l'on imaginait encore être de la matière
ordinaire (principalement protons et neutrons), devait échaper à l'observation.
L'énigme est devenue
dès lors plus pressante. Et, de fait, dans les années 1980, d'autres
résultats sont venus installer solidement l'idée qu'une partie de la
masse de matière contenue dans l'univers n'était pas visible. Certains
phénomènes de mirages gravitationnels en courbant (selon prévisions
de la relativité générale) le parcours de rayons lumineux qui subissent
son champ gravitationnel ne pouvait s'expliquer sans supposer une composante
sombre. De même, l'existence d'immenses concentrations de gaz intergalactique
très chaud (observable dans le domaine X du spectre éléctromagnétique)
que leur très haute température aurait dû disperser depuis longtemps
apparaissent liés, contenus, sous l'effet d'une importante force de gravitation,
qui elle aussi pointe vers la présence d'une matière échappant à l'observation
directe, et que l'on a appelé matière sombre, ou matière sombre
exotique car composée de particules différentes de celles qui constituent
la matière ordinaire.
-
Gaz
intergalactique ionisé de l'amas de galaxies Abell 2744 (constellation
du Sculpteur), visualisé en 2015 dans le domaine X (en rose) par l'observatoire
spatial Chandra. Comme c'est le cas pour beaucoup d'autres amas observés
de la même façon, l'attraction gravitationnelle imputable aux galaxies
présentes ne suffit pas à expliquer la concentration observée de gaz
très chaud. Celui-ci aurait dû se disperser depuis longtemps. Cela conduit
à 'invoquer l'attraction gravitationnelle supplémentaire attribuable
à la présence dans et entre les galaxies d'une importante quantité de
matière sombre, c'est-à -dire de matière échappant à l'observation
directe. Crédits : X-ray: NASA/CXC/Ecole Polytechnique
Federale de Lausanne/D.Harvey & NASA/CXC/Durham Univ/R.Massey; Optical
& Lensing Map: NASA, ESA, D. Harvey (Ecole Polytechnique Federale de
Lausanne) and R. Massey (Durham University, UK). |
On ne connaît toujours
pas la nature de cette matière. On sait seulement qu'il ne s'agit pas
d'atomes ou de particules atomiques (protons, électrons) qui interagissent
avec le rayonnement électromagnétique et devraient donc être détectables
d'une manière ou d'une autre. Tout au plus, les astronomes peuvent-ils
affirmer qu'il s'agit de matière "froide" (c'est-à -dire de matière dont
les particules se déplacent lentement parce que relativement massives).
Parmi les particules dont pourrait être formée la matière sombre, plusieurs
candidats - certains connus, d'autres hypothétiques - ont été invoqués,
parmi lequels le boson de higgs, par exemple, dont on sait qu'il existe,
ou d'autres particules encore spéculatives prévues par les théories
supersymétriques.
L'accélération
de l'expansion cosmique et l'énergie sombre.
Une augmentation aussi importante de la
quantité de matière et donc de la densité de l'univers, conduisait Ã
attendre, en vertu des modèles cosmologiques, à un ralentissement
de l'expansion de l'univers encore plus important que celui qui était
envisagé auparavant. Une très grande surprise attendait les astronomes.
En 1998, l'étude de supernovae de type Ia lointaines
a montré que l'expansion de l'univers, tout au contraire, s'accélérait
dans le temps. L'étude de la luminosité de ces supernovae montrait qu'elles
étaient plus éloignées que leur décalage spectral z ne le laissait
suposer. Autrement dit la dilatation du cosmos, entre l'émission de leur
lumière et nous, a été plus grande qu'attendue. Des confirmations de
ce résultat onrt été faites ensuite indépendamment à partir de l'analyse
du rayonnement cosmologique. Les astrophysiciens Saul Perlmutter, Adam
Riess et Brian Schmidt ont optenu le prix Nobel de physique pour cette
découverte en 2011.
Au début de l'expansion cosmique, le taux
d'expansion a bien diminué comme on pouvait s'y attendre du fait de l'action
de attractive de la matière et de l'énergie présentes dans l'univers.
Cependant, il y a trois ou quatre milliards d'années, "quelque chose"
a commencé à contrer l'action de la gravitation et est devenue l'acteur
dominant du devenir cosmique. L'univers a accéléré son expansion comme
sous l'effet d'une force répulsive, comme s'il entamait une une seconde
phase d'inflation. Pour établir une sorte de parallélisme entre l'énigme
de la matière sombre et celle-ci, on a donné à ce "quelque chose" engendrant
une action répulsive le nom d'énergie sombre. Cette fois encore,
même si de nombreuses et séduisantes hypothèses ont été produites,
l'on ignore pour l'instant la nature de cette énergie. Et il n'est d'ailleurs
pas encore complètement exclu que des biais observationnels puis expliquer
une apparence d'accélération.
Quoi qu'il en soit, et très curieusement,
les modèles cosmologiques élaborés à partir des concepts de la relativité
générale peuvent très bien s'accomoder de cette accélération. Ils
prévoyaient en effet, au départ, un paramètre 0,
appelé la constante cosmologique, dont la valeur n'était contrainte par
aucune observation (on ne voyait pas quel sens physique donner à ce paramètre
d'origine purement mathématique), aussi avait-on cru, pendant plusieurs
décennies, pouvoir l'évacuer des équations en lui donnant la valeur 0
= 0. Or, en lui donnant une valeur non nulle, il était possible de rendre
compte de l'accélération de l'expansion de l'univers, sans donc remettre
en cause l'édifice. La théorie du big bang était ainsi capable dès
l'origine d'absorber une découverte aussi inattendue que celle de l'énergie
sombre.
Selon les estimations
actuelles, les proportions des différentes formes de matière-énergie
(énergie et énergie de masse) de l'univers sont, en chiffres ronds, les
suivantes : l'énergie sombre compte pour 70%, la matière sombre exotique
pour 25%, et les particules ordinaires pour 5%.
-
Évolution
des estimations du contenu de l'univers depuis les années 1970. -
Ce diagramme montre les changements dans notre compréhension du contenu
de l'univers au cours des trois dernières décennies du XXe siècle. Dans
les années 1970, on soupçonnait que la majeure partie de la matière
de l'univers était invisible, mais on pensait que cette matière pouvait
être de la matière ordinaire (protons, neutrons, etc.) qui ne produisait
tout simplement pas suffisament de rayonnement électromagnétique pour
être observée avec nos instruments. Dans les années 1980, il est devenu
très vraisemblable que la majeure partie de la matière sombre était
constituée de quelque chose qui n'a jamais été détecté sur Terre.
A partir de 1998, diverses expériences ont montré que nous vivons dans
un univers à densité critique (ou extrêment proche de cette densité)
et que l'énergie sombre contribue à environ 70% de ce qui est nécessaire
pour atteindre la densité critique. Notez comment l'estimation de l'importance
relative de la matière lumineuse ordinaire (représentée couleur moutarde)
a diminué avec le temps. (Source : Openstax). |
 |
En
librairie. - Aurélien Barrau, Big
Bang et au-delà , Format Kindle et
Dunod,
2023. - James Peebles - Cosmologie moderne:
Origine, nature et évolution de l'Univers : épopée de l'infiniment grand,
Dunod, 2022. - Marc Lachièze-Rey, Initiation
à la Cosmologie,
‎Dunod, 5e édition
2020. Françoise Combes,
Le Big Bang,
QSJ,
2019; de la même, La matière
noire, clé de l'Univers?De Boeck
Sup SUP, 2015. - Edgard Gunzig,
Que
faisiez-vous avant le Big-Bang ?, Odile
Jacob, 2011. - Martin Bojowald, L'univers
en rebond : Avant le big bang, Albin
Michel , 2011. - Steven Weinberg, Les
Trois Premières Minutes de l'univers, réed.
1988, Seuil. - Hubert Reeves, Patience
dans l'azur,
Le Seuil, 1981.
J.
Peebles, Principles of Physical Cosmology,
Princeton university press, 2020. - Katherine
Freese, The Cosmic Cocktail: Three Parts
Dark Matter, Princeton
University Press, 2014. - John Barrow, The
Book of Universes – Exploring the Limits of the Cosmos,
W. W. Norton & Co, 2013. - Mario
Livio, The Accelerating Universe: Infinite
Expansion, the Cosmological Constant, and the Beauty of the Cosmos",
Wiley;
2008. - Eric Chaisson, Cosmic
Evolution: The Rise of Complexity in Nature,‎ Harvard
University Press, 2000.
|
|
|